"Il faut" que l'Union européenne soit prête à engager un bras de fer avec les États-Unis, estime Nathalie Loiseau, députée européenne Renew Europe (RE), chargée des questions internationales
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00:00François Frossoir, l'invité Aurélie Herbemont.
00:05Bonsoir Nathalie Loiseau.
00:07Bonsoir Aurélie Herbemont.
00:08Vous êtes eurodéputée chargée des questions internationales chez Horizon, le parti d'Edouard Philippe, ancienne ministre des affaires européennes.
00:15Vladimir Poutine se dit prêt à des négociations avec Donald Trump sur l'Ukraine.
00:20Est-ce que vous attendez avec impatience que cette discussion entre les deux dirigeants ait lieu ou est-ce que vous la redoutez ?
00:27Ni l'un ni l'autre mais on a le sentiment que Vladimir Poutine essaye de flatter Donald Trump, de le rouler dans la farine.
00:34C'est un peu le corbeau et le renard version russe.
00:37Il flatte le nouveau président américain.
00:39Il dit que si Donald Trump avait été président en 2022, il n'y aurait pas la crise ukrainienne.
00:43Il ne parle pas de guerre, il parle de crise.
00:45Il n'a jamais parlé de guerre, même s'il y a des centaines de milliers de soldats russes hors de combat depuis bientôt trois ans.
00:52Et une destruction systématique des infrastructures civiles et des morts civiles en Ukraine.
00:57Il n'a jamais voulu assumer la guerre.
01:00Il flatte Donald Trump parce qu'il pensait d'entrée de jeu, il avait beaucoup de raisons de penser que Donald Trump était proche de lui, serait conciliant avec lui.
01:10Et les premiers discours de Donald Trump disant en fait « Zelensky veut la paix mais pas Poutine, Poutine est en train de détruire la Russie,
01:18si Poutine ne se dépêche pas d'arrêter cette guerre, je vais lui imposer des sanctions encore beaucoup plus fortes que mon prédécesseur. »
01:26Ça, ça inquiète Vladimir Poutine qui se dit « Donald Trump est un homme orgueilleux, il aime qu'on le flatte donc j'y vais ».
01:33On n'a pas très envie de voir ces deux hommes-là seuls dans une pièce.
01:37Il ne peut pas y avoir de négociation de paix sur l'Ukraine sans les Ukrainiens.
01:41C'est ce que dit l'Ukraine ce soir. Ils sont opposés à Kiev à des négociations de paix sur l'Ukraine sans l'Ukraine ni l'Europe. Vous êtes d'accord avec ça ?
01:49Évidemment.
01:50Il ne faut pas laisser d'abord ces deux dirigeants qui ont l'air de s'entendre discuter d'abord tous les deux avant de rentrer dans cette fameuse pièce ?
01:58Écoutez, c'est le sort de l'Ukraine et des Ukrainiens qui est en jeu. Les Ukrainiens se battent avec courage et souvent avec succès.
02:06On a tendance à commenter ici depuis la chaleur des studios ou de nos appartements ce qui se passe en Ukraine.
02:13Moi j'y suis allé sept fois. Ce qui s'est passé, c'est-à-dire la résistance ukrainienne depuis trois ans, bien peu de gens étaient prêts à la prédire.
02:21Ils se battent pour eux, pour leur indépendance. Mais quand ils se battent, ils protègent notre sécurité.
02:26Puisqu'on voit par ailleurs que Vladimir Poutine veut s'en prendre à l'Europe toute entière.
02:31Il ne peut donc pas y avoir de négociations concernant l'Ukraine. Sans les Ukrainiens, c'est le minimum. Et sans les Européens, c'est indispensable.
02:38Mais vous avez une forme de confiance en Donald Trump pour arriver à tordre le bras de Vladimir Poutine ?
02:43Avec ses menaces de sanctions ?
02:45Il y avait une formule américaine pendant la guerre froide qui disait la confiance n'exclut pas le contrôle. Il faut être à la table et pas au menu, c'est tout.
02:52Alors Donald Trump veut que les Européens augmentent leur effort de défense. Est-ce qu'il a raison ?
02:59Il a raison. Et les Européens ont commencé à le faire pendant le premier mandat de Trump où il avait déjà dit la même chose.
03:06Nous ne faisons pas assez. Nous sommes hors normie depuis 1989, la chute du rideau de fer.
03:12Nous avons cru qu'on était sortis de l'histoire, que c'était la fin de l'histoire.
03:15Et on a parlé des dividendes de la paix avec beaucoup de méconnaissance et d'ignorance sur ce qui se passait dans le reste du monde.
03:23Le monde est devenu beaucoup plus dangereux, beaucoup plus imprévisible, beaucoup plus instable.
03:27Notre continent est menacé. Est-ce qu'on doit éternellement sous-traiter notre sécurité aux Etats-Unis, à n'importe quel autre pays ?
03:34Ça voudrait dire qu'on ne prend pas notre sécurité au sérieux.
03:37Le problème c'est que Donald Trump lui voudrait qu'on soit non pas des alliés mais seulement des clients.
03:41C'est-à-dire qu'on augmente nos achats d'armes américaines.
03:45Ça veut dire qu'on serait éternellement dépendant du bon vouloir d'un président qui change tous les quatre ans
03:50et quand il s'agit de Donald Trump qui parfois change d'idée plusieurs fois dans la même journée.
03:54Ça n'est pas raisonnable.
03:55Sur le sujet de la défense particulièrement, les pays de l'OTAN doivent aujourd'hui dépenser 2% de leur PIB pour la défense.
04:02Donald Trump demande de monter à 5%.
04:04Mais concrètement, comment les Européens trouvent l'argent ?
04:06Par exemple en France, ça représenterait 70 milliards de plus.
04:10On voit bien qu'on ne les a pas aujourd'hui.
04:12Il y a deux choses.
04:13D'une part, cet objectif de 2% la France latine, cette année, enfin je dirais.
04:19D'autres pays en sont encore loin en Europe.
04:21Il faut vraiment qu'ils se réveillent.
04:24La guerre, ça n'est pas pour les autres.
04:26Et la solidarité européenne est nécessaire.
04:29Donc il faut que tout le monde s'y mette.
04:31Vous appelez comme Emmanuel Macron un réveil stratégique suite au retour de Donald Trump à la Maison Blanche ?
04:37Évidemment.
04:38Depuis 2017, Emmanuel Macron et les gouvernements successifs ont plaidé pour l'autonomie stratégique.
04:42Ça n'était pas par hostilité vis-à-vis des États-Unis.
04:45C'était en étant parfaitement conscient du risque que, même avec un président américain très bienveillant vis-à-vis de l'Europe,
04:51ce que n'est pas Donald Trump, les États-Unis peuvent être occupés ailleurs.
04:56Peuvent avoir un autre conflit, par exemple du côté de l'Indo-Pacifique.
05:01Et donc toujours compter sur quelqu'un d'autre pour s'occuper de votre sécurité,
05:05c'est une attitude qui manque de maturité.
05:08Il faut qu'on passe à l'âge adulte.
05:10Mais dépenser plus, c'est aussi dépenser mieux.
05:13Et quand on va dépenser en européen, ça va éviter des doublons,
05:17ça va éviter qu'on ait tout un tas de modèles différents de frégates, d'avions de chasse, de chars,
05:23qui font que pour le moment on dépense...
05:25Et ça veut dire qu'il ne faut pas acheter du matériel américain ?
05:27Et ça veut dire que si on prend de l'argent du contribuable européen,
05:30et c'est revu, je suis en train de travailler sur ce sujet au Parlement européen,
05:34de mettre un programme qui incite à ce que ça aille plus vite.
05:37Si on prend de l'argent du contribuable européen, c'est évidemment pour des emplois européens,
05:41pour de la croissance européenne, pour de l'autonomie européenne,
05:44donc pour des armes européennes, pas américaines, pas sud-coréennes, pas autre chose.
05:48En matière commerciale justement, Donald Trump menace tous les pays d'une augmentation des droits de douane.
05:54Pour l'éviter, il suggère même aux grands patrons de produire directement aux Etats-Unis.
05:58Quelle doit être la réponse de l'Union européenne ?
06:00D'abord, ce qui est important dans ce que vous dites, c'est que Donald Trump menace.
06:03Et il menace même ses meilleurs alliés.
06:05Et ses voisins, ses proches voisins, le Canada, le Mexique...
06:08Quand on ouvre les yeux, on est dans un monde de carnivores.
06:12C'est quoi la réponse ?
06:13Evidemment, il nous reproche de vendre plus aux Etats-Unis qu'aux Etats-Unis ne vendent en Europe.
06:18On n'a jamais forcé aucun américain à acheter du champagne, des produits français ou même des Airbus.
06:25Surtout au moment où Boeing se porte mal.
06:28Donc il est totalement à l'opposé du libéralisme, du capitalisme qui est censé être en présent.
06:35Les tarifs douaniers, s'il les met en place, il va créer une inflation phénoménale aux Etats-Unis.
06:41Il aura vite vu que dans une guerre commerciale, il n'y a que des perdants.
06:45Ce qu'on doit faire, là encore...
06:47Mais il faut nous aussi mettre des droits de douane rehaussés pour les Etats-Unis ?
06:50Il faut parler à l'administration américaine, mais il faut parler debout, pas couché.
06:54Vous considérez que l'Europe parle couché aujourd'hui ?
06:56Écoutez, pour le moment, j'entends Madame von der Leyen qui dit très peu de choses et qui elle aussi essaye de flatter...
07:01Elle dit qu'il faut être pragmatique.
07:03Je trouve que ce n'est pas à la hauteur.
07:06J'entends le commissaire Donfroski qui dit que c'est vrai qu'on pourrait acheter plus d'armes et plus de gaz américains.
07:11On n'arrive pas dans une négociation face à quelqu'un comme Trump en disant
07:15« Voilà, on ne sait pas encore parler, nos interlocuteurs ne sont même pas encore confirmés par le Sénat américain,
07:21mais voilà les concessions qu'on est prêts à faire avant d'être entrés dans la pièce. »
07:25L'Europe n'est clairement pas prête aux bras de fer avec les Etats-Unis.
07:28Il faut qu'elle le soit.
07:30Le but, ce n'est pas le bras de fer pour le bras de fer.
07:32Le but, c'est simplement de s'affirmer, de se faire respecter, de montrer qu'on est 450 millions,
07:38que notre avis compte, que nos lois sont unies.
07:41C'est un peu la déclaration de von der Leyen à Davos l'autre jour.
07:44Von der Leyen qui dit que l'Europe est un grand marché, notamment pour les Américains,
07:49et que les Américains ont besoin de l'Europe.
07:50C'est aussi le message qu'elle fait passer.
07:51C'est un petit peu sa déclaration, un petit peu tardive et un petit peu faible.
07:56Je pense que face à un Donald Trump, face à la plupart des dirigeants mondiaux aujourd'hui,
08:01il faut arrêter de financer.
08:04Il faut arriver en disant « voilà qui nous sommes, voilà ce que nous voulons, voilà nos règles ».
08:08Mais Nathalie Loiseau, est-ce que l'Europe est unie pour parler d'une seule voix ?
08:11On sait que Donald Trump a des alliés.
08:12Je pense à Georgia Meloni, à Victoria Orban.
08:14Madame Meloni exporte aux Etats-Unis.
08:16Elle sera la première à vouloir de la fermeté sur ce sujet-là.
08:19Ce n'est pas parce qu'elle est allée à Mar-a-Lago qu'elle ne défendra pas les intérêts de ses exportateurs.
08:24Nathalie Loiseau, le Parlement européen a voté hier une résolution
08:28pour exiger la libération de l'écrivain franco-algérien Boalem Sansal,
08:32emprisonné en Algérie depuis novembre.
08:34Les élus insoumis ont voté contre ou se sont abstenus.
08:37Ça vous a choqué ?
08:38Énormément.
08:39D'abord, j'ai une fierté, c'est que le Parlement européen,
08:42c'est-à-dire 27 nationalités des groupes politiques très différents,
08:45ont très massivement exigé la libération de Boalem Sansal.
08:49Ce n'est donc pas une question franco-algérienne de mémoire de je-ne-sais-quoi.
08:53C'est une question de droit de l'homme.
08:55Un écrivain n'a pas sa place en prison.
08:57Mais quand je découvre que Rima Hassan vote contre,
09:01je suis à la fois choquée, je trouve ça honteux, mais je ne suis pas surprise.
09:05Souvenez-vous, il y a quelques mois, Rima Hassan nous avait dit
09:08« L'Algérie, c'est la Mecque des libertés ».
09:12Alors évidemment, quand on lui parle d'un prisonnier,
09:14et d'un prisonnier d'opinion, d'un écrivain âgé et fragile qui est en prison,
09:18elle ne veut pas le voir.
09:20Vous, vous ciblez Rima Hassan, mais en l'occurrence,
09:22il y a eu quatre votes contre, non Rima Hassan,
09:24et deux abstentions, dont la chef de file des Insoumis, Madame Aubry.
09:28Je cible la plus connue, mais c'est la même chose pour tout LFI.
09:31Sauf que LFI assure être pour la libération de Boalem Sansal,
09:34c'est important de le rappeler,
09:35mais estime que cette résolution ne vise qu'à attiser les tensions avec l'Algérie,
09:39et que cette résolution résulte d'une instrumentalisation
09:42par la droite et l'extrême droite.
09:44Leurs arguments ne sont pas recevables ?
09:46Écoutez, les écologistes ont voté cette résolution.
09:48Les socialistes ont voté cette résolution.
09:50Les centristes dont je fais partie ont voté cette résolution.
09:54C'est un cache-misère qui sort.
09:56Ils sont pour la libération, mais ils ne la demandent pas.
09:59Donc ils pensent qu'elle va tomber de la lune.
10:01Les amendements qui avaient été mis en avant par LFI étaient lunaires, là encore.
10:05Le but, c'est pas...
10:07Moi, je l'ai dit dans l'hémicycle,
10:09je n'ai pas de contrats réglés avec l'Algérie,
10:11mais je n'ai pas de devoir particulier avec l'Algérie.
10:13Je suis née après les indépendances.
10:15Moi, je cultive mon indépendance à moi.
10:17Si Boulême Sansalle était emprisonné en France, en Allemagne ou ailleurs,
10:20je demanderais de la même manière sa libération.
10:23Je n'ai pas besoin d'être d'accord avec tout ce qu'il dit
10:25pour considérer que sa place n'est pas en prison.
10:27Après-demain, Édouard Philippe organise un congrès d'horizon à Bordeaux.
10:33Quel est l'objectif ? C'est se mettre en ordre de marche pour la présidentielle ?
10:36Ça fait partie, évidemment, du travail d'un parti politique
10:40qui veut aller à la conquête du pouvoir.
10:42Édouard Philippe est candidat, donc ça fait partie de cette démarche.
10:45C'est aussi un moment important parce que nous enregistrons de plus en plus d'adhésions à Horizon.
10:51Aujourd'hui, nous sommes environ à 32 000 adhérents qui cotisent au parti,
10:56dont 5 000 jeunes, ce qui est une bonne nouvelle.
11:00On nous dit toujours que plus personne ne veut de parti politique en France.
11:03Ça dépend. Ça dépend de ce qu'on propose.
11:05Mais pour proposer quelque chose qui intéresse les gens,
11:08il ne s'agit pas de dire « venez à nous »,
11:10d'avoir une espèce d'attitude descendante et condescendante.
11:13C'est plutôt d'aller vers les Français.
11:15C'est pour ça que c'est à Bordeaux. Il y en aura d'autres ?
11:17Oui, à Bordeaux. On aura le 16 mars un congrès à Lille.
11:20Et ensuite à Marseille, dont je n'ai pas encore la date. Je crois qu'elle n'est pas encore fixée.
11:24C'est cette logique d'aller vers les Français.
11:26Votre candidat, Édouard Philippe, est attaché à la maîtrise des dépenses publiques.
11:30Est-ce que les négociations en cours entre le gouvernement de François Bayrou
11:34et les socialistes sur le budget, qui réclament encore des concessions,
11:37vous inquiètent pour la tenue des comptes publics ?
11:40Bien sûr. On a l'impression que les socialistes, soit n'ont pas voulu regarder les chiffres,
11:45soit pensent que ça n'a pas d'importance d'être endetté, d'être dépendant,
11:49d'entrer dans une ère d'impuissance publique.
11:52Vous dites au gouvernement « il faut arrêter de faire des gestes, c'est fini, on a trop donné ».
11:56Je dis qu'on est beaucoup trop dans l'idée de faire encore des impôts,
12:00encore des taxes dans le pays champion d'Europe des impôts,
12:03et qu'on n'est pas du tout assez dans la baisse de la dépense publique.
12:06On n'y coupera pas. Les autres pays européens sont passés par là,
12:09ils nous regardent comme des enfants gâtés.
12:11Merci beaucoup Nathalie Loiseau.
12:12Et merci Aurélien Beaumont. On se retrouve lundi pour une nouvelle interview politique.