Il est devenu le symbole de la violence contre les élus. Une violence qui a ciblé sa propre famille. Ce traumatisme a placé Vincent Jeanbrun sous le feu médiatique. Depuis, le jeune maire de l'Haÿ-les-Roses est devenu député. Il siège au sein du groupe de la Droite républicaine à l'Assemblée.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
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00:00La violence contre les élus, il connaît,
00:02mais jamais mon invité n'avait imaginé
00:04que sa famille puisse être visée.
00:06Un traumatisme qu'il a placé sous le feu médiatique.
00:09Depuis le jeune maire, il est devenu député.
00:12Il siège au sein de la droite républicaine à l'Assemblée.
00:15Musique de tension
00:17...
00:27Bonjour, Vincent Jambrain.
00:29Les Français vous ont découvert à l'été 2023
00:31pendant les émeutes à la suite de la mort du jeune Naël à Nanterre.
00:35Vous étiez maire de Laille-les-Roses,
00:37dans le Val-de-Marne.
00:38Votre ville a été touchée par les émeutes.
00:41Jusqu'à la nuit du 1er au 2 juillet,
00:43une étape supplémentaire a été franchie.
00:45On va voir ça en image.
00:46Il est environ 1h30 ce matin.
00:48Des individus viennent de mettre le feu à une voiture bélier
00:51lancée contre le portail de ce pavillon.
00:54Au moment des faits, l'élu était absent,
00:56mais sa femme et leurs deux enfants,
00:58âgés de 5 et 7 ans, se trouvaient à l'intérieur.
01:01Ils ont dû fuir par le jardin.
01:03Nous avions rencontré Vincent Jambrain hier
01:06et il ne cachait pas ses craintes
01:08après la découverte de menaces sur les murs de la ville.
01:12...
01:14Là, ça a été tagué sur le marché. On l'a effacé depuis.
01:17On a vos adresses. On va vous pourrir les vivants.
01:20Je précise qu'au moment de cette attaque
01:22contre votre propre domicile, vous étiez vous-même à la mairie,
01:25vous passiez la nuit à la mairie pour la protéger.
01:28Votre femme s'est fracturée le tibia
01:30quand elle a dû fuir votre domicile.
01:32Je crois qu'un de vos enfants a aussi été blessé à cette occasion.
01:36Est-ce que vous aviez envisagé qu'un jour,
01:38votre propre engagement puisse mettre en danger votre famille ?
01:42Non.
01:43Non, non, il y a toujours beaucoup d'émotions.
01:46On va voir ces images.
01:47Quand on est élu, mais je pense que c'est vrai
01:50quand on est exposé comme un policier,
01:52comme un pompier, même un prof,
01:54on peut s'attendre à être soi-même la cible d'attaque
01:57ou de gens qui contestent les décisions que vous pouvez prendre,
02:00mais jamais j'aurais imaginé ce niveau de lâcheté,
02:03c'est-à-dire à aller attaquer une maison
02:06et à forcer une famille sans défense.
02:08Donc c'est sûr que ça a été...
02:10Un...
02:11J'allais dire un trauma,
02:13mais c'est au fond une sorte de recadrage,
02:15quelque chose que je pensais inimaginable
02:17qui, aujourd'hui, est très présent.
02:19Vous vous êtes interrogé sur le fait de poursuivre
02:22cet engagement politique ou de l'arrêter ?
02:24Alors, évidemment, j'avoue l'avoir beaucoup dit,
02:27mais cette nuit-là, quand je rejoins quelques heures après,
02:30les images que vous voyez là, ma femme à l'hôpital,
02:33évidemment que la première chose que je lui dis,
02:36c'est que j'arrête tout.
02:37Jamais j'ai fait de la politique pour vous mettre en danger,
02:40donc j'arrête tout.
02:41Donc évidemment qu'on sait plus que poser cette question.
02:45C'est elle qui vous a convaincu ?
02:46Ma femme étant elle-même engagée en politique au niveau local,
02:50on a toujours eu l'amour de notre ville chevillé au corps,
02:54et c'est effectivement elle qui me dit,
02:56à ce moment-là, avec énormément de courage,
02:59il est hors de question que ce soit eux,
03:01ceux qui nous ont attaqués,
03:03ceux qui nous ont terrorisés à ce moment-là,
03:05qui décident si on doit arrêter ou pas notre engagement.
03:08On ne va pas être des victimes.
03:10Elle répétera beaucoup cette phrase,
03:12on ne sera pas des victimes,
03:14au sens où ce n'est pas eux qui décident notre destin.
03:17Aujourd'hui, on vit encore dans la maison qui a été attaquée.
03:20On a changé le portail, on a changé notre façon de vivre,
03:23on est plus sécurisés qu'avant.
03:25Moi, il m'arrivait de ne jamais fermer les portes.
03:28Aujourd'hui, c'est plus la même logique,
03:30notamment parce que nos enfants nous demandent plus de sécurité,
03:33mais ce n'est pas des assaillants, ce n'est pas des voyous,
03:37ce n'est pas des criminels, de décider si on déménage ou pas.
03:40Dès le 3 juillet, il y a eu une importante marche de soutien
03:43dans la ville, qui a rassemblé plus d'un millier de personnes.
03:47La première ministre, Elisabeth Borne,
03:49le secrétaire général d'Armanin,
03:51vous apporté leur soutien.
03:52Vous étiez inconnu des Français,
03:54les médias ne s'intéressaient pas à vous,
03:57et en 24 heures, vous êtes devenu la nouvelle coqueluche
04:00des journalistes qui vous ont qualifié d'étoile montante,
04:03de nouvelle icône de la droite,
04:05nouveau visage de la droite des banlieues.
04:07Est-ce que c'est dérangeant d'obtenir une telle reconnaissance
04:11de votre engagement, pas pour ce que vous avez fait,
04:14mais pour ce que votre famille a subi ?
04:16Comment vous l'avez vécu ?
04:17C'est une question très juste.
04:19Vous êtes le premier à me la poser.
04:21A ce moment-là, moi, je suis à des années-lumière de tout ça.
04:24Je lis à peine ce que vous évoquez,
04:26je ne lis pas la presse à ce moment-là,
04:29je suis focus sur mes enfants,
04:31qui enchaînent les heures chez le psy,
04:33l'enquête avec le procureur,
04:35et évidemment, avec ma femme à l'hôpital.
04:37Donc, je suis...
04:40Je ne suis pas dans cet espèce d'engouement qui va apparaître.
04:43Je sais que ma femme a pu mal le vivre,
04:46ce côté,
04:47mais en fait, j'ai fait la une
04:49de vos confrères du point, du magazine Le Point.
04:52Vous êtes invité au 20h de TF1.
04:54Ce qui était à la fois flatteur, évidemment,
04:56parce que ça mettait en lumière, non pas à mon cas personnel,
05:00mais le fait qu'il fallait dire ça suffit.
05:02Je l'ai dit dans le discours à l'écran.
05:04Maintenant, stop, ça suffit.
05:06On vient de dépasser une ligne
05:08qui est insupportable à dépasser.
05:10Donc, oui.
05:11Nous, on n'a vraiment pas cherché cette exposition médiatique.
05:14Ca a fait des jaloux, quand même.
05:16On a vu, dans certains articles, en off,
05:19certains de vos amis de droite
05:21dire que vous aviez une soif de reconnaissance incroyable.
05:24Ils faisaient part de leur malaise face, je cite,
05:27à une surcommunication de votre part,
05:29comme s'ils vous soupçonnaient
05:31de vouloir profiter personnellement de cette situation.
05:34La jalousie dans la nature humaine...
05:38Moi, j'avais un besoin, et ma famille aussi,
05:40c'est que ça ne reste pas ignoré ou impuni.
05:44Pas pour la glorieule, pas pour être la star de je-ne-sais-quoi,
05:48mais vraiment, ce côté...
05:50On avait besoin de s'expliquer que ce n'était pas arrivé pour rien.
05:53Même à candidature législative,
05:55quand j'apprends la dissolution, c'est que j'appelle ma femme,
05:58on se pose la question,
06:00est-ce que ça vaut le coup d'aller à ce combat-là ou pas,
06:03avec cette idée de, encore une fois, ce qu'on a subi,
06:06ça ne peut pas être arrivé pour rien,
06:08et au-delà de notre cas personnel, il ne faut pas que ça recommence.
06:11Donc, mettre un coup de projecteur très fort
06:14sur l'engagement local, l'engagement d'élus,
06:16ça peut être aussi ça.
06:18C'était, pour moi, nécessaire.
06:20Et le fait de dire, quand on est élu, prof, policier,
06:23gendarme, infirmier, médecin,
06:26on risque aujourd'hui notre vie,
06:28parce que c'est au fond ce qui s'est passé,
06:30pour nous et nos proches,
06:32car je ne suis pas le premier, je ne suis pas un cas isolé.
06:35Combien de mères ont été attaquées, caillassées ?
06:38Pendant les émeutes, d'autres collègues ont été blessés.
06:41Vous, à l'Elysée, par l'émetteur Macron,
06:43elle en est où, l'enquête, aujourd'hui ?
06:45Ils ont été identifiés, les auteurs ?
06:47Rien, et c'est là aussi une des raisons
06:50pour lesquelles je suis parlementaire aujourd'hui,
06:52parce que les policiers et la justice ont été au rendez-vous.
06:56Ils nous ont accompagnés, ils ont mis tous les moyens
06:59à leur disposition, et d'ailleurs,
07:01Gérald Darmanin apparaît à l'écran,
07:03il était ministre de l'Intérieur,
07:05et je dois dire qu'on a pu compter sur lui,
07:07sur sa présence et son implication.
07:09Sauf que les policiers m'ont dit qu'on a fait tout ce qu'on pouvait
07:12dans le cadre légal d'aujourd'hui, ce que nous permet la loi.
07:16Je leur ai demandé ce qu'ils voulaient me dire par là.
07:19Ils m'ont dit qu'il y a d'autres pays qui sont des démocraties,
07:22des pays sur lesquels il y a un État de droit,
07:24où les forces d'investigation auraient eu plus de moyens,
07:28notamment vis-à-vis des GAFAM, vis-à-vis des Apple, des Google,
07:31des constructeurs de téléphones, des applications comme Snapchat,
07:35pour aller chercher beaucoup plus précisément des informations.
07:39L'enquête n'a pas abouti.
07:40On se parle, et je dois dire que pour mes enfants,
07:43c'est quelque chose qui a été longtemps un traumatisme,
07:46c'est dire que les auteurs courent toujours.
07:48Il y a une vraie frustration, et vous comprenez que je me battrais
07:52pour que ça ne soit plus possible demain,
07:54pour qu'on protège mieux les élus et les services publics,
07:57ceux qui les font vivre.
07:59Il y a des lois à changer, je me battrais pour ça.
08:01Vous avez grandi dans le quartier des Tours marrons de la île-et-Rose.
08:05Là où vivaient certains des émeutiers,
08:08vous étiez au collège avec certains de leurs parents.
08:11C'est une possibilité que vous avez envisagée ?
08:13Vous y avez pensé à ça ?
08:15Qu'est-ce qui s'est passé quand, en une génération, on bascule dans...
08:19Ce qui est sûr, c'est qu'en tant que maire pendant 10 ans,
08:22il n'y a pas un hall d'immeubles, un quartier où je n'ai pas été,
08:25où j'ai discuté avec les parents, les jeunes,
08:28dans les collèges, les écoles.
08:30Il y a un échec de la République quand des jeunes
08:32qui sont nés sur le territoire national,
08:34élevés à l'école de la République,
08:36dans les clubs sportifs, les associations de la ville,
08:39viennent à ce type d'extrémité,
08:41que ce soit à ma maison ou à la mairie,
08:43où leurs mamans vont faire calculer le quotient familial.
08:46C'est un échec collectif, évidemment.
08:49On va remonter le fil de votre engagement politique.
08:52Vous étiez éloigné de la politique,
08:54vous avez grandi dans un milieu modeste,
08:56avec un père qui a commencé comme chauffeur-livreur.
08:59C'est le 21 avril 2002 qui a été l'élément déclencheur ?
09:02Oui, la bascule entre l'engagement du délégué de classe,
09:05parce que j'ai toujours eu cette fivre-là,
09:08comme beaucoup ici, et puis, d'un côté,
09:10c'est la sphère politique, il y a quelque chose à y faire.
09:13Vous avez organisé à cette occasion une grande marche
09:16contre le FN, contre Jean-Marie Le Pen.
09:18Deux ans plus tard...
09:19Je peux préciser, c'était pour la République.
09:22Il y avait beaucoup de mouvements,
09:24même à la limite de la violence sur Paris,
09:26où c'était contre, et nous, on a tenu à faire un mouvement
09:29pour réunir tous ceux qui avaient les mêmes valeurs.
09:32Deux ans après, vous avez adhéré à l'UMP.
09:34Le moteur de votre engagement, c'était de corriger
09:37les inégalités sociales. Pourquoi la droite et pas la gauche ?
09:40Parce que, justement, dans la cité HLM où j'étais,
09:44j'ai beaucoup souffert,
09:46même si je ne connais pas encore bien le concept,
09:49de cette logique d'assistanat.
09:52Je me souviens d'avoir croisé le maire de l'époque.
09:54C'était une commune historiquement à gauche.
09:57Très à gauche, et qui, globalement, disait...
10:00Ah, vous avez sorti les archives, c'est terrible.
10:03Je n'ai pas changé.
10:04Je n'ai pas changé.
10:07Il y avait cette envie de défendre la méritocratie,
10:10que le travail paye, que ceux qui avaient envie de s'en sortir
10:13puissent s'en sortir, là où la logique de l'assistanat,
10:16c'est que vous êtes pauvres, on vous aide à survivre,
10:20mais on ne vous aide pas à vous en sortir, à vous émanciper.
10:23Vous étiez sensible à cette dimension.
10:26Votre parcours est indissociable de celui de Valérie Pécresse.
10:30Vous avez été son collaborateur parlementaire,
10:32son vice-président à la Région,
10:34et quand elle a quitté Les Républicains en 2019,
10:37vous l'avez suivie.
10:38C'est la droite qu'elle incarne qui vous a séduit
10:41ou c'est sa façon de faire de la politique ?
10:43Il y a eu les deux, parce que Valérie Pécresse,
10:46c'est une droite, effectivement, très ouverte,
10:49c'est une droite très formatrice,
10:51c'est une droite avec son mouvement libre,
10:54qui, justement, donne à la fois cette liberté d'entreprendre,
10:59mais en même temps, qui nourrit l'égalité des chances.
11:02C'est ce qu'elle met en oeuvre à la Région,
11:05et c'est, moi, ce parcours-là et cette volonté chez elle
11:08que j'ai toujours aimé défendre.
11:10Là, je crois que sur la photo qu'on voit là,
11:13elle dit dans son discours que je suis un bébé Pécresse,
11:16même en faisant un grand bébé,
11:17car je suis un peu plus grand qu'elle.
11:20C'est évidemment des souvenirs qui forgent, c'est évident.
11:23Une étape importante pour vous, c'est 2014,
11:26vous devenez le plus jeune maire de France
11:28d'une ville de plus de 30 000 habitants.
11:30On a vu votre attachement à cette ville.
11:33On m'a vu grandir, la ville de mon enfance.
11:35Pourtant, à trois reprises, vous êtes présenté au législatif.
11:38La troisième a été la bonne.
11:40Pourquoi cette obsession à devenir député à tout prix ?
11:43C'est pas une obsession.
11:45D'abord, dans les premières élections,
11:47il y avait encore la possibilité de rester maire et député,
11:51et j'avais la conviction que je pouvais servir encore plus
11:54ma commune, mon territoire, les habitants,
11:57en étant parlementaire.
11:59Evidemment, c'est beaucoup plus concret,
12:01être maire, et c'est un crève-cœur de ne plus être maire aujourd'hui,
12:05parce que c'est passionnant, mais vous le faites à une échelle
12:09qui, finalement, est un peu plus réduite,
12:11et surtout, au bout de dix ans de mandat de maire,
12:14j'ai mesuré à quel point il y avait un certain nombre
12:17de lois absurdes qui nous empêchaient de faire notre travail.
12:20On va passer à notre quiz pour conclure l'émission.
12:23Je vais vous proposer des débuts de phrases
12:26La politique, c'est comme dans le football américain.
12:29Je crois que vous avez pratiqué un peu le football américain.
12:32J'ai été capitaine de l'équipe de défense
12:35dans un club de football américain.
12:37On est plus fort quand on joue en équipe.
12:39Pour moi, Jean-Jacques Goldman...
12:41C'est...
12:42Vous avez écrit tout un article dans le journal L'Opinion
12:46pour Jean-Jacques Goldman.
12:47C'est la personne que j'aimerais absolument rencontrer
12:51et c'est une source d'inspiration inépuisable.
12:53Enfin, je me raserai le jour où...
12:55Vous n'avez pas toujours eu la barbe, on l'a vu.
12:58Je n'ai pas toujours eu la barbe.
13:00Celle-là, elle plairait à ma femme qui rêve que je me rase.
13:03Peut-être que je me raserai le jour où j'arrête la politique,
13:06pour faire une transition.
13:08Ce sera un indice, du coup.
13:09Merci beaucoup.
13:10C'est pas pour tout de suite.
13:12C'est compris.
13:13Merci, Vincent Jeanbrun, d'être venu.
13:15Merci à vous. Merci pour l'invitation.