• avant-hier
Alain Bauer, professeur de criminologie, était l’invité du Face-à-Face d’Apolline de Malherbe ce mardi 21 janvier. Il et notamment revenu sur l'investiture de Donald Trump et ses politiques contre l'immigration, la volonté d'Emmanuel Macron de mobiliser davantage de jeunes afin de "renforcer les armées", mais également le narcotrafic en France. 

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sûr RMC et BFM TV. Bonjour Alain Boer.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être mon invité ce matin.
00:06Vous êtes professeur de criminologie, vous êtes expert en sécurité intérieure.
00:10Vous avez écouté j'imagine le discours de Donald Trump hier.
00:13Il annonce renvoyer des millions et des millions de migrants, des criminels.
00:18Il met en place l'état d'urgence à la frontière avec le Mexique.
00:22Il n'a pas lu votre livre visiblement.
00:25Il aurait pu mais il n'est pas encore traduit.
00:27Ça doit être pour ça parce que vous dites à peu près l'inverse.
00:30Mais j'en reviens du Trumpistan.
00:32Donc j'y étais il y a 15 jours.
00:33J'ai rencontré une partie des équipes de sécurité nationale de Donald Trump
00:38comme c'est le cas depuis 20 ans.
00:41Il se trouve que j'y fais cours et qu'un certain nombre d'entre eux ont été,
00:44sont, j'espère seront des étudiants attentifs ou participeront à des séminaires de travail.
00:51Non, il dit des choses qui correspondent à deux réalités différentes.
00:54Car en fait il y en a deux.
00:56Il y a la réalité de la tech qui importe massivement de brillants cerveaux
01:01qui sont la puissance intellectuelle que les Etats-Unis n'arrivent plus à fournir
01:06dans leur système académique, mais qui ont les moyens financiers de se développer.
01:11Elon Musk, il est Sud-Africain.
01:13Il n'est pas Américain.
01:14Il l'est devenu.
01:15Il ne pourra pas être président des Etats-Unis parce que la Constitution ne lui permet pas.
01:19Mais une partie importante de tous ceux qui nous font le cours sur
01:22il faut virer les étrangers sont des étrangers devenus Américains.
01:25Une partie de ceux qui ont voté, notamment dans les minorités latino ou black
01:30et même beurre, arabo-musulman-américain, sont des gens qui sont devenus Américains
01:36et qui ont peur d'être attrapés par le bas, par les nouvelles générations,
01:40moins éduquées, moins tech, moins...
01:44Et qui pour la première fois ont voté républicains.
01:48Plus républicains que d'habitude.
01:49Donald Trump beaucoup plus que d'habitude alors que leur vote était acquis normalement aux démocrates.
01:54Mais les démocrates ont fait une culture du pauvre.
01:57Les républicains ont fait une culture de la réussite.
02:00Et les populations d'origine étrangère, quand elles veulent s'intégrer,
02:05et c'est tout le sujet de mon livre, qui est de montrer qu'il y a deux extrêmes
02:08qui ne parlent plus de la réalité.
02:11Un extrême qui dit tous les étrangers dehors.
02:13Et immédiatement Elon Musk comme méta, comme les autres,
02:17dit pas tous les étrangers dehors seulement les plus cons.
02:21C'est typiquement comme ça qu'ils le disent.
02:23Les plus pauvres.
02:24Ah oui, je le dis tel qu'ils le disent.
02:26C'est pas mon expression personnelle.
02:28Et puis une autre partie qui dit non, non, non, non,
02:30il faut accueillir le monde entier parce que nous avons le cœur sur la main.
02:35Et en fait ces deux extrêmes sont incompréhensibles pour une majorité,
02:39un bloc central qui ne veut pas être attrapé pour le bas,
02:42même quand ils sont des étrangers intégrés
02:45et qui ne veulent pas perdre leur culture et leur identité
02:48parce qu'ils imaginent un roman national
02:51qui n'est pas toujours le récit national.
02:54Et j'explique que la réconciliation des deux,
02:56c'est le seul moyen d'éviter l'assimilation qui fait perdre toutes les identités,
03:00mais pour les Bretons, les Alsaciens, les Corses et les Basques,
03:03comme pour ceux qui viennent d'ailleurs.
03:07Et le récit national qui permet par l'intégration
03:11de faire une identité nationale
03:13qui est aux États-Unis l'idée qu'ils se fondent de l'Amérique
03:17et en France l'idée que nous devons nous faire de notre nation.
03:19Par contre on va revenir aussi aux problématiques françaises,
03:21mais Alain Bauer, effectivement votre livre qui sort aujourd'hui
03:24est absolument passionnant,
03:25ça s'appelle « La conquête de l'Ouest »,
03:26c'est sur les questions de démographie, migration, crise, identité,
03:30mais aussi sur les questions de violence,
03:31sur le regard finalement porté sur l'étranger.
03:34Mais dans l'histoire de France, dans l'histoire de l'Europe,
03:37la façon dont les êtres humains de mobile sont devenus sédentaires
03:44et comment ils peuvent redevenir justement eux-mêmes mobiles à tout moment,
03:48c'est la question de la souveraineté, la question des frontières.
03:50Et effectivement vous allez plutôt à l'encontre d'une logique de Donald Trump,
03:54puisque vous dites au fond le problème n'est pas la mobilité,
03:56il faut arrêter de lutter artificiellement contre la mobilité.
04:00L'homme par nature va bouger là où il y aura à la fois plus de réussite possible,
04:05plus de progrès possible.
04:09En revanche, il ne faut pas renoncer à la question de l'intégration.
04:13C'est vraiment ça votre logique,
04:14et c'est aussi le message que vous faites passer, y compris en France.
04:16Oui, parce que les républicains, entre guillemets,
04:19en supprimant l'intégration et en expliquant qu'il fallait vivre ensemble,
04:23mais côte à côte, même face à face,
04:26comme aurait dit Gérard Collomb quand il avait fait ce discours incroyable.
04:30Où il avait dit que sur les territoires perdus de la République,
04:32il y avait des endroits où on vivait côte à côte
04:34et où bientôt nous vivrions face à face.
04:38Oui, il avait bien raison,
04:39mais le problème c'est que ce ne sont pas des territoires perdus,
04:41ce sont des territoires abandonnés.
04:43L'aile la plus déconstructive des républicains ou qui croient l'être,
04:48ont considéré qu'en fait, chacun pouvait vivre individuellement
04:51sans avoir aucun lien collectif,
04:53sans avoir aucun attachement à quelque chose
04:55qui nous soit propre à nous en tant que nation.
04:59Et en France, particulièrement, à la différence des États-Unis,
05:02l'État a créé la nation.
05:04Mais l'État aujourd'hui, à vos yeux, Alain Boer,
05:07a une très lourde responsabilité.
05:09C'est un État défaillant, moribond, en voie de disparition
05:13et qui ne s'en rend même pas compte,
05:15qui continue à faire semblant,
05:17qui continue à croire à une sorte de pensée magique extraordinaire
05:21où tout le monde va s'aimer naturellement,
05:23sans aucun effort de sa part.
05:25Il n'intervient plus en termes d'intégration.
05:28Il a abandonné l'assimilation, ce qui est plutôt bien,
05:31et il est sur le communautarisme le plus débridé.
05:34Vous voulez dire qu'en France, aujourd'hui,
05:36ce que les gouvernants nient,
05:39disent que c'est réservé aux modèles britanniques ou anglo-saxons,
05:43qu'ici, on n'est pas du tout dans cette logique-là,
05:45on est en réalité, de fait, dans une situation...
05:47Depuis Valéry Giscard d'Estaing, au moment où on a décidé
05:49la globalisation heureuse,
05:51cet univers merveilleux où tout le monde s'aimait,
05:53où l'économie allait prendre le dessus sur la culture nationale,
05:57où il n'y avait plus ni nation ni patrie,
06:00où les frontières avaient disparu,
06:01ce que j'expliquais dans mon ouvrage précédent
06:03sur Où commence-t-elle la guerre ?
06:05Sur le fait qu'il n'était nul besoin d'appliquer la loi,
06:08mais simplement d'en produire plus et de n'en appliquer aucune,
06:11ce qui était le cas en matière de criminalité et de violence,
06:14vous êtes dans une situation aujourd'hui
06:16de désagrégation de l'État,
06:18mais c'est une désagrégation volontaire.
06:20Nous ne sommes pas des victimes,
06:22nous sommes des complices de cette désagrégation.
06:24Alors, de temps en temps, évidemment,
06:26il y a un discours, un regard,
06:28une intervention plus dure sur ces questions,
06:32donc on se dit, ah oui, quand même, il y a un sujet.
06:34Ce que Donald Trump a réussi à faire
06:36en étant majoritaire en voix
06:38et pas seulement majoritaire en grands électeurs,
06:40en obtenant des scores inédits
06:42chez les minorités intégrées
06:44par rapport au flux qui est en train d'arriver,
06:47il a géré le stock
06:48et il est en train d'essayer de maîtriser le flux,
06:50mais pour des raisons qui vont être
06:52beaucoup plus de sélection et de quotas qu'autre chose,
06:55c'est qu'il y a une révolte du corps central.
06:58C'est qui le corps central ?
07:00Là-bas ou ici ?
07:01Partout.
07:02Ce sont ceux qui sont attachés à une idée nationale,
07:05qui est le roman national,
07:07qui n'est pas toujours le récit national,
07:09c'est-à-dire que l'histoire, de ce point de vue-là,
07:11ne ressemble pas toujours à la fiction,
07:13puisqu'un roman, c'est une fiction,
07:15mais qui croit à une idée globale
07:17de ce que c'est qu'une nation.
07:19Alain Bauer, dans votre livre,
07:20vous dénoncez le modèle bourgeois-libéral,
07:22une sorte de business roy
07:24qui a renoncé aux valeurs communes.
07:26Oui, bien sûr.
07:28Moi, je me réveille tous les matins,
07:29donc je peux dire que je suis très woke,
07:31mais au-delà de cela,
07:33il y a une forme extrême
07:35de l'ultra-spécification des populations,
07:39une communautarisation tellement immédiate...
07:41Pourquoi ? Pour des raisons de marketing ?
07:43Non, parce qu'on a une sorte de remord.
07:45En France, on a un remord colonial,
07:46ce que les États-Unis n'avaient pas,
07:48parce que la seule guerre qu'ils aient vraiment faite,
07:50c'était contre l'Espagne,
07:51au moment où ils ont acquis, d'ailleurs,
07:53une population latino très importante.
07:56Mais sur le fond,
07:57nous sommes dans cette logique-là,
07:58parce qu'on croit à une sorte d'individualisation,
08:00généralisée, liée au consumérisme.
08:03Mais la consommation ne fait pas des citoyens,
08:05ça fait juste des gens qui achètent et qui consomment.
08:08Le citoyen, c'est quelque chose qu'on construit ensemble,
08:11et pour cette unité-là...
08:13J'expliquais il y a très longtemps
08:14au président Sarkozy,
08:15quand il était un peu dans cette logique-là,
08:17que c'était bien d'avoir une vision de la France
08:19comme une société à tiroirs,
08:20mais s'il n'y a pas une commode pour tenir les tiroirs,
08:22il n'y avait qu'un empilement de tiroirs.
08:24La commode, c'est l'État en France.
08:25Ce n'est pas pareil ailleurs.
08:26Ailleurs, les nations ont construit des États,
08:28fédéralisés, décentralisés, etc.
08:30Ce n'est pas notre modèle.
08:31Et notre modèle, il est celui d'un État
08:34qui a construit la nation au nom d'une vision nationale
08:36qui a été exprimée par Louis Phili...
08:40Pardon, Philippe Lebel, Philippe Auguste, Louis XI,
08:43Charles de Gaulle, Napoléon Bonaparte.
08:46Bon, tous ceux qui ont des bons et des mauvais côtés,
08:48comme dirait l'autre, il faut faire le tri.
08:50Mais sur le fond, ils ont toujours eu une vision
08:52qui amenait l'ensemble de la société à s'y retrouver.
08:56Comme beaucoup d'anciens immigrés
08:58d'il y a 3, 4, 5, 10 générations,
09:01qui comportent aussi les Alsaciens, le comté de Nice,
09:03la Bretagne, la Corse, les Pays-Basques.
09:06Je dois vous avouer que c'est ce que j'ai trouvé passionnant dans votre livre,
09:08c'est qu'effectivement, vous dites que la France
09:10est un pays de migration...
09:11Total, y compris interne.
09:13Je remets la carte des tribus et des peuples gaulois.
09:16Il n'y a rien qui ressemble moins à un celte qu'à un parisi.
09:20Parce que ça n'avait rien à voir, ni en langue,
09:22ni en culture, la langue d'oïl.
09:24Et nous avons créé cette unité nationale
09:26au nom d'une unité structurelle, fondamentale, fondatrice,
09:30qui a été mise en scène par la Troisième République.
09:34Pas par les extrêmes d'aujourd'hui.
09:36Par la Troisième République qui nous a dit
09:38nous devons avoir un roman national,
09:39nous portons le nom de nos envahisseurs, les Francs,
09:42mais nos ancêtres sont les Gaulois.
09:44Et nous avons tous fait semblant d'y croire.
09:45Avant de vous interroger sur les questions
09:47aussi de narcotrafic, qui sont des questions d'actualité
09:50liées aussi à ce qui s'est passé ce week-end
09:52à Macron, à Echirol, à Besançon,
09:54quand même une question aussi sur la réconciliation.
09:57Est-ce que cette réconciliation est possible aujourd'hui ?
10:00C'est-à-dire quels sont les outils que vous proposez ?
10:02Alors d'abord, je ne crois pas à une réconciliation diplomatique,
10:05ce n'est pas une négociation, ce n'est pas un compromis.
10:07La politique d'intégration, c'est une politique volontariste
10:10déterminée par un État qui retrouve sa place.
10:13Car l'élimination de l'État,
10:15c'est l'élimination structurelle de la France.
10:17Alors démographiquement, puisque le sujet du grand remplacement
10:20arrive très souvent dans les débats.
10:22Vous n'êtes pas du tout sur cette logique-là.
10:23Il faut le dire, c'est presque un livre anti-Zemmour, votre livre.
10:25Non, je n'irai pas jusque-là, parce que je ne me situe pas
10:28dans un débat polémique.
10:30Vous ne vous fâchez pas avec Fayard ?
10:32Non, ils m'ont publié, donc tout va bien.
10:34Non, non, la question n'est pas là,
10:36et puis il n'est pas chez Fayard, pas encore en tout cas.
10:38Mais la question fondamentale, c'est...
10:40Moi, je n'ai pas d'avis.
10:44Je veux donner les moyens aux gens de se faire leur propre avis.
10:47Donc cet ouvrage est historique, technique, juridique.
10:51Il fixe...
10:52En tout cas, vous réfutez cette thèse.
10:54Oui, parce que le grand remplacement, en fait,
10:56ce n'est pas le grand remplacement, c'est le grand remplissement.
10:59C'est notre démographie qui nous pose un problème.
11:01Ce n'est pas l'arrivée des autres.
11:02L'arrivée des autres, nous sommes allés les chercher
11:04depuis la grande crise.
11:06Nous l'avons souhaité, nous l'avons voulu, nous les avons accueillis.
11:08On a fait tout ce qu'on voulait.
11:09Je raconte comment on accueillait.
11:10Et ensuite, on les a mal accueillis, c'est ce que vous dites.
11:12Bien sûr, comment on allait chercher les migrants,
11:14leurs familles, leurs cousins et leurs proches.
11:17Regroupement familial élargi.
11:19Alors pour une fois, ce n'est pas la faute à Giscard d'Estaing
11:22ni à Jacques Chirac en 1974.
11:24On l'a dit, on l'a toujours accueilli.
11:25Mais dès les années 20, parce qu'on avait une crise démographique majeure
11:28liée aux pertes de la Première Guerre mondiale.
11:31On sous-estime d'ailleurs les pertes de la Seconde.
11:33Mais sur le fond, nous avons une crise démographique.
11:35Mais la responsabilité ensuite de la France, c'est de les avoir mal accueillis.
11:37Oui, parce que c'était des immigrés à durée déterminée.
11:39Ils allaient repartir.
11:40On ne voulait pas les intégrer ou plus les intégrer.
11:43On voulait les assimiler sans leur reconnaître la diversité
11:47et la richesse de leur parcours.
11:49L'intégration, c'est une politique dynamique, volontaire et structurée.
11:53Et je renvoie d'ailleurs à l'exceptionnel discours
11:56qui est mis page 275 du livre,
11:59dont je laisserai les lecteurs découvrir qui est l'auteur.
12:01C'est un discours de Jean-Marie Le Pen.
12:03Oui, incroyable.
12:04Qu'est-ce qu'il dit ?
12:05Il dit, intégrons les Arabes, les musulmans, les Algériens.
12:08Ils sont nécessaires à notre démographie, notre culture.
12:11Vous n'êtes pas en train de réhabiliter Jean-Marie Le Pen, honnêtement ?
12:14C'est plutôt l'inverse que vous faites dans le reste du livre.
12:16Pour ce discours-là, oui.
12:18Presque comme un pied de nez que vous lui faites.
12:21Formidable.
12:22Je me suis pincé deux fois quand même.
12:24J'ai vérifié que c'était bien lui qui avait vraiment dit ça.
12:26C'est dans les documents de l'Assemblée nationale de l'époque.
12:29Il y a une logique de l'époque sur un territoire français
12:34qui est en train de se séparer dans des conditions terribles
12:37de violences, d'attentats.
12:39Le FLN n'a franchement pas hésité non plus
12:42à détruire toute possibilité de vie en commun
12:45après l'indépendance.
12:47Mais il y a là un enjeu.
12:49Il faut relire ces documents.
12:51En fait, tout ceci n'est pas une histoire qu'on raconte.
12:54C'est une histoire qu'on rappelle.
12:57Je voudrais, Alain Boer, parce que vous avez aussi
13:00la casquette de spécialiste des questions de sécurité et de défense,
13:02revenir sur deux points.
13:04D'abord, sur ce qu'il se passe en ce moment
13:07des villes moyennes de France.
13:09On entendait hier sur BFM TV le maire de Mâcon.
13:12Mâcon, où ce week-end encore, de nombreux locaux
13:16mais également véhicules ont été brûlés
13:18dans une forme d'intimidation, c'est ce qu'il raconte,
13:21de la part des narcotrafiquants,
13:24du trafic qui s'est emparé d'une partie de la ville.
13:26La maire de Besançon parle d'une prise de contrôle
13:30de certains quartiers par une véritable mafia.
13:33C'est le mot qu'elle utilise.
13:35Quelle est la réalité de ces territoires aujourd'hui, Alain Boer ?
13:38Est-ce que la réponse, notamment le fait d'envoyer
13:41la CRS 8 de ci, de là, est à la hauteur
13:45et surtout peut-être pérenne ?
13:47D'abord, c'est pire et ça fait longtemps,
13:50mais c'est bien qu'enfin on ouvre les yeux.
13:53Même de grands journaux qui étaient connus
13:56pour le négationnisme par rapport aux questions criminelles.
13:58Vous exagérez, ce n'est pas vrai.
14:01Pas du tout, d'abord les gens le découvrent
14:03et pas seulement dans les villes moyennes, dans les villes petites.
14:06L'expansion aujourd'hui du trafic, du narcotrafic,
14:10des narcomicides, tous ces mots nouveaux
14:12qui visent à dire que, grosso modo,
14:14l'intégration entre l'expansion du trafic
14:17à la fois en termes de production, de distribution
14:20et l'étendue massive de la consommation,
14:23notamment de cocaïne en France.
14:25Plus d'un million de consommateurs, ça a doublé en deux ans.
14:27C'est ça.
14:28La responsabilité des consommateurs est considérable.
14:30Non, les consommateurs, c'est des malades.
14:32C'est-à-dire qu'il faut arrêter avec la pénalisation du consommateur.
14:35Le producteur est un criminel, le trafiquant est un criminel,
14:38le consommateur est un malade.
14:39Vous n'êtes pas du tout d'accord avec cette phrase, par exemple,
14:41d'Éric Dupond-Moretti, qui disait,
14:43pour culpabiliser celui qui fume, notamment un joint,
14:46le joint a le goût du sang sur le trottoir.
14:48Il a le droit de le dire, c'est de la com'.
14:50Je ne fais pas de la com', je fais de la criminologie.
14:52C'est un métier particulier qui nécessite faire un diagnostic
14:55à peu près cohérent et qui nécessite qu'on soit d'accord
14:58sur la nature du diagnostic.
14:59Si le patient n'est pas d'accord, ça ne sert à rien.
15:01Ensuite, on établit un pronostic.
15:03Qu'est-ce qu'on peut faire ?
15:04Et ensuite, des options thérapeutiques.
15:05On peut se mettre sur la gueule sur les options thérapeutiques.
15:07C'est normal.
15:08Mais quand on a zéro diagnostic, voilà.
15:10Et ça, c'est que de la com'.
15:11C'est de la com' vide de sens.
15:13Voilà.
15:14On punit les producteurs, si on peut.
15:16On produit de plus en plus en France,
15:18sur le territoire national.
15:19On produit sur le territoire national.
15:20Ça ne vient pas uniquement d'Amérique du Sud.
15:22Massivement du cannabis et surtout des drogues de synthèse.
15:25Nous avons retrouvé des laboratoires
15:27comme autant de la French Connection.
15:28Donc, on a un problème de production.
15:30On a un problème de distribution,
15:31y compris distribution sur Internet.
15:33Entre deux pizzas et un burger,
15:35vous avez droit à votre petite dose
15:36de tout ce que vous voulez d'ailleurs.
15:38Avec des tarifs, des incentives.
15:40Ubercheat, comme on dit.
15:41Ubercheat, absolument.
15:42Et puis, vous avez un problème de consommateur.
15:44Depuis Claude Olivenstein, il y a 50 ans,
15:46on sait que le consommateur doit être traité
15:47comme quelqu'un qui est addicté,
15:49qui est donc malade
15:50et qu'il faut traiter comme un alcoolique.
15:52Pour résumer, même si c'est un peu exagéré,
15:55mais c'est le fond de ma pensée.
15:57Et si on ne traite pas le consommateur comme un malade,
15:59on ne traitera jamais du problème du trafic.
16:02Jamais.
16:03Parce qu'il y aura toujours des consommateurs.
16:04Donc, la réponse, pour l'instant,
16:05elle est quand même surtout sécuritaire.
16:07La réponse est surtout sécuritaire.
16:08Donc, il manque un volet, si je vous écoute.
16:10Il manque le pilier médico-social.
16:11Mais le pilier médico-social peut être extrêmement punitif.
16:15Le Code de la santé publique,
16:17il y a un article punitif dans le Code de la santé publique
16:19qui vous menace de prison, c'est sur ce sujet.
16:21Mais vous dites quoi au maire de Mâcon
16:23quand il dit son désespoir, sa difficulté, son désarroi ?
16:28Quand la maire de Besançon,
16:30qui est tout à fait d'un autre bord politique,
16:32comme quoi ça n'a plus rien à voir désormais,
16:34qui dit qu'il y a de la mafia,
16:35la maire d'Échirol que je recevais ce matin,
16:37qui dit qu'il y a eu 40 fusillades dans l'agglomération de Grenoble.
16:40Qu'est-ce qu'il faut leur dire ?
16:42Qu'est-ce qu'on peut leur dire ?
16:43Il faut leur dire qu'une politique de reconquête du territoire,
16:45elle marche à la fois sur le pied sécuritaire
16:47et sur le pied médico-social,
16:48qu'elle commence par le reconnaître la réalité,
16:50et ils le font tous.
16:51Mais avec combien de temps de retard ?
16:53Combien de temps de retard ?
16:55Vous retrouverez sans doute un vieux papier,
16:57de ma part, qui date de 1999,
17:00publié à l'époque dans un grand journal du soir,
17:02qui s'appelait
17:03« Nous sommes face à la plus grande crise criminalo-sécuritaire de l'histoire
17:09et nous ne faisons rien ».
17:111999.
17:12Donc s'il faut 25 ans pour que ça remonte doucement au cerveau,
17:15vous comprenez la difficulté.
17:16D'abord parce qu'on a perdu beaucoup de temps,
17:18ensuite parce que c'est plus dur à remonter, etc.
17:20Mais la volonté, l'expression de la volonté,
17:23c'est une expression de présence et de saturation du territoire.
17:26C'est-à-dire qu'on n'envoie pas la CRS pendant 15 jours,
17:29ce qui est très bien pour faire quelque chose,
17:31c'est comme les opérations coup de poing,
17:32qui datent de Michel Pognatowski.
17:34Les opérations placenet, désormais ?
17:35Oui, ça s'appelle coup de poing.
17:36Ça fait 50 ans, 74.
17:37Vous voyez, on n'invente jamais rien, on reproduit.
17:40Mais Alain Boyer, vous êtes en train de me dire
17:42que quand on envoie la CRS 8 uniquement pour dire
17:45« on envoie la CRS 8 », ça n'aura aucun résultat.
17:47C'est de la com'.
17:48Donc il faut faire quoi ?
17:49Saturation du territoire.
17:51Ce n'est pas la CRS 8 pendant 15 jours,
17:53c'est reconquérir le territoire avec des effectifs et des moyens,
17:56mais sécuritaires et médico-sociaux.
17:58On ne peut pas faire l'un sans l'autre.
18:00Autrement, on marche à cloche-pied.
18:01Alain Boyer, une question aussi sur la défense.
18:03Hier, lors de ses voeux aux armées,
18:06Emmanuel Macron a fait une sorte d'ode à l'armée aussi volontaire,
18:12c'est-à-dire en plus de l'armée de métier,
18:14avoir une sorte de réserve,
18:16doubler voire tripler le nombre de réservistes
18:19pour pouvoir, le jour où la menace est à l'exécution,
18:22renforcer l'armée.
18:24Ça veut dire quoi ?
18:25Ça veut dire que d'abord, il faut se préparer à tout.
18:29Tous les jeunes de France doivent se préparer,
18:31un jour peut-être, à devoir faire la guerre ?
18:33D'abord, civis pacem para bellum.
18:35Si tu veux la paix, tu prépares la guerre,
18:36et tu n'expliques pas que tu es démuni et désemparé si elle arrive.
18:40Or, nous avons un système économico-financier
18:43qui a détruit l'armée parce que ça ne servait à rien.
18:46À partir de 1989 et la chute du mur de Berlin,
18:48ils ont décidé unilatéralement,
18:50tout était fini, la vie était belle,
18:52et nous allions vivre un moment de bisounours heureux
18:56qui allait grandbarder dans la Luzerne
18:57parce que tout le monde allait s'aimer
18:59et que la globalisation économique et financière
19:01allait résoudre le problème des conflits.
19:03C'est exactement l'inverse qui s'est passé
19:04parce que ça se passe toujours comme ça.
19:07Mais nous oublions, nous avons un problème d'amnésie,
19:09c'est un biais cognitif majeur,
19:11mais tout à fait remarquable.
19:13Les mêmes qui ont détruit l'armée
19:14viennent de découvrir que ça serait quand même bien d'en avoir une.
19:17Les mêmes qui ont détruit la police
19:18trouvent que c'est quand même bien d'en avoir une.
19:20Les mêmes qui ont démuni la justice
19:22trouvent que c'est bien, c'est très tard,
19:24mais mieux vaut tard que jamais.
19:26Mais est-ce que c'est l'aveu que la menace
19:28est non seulement réelle, mais quasi immédiate ?
19:31Bien sûr, mais le général Burkhardt,
19:32comme chef d'état-major de l'armée de terre,
19:34puis comme chef d'état-major des armées,
19:35a écrit ça depuis des années,
19:37expliquant à la fois qu'on allait vers des conflits
19:39de haute intensité,
19:40mais même des conflits de longue intensité,
19:42comme la démonstration est faite avec l'affaire ukrainienne,
19:45qui est sur le modèle, d'ailleurs,
19:46de la guerre de Corée, qui a 60 ans.
19:48On n'a rien inventé non plus.
19:49Mais nous redécouvrons des choses
19:51que nous avions mises sous le tapis
19:52parce que nous ne voulions pas les voir.
19:54Donc, j'ai dit, mieux vaut tard que jamais.
19:56Mais les mêmes qui ont détruit le système
19:58au nom du fait que ça ne servait à rien,
20:00qu'il n'y a pas besoin de budget, pas besoin d'avion,
20:01pas besoin de soldats,
20:02pas besoin, pas besoin, pas besoin, pas besoin,
20:04découvrent que si on en a besoin...
20:05Une forme de culpabilité, donc,
20:07même s'il y a une reconnaissance à la fin.
20:09Merci Alain Boer.
20:10Je recommande votre livre,
20:11La conquête de l'Ouest.
20:15Merci d'avoir répondu à mes questions ce matin.
20:17Il est 8h52 sur RMC BFM TV.

Recommandations