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Transcription
00:00La richesse de l'expérience, évidemment, le parcours, la bienveillance, et puis un livre sans ambiguïté aussi, au sujet d'une loi autorisant l'euthanasie.
00:08Qui serait, selon vous, Claire Fourcade, une loi pour les forts qui ne protège pas les faibles ?
00:13Et vous insistez sur les mots à employer. Je voudrais peut-être démarrer par cela.
00:16Vous parlez de suicide assisté, d'euthanasie et pas d'aide à mourir, contrairement souvent aux responsables politiques.
00:23Pourquoi utilise-t-il cet artifice ou ce contournement sémantique, selon vous ?
00:28Alors, d'abord, l'aide à mourir, c'est mon métier. Ça fait 25 ans que je fais ça.
00:32Aider à vivre. Moi, j'aime mieux dire que j'aide à vivre jusqu'à la mort, mais en tout cas...
00:35Et je crois que c'est important de bien nommer les choses pour que chacun puisse comprendre de quoi il est question.
00:40Ce que j'ai eu envie de dire aussi dans ce livre, c'est quels sont les enjeux du débat.
00:44Ces enjeux me paraissent très importants et pour que chacun puisse bien comprendre,
00:47parce qu'on a tous cette crainte de la façon dont notre fin de vie pourrait se passer ou celle de nos proches.
00:51J'ai rencontré, au travers des débats, au travers des commissions, des conventions citoyennes, des auditions,
00:57beaucoup de Français qui ont cette crainte des conditions dans lesquelles la fin de vie peut se produire.
01:02Et il me semblait important de dire, d'abord, qu'on a les moyens que la fin de vie se passe dignement
01:07et qu'on peut vivre dignement jusqu'à la mort en France, et puis aussi de nommer ce dont il est question dans les débats.
01:12L'euthanasie, c'est la mort donnée par un tiers, qui, dans tous les pays qui l'ont légalisé, est un soignant.
01:17Et puis le suicide assisté, où la société donne à une personne les moyens de mettre fin à ses jours.
01:21Et je crois que c'est important d'utiliser les mots. D'ailleurs, tous les pays qui l'ont légalisé utilisent ces mots-là
01:26et parlent d'euthanasie et de suicide assisté, et ça me paraît important.
01:29Je vais lire un passage de votre livre à ce sujet. Vous dites
01:32« Euthanasie. Dans tous les pays, justement, qui l'ont légalisé, elle signifie la mort par injection létale, pratiquée par un soignant.
01:38Mais elle emporte avec elle tout un cortège de représentations historiques ou vétérinaires
01:43qui mettent en défaut cette image, entre guillemets, de bonne mort, que son étymologie lui assigne.
01:48Pour tous ceux qui voudraient y voir la douceur, la liberté et la dignité,
01:52la violence sous-jacente est bien sûr inappropriée et on lui préférera, entre guillemets, aide active à mourir
01:57ou soins de fin de vie qui ont l'avantage de n'imber d'un flou artistique, ce que l'on souhaite ne voir que de loin et déléguer à d'autres. »
02:05Le soin de fin de vie. Est-ce que porter la mort est un soin ?
02:10Alors, pour un très grand nombre de soignants, c'est impossible.
02:14Même la définition juridique du soin, c'est ce qui va permettre d'améliorer la vie.
02:18L'euthanasie, elle n'est pas un soin, elle vient interrompre le soin, elle vient couper le soin.
02:23Et le soin, c'est notre métier, c'est ce qui nous fait choisir ces métiers qui sont parfois difficiles.
02:27La confrontation à la question de la souffrance et de la mort au quotidien, c'est difficile pour les soignants.
02:32C'est un choix particulier. Parce que ce qui est difficile, ce n'est pas la mort une fois, c'est la répétition de la mort.
02:37On a des très jeunes soignants dans le service, je suis toujours très impressionnée de leur capacité à être là, à être présent.
02:42Et on peut faire ce chemin, et puis on accompagne les patients aux portes de la mort, on revient et on refait ce chemin avec d'autres.
02:48Et pour qu'on puisse revenir et repartir avec d'autres, il y a un moment où on doit laisser le patient.
02:53On ne peut pas mourir avec chaque patient qui meurt.
02:55Et je crois que c'est vraiment important de se dire que notre métier, c'est le soin, prendre soin, soulager, accompagner.
03:01Et c'est possible, je veux vraiment le répéter, c'est possible d'être accompagné et d'être soulagé jusqu'à la fin de sa vie.
03:08Mais donner la mort, c'est autre chose et ce n'est pas un soin.

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