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Des Français qui épargnent beaucoup, mais mal ? Les Français sont des fourmis dont le bas de laine dépasse les 15.000 milliards d'euros. Une épargne abondante qui pourrait servir à financer les grands besoins de la nation, en matière d'innovation ou de transition énergétique. Mais ce patrimoine, aussi important soit-il, leur rapporte peu. Est-ce à cause d'un manque d'éducation financière ? D'une aversion pour le risque ? Réponse avec Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l'Epargne. Et puis comment l'épargne des Français peut-elle mieux financer l'économie réelle ? Philippe Brassac, Directeur Général du Crédit Agricole est notre invité spécial. Année de Production :

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00:00Pourvu que ça dure, avec Bureau Veritas, leader des services d'essai, d'inspection et de certification qui aident ses clients à relever les défis de qualité, de santé, de sécurité et de durabilité.
00:10Bureau Veritas. Bâtir un monde de confiance.
00:13Générique
00:41Bonjour, nouveau numéro de Pourvu que ça dure, l'émission qui rend les co-responsables sur Public Sénat.
00:47Aujourd'hui, on vous parle de l'épargne des Français, nos concitoyens qui sont des fourmis et dont le bas de l'aigle dépasse les 15 000 milliards d'euros.
00:54Une épargne abondante qui pourrait servir à financer les grands besoins de la nation, que ce soit en matière de PME, d'innovation ou encore de transition énergétique.
01:02Une manne qui serait d'autant plus utile que nos comptes publics sont très dégradés.
01:06Mais ce patrimoine des Français, aussi important soit-il, leur apporte peu.
01:10Comment l'épargne des Français peut-elle mieux financer l'économie réelle ?
01:18Réponse avec notre invité spécial, Philippe Brassac, le patron du Crédit Agricole.
01:22Mais d'abord, combien et comment épargnent les Français ? Réponse maintenant.
01:25Générique
01:28Des Français qui épargnent beaucoup mais mal, est-ce vrai ou faux ? Réponse avec vous, Philippe Crevel.
01:33Bonjour. Bonjour.
01:34Merci d'être avec nous sur Public Sénat, directeur du Cercle de l'Épargne.
01:37Déjà, est-ce que c'est vrai ou pas que les Français épargnent beaucoup ? Il y a ce chiffre de taux d'épargne de 18%.
01:42Est-ce que c'est beaucoup dans l'absolu ? Et beaucoup quand on se compare à nos voisins européens, par exemple.
01:46Donc 18%, oui, c'est un taux d'épargne important.
01:49C'est près d'un cinquième du revenu des ménages qui est mis de côté chaque année.
01:54Alors ce 18%, il faut quand même préciser, il y a deux composantes dans le taux d'épargne.
01:58Il y a le côté financier, les placements dans le livret A, dans l'assurance-vie, dans les actions.
02:03Et puis il y a la composante immobilière, le remboursement du capital des emprunts immobiliers, c'est également de l'épargne.
02:09Et c'est donc ces deux composantes qui font le taux d'épargne.
02:13Par rapport aux autres pays, en fait, la France est en tête juste derrière l'Allemagne.
02:19Les Allemands sont encore de meilleurs épargnants que nous.
02:21Eux, ils font à peu près 20%, donc, de taux d'épargne.
02:25Et on est devant les Espagnols, les Italiens, les Irlandais.
02:30Et donc, on figure parmi les Européens qui adorent le plus épargner.
02:35Est-ce que le poids de l'épargne financière augmente, année après année ou pas, d'ailleurs ?
02:39Alors, l'épargne financière, ces dernières années, a plutôt augmenté.
02:43Depuis 2019, elle a quasiment pris donc trois points de revenus disponibles bruts.
02:49Il y a eu évidemment des accidents, des chocs importants à la période Covid, où on ne pouvait pas consommer.
02:54Donc, on a épargné, on a mis de l'argent de côté parce qu'on ne pouvait pas aller, pendant les confinements,
02:58dans les boutiques, au restaurant, etc.
03:00Et puis, dès qu'il y a une période un peu tendue, dès que ça ne va pas,
03:04au niveau international, au niveau économique, au niveau politique, on épargne davantage.
03:08Et donc là, ces derniers temps, on est malheureusement gâtés, je dirais,
03:12parce qu'il y a eu la guerre en Ukraine, il y a aujourd'hui les problèmes politiques,
03:16et tout cela concourt à l'augmentation du taux d'épargne des ménages.
03:20Si on regarde l'épargne financière des Français, les Français aiment surtout les placements sûrs et liquides.
03:26Quand on regarde les chiffres, 60% de l'épargne financière s'investit dans de l'épargne sans risque,
03:31le compte courant, les livrets, le fonds euro de l'assurance-vie.
03:35Oui, c'est vrai, mais on n'est pas tout à fait différent des Allemands, des Italiens, des Espagnols.
03:41On critique beaucoup les Français en disant qu'ils aiment les produits sans risque, les produits de court terme, liquides.
03:47Mais les Allemands font de même. Les Allemands même adorent le cash.
03:50C'est pour ça qu'on avait créé ce fameux billet de 500 euros.
03:54C'était pour satisfaire les Allemands.
03:56Depuis, on l'a interdit parce que c'était utilisé à des fins un peu illégales.
03:59Mais on ne peut pas dire qu'il y a une spécificité française.
04:03On peut regretter néanmoins cette hypertrophie des produits de taux d'intérêt,
04:11mais nous ne sommes pas des Américains, nous ne sommes pas des Britanniques,
04:15nous ne sommes pas des Néerlandais qui, eux, privilégient, préfèrent, on va dire, les actions.
04:20Mais c'est des questions de tradition et puis des questions d'objectifs.
04:23C'est-à-dire ? Objectifs ? La retraite, c'est ça ?
04:26Non, les objectifs, c'est que les Français veulent de la sécurité et veulent de la liquidité.
04:31Et donc, évidemment, qu'est-ce qui correspond au mieux ?
04:34Ce sont les produits livrés d'épargne réglementée, le livret A,
04:38le livret développement durable et solidaire, l'assurance vie à travers les fonds euros.
04:42Mais au détriment du rendement qui est plus faible que sur les actifs, un peu plus risqués comme les actions.
04:47C'est vrai sur longues périodes où les actions ont un meilleur rendement que les produits de taux,
04:54donc les livrets, mais sur courtes périodes, ce n'est pas toujours vrai.
04:59Le livret A à 3% était plutôt assez attractif.
05:02Dans les années 90, les fonds euros de l'assurance vie avaient un rendement important,
05:07ça pouvait aller au-delà de 4%.
05:09Et les Français se sont précipités sur les fonds euros parce qu'il y avait un fort rendement.
05:13Il est faux de dire que les Français ne sont pas des bons épargnants.
05:17Ils regardent toujours la sécurité, la liquidité, et puis ils font attention quand même au rendement sans le dire.
05:24Mais ce n'est pas prioritaire. La recherche du rendement n'est pas prioritaire.
05:27Les Français ne veulent pas prendre de risques.
05:29Ils ne veulent pas donc exposer l'argent qu'ils ont durement acquis à des variations de capital importants.
05:38Les Américains, les Britanniques sont plus joueurs que nous.
05:41Mais si on part du principe que sur le long terme, notamment si on veut préparer sa retraite,
05:44les actions sont plus rémunératrices, est-ce qu'on peut se dire que le patrimoine des Français
05:48leur rapporte moins que ce qu'on pourrait imaginer s'il était investi de manière un peu moins défensive et un peu plus rentable ?
05:55Sur le long terme, il est vrai que les actions rapportent plus que les autres classes d'actifs.
06:00Et donc le fait qu'en France, on ait une moindre exposition aux actions pénalise, c'est vrai, les épargnants.
06:07Mais vous avez parlé de retraite, c'est très intéressant.
06:10Les Britanniques, les Américains, les Néerlandais, ils ont des fonds de pension.
06:14Il y a donc une habitude chez eux…
06:16Une retraite par capitalisation.
06:18Tout à fait. Et que l'épargne soit placée sur les marchés financiers en vue de financer la retraite.
06:23Et donc il y a une allocation d'actifs plus importante en actions.
06:27Nous, pendant très longtemps et jusqu'à une époque récente, la retraite par répartition était jugée satisfaisante
06:35et on n'avait pas besoin de compléter.
06:38Ça va peut-être changer dans les prochaines années.
06:40Mais jusqu'à maintenant, la retraite par répartition assure 98% des revenus des retraités.
06:45Donc on n'a pas eu cette logique, comme aux États-Unis ou comme au Royaume-Uni.
06:49Sauf que le taux de remplacement, encore une fois, le montant des pensions rapportés au niveau d'activité
06:54va être amené à baisser dans le futur.
06:57Il est de combien aujourd'hui et à combien il va baisser ?
06:59Parce que ça plaide pour préparer un petit privé aussi, sa retraite.
07:02Le taux de remplacement moyen tourne autour de 75% en France.
07:06Aujourd'hui.
07:07Aujourd'hui, il devrait baisser d'une dizaine de points d'ici 2070.
07:13C'est progressivement.
07:14C'est pas rien quand même.
07:15C'est pas rien, surtout que ce taux de remplacement baissera davantage pour les cadres supérieurs
07:21où le taux de remplacement devrait être inférieur à 50% d'ici le milieu du siècle.
07:27Donc il est évident que pour cette catégorie de population,
07:30la nécessité de se constituer des suppléments de revenus ou de capital pour la retraite est extrêmement importante.
07:37Et d'ailleurs, le succès du PER montre, PER plan d'épargne retraite,
07:40montre que les Français ont conscience qu'ils auront des pensions plus faibles à l'avenir,
07:43notamment quand ils sont en cadre.
07:44Alors le plan d'épargne retraite qui a été créé par la loi Pacte en 2019.
07:48Un vrai succès.
07:49Un succès non négligeable.
07:51Il y a à peu près 10 millions de Français qui ont aujourd'hui un plan d'épargne retraite.
07:55L'encours, c'est une centaine de milliards d'euros.
07:58Donc cela traduit bien, un, l'angoisse des Français en ce qui concerne leur revenu à la retraite,
08:03et puis le fait que ce produit qui offre une déduction fiscale à l'entrée
08:07et qui permet soit une sortie en rente, soit une sortie en capital,
08:11répond aux besoins et aux attentes des Français.
08:15Les Français y sont ou pas opposés à une petite dose de retraite par capitalisation,
08:19au-delà de la retraite par répartition qui escalait et qui restaure, évidemment ?
08:25Les Français, enquête après enquête, indiquent clairement qu'ils sont contre, évidemment,
08:30le système à 100% par capitalisation.
08:32À l'américaine ?
08:33Non, il y a de la répartition aux États-Unis, contrairement à ce qu'on croit.
08:36Qui assure un minimum pour tout le monde.
08:39Il y avait deux, trois pays qui avaient fait la capitalisation à 100%,
08:41il y a eu le Chili et la Pologne, mais d'ailleurs ils ont abandonné ce système.
08:46Donc les Français sont pour un système mixte, une grosse base par répartition,
08:50mais complétée par de la capitalisation.
08:53Et ça, c'est assez vérifié par de nombreuses enquêtes,
08:57et on ne peut pas dire que les Français s'opposent à l'introduction
09:00de placements financiers pour financer leur entreprise.
09:03Ça existe aux Pays-Bas, d'ailleurs, ça, la retraite par capitalisation,
09:05en plus de la répartition ?
09:07Ça existe dans la quasi-totalité des pays.
09:09Donc la France est un de ceux où le poids de l'épargne-retraite,
09:13de la capitalisation, est le plus faible.
09:15Aujourd'hui, ça assure 2% simplement des revenus des retraités.
09:18En moyenne, au sein des grands pays industrialisés, c'est 15%.
09:22Bon. Sinon, on dit que les Français ont une faible éducation financière,
09:25notamment sur les placements, et donc qui pourraient les conduire
09:29à une allocation de leur patrimoine, de leurs investissements,
09:33qui serait défensive, encore une fois, pas très optimale.
09:35Il y a un sujet ou pas sur l'éducation financière,
09:37et en matière de placement des Français, ou pas ?
09:40Que le Français soit un peu fâché avec l'économie,
09:43je dirais que ce n'est pas complètement faux.
09:45Il suffit de voir les débats sur la dette publique, sur le déficit,
09:48où à la fois les Français ont peur, mais ne prennent pas forcément conscience
09:51des nécessités de réduire les dépenses,
09:54ou de faire des arbitrages là, sur tel ou tel point.
09:57Pas complètement faux.
09:59Je dirais que quand même, sur les placements financiers,
10:02les Français ne sont pas si, on va dire, négligents,
10:07ou pas si informés que cela.
10:09Parce que, dans le temps, ils font évoluer leurs placements,
10:13ils ne restent pas scotchés sur un type de produit.
10:16Ils ont été, dans les années 80, sur les SICAF monétaires,
10:18ça avait connu un succès fabuleux.
10:20En plus, il y avait un avantage fiscal, les plus-values n'étaient pas imposables.
10:24Quand le gouvernement a mis fin à cet avantage,
10:27et quand les taux ont baissé, ils se sont précipités sur les fonds euros.
10:30Et puis, après les fonds euros, ils sont allés sur l'épargne réglementée,
10:35qui était mieux rémunérée, ou sur les dépôts à terme.
10:37Et récemment ?
10:38Et là, ils sont en train de revenir sur les fonds euros de la séance vie,
10:40qui augmentent en termes de rendement.
10:42Et les actions, c'est vrai qu'on dit, les Français ne sont pas sur les actions,
10:45parce qu'ils n'ont pas de culture financière.
10:47Les jeunes générations, c'est beaucoup moins vrai.
10:49On a vu, pendant les confinements 2020,
10:52pendant l'épidémie de Covid,
10:54les jeunes étaient des acteurs importants sur le marché actions.
10:58Ils ont, quand les coûts ont chuté, été extrêmement opportunistes,
11:02et ils ont racheté les actions sous-cotées.
11:05Et donc, ils ont fait de la plus-value.
11:07Les jeunes ont une vision qui est beaucoup plus, on va dire, jeux vidéo.
11:11Et donc, ils achètent, ils vendent assez rapidement.
11:15Il n'y a pas le côté actions la papa,
11:17où on va conserver ça pendant des années, des années,
11:19en touchant les dividendes.
11:20Là, il y a une vision un peu Bitcoin,
11:22en disant, ça fait plus 15%, plus 20%.
11:24Pourquoi ne pas en profiter ?
11:25Voilà, je fais ma plus-value.
11:26Et donc, il y a toute une nouvelle génération d'actionnaires
11:30qui permettent d'espérer, justement,
11:33un peu moins de produits traditionnels,
11:36et un peu plus, on va dire, d'actions,
11:38ce qui permet de financer l'économie, ce qui n'est pas mal.
11:40Il n'est jamais trop tard pour épargner.
11:42Il n'est jamais trop tard pour épargner.
11:43D'ailleurs, les retraités sont des épargnants actifs.
11:46Le taux d'épargne chez les retraités, c'est plutôt 25%,
11:50et non pas les 18% dont vous avez parlé tout à l'heure.
11:54Et les retraités en France sont des acteurs importants de l'épargne.
11:57Ils se constituent un patrimoine en vue de faire face
12:00à des dépenses exceptionnelles, pas toujours agréables,
12:03la dépendance, ou pour transmettre à leurs enfants
12:06ou à leurs petits-enfants.
12:07Allez, merci pour cette explication signée Philippe Crevel,
12:10directeur du Cercle de l'Épargne.
12:11Merci à vous.
12:12Merci.
12:13Allez, on continue à parler de l'épargne des Français
12:15avec notre invité spécial.
12:19Faut-il mieux orienter l'épargne des Français,
12:21notamment pour financer les grands défis économiques
12:23et énergétiques de la France ?
12:25Bonjour Philippe Brassac.
12:26Bonjour.
12:27Vous êtes le directeur général du Crédit Agricole.
12:29À quoi servent, on a envie de savoir,
12:30à quoi servent les milliards d'euros d'épargne des Français ?
12:32Parce qu'on dit souvent que ça sert surtout
12:34à financer, via l'assurance vie, les déficits publics de l'État.
12:38Est-ce que c'est vrai ?
12:39Est-ce qu'il n'y aurait pas un meilleur emploi possible ?
12:41C'est à la fois vrai et faux.
12:42Il faut avoir en tête que l'épargne financière des Français,
12:46c'est trois blocs très différents,
12:48qui vont à des endroits différents
12:50et qui donc financent des choses différentes.
12:52C'est d'abord un tiers d'épargne bancaire
12:54qui va dans le bilan des banques.
12:56Le dépôt à vue, le dépôt à terme, le PEL.
12:58Ça, ça permet aux banques de faire tous les crédits à l'économie.
13:01Il y a un deuxième tiers qui est celui de l'assurance vie.
13:0470% en euros, 30% en UC.
13:08C'est l'assurance vie.
13:09Unité de compte, c'est la bourse.
13:10Et euros, c'est les fonds en euros.
13:12Investis notamment dans les obligations souveraines françaises.
13:14Absolument.
13:15En tout cas, dans les obligations de façon générale
13:17et souvent dans de la dette d'État
13:19et souvent la dette d'État national.
13:21Et les 30 autres pourcents sont destinés au fonds,
13:25au titre de l'unité de compte.
13:26Donc, c'est quand même le client qui choisit cela.
13:28Et puis, un dernier tiers qui est l'asset management
13:31au sens large du terme, les SICAV,
13:33les fonds communs de placement.
13:35Et clairement, c'est le client qui choisit
13:37le type de SICAV, actions, obligations monétaires,
13:40Europe, Asie.
13:41Et donc, on a grosso modo, pour faire simple,
13:44deux tiers de l'épargne des Français
13:46qui est auto-fléchée par la destination
13:49qu'il a déjà choisie.
13:50Dans les banques, en revanche,
13:52c'est la banque qui va transformer
13:54l'épargne financière en crédit à l'économie.
13:56Est-ce que l'épargne des Français finance suffisamment
13:58le développement de nos entreprises
14:00qui manquent de capitaux propres ?
14:02D'abord, il faut avoir en tête quelque chose
14:04qui n'est pas bien compris.
14:05Il n'y a pas un euro d'épargne qui dorme.
14:08Même l'euro sur le dépôt à vue
14:10que vous avez sans doute au crédit agricole,
14:12cet euro, il est réemployé en crédit à l'économie,
14:15crédit aux entreprises, crédit à l'immobilier.
14:18Et donc, il n'y a pas d'euro qui dorme en tant que tel.
14:20Et je pense qu'il faut arrêter de raisonner
14:22comme si chaque individu,
14:24parce que l'épargnant, il est individuel,
14:26devait avoir un projet de financement.
14:28Il a un projet de vie.
14:29C'est-à-dire qu'il va choisir s'il place à court terme
14:32ou s'il peut placer à long terme,
14:33s'il va prendre des risques ou pas des risques.
14:35Et ce sont donc aux intermédiaires financiers
14:38d'assurer cette transformation
14:40d'épargne liquide retirable à tout instant
14:44en financement de différentes natures vers l'économie.
14:47Le patrimoine des Français, on l'a bien compris,
14:49parce que placé globalement de manière défensive,
14:52leur apporte peu en définitive.
14:54Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen
14:55de mieux optimiser cette épargne,
14:57à la fois pour eux, mais aussi pour la nation ?
15:00Je ne pense pas qu'on puisse dire
15:01qu'elle leur apporte peu.
15:02Je pense que la France est un paradis pour les épargnants.
15:05L'existence, par exemple, d'épargnes réglementées,
15:09avec des taux qui sont souvent décidés
15:11un tout petit peu politiquement,
15:13garanties par l'État en termes de capital,
15:15et puis avec une fiscalité allégée, voire nulle,
15:18ça n'existe quasiment dans aucun autre pays au monde.
15:21Et donc, cette épargne réglementée,
15:23elle prend une place très forte.
15:24Et je reviens à l'explication d'il y a un instant.
15:27La personne, le ménage qui souscrit du livret A,
15:31il ne raisonne pas qu'il a décidé
15:33d'aller financer le logement social.
15:35Il décide d'un placement qui est garanti,
15:37dont le taux est celui-ci,
15:39et dont la fiscalité est très faible.
15:40Oui, mais on ne prépare pas sa retraite avec un livret A.
15:42Non, mais on va dire que ce sont aux intermédiaires financiers
15:46de transformer cela en fonction du type d'épargne
15:50que le client a choisi,
15:51et non pas du type de financement
15:53dont il a envie que cela soit utilisé pour l'économie.
15:56Est-ce qu'il ne faut pas chercher ou aider
15:58à réduire la version très forte pour le risque
16:01qu'on a chez les épargnants français,
16:03qui font qu'on investit moins dans des actifs de long terme
16:06comme les actions pour aider les entreprises,
16:08qui, c'est prouvé sur long terme, rapportent plus ?
16:10Oui, mais je pense que le diagnostic
16:12n'est pas totalement partagé.
16:14En Europe, en France notamment,
16:16je ne pense pas que le premier sujet
16:18soit un manque de financement,
16:20ni même un manque de capacité de lever des fonds propres.
16:23Lorsqu'il y a des projets,
16:24lorsqu'il y a du développement,
16:26lorsqu'il y a de la compétitivité,
16:28les entreprises trouvent tout ceci.
16:30Je pense que le problème est plus général,
16:32il est plus lié à une Europe dont on dit,
16:35peut-être avec excès, mais c'est assez vrai,
16:37c'est une Europe qui ne se mobilise pas assez
16:39sur la compétitivité des entreprises.
16:41Un cadre qui permette à ce que, effectivement,
16:44la rentabilité des entreprises,
16:46jusqu'aux dividendes versés,
16:47soit comparable à ce qu'on trouve notamment chez les Américains.
16:50Est-ce que c'est vrai que de manière globale,
16:52macroéconomique comme on dit,
16:53que beaucoup, trop ou beaucoup trop de capitaux européens
16:56s'investissent aux États-Unis au détriment de l'Europe ?
16:59Beaucoup, beaucoup trop, c'est difficile à juger.
17:02Mais ce qui est vrai, c'est qu'il y a environ 300 milliards d'euros
17:05chaque année qui est d'origine européenne,
17:08qui se positionne sur des valeurs américaines
17:10ou sur de l'économie américaine.
17:12Et la raison est simple, c'est que les États-Unis d'Amérique
17:14ont une économie qui est beaucoup plus dynamique.
17:17Et surtout, les mots profits, actionnaires, dividendes
17:20ne sont pas radioactifs.
17:22Car on ne peut pas espérer en France pousser les épargnants
17:25à aller vers de la prise de risque d'action
17:27et en même temps entendre tous les jours
17:29que l'actionnaire est au fond l'adversaire de l'économie.
17:32Il faut rouvrir ou pas le débat en France
17:34autour d'une dose de capitalisation dans le financement de retraite
17:37pour à la fois soulager un petit peu les comptes publics,
17:40mieux financer nos entreprises,
17:41et puis peut-être maximiser aussi, j'y reviens,
17:43le rendement de l'épargne des Français ?
17:45Je ne sais pas s'il faut ouvrir ce débat.
17:46En tout cas, c'est aux politiques de le trancher.
17:48En revanche, il faudrait qu'il soit au-dessus des réglementations bancaires
17:52pour que les modèles qu'ils choisissent d'appliquer,
17:55très différents entre les États-Unis et l'Europe,
17:57correspondent à des réglementations qui nous soient propres,
18:00qui nous soient spécifiques.
18:01On ne peut pas sans arrêt mettre la pression
18:03sur la taille des bilans comme aux États-Unis
18:05et ne pas avoir un marché des capitaux en face
18:07pour faire en sorte de décompression.
18:09Donc, il faut d'abord que les grands modèles
18:11de fonctionnement de nos sociétés et de l'économie
18:14soient pris en compte par le politique
18:16pour que les régulations et la réglementation
18:19soient les plus adéquates pour financer ces modèles-là.
18:21Donc, vous n'êtes pas spécialement favorable
18:23à un marché unique de l'épargne, de l'investissement
18:25et plus d'intégration financière en Europe ?
18:27Je suis favorable à cela.
18:28Je dis simplement que derrière ces mots,
18:31il n'y aura pas, fondamentalement,
18:33le même type de marché unique qu'ont les Américains
18:36et aussi dense liée à le fond de pension.
18:39Et donc, en quoi c'est une réponse, alors,
18:41l'union des marchés de capitaux à tous nos sujets
18:43pour financer notamment les grands projets européens
18:45et il y en a, hein ?
18:47Ce n'est pas, ça ne peut pas être la réponse.
18:49On sait aujourd'hui, et je reviens à l'envers
18:51sur le raisonnement que je faisais il y a un instant,
18:54nous prenons depuis 2008 toute une réglementation
18:57anglo-saxonne américaine qui met pression
19:00sur la taille de nos bilans.
19:02Il nous faut avoir au moins un peu de facilité
19:04de titrisation des crédits sur les marchés
19:07pour que...
19:08Alors la titrisation, il faut expliquer ce que c'est.
19:10La titrisation, c'est que vous avez fait des crédits
19:12qui se ressemblent, qui sont homogènes.
19:14Les Américains sont spécialistes de ça
19:16sur le crédit immobilier.
19:18Ils les regroupent et ils les revendent
19:20comme des titres sur des marchés...
19:22Ça les a emmenés dans le mur en 2009
19:24avec la grande crise financière.
19:25Absolument, absolument.
19:26Alors, on ne va quand même pas dire
19:28que toute titrisation amène dans le mur,
19:30mais dans la réflexion politique,
19:32ce serait quand même bien que, suite à 2008,
19:34plutôt que d'adopter toutes les règles
19:36de régulation anglo-saxonne,
19:38on se soit dit, tiens, si on ne recommencerait pas
19:40l'affaire des subprimes américains,
19:42et à ce stade, je n'ai jamais vu
19:44la moindre régulation anti-subprime.
19:46Vous êtes partisan ou pas
19:48de la création d'un produit
19:50d'épargne européen pour flécher,
19:52encore une fois, l'épargne des Français
19:54vers ces investissements d'avenir,
19:56la transition énergétique, la numérisation,
19:58le renforcement de nos capacités de défense ?
20:00Honnêtement, je pense qu'on est dans la symbolique.
20:02Elle peut être utile,
20:04mais fondamentalement, l'épargne des Français
20:06dans le bilan des banques ne doit pas être fléchée.
20:08Sinon, nous n'arriverons plus
20:10à faire cette transformation
20:12d'épargne individuelle en crédit long
20:14à l'économie, parce que l'épargnant
20:16n'est pas l'emprunteur fondamentalement.
20:18Et à ce jour, il faut regarder
20:20les vrais sujets. Le vrai sujet aujourd'hui,
20:22notamment sur la transition énergétique,
20:24c'est qu'il n'y a pas assez de projets
20:26à financer. Je ne connais pas
20:28un seul grand projet d'énergie renouvelable
20:30qui n'ait pas trouvé ses financements.
20:32Si vous en connaissez, citez-moi-les.
20:34Mais il y a cette idée fondamentale
20:36que c'est toujours la finance qui est au cœur de tout
20:38et qu'au fond, on serait le goulet
20:40d'un tranglement. En l'occurrence,
20:42ce n'est pas le cas. Un projet d'énergie
20:44renouvelable en Europe, France,
20:46c'est à peu près 7 ans s'il se réalise
20:48entre la première idée et sa réalisation.
20:50Il manque des projets d'énergie
20:52renouvelable en Europe.
20:54Un produit pan-européen d'épargne retraite individuelle,
20:56le PEP, a été lancé en 2022,
20:58mais n'a jamais réellement décollé.
21:00Ce type de projet, sur le papier,
21:02ça peut paraître séduisant, mais ça ne marche pas.
21:04Parce que tout ceci préexiste. On a des solutions
21:06dans les bilans des banques, chez les assureries,
21:08chez les asset managers qui correspondent
21:10de peu au prou à ce type de besoins.
21:12L'épargne retraite existe en France.
21:14Simplement, ce sont
21:16les projets individuels des ménages
21:18et des individus de décider si,
21:20au fond, ils vont d'abord privilégier l'immobilier,
21:22avoir de l'épargne aux précautions,
21:24mettre de côté pour la retraite.
21:26Je pense qu'on oublie souvent qu'il y a
21:28deux rôles différents. Il y a celui de l'individu
21:30qui gère son projet de vie.
21:32Ce n'est pas toujours simple et c'est légitime.
21:34Et puis, il y a des intermédiaires financiers
21:36qui ont la responsabilité
21:38de stabiliser ceci pour orienter vers
21:40les grands besoins de financement de l'économie.
21:42Ce n'est pas la même chose. On ne peut pas demander
21:44à chaque individu épargnant de prendre en compte
21:46les besoins de financement de l'économie.
21:48Pourtant, les grands projets à financer sont nombreux.
21:50Mao Draghi affirmait récemment
21:52que l'Union européenne avait besoin de 750 à 800 milliards
21:54d'euros chaque année pour relancer
21:56à la fois la croissance de l'Union européenne,
21:58mais aussi rattraper ce retard dont on parlait.
22:00Oui, mais la phrase veut dire qu'on a besoin de projets
22:02qui pèsent 700 à 1 000 milliards,
22:04mais de projets d'abord.
22:06Ça sera financé comment ? Une fois qu'il y aura
22:08bien des projets, espérons-le,
22:10c'est financé par de la dette ou encore une fois par de l'épargne ?
22:12Dès que vous êtes en comptabilité,
22:14tout ce qui est au passif est de la dette
22:16pour celui qui reçoit, ce qui est de l'actif est de la dette
22:18pour celui qui a emprunté.
22:20Donc, il faut avoir une vision qui est assez simple.
22:22D'un côté, il y a une capacité
22:24d'épargne et de l'autre côté,
22:26il y a des besoins de financement. Ce sont d'ailleurs
22:28parfois les mêmes individus, les mêmes entreprises
22:30qui sont des deux côtés.
22:32Le système financier, honnêtement, en Europe,
22:34fonctionne très bien, il est fluide,
22:36il délivre des financements bancaires,
22:38il délivre une capacité à aller vers les fonds propres,
22:40le private equity, y compris
22:42sur les sociétés non cotées.
22:44L'investissement non coté existe et fonctionne.
22:46Nouvelle fois, je pense que
22:48le vrai sujet principal de l'Europe,
22:50c'est de promouvoir la capacité,
22:52la compétitivité, les marchés
22:54pour leurs entreprises parce que
22:56ce n'est pas une critique que de constater
22:58qu'il y a un marché européen, c'est comme ça que ça s'appelait au départ,
23:00c'est-à-dire quelque chose qui vise
23:02la satisfaction du consommateur
23:04avec beaucoup d'importations et des prix
23:06les plus bas possibles. Nous en sommes
23:08à devoir amplifier aujourd'hui
23:10la promotion de la compétitivité
23:12et au fond de la production
23:14de nos entreprises.
23:16Les gros gestionnaires d'actifs, les Brassac, mondiaux,
23:18sont anglo-saxons.
23:20Le seul français qui compte, c'est votre filiale, Amundi,
23:22qui est dans le top 10,
23:24qui est le seul français européen.
23:26Il doit être numéro 8 aujourd'hui.
23:28Dans le top 10 mondial. Est-ce que c'est un problème
23:30ou pas d'ailleurs que la gestion d'actifs
23:32soit à ce point dominée par les anglo-saxons ?
23:34Non, c'est surtout...
23:36C'est le reflet. C'est tout logique, le plus gros marché
23:38au monde d'assets management
23:40ce sont les Etats-Unis d'Amérique.
23:42Parce que retraite par capitalisation.
23:44Parce que les fonds de pension sont extrêmement importants
23:46et puis parce que nous avons
23:48cette pratique américaine
23:50que nous ne leur envions pas
23:52mais qu'on ne va pas critiquer,
23:54c'est que le financement du crédit immobilier
23:56qui pèse 60% du bilan
23:58des banques en France est retitrisé
24:00et remis sur les marchés financiers.
24:02Donc on a des marchés financiers
24:04qui pèsent deux tiers par rapport aux banques
24:06un tiers, là où en France
24:08la proportion est exactement la contraire.
24:10A cette question qu'on se pose dans l'émission
24:12des français qui épargnent
24:14beaucoup, ça c'est vrai, mais mal,
24:16oui ou non ?
24:18Non. Le français n'épargnerait mal
24:20que s'il n'était pas conforme
24:22à son propre projet.
24:24Une nouvelle fois, on ne peut quand même pas demander à chaque individu
24:26d'intégrer les besoins
24:28de la société qui par ailleurs sont quand même très
24:30mouvants et pas faciles à repérer.
24:32L'individu doit avoir
24:34son projet de vie,
24:36l'institution financière doit l'éclairer
24:38sur ses besoins, sur les types
24:40de placements qu'il peut faire
24:42en fonction de son appétit, au risque
24:44ou non risque. Mais son besoin de sécurité,
24:46son aversion pour le risque, son appétit
24:48pour avoir de la liquidité, est-ce que ce n'est pas
24:50contradictoire avec une épargne de long terme,
24:52mieux rémunérée dans le temps ? Non, parce que fondamentalement,
24:54votre raisonnement
24:56consiste à nier l'importance
24:58stratégique de la fonction
25:00de transformation. Ce sont les banques qui font ça.
25:02Et qui, à la place de l'individu
25:04qui ne peut pas gérer le risque de taux, le risque
25:06de liquidité ou le risque de contrepartie,
25:08prennent des montants
25:10très importants d'épargne à leur bilan
25:12et les transforment en financement à l'économie.
25:14Je pense que la transformation
25:16qui est le cœur des systèmes bancaires,
25:18quelque chose qui est peu connu, mais qui
25:20est le stabilisateur du financement
25:22et en particulier le stabilisateur
25:24lorsqu'il y a des chocs de taux, qui ne se
25:26répercute pas à l'hausse comme à la baisse
25:28sur les individus. Merci à vous
25:30Philippe Brassac, directeur général du CrédiaCol
25:32pour cet entretien. Merci. Voilà, c'est la fin
25:34de Pourvu que ça dure, l'émission qui rend les co-responsables
25:36sur Public Sénat, émission tournée depuis
25:38l'atelier Covivio à Paris. Pourvu que ça dure,
25:40c'est aussi du replay sur publicsenat.fr.
25:42A très vite.

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