Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE
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00:00Bonjour à tous et bienvenue à vous qui nous rejoignez pour Enquête d'Esprit sur CNews et Europe 1.
00:07Aujourd'hui dans Enquête d'Esprit, un témoignage exceptionnel.
00:10Celui d'aumôniers de la Légion étrangère, de ces soldats d'élite parmi les aumôniers militaires.
00:15Ils ont en effet une place à part au Liban, en Afrique.
00:18Ils sont sur tous les fronts et les points chauds de la planète, là où la France est engagée.
00:22Mais ils sont aussi en contact direct avec la mort, dans toute son horreur.
00:26Comment leur foi s'y confronte-t-elle et quelles leçons de vie nous donne-t-il ?
00:31On en parle aujourd'hui avec nos invités dans cette émission qui est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
00:50Et auparavant, les informations religieuses de la semaine avec vous, Éloi Rochebrune.
00:53Bonjour, d'abord on commence par les Etats-Unis où la religion a toute sa place, notamment lors de l'investiture de Donald Trump.
01:00Bonjour Aymeric, bonjour à tous.
01:02Donald Trump a donc été investi président des Etats-Unis lundi dernier.
01:06La cérémonie a laissé une large place à la dimension religieuse au sein même de la sphère publique.
01:12Le récit de Noemi Hardy.
01:15C'est l'archevêque de New York, Timothée Michael Dolan, qui a ouvert le bal des prières dans le capital de Washington.
01:22Unis dans notre foi, guidez-nous dans cette investiture, dans la prière, pour Donald J. Trump.
01:30Après le catholique, l'évangélique, le pasteur Lorenzo Soul, a lui remercié Dieu pour l'élection du 47ème président des Etats-Unis.
01:39Merci Seigneur, nous sommes libres. Nous allons vivre dans l'esprit du Seigneur. Nous vivons la liberté.
01:47En tout, lors de la cérémonie, cinq religieux, dont un rabbin, ont prié pour Donald Trump et son vice-président, J.D. Vance, de confession catholique.
01:56Il a prêté serment, la main sur une Bible, tenue par sa femme.
02:00Donald Trump a lui aussi juré de protéger l'Amérique, sans poser sa main sur les deux Bibles, portées à sa gauche par sa femme, Melania Trump.
02:09Des rites qui remontent aux origines des Etats-Unis, selon la spécialiste Blandine Chelini-Pon.
02:14C'est-à-dire que vous avez une distance qui est immédiatement perceptible, avec les limites du pouvoir temporel, si vous voulez,
02:23et le sentiment que cette nation a une place spéciale dans le cœur de Dieu.
02:34Lors de son discours, Donald Trump a présenté les grandes orientations qu'il veut donner à son pays.
02:39Le nouveau président des Etats-Unis s'est présenté en élu de Dieu.
02:43Je crois encore plus maintenant, je pense que ma vie a été sauvée pour une raison très précise.
02:48J'ai été sauvé par Dieu pour rendre à l'Amérique sa grandeur.
02:52Le pape François a adressé un message à Donald Trump le jour de son investiture,
02:57l'appelant à promouvoir la paix et à construire une société plus juste, où il n'y a pas de place pour la haine, la discrimination ou l'exclusion.
03:06La lecture de la Bible, bientôt dans les programmes de l'école primaire d'Italie.
03:10C'est une mesure phare d'une réforme majeure du système scolaire italien.
03:14Elle devrait entrer en vigueur pour l'année scolaire 2026-2027.
03:17La Bible sera abordée sous l'angle culturel, comme un outil de compréhension de valeurs et de références symboliques,
03:24selon le ministre italien de l'Éducation Giuseppe Valditara.
03:29Lundi dernier, les paroissiens de Saint-Aubin à Rennes ont découvert le saccage de leur basilique.
03:35Le statue de la Vierge a été brisé et l'enfant Jésus de la crèche décapité.
03:40Reportage de Mickaël Chaillot.
03:43Des dizaines de morceaux de plâtre rassemblés dans trois cartons.
03:47Voici ce qu'il reste de la statue de la Vierge de la basilique Saint-Aubin de Rennes.
03:52Gonzague fait partie des bénévoles qui, chaque jour, ouvrent les portes de l'église.
03:56Il en a encore les larmes aux yeux.
03:58C'est moi qui ai découvert ça le lundi 13 janvier, en ouvrant Saint-Aubin, comme tous les lundis.
04:04C'est un endroit de prière. Je ne comprends pas qu'on puisse casser quelque chose.
04:09Moi, ça me fend le cœur.
04:11Trois jours plus tard, le jeudi 16 janvier, nouvel acte de vandalisme,
04:15comme l'explique Cécile Bougma, coordinatrice de la basilique.
04:19Après la cassure de la statue de la Vierge, on avait la crèche qui était ici.
04:23Et on a retrouvé le petit Jésus, la tête du petit Jésus décapité, le bébé Jésus.
04:28La petite dizaine de paroissiens en charge des accès de l'édifice
04:32décident de fermer l'église au moins jusqu'aux vacances de février.
04:36Décision prise à contre-cœur.
04:38François, un des bénévoles, s'en explique.
04:41On ferme pendant un certain temps pour donner envie aux psychopathes d'aller voir ailleurs.
04:46Il faut surtout permettre aux gens qui veulent rentrer dans l'église de venir en toute sécurité.
04:52L'édifice est situé en plein cœur du centre historique de Rennes, sur la très festive place Saint-Anne.
04:58Une réflexion est engagée pour la mise en place d'une vidéosurveillance.
05:02En attendant, la basilique reste porte-close.
05:06Notre-Dame bat des records de fréquentation.
05:09Près d'un million de visiteurs ont visité la cathédrale de Paris
05:12depuis sa réouverture le 8 décembre dernier.
05:15Reportage de Clara Bouvier-Denau.
05:18Chaque jour, cette même scène se répète au pied de la cathédrale.
05:22Une file d'attente à perte de vue.
05:24Des milliers de personnes à vouloir visiter ou prier dans Notre-Dame après sa réouverture.
05:29Sybille Bellamy est responsable de la gestion du public de l'édifice.
05:33On est autour de 29 000 visiteurs par jour.
05:36Au plus fort, on est arrivé à quasiment 37 000 personnes dans la cathédrale.
05:42Pour encadrer la forte affluence, un système de réservation en ligne a été mis en place.
05:47Depuis la réouverture, les visiteurs peuvent réserver un créneau horaire y compris le jour même.
05:52C'est ce qu'a fait Domiti.
05:54On a réservé parce qu'on nous a conseillé ça.
05:56Ça marche très bien, les créneaux sont ouverts tous les jours.
05:59Il faut se mettre vers 7h-8h, on a des créneaux de matin à l'après-midi.
06:02C'est hyper simple.
06:04Avant l'incendie de Notre-Dame en 2019, la cathédrale accueillait environ 23 500 personnes par jour.
06:09C'est 5 500 de moins qu'aujourd'hui.
06:12Depuis la réouverture, près de 900 000 personnes ont pu visiter la cathédrale.
06:17C'est la fin de votre journal.
06:19C'est à vous pour la suite d'Enquête d'Esprit.
06:21Merci Éloi Rochebrin.
06:23Nous parlons des aumôniers militaires qui sont au service de la foi et de la France,
06:27notamment avec le père Yannick Lallement.
06:29Bonjour mon père, merci d'être parmi nous aujourd'hui.
06:32Vous avez été aumônier militaire chez les parachutistes,
06:35chez les chasseurs alpins, la Légion étrangère.
06:37Parmi les expériences qui vous ont marqué,
06:39l'attentat meurtrier du Drakkar au Liban contre la France en 1983.
06:43Et vous racontez ce parcours étonnant dans un livre,
06:47Padré, mémoire d'un aumônier militaire.
06:50C'est écrit avec Frédéric Ponce, qui est avec nous également.
06:53Bonjour Frédéric, merci d'être avec nous.
06:55Vous êtes journaliste, reporter de guerre,
06:57auteur de plusieurs ouvrages sur l'armée et la géopolitique,
07:00notamment au Proche-Orient et en Afrique,
07:02des terrains que vous connaissez bien.
07:04Et puis avec nous, le père Jean-Yves Ducournau.
07:06Bonjour mon père, merci également d'être avec nous.
07:08Vous êtes aussi aumônier militaire,
07:10et également membre de la Congrégation de la Mission,
07:12qu'on appelle les Lazaristes.
07:14Aumônier militaire de la Légion étrangère au Liban, au Kosovo, en Afghanistan,
07:17auteur de « Des armes et des âmes »,
07:19publié chez Tecky, et post-facé par le père Lallement.
07:22On est donc en famille aujourd'hui, bien sûr.
07:24Et Véronique Jacquet est avec nous. Bonjour Véronique.
07:26Bonjour Aymeric, bonjour à tous.
07:28Vous nous parlerez d'un aumônier militaire fameux,
07:30qui a été béatifié par l'Église,
07:32qui était aumônier pendant la Grande Guerre,
07:34et qui pourrait devenir saint, le père Daniel Brottier.
07:37Alors, père Eliane Lallement, j'aimerais commencer par vous,
07:39par votre témoignage.
07:41Je me permets de dire que vous avez 88 ans,
07:43mais c'est dire aussi votre parcours incroyable,
07:46que vous racontez dans ce livre.
07:48Vous avez connu beaucoup de terrains d'opérations militaires,
07:51extrêmement tendus, on va en parler.
07:53D'abord, pourquoi justement, ce livre-témoignage,
07:56qui s'appelle donc, je le rappelle,
07:58« Padré, mémoire d'un aumônier militaire ».
08:00Je commencerais par dire que j'ai mené une vie ordinaire,
08:04mais d'une manière extraordinaire.
08:07Parce que j'avais des fidèles,
08:11qui étaient des soldats,
08:13et ils ont été très, très proches de moi.
08:18Comme moi-même, j'ai toujours eu l'attention
08:23pour être proche d'eux.
08:25Et ce qui est extraordinaire,
08:27c'est que dans le monde des armées,
08:31l'aumônier a sa place partout,
08:34au plus humble du soldat qui arrive,
08:37jusqu'au grand chef, au chef de corps, au généraux.
08:42Nous sommes l'homme de tous,
08:44de toute race, de toute religion,
08:47et c'est avec ce « tous » que nous allons tisser,
08:51d'abord, des liens d'amitié.
08:54Parce qu'un grand nombre ne connaît pas
08:58ce qu'est un religieux, un prêtre.
09:01Quand il vient de Mongolie, du Népal,
09:05de ces pays assez lointains,
09:10on ne peut pas leur demander
09:12d'avoir peut-être rencontré un religieux ou un prêtre.
09:15Donc la place de l'aumônier militaire,
09:18que ce soit à la Légion étrangère
09:21ou dans les autres régiments de l'armée française,
09:24il y a toujours, d'abord, à tisser des liens d'amitié
09:29entre les soldats et l'aumônier,
09:33le représentant de Dieu,
09:35celui qui n'a pas de grade,
09:38celui qui sort de toute hiérarchie,
09:41celui qu'on peut approcher sans crainte,
09:45parce qu'il est l'homme de la vérité,
09:50l'homme de l'écoute,
09:52il est l'homme du bien, du beau,
09:56il est l'homme qui encourage,
09:58il est l'homme qui est présent en toute situation.
10:02Alors justement, on va voir...
10:04Pardon, je vous coupe,
10:05mais je voudrais quand même
10:06qu'on puisse interroger nos autres invités
10:08et on parlera notamment, effectivement,
10:10de votre rôle d'aumônier
10:11dans des situations de crise extrêmement tendues.
10:15Père Ducournau, c'est une vocation particulière,
10:18aumônier militaire, quand on est prêtre ?
10:20Oui, parce qu'on est appelé.
10:21Donc on répond à un appel
10:23et après, on se met au service de cet appel
10:26dans une église particulière
10:28qui est l'église aux armées
10:31et pour le service,
10:33comme l'a rappelé le père Yannick,
10:35avec justesse,
10:37auprès des plus petits, des plus humbles,
10:40il n'y a pas de grade,
10:42il n'y a pas de place, en quelque sorte,
10:44pour la hiérarchie,
10:46même si on respecte cette hiérarchie
10:48dans la discipline militaire.
10:50On est d'abord...
10:52Moi, je prends l'étiquette souvent du repère
10:56par rapport à certains jeunes
10:57qui sont un peu perdus dans cette société,
11:00sans repère.
11:01Eh bien, le padré, l'aumônier,
11:04avec ce qu'il est, avec ses limites,
11:07ses faiblesses aussi,
11:08devient ce repère à condition
11:10qu'il soit lui-même disponible,
11:12qu'il aille sur le terrain,
11:13qu'il soit au service,
11:15qu'il aille en première ligne.
11:17Alors justement, vous parlez de repère,
11:19on va écouter ce témoignage
11:21d'un ancien officier de la Légion,
11:24il s'appelle Emmanuel,
11:25et il évoque la mémoire du père Lallemand,
11:28justement, de son rôle
11:29en tant qu'aumônier militaire
11:30au sein de la Légion.
11:32Vous savez, chacun de ces légionnaires
11:34arrive avec son histoire personnelle
11:36et vient embrasser une histoire collective
11:38au sein d'une même famille.
11:40Et là, j'ai vraiment vu
11:42que le père Lallemand
11:43venait combler,
11:46chez ses déracinés par nature,
11:48avec le commandement,
11:50l'éloignement du père,
11:52du père de famille.
11:53Il jouait aussi ce rôle
11:54de confident, assurément.
11:56Ce pasteur discret
11:57et présent auprès des plus petits
11:59et aussi chaleureusement exigeant
12:02avec les chefs,
12:03finalement, a forgé des hommes.
12:05Il a forgé des hommes de guerre
12:07en distillant la charité.
12:09Voilà, Frédéric Pont,
12:10c'est un peu un paradoxe,
12:11forger des hommes de guerre
12:12en distillant la charité.
12:13C'est l'âme, finalement, de la Légion,
12:15comme l'a écrit la titrelle Figaro Magazine.
12:17Oui, un très beau titre,
12:18le padre est l'âme de la Légion.
12:21Il est à la fois le frère d'âme
12:24et le frère d'arme.
12:26La particularité du padre,
12:28des aumôniers militaires,
12:29c'est qu'ils portent le grade
12:30de celui à qui ils s'adressent.
12:32C'est-à-dire, quand le padre parle
12:34à un jeune engagé,
12:36il est au niveau du jeune engagé.
12:37Quand il parle à un général 5 étoiles,
12:39il porte, d'une certaine façon,
12:41le grade de général 5 étoiles.
12:43Ce qui fait qu'il peut aller partout,
12:44parler à tout le monde,
12:46et c'est ce qui est frappant
12:47quand on rencontre les padres,
12:49les aumôniers,
12:50on en a deux ici sur le plateau,
12:52c'est leur extraordinaire disponibilité.
12:55Ils sont disponibles auprès de tous les soldats,
12:58mais ce n'est pas pour être simplement présents,
13:01c'est pour être dans l'écoute,
13:02dans le conseil,
13:03dans l'attention particulière,
13:05avec l'idée, évidemment,
13:07de conforter ces jeunes,
13:09ces gens qui servent le pays,
13:11qui vont peut-être donner la mort,
13:13qui vont peut-être la risquer pour eux-mêmes.
13:15C'est de leur fournir des éléments
13:17pour comprendre ce qu'est leur métier.
13:19Ils sont formés dans le maniement des armes.
13:23Les padrés sont là pour les aider
13:25à maîtriser leur violence,
13:27à mieux comprendre la finalité
13:29de leur métier militaire
13:31au service du pays ou d'une cause.
13:33Justement, ces situations extrêmes,
13:36Père Lallement, vous les avez connues,
13:37et votre livre, c'est aussi un hommage
13:39à tous ces soldats morts
13:41que vous avez connus au cours de vos missions.
13:43Il y a notamment cet épisode du Drakkar
13:46au Liban en 1983
13:48qui vous a particulièrement marqué.
13:50Pour quelle raison ?
13:52Pour quelle raison ?
13:54Parce que vous êtes, d'abord,
13:56avec toute une jeunesse
13:58qui est tellement heureuse
14:00de venir servir un pays.
14:03Ils se donnent à plein
14:06dès leur arrivée.
14:08Et puis voilà que du jour au lendemain,
14:11tout cet esprit de service
14:14de redresser un pays,
14:16de lui redonner sa joie de vivre
14:19et de travailler
14:21entre des religions différentes.
14:23Et voilà que tout s'écroule
14:26par un ennemi qu'on ne connaît pas,
14:29qui est invisible.
14:31Je rappelle que c'est un attentat
14:33qui a été commis contre un immeuble
14:35où se trouvaient 58 militaires français.
14:38Ils se trouvaient une compagnie
14:40presque complète.
14:42Heureusement, il y avait un élément important
14:44qui était de garde à l'état-major.
14:47Heureusement, il y en avait trois
14:49d'entre eux, parachutistes,
14:51qui étaient partis acheter
14:53les croissants du dimanche.
14:55Mais le reste était là, bien sûr.
14:59Et c'était un dimanche,
15:03donc on relâche un peu l'attention
15:07parce que c'est la matinée,
15:10parce qu'on me voit bien,
15:12parce que tout est calme jusqu'à maintenant.
15:15Et puis il y a eu cette détonation,
15:20double détonation, explosion,
15:23d'abord près de l'aéroport.
15:26Et nous avons appris très rapidement
15:29que c'était un poste américain
15:32qui venait de perdre 241 marines
15:36et je ne sais combien de blessés.
15:39Et la deuxième explosion,
15:42c'était celle qui a touché le poste Dracar,
15:46où il y a eu donc les 58 tués
15:49et la trentaine de blessés.
15:54Parce que nous, les aumôniers,
15:56nous ne sommes pas toujours fixés
15:59sur un régiment.
16:02Nous avons souvent plusieurs régiments.
16:05Là, ce n'était pas des légionnaires,
16:07c'était des parachutistes
16:09du groupement aéroporté d'Albi.
16:11Alors, Véronique Jacquet et Frédéric Ponce.
16:14Oui, c'était le 23 octobre 1983,
16:16cette tragédie du Dracar à Beyrouth, au Liban.
16:19Vous dites que c'est votre croix.
16:21Vous la portez encore comme une croix. Pourquoi ?
16:24Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas effacer
16:27tous ces jeunes parachutistes
16:30que j'avais connus à leur arrivée.
16:33Et quelques jours après,
16:35nous étions ensemble dans l'avion
16:39où je les ai accompagnés
16:41dans leur premier saut
16:43quand ils se faisaient breveter.
16:45Car l'aumônier doit toujours avoir ce regard
16:48où je peux rencontrer le mieux possible,
16:52au moment les plus délicat,
16:55de la vie de ces jeunes soldats.
16:58Et l'avion, pour moi,
17:00que ce soit à la Légion
17:02ou dans l'armée française à Pau,
17:04l'avion a été un lieu privilégié
17:08pour être avec ces jeunes
17:10qui recevaient leur brevet parachutiste
17:14et puis ensuite de partager leur joie.
17:17Parce que ces jeunes se découvraient
17:20capables de belles choses.
17:22Ils se dépassaient,
17:24ils s'étaient dépassés
17:26et ensemble ils se réjouissent
17:29parce qu'ils commençaient
17:31une nouvelle vie d'effort.
17:34Frédéric Ponce.
17:36Ce que ne dit pas le Padré Yannick,
17:39c'est qu'il les connaissait tous ces jeunes.
17:42C'était ses enfants.
17:44Il en avait baptisé beaucoup,
17:46il en avait marié.
17:48Quelques jours avant l'attentat,
17:50il était allé passer plusieurs heures
17:52et deux ou trois jours
17:54à l'intérieur de ce poste
17:56pour les voir, être auprès d'eux.
17:58Et le Padré les avait encouragés
18:00à s'engager pour aller au service des Libanais,
18:03au service de la paix et de la sécurité au Liban.
18:06Et donc pourquoi une croix,
18:08une tragédie personnelle pour le Padré,
18:11en plus du drame pour l'armée française,
18:14c'est que dans ces homélies
18:16qui sont très émouvantes
18:18et qu'on cite dans le livre,
18:21il revient sur tout ça.
18:23La connaissance intime qu'il avait de ces jeunes,
18:2658 morts, une quinzaine de blessés,
18:29ses encouragements à aller là-bas
18:31et son impuissance, l'impuissance du Padré
18:34quand il est sur les décombres
18:36avec une petite pelle beige
18:38pour enlever les débris de béton.
18:40Il va y passer des jours et des jours.
18:43Il sera couvert de poussière.
18:45Ses larmes se mêleront à la poussière.
18:47Ce sont des moments extrêmement forts.
18:49Et il va porter ça comme une croix jusqu'à aujourd'hui.
18:53Le Padré est très pudique.
18:55Il hésite à en parler.
18:57Parce qu'il l'a dit par la suite,
19:00après le Drakkar, où il a tant pleuré,
19:02parce qu'un Padré ça pleure,
19:04un Padré ça a peur aussi et ça pleure,
19:06et bien après le Drakkar,
19:08le Padré n'avait plus de larmes pour pleurer.
19:10Qu'est-ce qu'on peut dire, Père Ducournau ?
19:12Justement, dans ces moments-là,
19:14on imagine que les mots manquent
19:16pour traduire l'espérance chrétienne.
19:18Absolument, on n'a jamais suffisamment
19:21de formation face à la mort d'un jeune,
19:24une mort qui arrive d'une manière violente.
19:26Mon premier mort en opération extérieure,
19:28c'était aussi au Liban.
19:30Il est mort entre mes bras.
19:32Et c'est vrai que c'est aussi une image,
19:34c'est aussi une croix que je continue à porter.
19:36C'est un visage que jamais je ne pourrais effacer
19:39de ma vie de prêtre.
19:41Nous portons cette espérance qui ne déçoit pas,
19:46mais qui à ce moment-là est blessée,
19:48profondément blessée,
19:50parce que ce sont des jeunes qui sont en avenir de vie,
19:53qui ont des projets de vie,
19:55qui ont une autre vie que celle de servir
19:57dans un pays étranger qu'ils ne connaissent pas
20:00et que nous non plus ne maîtrisons pas.
20:02Et à partir de là, nous portons tout cela.
20:04Et c'est pour ça que, comme Frédéric le disait tout à l'heure,
20:07on a cette fraternité d'armes,
20:09on a cette fraternité d'âmes,
20:11mais au milieu, il y a souvent la fraternité de larmes,
20:13où nous sommes effectivement,
20:15nous aussi, des êtres humains.
20:17Oui, nous pleurons, oui.
20:19Même si l'armée en tant qu'institution
20:21ne pleure pas ses morts, elle les honore.
20:23Nous sommes des serviteurs.
20:25Et à partir de là, nous sommes des êtres humains.
20:27Et cette fraternité de larmes,
20:29nous la portons avec le Christ en croix,
20:32dans l'espérance que tous nous ressusciteront,
20:35puisque c'est notre foi.
20:37Et à ce moment-là, effectivement,
20:39la foi, elle est clouée aussi à la croix.
20:42Frédéric Pons, puis le Parlement.
20:44La force des padrés,
20:46et notamment du père Yannick Lallement,
20:48force et légitimité,
20:50quand il s'adresse aux soldats
20:52qui viennent de perdre un camarade,
20:54c'est que le padré Yannick a une particularité.
20:57Il a lui-même été militaire.
20:59Il a été au moment de l'Algérie.
21:01Il a combattu là-bas.
21:03Il a été décoré là-bas.
21:05Il a vu la mort de près.
21:07Par la suite, à Koloési, 1978,
21:09le padré participe à cette opération,
21:11la Légion étrangère.
21:13Il voit aussi des morts.
21:15Il s'occupe des morts du 2e régiment étranger de parachutistes.
21:18Quand il parle de la mort,
21:20de la souffrance à ses hommes,
21:22à ses enfants,
21:24qu'ils soient légionnaires, parachutistes
21:26ou chasseurs alpins,
21:28il a cette légitimité.
21:30On l'écoute.
21:32Que l'on soit croyant ou pas,
21:34quand le padré commence à parler de la mort,
21:36les gens se taisent et écoutent.
21:38Même s'ils ne comprennent pas tout.
21:40Chez les légionnaires,
21:42il y a souvent un problème de compréhension de langue.
21:44Mais très vite, la sincérité,
21:46la légitimité du padré,
21:48fait que les messages passent à fond.
21:50Il y a une photo très marquante.
21:52C'est celle de la couverture de votre livre.
21:54Vous êtes en train de prier.
21:56On va la voir à l'écran,
21:58pour ceux qui nous regardent sur CNews.
22:00Vous êtes en train de prier.
22:02Il y a une stèle qui rappelle
22:04les soldats français qui sont morts à Djibouti.
22:06Oui, c'était une manœuvre
22:08que faisait
22:10une compagnie du 2e régiment étranger
22:12de parachutistes
22:14qui était en mission pour 4 mois.
22:16Deux avions
22:18devaient se rencontrer
22:20au même endroit,
22:22mais avec un itinéraire différent.
22:24Ensuite,
22:26ils étaient largués ensemble
22:28dans le désert
22:30du Grand Marat, je crois.
22:32L'un des avions,
22:34comme il n'y avait pas de GPS
22:36dans les nords
22:38de 2501,
22:40ces avions à deux queues,
22:42il y avait
22:44du brouillard ce jour-là.
22:46Les pilotes
22:48ont cru qu'ils passaient
22:50au-dessus de la montagne
22:52alors qu'ils ont touché
22:54la montagne elle-même.
22:56Cette prière que vous exprimez,
22:58ça résume bien votre place
23:00de meunier militaire.
23:02Oui, parce que là encore,
23:04j'avais marié un sergent.
23:06Je savais que son épouse était enceinte.
23:08J'avais baptisé l'un ou l'autre.
23:10Là, ce métier militaire
23:12est extrêmement beau,
23:14mais il y a
23:16des moments difficiles,
23:18comme cet accident
23:20à Djibouti.
23:22Très rapidement, Frédéric.
23:24Si on peut la revoir,
23:26elle résume parfaitement
23:28la position des padrés.
23:30Vous avez l'hélicoptère au loin,
23:32c'est la guerre, c'est les opérations,
23:34c'est l'engagement.
23:36Vous avez la stèle avec le nom
23:38et donc c'est l'hommage aux disparus,
23:40l'hommage au courage, à l'engagement.
23:42Et au milieu, vous avez ce padré
23:44entreillis, il est de l'armée,
23:46il est militaire, il est à la fois prêtre,
23:48100% prêtre et 100% militaire.
23:50Et au milieu, il est l'intercesseur
23:52entre ceux qui sont tombés
23:54et ceux qui continuent à se battre.
23:56Il fait ce lien spirituel,
23:58symboliquement, sur cette photo
24:00et c'est pour ça que nous l'avons choisi.
24:02On va voir dans la deuxième partie
24:04toutes ces leçons qu'on peut tirer
24:06de ces témoignages qui sont vraiment
24:08prenants, témoignages humains, témoignages
24:10chrétiens.
24:12La Légion et l'armée plus globalement,
24:14école de vie, école de foi
24:16également. Vous restez à notre écoute.
24:22De retour dans Enquête d'Esprit
24:24sur Europe 1 et CNews en partenariat
24:26avec l'hebdomadaire France Catholique
24:28et c'est une véritable leçon de vie et de foi
24:30que nous donnent
24:32les aumôniers militaires. Nous en avons deux
24:34sur le plateau. Notamment le père
24:36l'allemand, il est auteur
24:38de Padré, mémoire
24:40d'un aumônier militaire écrit avec
24:42Frédéric Ponce également sur le plateau.
24:44C'est chez Taillandier, c'est préfacé
24:46par le général Burkhardt qui est le chef
24:48d'état-major des armées.
24:50Et également le père du Cournot,
24:52Jean-Yves du Cournot, membre de la Congrégation
24:54de la Mission, auteur des armes et des âmes
24:56chez Téquis, post-facé par le père l'allemand.
24:58C'est une grande famille,
25:00la Légion étrangère notamment.
25:02Véronique Jacquet, bien sûr, est avec nous. Elle nous parlera
25:04dans un instant d'un aumônier fameux,
25:06le père Brottier pendant la Grande Guerre.
25:08Je vous propose aussi à présent
25:10d'écouter un extrait
25:12d'une chanson qui parle d'un événement
25:14fondateur pour la Légion étrangère.
25:16C'est la bataille de Cameroun
25:18où quelques soixante
25:20légionnaires se sont
25:22battus contre 2000 Mexicains
25:24et ça a été
25:26une défaite, mais une défaite
25:28dans la grandeur et dans l'honneur
25:30et évidemment, chaque année
25:32c'est commémoré par la Légion étrangère.
25:34En 2023, père l'allemand, c'est vous
25:36qui avez été choisi pour porter la
25:38relique du capitaine d'Anjou qui est
25:40un des officiers de cette
25:42bataille. On écoute
25:44cette chanson de Jean-Pax Méfray
25:46qui rappelle ce qui s'est passé à ce moment-là
25:48avec ses mots très poétiques et puis, bien sûr,
25:50on commente ce que ça veut dire pour la Légion
25:52et plus globalement, quelle leçon de vie
25:54cela donne-t-il.
25:56Écoutez.
25:58Cameroun
26:04Le ciel de feu
26:06du Mexique
26:12A jamais se souviendra
26:20De ce combat
26:22héroïque
26:28Dans les murs de l'Hacienda
26:36Dans ce décor
26:38gigantesque
26:44La terre se désaltérait
26:50Père l'allemand, donc, vous avez représenté
26:52la Légion lors de la commémoration
26:54de Cameroun, je le disais, en 2023.
26:56Vous êtes prêtre également.
26:58Est-ce que, là aussi, là encore,
27:00c'est un bon résumé du rôle du prêtre
27:02dans ces situations extrêmes
27:04où la mort est évidemment
27:06omniprésente ?
27:08Ce livre
27:10que
27:12j'ai désiré,
27:14c'était pour dire
27:16aux soldats
27:18ma reconnaissance
27:20parce que, à leur côté,
27:22j'ai
27:24appris
27:26à m'élever
27:28à leur niveau sur le plan physique
27:32et dans la rigueur
27:34de leur travail,
27:36de la préparation au combat,
27:38je me suis dit que
27:40c'est leur mission.
27:42Moi aussi, j'ai ma mission
27:44d'homme de Dieu.
27:46Est-ce que j'arrive
27:48finalement à
27:50être suffisamment
27:52exemplaire
27:54pour leur permettre
27:56de trouver
27:58la présence de Dieu
28:00à travers mon humble personne ?
28:02Donc,
28:04reconnaissance,
28:06merci à tous ces soldats que j'ai croisés
28:08au cours de ma vie
28:10qui m'ont aidé
28:12à être à leur niveau
28:14pour pouvoir les suivre
28:16sur le plan physique,
28:18mais aussi, ils m'ont aidé
28:20par la rigueur
28:22dans leur travail,
28:24dans leur préparation au combat,
28:26ils m'ont rappelé sans cesse
28:28que j'avais une mission.
28:30Comme dit cette
28:32petite phrase de Paul VI,
28:34le monde
28:36a plus besoin
28:38de témoins
28:40que de maîtres.
28:42Donc, j'ai toujours essayé
28:44d'être à leur côté,
28:46de me faire proche d'eux
28:48et en particulier
28:50dans ces moments difficiles
28:52qu'est la mort.
28:54La mort fait partie
28:56de notre vie, on y pense
28:58tous les jours, même
29:00et surtout à mon âge,
29:02mais il faut
29:04essayer de faire
29:06en sorte qu'au-delà de la mort
29:08il y a ce que
29:10disait la petite
29:12Sainte Thérèse
29:14quelques moments avant
29:16de mourir,
29:18non, je ne meurs pas,
29:20j'entre dans la vie.
29:22C'est l'espérance chrétienne.
29:24C'est l'espérance chrétienne
29:26que nous devons transmettre.
29:28Pierre de Cournot, est-ce que c'est justement
29:30la foi,
29:32cette force d'âme qui fait
29:34finalement la valeur de ces combattants d'élite
29:36que sont les légionnaires,
29:38avant toute chose ?
29:40Oui, la force d'âme
29:42qu'ils doivent eux-mêmes découvrir justement
29:44c'est la présence du serviteur qui est le padré.
29:46A ce titre-là, je rejoins Yannick
29:48bien entendu, sur le fait que nous sommes
29:50des serviteurs,
29:52donc nous n'avons rien à demander,
29:54nous n'avons qu'à proposer la foi
29:56à condition que nous-mêmes
29:58nous soyons convaincus
30:00de cette foi, comme disait
30:02Saint Vincent de Paul pour citer
30:04votre Saint Patron,
30:06quitter Dieu pour Dieu,
30:08mais pour quitter,
30:10c'est-à-dire aller servir l'être humain
30:12en ayant en soi
30:14reçu toute la grâce de Dieu pour pouvoir
30:16la porter, pour pouvoir partager
30:18ce service, et à partir
30:20de là, effectivement, faire découvrir
30:22à chacun qu'il a une force d'âme.
30:24Je dis bien une force d'âme, mais non pas une violence
30:26d'âme. La violence, elle est incontrôlée.
30:28La force se contrôle, parce que
30:30c'est un ordre, c'est quelque chose
30:32qui est repéré,
30:34qui est canalisé, qui est
30:36aidé, qui est soutenu.
30:38Et à partir de là, effectivement, cette force d'âme
30:40permet d'affronter
30:42tous les actes de violence
30:44pendant la guerre,
30:46et même lorsqu'on perd un camarade,
30:48on a cette violence en nous qu'il faut
30:50maîtriser, le padrer.
30:52Et là, justement, au nom de sa foi,
30:54en l'amour du Seigneur pour tout le monde,
30:56y compris pour les ennemis,
30:58finalement, ça permet
31:00de gérer cette violence
31:02et de faire grandir
31:04la force d'âme
31:06de chacun.
31:08– Père Allemand, vous avez évoqué
31:10votre mission d'homme de Dieu.
31:12Comment on tient, justement, sur des terrains
31:14difficiles, face à la mort ?
31:16Comment on tient pendant tant d'années ?
31:18Et comment vous arrivez à faire
31:20en sorte que votre foi est contagieuse ?
31:22Est-ce que c'est par une prière assidue,
31:24soutenue ? Est-ce que c'est par la célébration
31:26de la messe ? Qu'est-ce qui vous nourrit le plus ?
31:28Et qu'est-ce que vous transmettez à vos hommes ?
31:30– Il y a effectivement la célébration
31:32de la messe, le fait
31:34de se redire tous les jours
31:36« Ceci est
31:38mon corps
31:40livré pour vous ».
31:42C'est au présent, c'est actuel,
31:44c'est aujourd'hui. Je vis
31:46avec la présence de Jésus-Christ,
31:48que je retrouve dans sa
31:50parole de Dieu. La parole de Dieu
31:52m'a guidé toute ma vie,
31:54car la parole de Dieu,
31:56elle est énergique,
31:58elle est vivante,
32:00elle est vraie.
32:02Et j'ai été guidé
32:04continuellement par cette
32:06radicalité de la parole
32:08de Dieu. – Notamment lorsque
32:10vous étiez missionnaire au Tchad,
32:12où vous viviez avec
32:14le Saint-Sacrement, comme Saint-Charles
32:16de Foucault, au milieu
32:18de la bourse. – Aussi, oui.
32:20Je faisais des tournées
32:22pour visiter tous mes
32:24chrétiens qui étaient dans le
32:26désert face aux
32:28Libyens qui voulaient envahir le
32:30Tchad. Donc,
32:32une centaine de mes
32:34tournées étaient
32:36d'un mois à un mois et demi.
32:38Mais,
32:40je savais qu'au retour, il y a quelqu'un
32:42qui m'attendait. – Le Christ.
32:44– Quelqu'un que
32:46j'allais retrouver, qui allait m'encourager.
32:48Quelqu'un qui a veillé sur moi,
32:50parce qu'il m'est arrivé
32:52des obstacles, où le signe
32:54de la présence de Dieu,
32:56la Providence, veillait
32:58sur moi. Les coupeurs
33:00de route, quand vous vous retrouvez
33:02en plein désert, avec deux
33:04fusils qui vous arrêtent,
33:06ou alors avec cet énorme
33:08scorpion qui est prêt à vous piquer,
33:10sachant que vous êtes à faille
33:12à l'arbre de l'eau, que les scorpions,
33:14c'est chaque année
33:16au moins huit morts. Donc, la présence
33:18de Dieu, la Providence,
33:20la parole de Dieu,
33:22tout ça, la célébration
33:24de la messe. – Évidemment.
33:26Frédéric Ponce, puis le père du Cournot.
33:28– Les pages du Padré sur sa mission
33:30de dix ans au Tchad, dans le nord
33:32du Tchad, dans la partie la plus désertique,
33:34la plus dure physiquement,
33:36sont formidables, parce qu'on comprend,
33:38là on n'est plus entre militaires,
33:40et on comprend toute la force
33:42à la fois spirituelle et physique
33:44qu'il faut pour ce type d'apostolat.
33:46Force spirituelle, parce que
33:48le Padré était seul, avec
33:50quelques rares communautés chrétiennes,
33:52dans un environnement globalement musulman,
33:54avec beaucoup de risques, les coupeurs
33:56de route, les bandits de grands chemins, tout simplement,
33:58la fatigue, la poussière, la
34:00chaleur, le Padré mangeait peu,
34:02mal, il dormait mal,
34:04mais il a tenu,
34:06et il l'exprime très bien dans le livre,
34:08il a tenu parce qu'il savait, comme
34:10il le dit, que quelqu'un m'attendait, et la première
34:12chose qu'il faisait, en retournant
34:14à Moussoro, cette petite ville
34:16où était sa case, d'une certaine
34:18façon, il avait aménagé une petite
34:20chapelle, et là, il arrivait
34:22épuisé, à bout de force,
34:24avec parfois l'envie de
34:26renoncer à tout, à bout de force,
34:28il se jetait à genoux, devant
34:30le Saint Sacrement, et en
34:32prière, et ça le regonflait,
34:34et il repartait ensuite, pour un mois,
34:36un mois et demi de tournée. J'ajoute
34:38une chose, c'est que, au-delà de cette
34:40force spirituelle, l'homme que vous
34:42voyez ici, sur le plateau,
34:44a été un athlète,
34:46un athlète de Dieu, on peut dire,
34:48il a fait la quasi-totalité des
34:50sommets des Alpes avec ses chasseurs alpins,
34:52il a fait des raids
34:54épouvantables avec les
34:56parachutistes et la Légion étrangère,
34:58il a suivi toute la formation
35:00des jeunes légionnaires à Castelnaudary,
35:02avec son gros sac à dos,
35:04dans lequel il mettait des petites
35:06friandises qu'il donnait en cachette
35:08aux jeunes légionnaires, mais tout au fond
35:10de son sac à dos, il y avait son brévière,
35:12et son brévière, et bien ça
35:14le ressourçait, systématiquement,
35:16après une journée de
35:18crapahue, dans des conditions extrêmement
35:20dures. Vous allez tenter son humilité.
35:22Garde du Cournot, un commentaire là-dessus.
35:24C'est vrai que le padré
35:26peut avoir un
35:28ministère isolé, mais il ne faut pas
35:30que ce ministère soit isolant. Donc à partir
35:32de là, il faut que lui-même ait une base
35:34solide. Je ne sais pas
35:36comment faisait le père Yannick, mais
35:38à chaque fois que je suis parti en opération,
35:40moi j'avais une habille dans laquelle
35:42je me sens bien, c'est celle de Maylis dans les Landes,
35:44où j'allais confier
35:46au père Abbé et
35:48à la communauté la mission
35:50qui allait être la nôtre pendant
35:524 mois, 6 mois d'opération extérieure.
35:54À partir de là, je sentais, outre
35:56le fait aussi de ma communauté, de l'azariste,
35:58je sentais qu'il y avait une force,
36:00une base. L'aumônier
36:02tout seul est un aumônier perdu. Il faut
36:04qu'il sente cette présence
36:06de l'Église, cette Église priante,
36:08parce que c'est vrai que quand on est sur
36:10le terrain, parfois,
36:12on a moins de temps pour prier.
36:14Et comme
36:16Yannick, c'est vrai que ce qui est important, c'est d'apporter
36:18Dieu, apporter Dieu là où on est. Moi, j'avais
36:20toujours des médailles, j'ai toujours
36:22le chapelet portatif.
36:24Simple.
36:26Et à partir de là,
36:28c'est
36:30important de se sentir soutenu
36:32par toute l'Église.
36:34C'est un ministère d'Église.
36:36C'est invisible.
36:38Un aumônier qui se dit, je suis capable d'être
36:40tout seul, d'exercer mon ministère sans soutien,
36:42sans aide spirituelle, d'autres
36:44aumôniers ou de l'Église entière,
36:46je pense qu'il va au casse-pipe.
36:48Alors, pour les minutes qui nous restent,
36:50Véronique, on va commencer par
36:52regarder l'exemple, un exemple historique,
36:54celui du père Brottier, fameux aumônier
36:56militaire de la Grande Guerre, pour
36:58ensuite voir comment est-ce que finalement tout cela
37:00peut servir à tout un chacun
37:02qui n'est pas forcément soldat.
37:04Une école de vie et de foi,
37:06Véronique. Donc le père Brottier, c'est un exemple,
37:08c'est un modèle. Alors, c'est un modèle
37:10et c'est une légende. Le père
37:12Daniel Brottier, il est né en
37:141876, il est réformé en 1901 pour
37:16raison de santé, mais cela ne l'empêche pas.
37:18A 38 ans, de se porter volontaire
37:20pour être aumônier au premier jour de la
37:22Grande Guerre, en 1914,
37:24et il va rester 4 ans au front,
37:26au milieu de ses poilus, dans les tranchées.
37:28Sa bravoure force le respect,
37:30il n'hésite pas à courir le premier
37:32en avant de sa troupe pour récupérer sous
37:34le feu un camarade blessé.
37:36Il entend les poilus dire, il n'a pas peur
37:38le curé. Alors, quand il me voyait
37:40partir en avant d'eux et les entraîner,
37:42c'était le plus beau sermon que je pouvais leur faire
37:44et j'étais sûre de les avoir
37:46tous à la messe le lendemain. Voilà ce qu'il écrira.
37:48Alors, l'homme est courageux, mais le
37:50prêtre est admirable. Bien entendu,
37:52il célèbre la messe, bien entendu,
37:54il confesse, il lève les angoisses des
37:56blessés, il prépare les mourants
37:58à la mort et puis il les enterre
38:00et il écrit les lettres aux familles
38:02endeuillées. Quelques années plus tard,
38:04il concèdera que ce qu'il a fait
38:06sur le front pendant 4 ans est inhumain.
38:08S'il fallait recommencer ce que j'ai
38:10fait à Verdun et dans la Somme, je ne
38:12pourrais plus porter des blessés
38:14sur mon dos, demeurer des nuits et des
38:16journées entières dans des trous d'obus,
38:18sous les bombardements insensés,
38:20sourire et plaisanter lorsqu'on se sent
38:22abruti par le froid,
38:24par la fatigue, par le sommeil
38:26et par la peur. Non, voyez-vous, ce
38:28que j'ai fait était inhumain. Alors,
38:30fait extraordinaire, le père Brottier n'a
38:32jamais été blessé, malgré
38:34les dizaines de balles qui ont traversé ses habits.
38:36Il n'a même jamais, bien
38:38entendu, eu de
38:40moindre blessure. Il
38:42s'appelait lui-même Le Monnier Verny et
38:44il découvrira, après la guerre, qu'il
38:46avait été mis sous la protection de
38:48Thérèse de Lisieux, qui n'était pas encore sainte à l'époque,
38:50elle a été canonisée en 1925
38:52et il aura une grande dévotion pour la
38:54jeune carmélite par la suite, tout au long
38:56de sa vie. Alors, le père Brottier meurt en
38:581936, il laisse une œuvre
39:00immense, il sera béatifié en
39:021984 par le pape Saint-Jean-Paul II
39:04et on voit qu'il a d'humbles successeurs
39:06à mes côtés. Voilà, alors, justement,
39:08j'aimerais avoir vos réactions,
39:10les uns les autres, mais bien sûr, en particulier,
39:12les deux aumôniers militaires que nous avons, sur,
39:14finalement, à l'exemple du père Brottier, cette école
39:16de vie et de foi
39:18que constitue une expérience
39:20au sein de l'armée.
39:22Est-ce que c'est l'école du dépassement de soi,
39:24l'école du sacrifice, finalement,
39:26qu'aujourd'hui on n'entend plus beaucoup dans la
39:28société ? Est-ce que, justement,
39:30l'armée, la Légion étrangère en particulier,
39:32a quelque chose à dire à la société,
39:34père Lallement ?
39:36La Légion étrangère reste une grande famille,
39:38et
39:40Légion Patria Nostra,
39:42comme vous le connaissez, donc
39:44l'aumônier
39:46fait partie de cette famille
39:48et il doit aider
39:50chaque légionnaire
39:52présent tout le temps
39:54aux commémorations,
39:56il participe
39:58à tous les
40:00chants pour que
40:02le jeune qui arrive du monde
40:04entier soit
40:06capable de s'insérer
40:08dans cette grande famille.
40:10Et il sait que
40:12jusqu'au bout,
40:14la Légion étrangère,
40:16s'il le désire, s'occupera
40:18de lui jusqu'à la fin
40:20de sa vie.
40:22Il y a l'accompagnement des vieux légionnaires, notamment.
40:24Là aussi, un modèle de société
40:26dans un débat actuel sur la fin de vie.
40:28Sur la fin de vie,
40:30la Légion étrangère
40:32est la seule société au monde
40:34qui s'occupe de ses anciens
40:36jusqu'au bout.
40:38Et s'occuper, ça veut dire être près d'eux,
40:40les visiter à l'hôpital,
40:42les soigner, être à l'écoute,
40:44voilà, leur donner un toit,
40:46leur donner...
40:48Ils vont revivre ensemble la camaraderie,
40:50cette force, jusqu'au bout.
40:52Et ça, c'est quand même
40:54extraordinaire que
40:56nous nous insérons
40:58dans ces maisons pour
41:00justement continuer notre
41:02ministère jusqu'au bout.
41:04Frédéric Pont, c'est aussi une école d'intégration,
41:06la Légion étrangère.
41:08La Légion étrangère, 9000 hommes,
41:10à peu près 156 nationalités.
41:12On peut s'y engager de 17 ans et demi
41:14avec l'autorisation des parents
41:16jusqu'à 39 ans et demi,
41:18moins de 40 ans.
41:20C'est un formidable creuset,
41:22un modèle d'intégration.
41:24L'intégration d'abord par la démarche de l'engagement,
41:26par la langue,
41:28ensuite, on apprend la langue française,
41:30c'est indispensable pour s'intégrer dans notre
41:32pays. Ensuite, on a
41:34une formation, une cohésion,
41:36une fraternité,
41:38fraternité d'armes.
41:40C'est vrai pour la Légion, mais pardon pour les légionnaires,
41:42ça concerne aussi
41:44l'ensemble de l'armée française.
41:46Quand des jeunes Français veulent
41:48s'engager, c'est déjà une démarche formidable.
41:50Ils rejoignent une famille
41:52où ils vont être formés,
41:54cadrés, aimés
41:56par leur encadrement
41:58comme par les padrés
42:00et pour un bien
42:02qui les dépasse, un bien supérieur,
42:04c'est-à-dire le service du pays,
42:06l'accomplissement de la mission jusqu'au bout.
42:08Ce sont des valeurs exceptionnelles
42:10qu'une partie de la société a un peu oublié,
42:12mais que les armées,
42:14notamment dans la Légion étrangère,
42:16continuent à servir
42:18avec, selon la devise de la Légion,
42:20valeur et fidélité.
42:22Avec aussi des itinéraires
42:24extrêmement chaotiques
42:26auparavant. Il y a une dimension
42:28éducative qui est intéressante
42:30parce qu'effectivement, ce sont quand même
42:32des gens qui peuvent être dérepris de justice
42:34ou perdus courneaux
42:36et à qui on apprend à devenir des hommes finalement.
42:38Absolument, mais ça, ça déborde
42:40aussi le cadre de la Légion étrangère.
42:42Quand un jeune vient,
42:44il rentre dans un centre de recrutement,
42:46ce n'est pas parce qu'il boit de la lumière,
42:48c'est parce qu'il a une générosité à offrir.
42:50Et à partir de là, cette générosité,
42:52il va falloir la canaliser.
42:54Quel que soit le service rendu,
42:56cette générosité est faite pour
42:58servir quelque chose qui va dépasser
43:00la personne. Et à partir de là,
43:02il faut former
43:04pour que... C'est pour ça que ce temps
43:06de formation et d'aguerrissement, peut-être plus ou moins long,
43:08est nécessaire parce qu'effectivement,
43:10il y a une éducation à la fraternité,
43:12une éducation à la solidarité.
43:14La Légion étrangère, effectivement,
43:16n'est pas le seul corps au sein de l'armée
43:18à s'occuper de ses anciens jusqu'au bout
43:20parce qu'il y a une solidarité,
43:22une charité qui est développée auprès des jeunes
43:24qui arrivent pour justement leur faire
43:26prendre conscience que
43:28les anciens sont leurs pères
43:30dans la vie militaire.
43:32Il y a des témoignages
43:34des personnes
43:36qui ont
43:38de la valeur et qui ont des choses
43:40à dire et à vivre et à faire vivre
43:42à ces jeunes. Et donc, l'exemple,
43:44le témoignage, en l'occurrence,
43:46du soldat
43:48qui a été
43:50tué,
43:52il y a un héritage.
43:54Il y a un héritage que l'armée doit
43:56entretenir et doit permettre
43:58de faire connaître à ces jeunes
44:00parce qu'on n'entre pas
44:02dans une institution normale.
44:04C'est quand même une institution extraordinaire.
44:06C'est la seule institution
44:08qui prône finalement
44:10le don de soi jusqu'au
44:12sacrifice ultime. Il n'y en a pas d'autre.
44:14Un dernier mot, Frédéric.
44:16Vous avez évoqué la notion
44:18de fin de vie.
44:20La Légion, c'est quelque chose
44:22de très important et le père Lallement
44:24continue à servir
44:26la Légion. Je l'ai accompagné
44:28au Riol et au Bagne où se trouve
44:30l'institution des Invalides, des anciens
44:32de la Légion étrangère. Il s'occupe
44:34de ses camarades.
44:36Il fait partie des plus anciens.
44:38Il y a des plus jeunes que lui mais qui,
44:40par les accidents de la vie, sont aujourd'hui
44:42à au Riol ou au Bagne.
44:44Le soin,
44:46la sollicitude, l'empathie,
44:48l'amour finalement
44:50et la fraternité qui restent
44:52à l'égard de ces anciens est quelque chose
44:54de frappant. On parle de soins
44:56palliatifs. Vous savez, il y a tous nos débats
44:58très difficiles en ce moment. Là encore,
45:00regardons ce qu'un corps
45:02militaire comme la Légion
45:04arrive à faire avec ces anciens.
45:06C'est remarquable. Ces gens
45:08gardent leur dignité. Ils ont été des
45:10soldats, des grands soldats.
45:12Aujourd'hui, la Légion les accompagne
45:14vers la fin de façon
45:16extrêmement humaine. Merci beaucoup.
45:18Je renvoie au livre que vous avez écrit
45:20avec le père Lallemand. Ça s'appelle
45:22« Pas de raie, mémoire d'un aumônier militaire » chez Taillandier.
45:24Merci aussi au père Ducournau.
45:26« Des armes et des âmes »
45:28s'est publié
45:30chez Tecky. Merci à Véronique
45:32Jacquier, à Sébastien
45:34Caquineau et aux équipes techniques de
45:36CNews. Une recommandation aussi
45:38d'un livre qui fait un comparatif
45:40entre le code d'honneur de la Légion
45:42et Saint-Paul, le soldat de la
45:44nation, le soldat du Christ. Ça s'appelle
45:46« Mener le bon combat ». C'est écrit par Céline Guillaume
45:48publié au Cerf. Toutes ces références,
45:50Véronique, on peut les retrouver sur le site
45:52internet de France Catholique. Voilà.
45:54Avec un numéro consacré cette semaine
45:56à la persécution des chrétiens. La persécution
45:58des chrétiens qui a doublé dans le monde
46:00en dix ans. Donc il est temps vraiment de
46:02s'y arrêter et de sonner
46:04l'alerte. Vous pouvez retrouver bien entendu
46:06ce numéro sur abonnement et sur
46:08france-catholique.fr. Voilà. Merci à vous
46:10d'avoir suivi cette émission. La semaine prochaine, nous parlerons
46:12de la fête de la Chandeleur qui est très
46:14populaire, qui est la fête de la lumière mais qui
46:16évidemment recèle beaucoup de
46:18significations spirituelles. Vous restez
46:20à notre écoute bien sûr. L'info continue.