• avant-hier
La santé mentale des Françaises et des Français est passablement dégradée et cela affecte toutes les catégories de la population, jusqu'à concerner annuellement 20% de la population, souffrant d'un trouble psychique. Ces troubles affectent prioritairement les jeunes générations comme les personnes âgées, le tableau des pathologies constitue un kaléidoscope multifactoriel : dépression, burn-out, troubles du comportement alimentaire ( anorexie et boulimie ), idées suicidaires, schizophrénie... la liste n'est pas exhaustive. Pour y répondre les structures thérapeutiques, notamment hospitalières ainsi que les personnels, des psychiatres aux généralistes et infirmiers, sont insuffisants.
Devant ces détresses sociales grandissantes, la réponse politique a été de faire de la santé mentale la grande cause nationale pour 2025.
Avec ses invités Émile Malet va dans un premier temps décrypter la situation préoccupante de la santé mentale en France puis se pencher sur les perspectives thérapeutiques, préventives, informationnelles et structurelles. Un double challenge en quelque sorte.

Émile Malet reçoit :
-Coraline Hingray, psychiatre, professeur au centre psychothérapeutique et au CHU de Nancy.
-David Cohen, pédopsychiatre, chef de service à l'hôpital Pitié Salpêtrière
-Antoine Pelissolo, psychiatre, chef de service à l'hôpital Henri Mondor de Créteil
-Frank Bellivier, psychiatre, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie
-Joël Aviragnet, député PS de Haute-Garonne

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:26SOS Santé mentale.
00:29La santé mentale des Françaises et des Français
00:32est passablement dégradée
00:34et cela affecte toutes les catégories de la population
00:38jusqu'à concerner annuellement près de 20 % de la population
00:43souffrant d'un trouble psychique.
00:45Ces troubles affectent prioritairement
00:47les jeunes générations comme les personnes âgées.
00:50Le tableau des pathologies
00:51constitue un kaleidoscope multifactoriel.
00:55Dépression, burn-out,
00:58troubles du comportement alimentaire,
01:00anorexie, boulimie,
01:02idées suicidaires, schizophrénie.
01:05La liste n'est pas exhaustive.
01:08Pour y répondre, les structures thérapeutiques,
01:10notamment hospitalières, ainsi que les personnels,
01:14des psychiatres aux généralistes et aux infirmiers,
01:18tout cela est insuffisant.
01:20Devant cette détresse sociale grandissante,
01:23la réponse politique a été de faire de la santé mentale
01:28la grande cause nationale pour 2025.
01:32Avec mes invités, que je vais vous présenter,
01:35nous allons dans un premier temps décrypter
01:38la situation préoccupante de la santé mentale en France,
01:42puis nous pencher sur les perspectives thérapeutiques
01:46et de prévention.
01:47Un double challenge, en quelque sorte.
01:50Coraline Ingrès, vous êtes psychiatre,
01:52professeur au Centre psychothérapeutique
01:55et au CHU de Nancy.
01:57David Cohen, vous êtes pédopsychiatre,
02:00chef de service à l'hôpital de la Salle Pétrière.
02:04Antoine Pellissolo, vous êtes psychiatre,
02:07chef de service à l'hôpital Henri-Mandor de Créteil.
02:10Franck Bélivier, vous êtes psychiatre,
02:13délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie.
02:17Et nous avons avec nous en visioconférence
02:20M. Joël Aviranier,
02:22vous êtes député PS de Haute-Garonne.
02:26Je vais vous soumettre, si je puis dire,
02:29une séquence à l'Assemblée nationale
02:32avec Pierre Vatin, député LR,
02:34interpellant M. Olivier Véran,
02:37ministre des Solidarités et de la Santé.
02:40C'était à l'Assemblée nationale, le 7 avril 2021,
02:45et ça concernait la santé mentale.
02:47Malgré les annonces, la santé mentale des Français
02:50est dans l'absence de la gestion de la crise du Covid-19.
02:53Cela prend des formes multiples,
02:54dégradation de la santé mentale,
02:56troubles dépressifs, d'anxiété, de sommeil,
02:59comportements addictifs.
03:01Les derniers chiffres sur les pensées suicidaires
03:04sont plus qu'alarmants.
03:05Ils témoignent de l'impact psychologique
03:07des restrictions des libertés
03:09et de l'urgence à mettre en oeuvre des mesures
03:10à la hauteur de leur détresse.
03:12Que comptez-vous faire pour lutter contre les risques
03:14sur la santé mentale des Français ?
03:16Ici aussi, il s'agit d'un enjeu de santé publique.
03:19Il y a des indicateurs qui montrent que l'état de santé mentale
03:21s'est dégradé. On en comprend les causes.
03:24Multiples, d'ailleurs. Vous parlez de l'enfermement.
03:26Je crois que la peur du virus aussi, le deuil,
03:28parfois réalisé dans des conditions difficiles,
03:30les gens qui voient des personnes malades autour d'eux,
03:33sont aussi des facteurs impactants et les études le montrent.
03:35Il ne faut pas le sous-estimer.
03:37Quand on prend des mesures de protection de la population,
03:39on va aussi parfois soulager l'anxiété
03:42d'un certain nombre de Français qui ont peur de la maladie
03:44et dont on parle finalement assez peu.
03:46De fait, 66 % des Français déclarent
03:48présenter des troubles du sommeil.
03:5031 % des personnes interrogées présentent des symptômes,
03:53disent présenter des symptômes d'ordre anxio-dépressif.
03:57Vous le savez, l'État, les collectivités,
04:01tout le tissu associatif très riche dans notre pays
04:03sont mobilisés depuis plus d'un an,
04:05avec des lignes téléphoniques, des numéros verts,
04:07avec des structures physiques en présentiel également
04:10qui permettent de répondre
04:11à la détresse psychologique des personnes.
04:14Une réaction là-dessus, Franck Blé-Livier,
04:17donc effectivement, le constat fait par le député
04:21est objectivé par un certain nombre d'études épidémiologiques
04:25qui ont montré que pendant la crise Covid,
04:27mais également depuis la crise Covid,
04:30il y a un certain nombre d'indicateurs
04:32en population générale et en population clinique
04:34qui indiquent que la santé mentale des Français
04:37s'est nettement dégradée,
04:39avec des indicateurs d'anxiété, de dépression,
04:41d'addiction, de troubles du sommeil,
04:44de violences intrafamiliales
04:45qui se sont nettement dégradées pendant cette période,
04:49et, sauf très récemment,
04:52ces indicateurs ne s'améliorent pas.
04:55Joël Aveyranier, vous diriez la même chose vous-même aujourd'hui ?
04:59Bonjour, oui, bien sûr que je dirais la même chose.
05:02La situation continue à se dégrader,
05:05renforcée par la période actuelle.
05:08Actuellement, la population est dans une grande inquiétude,
05:11donc ça ne contribue pas à s'apaiser.
05:14Bien, écoutez, Coraline Ingrès,
05:16on va poursuivre d'un point de vue pathologique.
05:19En quoi consiste aujourd'hui
05:21le spectre de la santé mentale en France ?
05:24Le spectre de la santé mentale,
05:25vous avez rappelé un certain nombre de pathologies,
05:28des troubles dépressifs et anxieux,
05:31des troubles addictologiques,
05:33des troubles psychotiques, dont la schizophrénie,
05:37les troubles du comportement alimentaire.
05:38Vous ne citiez pas aussi le spectre des troubles post-traumatiques
05:42au sens large, dont les troubles dissociatifs.
05:46Effectivement, tous ces troubles ont une prévalence importante,
05:50et c'est en ça qu'on est sur un enjeu de santé publique
05:52extrêmement fort, avec cette recrudescence,
05:56ou en tout cas cette aggravation qu'on voit
05:59avec un marqueur important, celui des idées suicidaires
06:02et des passages à l'acte suicidaire
06:04qui ont été plus importants ces dernières années.
06:06C'est ce que vous observez, David Cohen,
06:09en clinique, à la salle Pétrière ?
06:11C'est ce qu'on observe chez l'enfant et l'adolescent,
06:14je suis plutôt sur cette tranche d'âge,
06:16mais ce que je voudrais souligner,
06:18c'est qu'on focalise beaucoup sur la crise Covid comme révélateur,
06:22mais pour les enfants et les adolescents,
06:24on avait déjà des indices qui nous montraient
06:26que les choses s'aggravaient depuis quelques années,
06:30probablement une petite dizaine d'années,
06:32et probablement avec une appréhension des jeunes
06:36de la transition sociétale dans laquelle on est.
06:39Que la pandémie de Covid a révélée de manière majeure,
06:42puisque c'était la première fois qu'on faisait face,
06:45en tout cas dans notre époque récente,
06:47à une pandémie mondiale,
06:48laquelle pandémie mondiale, au-delà des aspects santé mentale,
06:52qui est la cause de tout ça, machin, etc., en Chine,
06:55il y a quand même eu la révélation
06:58que les problématiques collectives
07:00ne pouvaient pas être traitées
07:02uniquement par les Etats de manière indépendante,
07:05et ça, je crois que la jeunesse a beaucoup,
07:08et stimule toujours beaucoup les politiques
07:10pour qu'ils leur apportent des réponses.
07:12Ce qu'on a vu pendant la crise Covid,
07:14parce qu'on n'avait pas de chiffres très clairs en France
07:17concernant la santé mentale,
07:19et la crise Covid a permis aux politiques
07:21de s'en rendre compte et de mobiliser
07:23Santé publique France, entre autres,
07:25pour avoir des chiffres réguliers que, maintenant, on peut suivre,
07:29c'est que ça a révélé pour la jeunesse
07:31le fait qu'ils avaient le sentiment
07:34qu'on leur volait leur jeunesse.
07:36Et le vol de la jeunesse n'est pas seulement lié
07:39au fait qu'ils ont été confinés pendant le Covid,
07:42mais parce que les politiques ne leur apportent pas de réponses.
07:45Est-ce que vous êtes d'accord, M. Bélivier,
07:48pour considérer que le post-Covid
07:53a accentué, en quelque sorte,
07:56le tableau de la santé mentale ?
07:58En tout cas, tout à fait d'accord avec David Cohen
08:01pour dire que la crise Covid n'a été qu'un révélateur,
08:04c'est une conjoncture qui a révélé des problèmes structurels,
08:09pendant lesquels et depuis lesquels
08:12nous avons vu considérablement augmenter
08:16la demande adressée au système de santé mentale,
08:20alors que l'offre a plutôt stagné.
08:22Et cette inadéquation entre les besoins
08:25qui ont considérablement augmenté
08:27et une offre qui a du mal à répondre,
08:30eh bien, rend compte aussi
08:33de ces constats que l'on fait
08:37d'une situation inadéquate.
08:39On va rentrer sur l'offre et la demande,
08:41mais peut-être, M. Pellissolo, une précision.
08:44Les pathologies sont nombreuses, elles ont été énumérées.
08:48Est-ce qu'elles sont distinctes selon l'âge des générations ?
08:53Oui, il y a des tendances qu'on connaît bien.
08:57En tout cas, les jeunes, avant tout,
08:59puisque c'est entre l'adolescence et le début de l'âge adulte
09:03que la plupart des troubles psychiques apparaissent.
09:06Ils sont touchés à une fréquence élevée.
09:09Après, il y a d'autres particularités liées à l'âge
09:12et d'autres pathologies qui surviennent plus tard.
09:14En majorité, ce sont des pathologies chroniques
09:17qui peuvent récidiver longtemps.
09:19Donc, ça concerne toutes les populations.
09:22On ne peut pas exclure des populations
09:24qui seraient indemnes de toute fragilité.
09:27C'est un problème de santé publique de tous les âges,
09:31de la naissance, puisqu'il y a des prises en charge d'affaires
09:34souvent des mères et de l'enfant dès la naissance,
09:37et puis jusqu'à des personnes âgées.
09:39Par exemple, l'anorexie, la boulimie, c'est plutôt chez les jeunes ?
09:43D'apparition, oui, mais ça peut persister aussi.
09:46Oui, Coraline, Angret ?
09:48Un point important aussi est que le fait
09:51qu'on ait beaucoup plus parlé de la santé mentale
09:53à l'occasion de cette crise Covid
09:55a aussi contribué, quelque part,
09:57un petit peu à déstigmatiser ces troubles.
10:00Oui, on peut souffrir d'anxiété, de dépression,
10:02comme si cela était plus facile à dire
10:05dans cette période de pandémie et en post-pandémie,
10:08ce qui a aussi, à mon avis,
10:09facilité un certain nombre d'accès aux soins
10:12ou de demandes d'accès aux soins
10:13qui pouvaient être limitées par des barrières de représentation
10:16d'une psychiatrie qui, parfois, fait peur.
10:18Donc, on peut aussi voir un aspect positif
10:21dans le fait d'oser, maintenant,
10:22parler des troubles de santé mentale
10:24de manière un petit peu plus large,
10:27qui permet aussi à certaines personnes
10:29d'oser aller demander de l'aide,
10:31ce qui était peut-être plus compliqué à certaines périodes.
10:34David Cohen, rentrons maintenant
10:36dans les manques, en quelque sorte.
10:39Au niveau des personnels, des structures de soins,
10:42quels sont les manques les plus criants, aujourd'hui ?
10:45Ce que vous observez dans votre service.
10:48Les manques les plus criants, en fait,
10:50sont quasiment dans tous les métiers avec lesquels on travaille,
10:53essentiellement, de mon point de vue, pour trois raisons.
10:57D'abord, le contrôle de la dépense de santé
11:00par le numerus clausus, qui a été décidé
11:02aussi bien par des gouvernements de droite que de gauche
11:05depuis une trentaine d'années.
11:07On a réaugmenté les numerus clausus dans certains domaines,
11:10mais ça ne suffit pas, finalement, à répondre aux besoins.
11:13Et ça, ça a été vrai dans les métiers médicaux
11:16et dans les métiers paramédicaux.
11:18Le deuxième...
11:20Le deuxième axe, je crois,
11:22c'est que l'attractivité du métier,
11:25peut-être parce que les conditions de travail sont plus difficiles,
11:28peut-être parce que les enjeux ne sont pas les mêmes
11:31avec les modifications sociétales,
11:33du lien par rapport au travail également,
11:35mais aussi peut-être des questions de rémunération,
11:38font qu'aujourd'hui, vous avez des postes d'infirmiers
11:43qui sont ouverts, qui ne sont pas occupés,
11:45alors qu'on a des besoins d'infirmiers,
11:47de médecins qui sont ouverts, qui ne sont pas occupés.
11:50Et donc, en fait, le numerus clausus,
11:52la réouverture du numerus clausus,
11:54n'a pas suffi à répondre à ces problématiques-là.
11:57Le troisième axe, je vais finir rapidement,
11:59c'est que je crois que ce qu'on appelle techniquement
12:02la réingénierie, c'est-à-dire la réorganisation
12:05des programmes d'enseignement des différentes disciplines,
12:08je rappelle qu'en psychiatrie, on travaille avec des infirmiers,
12:11des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens,
12:15les métiers sont nombreux.
12:16La réorganisation de l'enseignement
12:19n'a pas été adéquate dans l'ensemble des disciplines.
12:23Les orthophonistes ont devenu master, donc on s'en félicite,
12:26mais c'est vrai qu'il y a beaucoup de disciplines
12:28qui n'ont pas été réorganisées.
12:30Or, si on veut s'appuyer sur un système de santé
12:32où il y a moins de médecins présents,
12:34et en particulier de psychiatres,
12:36il faut que les disciplines associées avec lesquelles on travaille,
12:40puisqu'on nous prend souvent des modèles
12:42qu'on trouve dans d'autres pays d'Europe,
12:44ont fait une transition, finalement, de système de soins
12:48par le bas, avec un nivellement par le bas des compétences,
12:51ce qui n'est pas ce qu'on souhaite, ici, autour de cette table.
12:54On observe donc une forme de désamour
12:58des soignants pour l'hôpital public en général,
13:02et en psychiatrie, on le constate,
13:04et quand on essaie d'analyser
13:06ce qu'il y a derrière cette fuite,
13:10eh bien, ce qui remonte le plus souvent,
13:13c'est la notion de perte de sens.
13:15Et donc, si on s'attarde un petit peu
13:18pour analyser ce qu'il y a derrière cette perte de sens,
13:21il y a un premier facteur qui est bien connu,
13:23les postes vacants entraînent une pénibilité du travail,
13:27laquelle pénibilité du travail favorise encore les départs,
13:31donc on est dans une forme de cercle vicieux.
13:33Mais ces situations de pénibilité de travail,
13:36de burn-out qui remontent,
13:38n'épuisent pas le sujet de la perte de sens.
13:40Je pense que de plus en plus, médecins, infirmiers,
13:43soignants en psychiatrie en général,
13:46sont aussi de plus en plus confrontés à des situations de conflits
13:49éthiques et moraux dans leurs pratiques,
13:52et on parle de blessures morales.
13:57Devoir faire sortir une jeune fille de 17 ans des urgences
14:00qui a fait une tentative de suicide parce qu'on ne trouve pas de lit,
14:04être obligé de maintenir attaché un patient aux urgences
14:07parce qu'on ne trouve pas de lit en aval,
14:09faire sortir prématurément un patient de l'hôpital
14:12parce qu'on a besoin de place,
14:14alors qu'on sait très bien que son hospitalisation devrait se poursuivre,
14:17ça crée un conflit éthique et moral
14:20au sein des équipes soignantes,
14:23qui, à mon avis, doit être traité de manière plus institutionnelle.
14:27Ces valeurs éthiques et morales doivent être portées
14:29par le collectif hospitalier, administratif, soignant.
14:32Et cette valeur-là est, je trouve, moins présente aujourd'hui à l'hôpital,
14:37ce qui expose beaucoup plus les soignants.
14:39Et rend compte, à mon sens, de cette perte de sens.
14:42Vous avez abordé les urgences.
14:44Est-ce qu'il y a une embolisation spéciale
14:47au niveau des soins psychiatriques ?
14:48Il y a un rapport récent, extrêmement riche, très abouti,
14:52qui a été produit par la Commission des affaires sociales,
14:56qui montre bien qu'il y a à la fois
14:59un renforcement encore de l'hospitalocentrisme,
15:01c'est-à-dire tout converge vers les urgences,
15:04là où le système conventionnel de soins psychiatriques
15:07qui assure l'aval des urgences
15:09est très en difficulté pour assurer la fluidité des parcours.
15:13À l'intérieur du signal épidémiologique dont je parlais tout à l'heure,
15:16il faut quand même mentionner que des sous-groupes de la population
15:20ont payé un tribut un peu plus cher, un peu plus important
15:24à cette dégradation de la santé mentale.
15:27Je parle en particulier des jeunes,
15:28et on a vu le nombre d'enfants et d'adolescents
15:33consultés aux urgences pour des situations de décompensation psychiatrique
15:37augmenter de manière tout à fait inédite,
15:40avec un aval qui est difficile dans l'ensemble du système,
15:44mais plus particulièrement en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.
15:48Donc oui, les urgences sont un point de convergence de graves difficultés.
15:54Oui, monsieur Pélissolon.
15:55Et comme pour le reste de la médecine,
15:57les urgences permettent de visualiser quelque chose
16:01qui dysfonctionne dans l'ensemble de la chaîne.
16:03Et pour répondre à votre question, l'ensemble du système est saturé.
16:05Je crois que vraiment, il n'y a pas un endroit où on peut dire,
16:09en tout cas de manière générale, c'est fluide,
16:12parce qu'on a un gros système de soins en psychiatrie
16:14qui est quand même très complet dans sa construction,
16:18avec beaucoup de structures, probablement une difficulté à lire,
16:21d'ailleurs, le système pour à la fois les usagers et les professionnels.
16:25Mais en tout cas, on a un tissu qui est riche,
16:26sauf qu'à chaque fois, il est sous-doté
16:29ou en tout cas dépassé par la situation, que ce soit...
16:32Là, on a parlé de l'hôpital public,
16:34donc les urgences, les services d'hospitalisation,
16:37les consultations.
16:39Il n'y a pas un CMP qui soit à l'aise
16:41pour répondre facilement aux demandes.
16:43Et puis, il y a tout le système privé, quand même,
16:44qui est complémentaire, libéral, et qui est également saturé.
16:47Je veux dire, même dans les endroits
16:49où il y a beaucoup de psychiatres, comme à Paris,
16:50on a beaucoup de mal à trouver des rendez-vous de consultation,
16:53alors que vraiment, il y a beaucoup de psychiatres à Paris.
16:55Ce qui prouve qu'il y a un problème à la fois de nombre,
16:58et ça, c'est clair qu'il y a un problème démographique
17:00et on va mettre du temps à le rattraper,
17:02mais un problème aussi, probablement,
17:03de parcours et d'organisation de la réponse,
17:07parce qu'il faut trouver une meilleure fluidité
17:12entre les urgences lavales
17:14et surtout éviter d'avoir besoin des urgences.
17:17Donc, tout ce qui est en amont, la détection précoce,
17:20les prises en charge actives,
17:23vraiment en amont,
17:24qui permettrait de se passer des urgences.
17:27Oui, alors, M. Aveyranier,
17:28le politique est confronté à cette question des urgences.
17:32Qu'est-ce que vous en pensez ?
17:34Alors, déjà, nous avons fait une proposition de loi en 10 points,
17:38mais au préalable, nous avons fait de nouvelles auditions
17:40et nous avons visité aussi des services.
17:42Et qu'est-ce qu'on a vu ?
17:43Déjà, des disparités extrêmement importantes
17:45d'un bout du territoire à l'autre.
17:47Je prends un exemple, celui de Toulouse.
17:48Toulouse, 1250, de mémoire,
17:501250 places en psychiatrie,
17:53250 dans le public, 1000 dans le privé.
17:57Évidemment, dans le public,
17:5880 % des personnes hospitalisées sont sous contrainte.
18:02C'est très particulier à Toulouse.
18:04Voilà, on a vu des services qui fonctionnaient très bien
18:06et d'autres services avec les contraintes
18:10qui ont été évoquées, notamment par M. Pedisolo,
18:13du manque de personnel,
18:14mais plus on intervient en amont
18:16et plus mieux la personne est accompagnée.
18:20Et surtout, quand on le fait de manière globale,
18:22c'est-à-dire que ce n'est pas uniquement la maladie,
18:24c'est la question du travail,
18:25la question de la santé générale, etc.
18:29Dans des services qui fonctionnent
18:31et d'autres qui fonctionnent moins bien.
18:33Et partout, un manque de personnel
18:35et un problème de moyens, en effet.
18:37Et toutes les questions liées au sens
18:39qu'on a retrouvé de la manière dont ça...
18:41Ça a été décrit par M. Olivier, évidemment.
18:44Oui, David Cohen, vous voulez intervenir ?
18:46Oui, moi, j'ai souvent une métaphore
18:48qui vaut ce qu'elle vaut pour décrire le système,
18:51c'est celui de l'éponge pleine d'eau.
18:53Quand vous rajoutez de l'eau sur une éponge pleine d'eau,
18:55l'eau ne prend pas.
18:57Et j'ai quand même l'impression que le système
18:59est dans cette situation-là
19:01et que le constat du manque de moyens...
19:06J'ai l'impression que parfois,
19:08les réponses qui sont exclusivement
19:10on va rajouter des moyens,
19:11ne sont pas, finalement, pertinentes dans l'actuel.
19:15Parce que, finalement, on a du mal à trouver des personnels,
19:18donc nous donner des moyens supplémentaires.
19:21Il faut déjà trouver un système
19:22qui permet à, si je puis dire,
19:25dégager un peu d'eau de l'éponge
19:26pour qu'elle puisse reprendre sa respiration.
19:28Et du coup, ça sature, effectivement,
19:30la porte d'entrée qui est la mieux connue du système,
19:32qui est l'entrée des urgences.
19:34Et c'est ce qu'on constate tous, quel que soit l'âge.
19:38Oui, Franck-Benoît Lévié ?
19:39Dans la continuité de ce qui vient d'être dit,
19:41signaler quand même qu'on peut trouver de l'inspiration
19:44dans les territoires où, finalement, ça fonctionne pas mal.
19:47Et qu'est-ce qu'on constate ?
19:49C'est que ces territoires sont particulièrement bien dotés
19:51en dispositifs d'alternatives au recours à l'hospitalisation.
19:54Équipe de crise, centre de crise, équipe mobile de crise,
19:59consultation réactive au niveau des CMP.
20:01Et ça, ça contribue à protéger les urgences.
20:03Et donc, en termes de parcours, ça veut dire quoi ?
20:05On évite de référer les patients aux urgences,
20:08parce qu'une fois que le patient est aux urgences,
20:10en général, ça se termine par une hospitalisation,
20:12et souvent par une hospitalisation en soins sans consentement.
20:15Et donc, finalement,
20:17investir dans ces dispositifs d'alternatives au recours
20:20aux urgences et à l'hospitalisation,
20:22et là, on parle de réorganisation de l'offre,
20:25eh bien, c'est souvent une approche qui est vertueuse
20:27pour, justement, sortir de cet hospitalocentrisme
20:30et de cet escalade qui conduit inexorablement
20:32vers les hospitalisations.
20:34Alors, autre problème qu'aura l'inauguré,
20:37le manque d'attractivité.
20:40À quoi vous l'attribuez ?
20:41D'ailleurs, c'est un vrai problème.
20:44Alors, la question d'attractivité en psychiatrie,
20:46elle est complexe.
20:48Une des premières raisons, c'est vraiment l'image
20:50qu'a la psychiatrie, la stigmatisation
20:52des troubles psychiques, et une des premières raisons
20:54pour lesquelles les internes en médecine
20:56ne choisissent pas de la psychiatrie,
20:58c'est parce que leurs parents, leur famille
21:00ne compréhendent pas ce choix et ont des réticences.
21:03Donc, on voit qu'on a un travail à faire
21:05par rapport à l'image de notre discipline,
21:07qui est une discipline médicale,
21:09mais qui est de loin la plus belle des disciplines médicales,
21:12du fait de l'avenir qui s'offre à nous,
21:14de l'ensemble des moyens thérapeutiques
21:16que l'on peut avoir, où on soigne
21:18et où on peut vraiment guérir des personnes,
21:20et vraiment de l'ensemble des champs de recherche
21:22et d'innovation que l'on peut avoir.
21:24Et donc, il y a un message à passer sur notre discipline,
21:27qui est extrêmement important, pour changer aussi ce regard.
21:30Ensuite, effectivement, on est une discipline
21:32où on n'a pas l'ensemble de nos postes d'interne qui sont pris,
21:36on a entre 10 et 15 % des postes qui ne sont pas pris,
21:40mais à la fois, on est aussi la discipline
21:41qui a le plus de postes à l'offre,
21:43donc par rapport à des neurologues ou à des cardiologues,
21:46quand ils ont 200 postes, nous, on en a plus de 500,
21:49donc certes, ils ne sont pas tous pris,
21:51si on en avait 200, ils seraient tous pris.
21:53Donc, on peut aussi relativiser ça,
21:55même si, sans aucun doute,
21:57l'offre ne correspond pas aux besoins de santé mentale,
22:00qui sont énormes,
22:01donc il faut avancer sur l'image de la psychiatrie,
22:04qui, à mon avis, effectivement,
22:06nécessite de donner de l'espoir à ces jeunes générations
22:10pour venir dans cette discipline qui est absolument incroyable.
22:14On doit aussi travailler sur des programmes pédagogiques
22:16pour donner envie.
22:18Je porte un programme qui s'appelle The Mood,
22:20où on donne à des tout jeunes étudiants en médecine
22:23le jeu pour comprendre la sémiologie psychiatrique,
22:25pour moins en avoir peur,
22:27pour déstigmatiser la place du patient,
22:30la place du soignant dans cette histoire,
22:32et on voit que ça marche et que ça change les visions
22:35sur notre discipline.
22:36Et puis, ce que disait effectivement M. Bélivier,
22:39le problème, à un moment, moins on a de moyens,
22:41moins ça donne envie,
22:43donc on sent que la réorganisation profonde
22:46de notre offre de soins pour fluidifier
22:48va aussi permettre,
22:50avec la mise en place de structures innovantes,
22:53de redonner envie aux jeunes générations
22:55de venir dans cette discipline.
22:57Vous pensez que les psychiatres ont eux-mêmes à faire un effort ?
23:00Je pense, effectivement, qu'un certain nombre de psychiatres
23:03ont aussi à faire un effort
23:05pour donner une autre image de notre discipline
23:07et que, oui, la situation est compliquée,
23:10elle est préoccupante,
23:12mais il y a vraiment des dispositifs innovants
23:14qui fonctionnent.
23:16On arrive, quand on met en place des structures différentes,
23:19enfin, voilà, j'ai un service d'interaction
23:21avec les neurologues,
23:23un centre de prise en charge du trauma
23:25sur les violences sexuelles,
23:26on attire des jeunes médecins
23:28qui ont envie de travailler aussi dans ce type de structure.
23:31C'est aussi à nous d'aller proposer des choses
23:34qui répondent à des besoins populationnels
23:36très importants et qui sont attractifs
23:38en termes d'offre de soins.
23:40Moi, je suis vraiment pas pessimiste,
23:42parce qu'on dit beaucoup qu'il y a, en effet,
23:45un manque de candidats
23:46pour certaines fonctions et à certains endroits,
23:49pas partout, c'est lié aux difficultés de fonctionnement
23:52de certains sites et des conditions de travail difficiles.
23:55Dès qu'on informe, dès que les jeunes connaissent,
23:58c'est une méconnaissance,
23:59quand ils connaissent la discipline,
24:02il y a des vocations,
24:03ce ne sera pas 100 % des professionnels,
24:05il faut tout, mais il y a des vocations
24:07qu'on voit très fortes chez les jeunes
24:09et là, les collègues diront peut-être leur point de vue,
24:12mais il n'y a jamais de remords.
24:14Ceux qui commencent, 90 %, en tout cas,
24:16sont satisfaits, contents de ce qu'ils font.
24:19C'est une médecine humaniste,
24:20il y a des progrès dans plein de domaines différents.
24:23Il faut régler les problèmes de fonctionnement
24:26de certains sites qui, probablement,
24:28sont liés à la pénurie et à des organisations,
24:30mais donner l'envie, c'est pas très complet,
24:33parce que, vraiment, c'est passionnant.
24:35Et la connaissance, c'est, en effet,
24:37des stages, si possible, systématiques,
24:39pour tous les étudiants en médecine,
24:41parce que ça brise les tabous, les arrières-pensées,
24:44et on se sent utile quand on fait ce métier-là,
24:47et il n'y en a pas tant que ça, même en médecine.
24:49Je vais vous donner la parole, mais Joël Aviranié veut intervenir.
24:53Je vous remercie.
24:54En complément de ce qui a été dit,
24:56qui concerne essentiellement les médecins,
24:59je voudrais parler des paramédicaux.
25:01J'étais directeur d'une maison d'enfants à caractère social.
25:04Les éducateurs, on n'en trouve plus.
25:06Il y a la question du sens,
25:08mais il y a aussi la question de la rémunération.
25:10Un éducateur qui travaille jusqu'à 23h, 3 soirs par semaine,
25:13un week-end sur deux, et qui gagne 1 500 euros par mois
25:16en débutant, qui s'occupe de gamins hyper violents, etc.,
25:22on n'en trouve plus.
25:23Tant qu'on n'aura pas augmenté les salaires,
25:25parce que les gens ne peuvent plus vivre, on n'en trouvera pas.
25:28C'est important de ne pas l'oublier, par respect,
25:31pour ces gens et leur travail.
25:32Voilà ce que je voulais dire.
25:35Oui, je ne cherche pas à être consensuel,
25:37mais je suis assez d'accord
25:39avec ce qui vient d'être dit concernant les salaires.
25:42En même temps, je crois que c'est en trois axes.
25:44Il y a les salaires, la formation des personnels,
25:47parce que la formation des éducateurs
25:49n'a pas été réorganisée depuis 30 ou 35 ans.
25:52Il y a quand même des techniques,
25:53sur le plan strictement éducatif, que les collègues doivent apprendre.
25:57Et puis, il y a aussi la question du sens.
26:00Moi, ce que je vois comme un dispositif
26:02pour être positif,
26:04c'est que j'ai l'impression que dans la jeune génération,
26:07la recherche du sens, elle vient aussi
26:09par le fait qu'on est dans une société aujourd'hui
26:12qui est dans la rapidité et dans l'actuel.
26:14On met en avant ceux qui vont vite, qui sont très efficaces.
26:17Dans notre discipline, on est un peu besogneux.
26:20Même si on a des outils qui fonctionnent,
26:22on est quand même un peu besogneux.
26:24On l'a dit à plusieurs reprises, certains d'entre nous.
26:27On a des pathologies chroniques, récidivantes.
26:29Des propositions de soins qui sont souvent des propositions
26:33qui mettent du temps à avoir de l'effet.
26:35Et c'est vrai qu'on est un peu à contrario
26:38du tout va vite, tout est efficace.
26:41On en entend des politiques sur les réseaux sociaux
26:43nous expliquer qu'en trois secondes, tout va être réglé.
26:46Il y a quand même quelque chose qui est assez rassurant,
26:49c'est qu'il y a toute une jeune génération
26:52qui veut ralentir le temps.
26:53Et je crois que cette jeune génération
26:55qui veut ralentir le temps, elle est positive pour notre domaine,
26:59parce que c'est effectivement, en santé mentale,
27:02la question du ralentissement du temps,
27:04de se poser deux secondes, de voir où sont les enjeux,
27:07pas seulement pour les docteurs ou les soignants,
27:10mais aussi pour les personnes elles-mêmes.
27:12Quand on soigne quelqu'un qui souffre de dépression,
27:15j'ai tendance à dire que c'est une maladie,
27:17mais c'est aussi parfois une remise en cause
27:20de toute une trajectoire de vie, vers quoi je veux aller,
27:23c'est quoi mon espoir, c'est quoi mon monde de demain.
27:26Or, les psychiatres doivent accompagner les personnes
27:29pour s'interroger sur ces questions-là également.
27:32Oui, alors, Franck Bélivier,
27:34je vais vous demander simplement de nous dire ce que vous pensez.
27:38La santé mentale concerne, évidemment, la thérapeutique,
27:43mais est-ce que vous pensez qu'il y a une complémentarité
27:49entre les psychiatres, les éducateurs,
27:52les neurosciences, la psychanalyse ?
27:54Est-ce qu'on tire profit de cette interdisciplinarité,
28:00surtout au regard des évolutions de sociétés ?
28:02Les sociétés ne sont pas figées.
28:04Est-ce que la psychiatrie est figée ?
28:06Alors, pour rebondir sur ce qu'a dit Coraline tout à l'heure,
28:11c'est ce qui fait toute la richesse de cette discipline médicale,
28:16et c'est aussi grâce à cette pluridisciplinarité
28:20qu'on est au rendez-vous des besoins des personnes,
28:24puisque un parcours en santé mentale, ce n'est pas que des soins,
28:28c'est aussi plusieurs stratégies d'accompagnement,
28:33accompagnement psychologique, accompagnement vers la réhabilitation,
28:37vers l'emploi, la formation, le logement.
28:42Tout ça, ce sont des déterminants importants
28:43de la continuité du parcours en santé mentale,
28:45et donc, il faut bien que les équipes de soins
28:47interagissent avec de nombreuses autres disciplines
28:52et acteurs du parcours de santé mentale
28:54qui sont convoqués au chevet des besoins des patients,
28:59et lesquels besoins sont très variables d'un patient à un autre.
29:02Je voudrais revenir sur la question que vous posiez tout à l'heure
29:04sur l'enjeu de l'attractivité.
29:06L'enjeu de l'attractivité, être soignant,
29:08retrouver du sens dans sa fonction de soignant,
29:10c'est rendre service.
29:12Et l'enjeu de l'attractivité,
29:14c'est aussi l'enjeu de la qualité des soins
29:17et de la qualité de l'accompagnement.
29:19Et là, on rejoint l'enjeu de la réorganisation.
29:24Être au rendez-vous des besoins des personnes,
29:26des besoins des familles,
29:28ça nécessite certainement qu'on change de logiciel
29:32dans les modalités de prise en charge.
29:34Et il y a une réflexion, à mon avis, assez globale à avoir
29:37sur la qualité des soins, la qualité de l'accompagnement
29:40en santé mentale et en psychiatrie
29:42qui fondent le besoin de cette réorganisation.
29:46Puisqu'aujourd'hui, on a une offre qui est...
29:49Alors, c'est un héritage des décennies passées,
29:52mais aujourd'hui, on a une offre
29:54qui est faite d'une multitude de particularismes,
29:58qui est totalement illisible, illisible pour les patients,
30:01qui voient bien qu'à deux endroits du territoire,
30:02on n'est pas soignés de la même manière,
30:04illisible pour les familles,
30:05mais aussi illisible pour les personnels soignants,
30:08pour les professionnels qui disent,
30:10bon, alors, à tel endroit, on travaille comme ça,
30:12à tel autre endroit, on travaille comme ça.
30:13Et ce, sans référence aux données probantes,
30:17lesquelles données probantes en santé mentale et en psychiatrie
30:21n'ont jamais été opposables.
30:23Et donc, la qualité des soins
30:27et se mettre d'accord sur, finalement,
30:30des standards de prise en charge qui sont connus,
30:32il n'y a rien à inventer,
30:34ça nous est donné par les standards internationaux,
30:38en tout cas, il y a beaucoup d'inspiration à trouver
30:40dans des pays qui ont fait cette mutation organisationnelle,
30:43pour être au rendez-vous des besoins
30:46énoncés par les personnes utilisatrices du système.
30:50Est-ce qu'aujourd'hui,
30:53il n'y a pas un problème,
30:55j'allais dire, devant les évolutions techniques,
31:00le progrès, etc.,
31:01la psychiatrie apparaît, peut-être,
31:05pas en recul par rapport à cela,
31:07mais un peu en retrait, si vous voulez.
31:10Est-ce que c'est...
31:11Ce qui est sûr, c'est que la psychiatrie
31:15a connu une révolution, quand même,
31:17avec l'utilisation d'un certain nombre de médicaments
31:20extrêmement efficaces,
31:21ce qui a permis, dans les années 70-80,
31:24de diminuer de manière majeure
31:26le nombre de lits et de nécessités d'hospitalisation.
31:29Ça, c'était une grande rupture.
31:31Après, si on prend des standards médicaux,
31:34nous n'avons pas eu en psychiatrie une rupture
31:37comme on a en termes d'amélioration de la morbidité
31:41et de la mortalité,
31:42comme on a pu avoir en cardiologie,
31:44avec les troubles vasculaires,
31:46ou en cancérologie,
31:48avec les dernières révolutions
31:50des chimiothérapies, des immunothérapies, etc.
31:53Peut-être que demain, la recherche nous apportera
31:55des solutions de ce type-là.
31:57Néanmoins, il y a un certain nombre d'améliorations,
32:00mais pour reprendre ce que disait Franck Bélivier
32:02sur la transformation du système
32:04et des standards opposables en termes de prise en charge,
32:08parce qu'il y a des choses qui font consensus,
32:10je crois que ça ne sera possible,
32:12et j'insiste sur l'aspect formation,
32:14quand toutes les disciplines qui interviennent en psychiatrie
32:17auront cette formation.
32:18Aujourd'hui, dans l'enseignement des éducateurs,
32:21je ne veux pas du tout les stigmatiser,
32:23parce que c'est vrai pour toutes les professions paramédicales,
32:26ils n'ont pas de formation à la Viennese-Bette.
32:29Comment voulez-vous leur demander,
32:31après, en tant que professionnels,
32:33d'avancer avec les mêmes standards ?
32:36La formation n'a pas été réorganisée
32:38depuis des années dans plein de disciplines
32:40qui sont associées aux prises en charge des patients
32:43qui souffrent de problématiques de santé mentale,
32:46et on ne peut pas continuer à espérer réformer.
32:50Pourquoi je dis ça ?
32:52Parce que, quand on est sur le terrain,
32:54on entend des gens qui sont formatés
32:56par un certain style d'enseignement qu'ils ont reçu
32:59et qu'ils y croient, parce qu'ils ont fait des études
33:02et qu'ils veulent être reconnus, et ils entendent
33:04des autorités leur dire qu'il faut faire autrement.
33:07Ils ne comprennent pas, il y a un hiatus d'échange avec eux.
33:10C'est pour ça que je crois que, si on veut faire,
33:13puisque c'est l'année de la santé mentale,
33:15une vraie révolution conceptuelle, il faut la faire à la fois
33:19dans la formation, dont l'efficacité ne sera visible
33:22que dans quelques années, mais également, bien sûr,
33:25dans la réorganisation qu'on a évoquée.
33:27Mais ça ne peut pas être l'un sans l'autre,
33:29sinon, il y aura des incompréhensions et des hiatus.
33:32Coraline Ingrès, juste une précision là-dessus.
33:36Est-ce que l'évolution de la médecine,
33:40aujourd'hui, où on saucissonne, en quelque sorte,
33:44le corps à partir des organes, à partir...
33:47On essaie de trouver un médecin pour les orteils,
33:51un médecin pour les yeux, un médecin pour le nez,
33:54un médecin pour les seins, etc.,
33:57est-ce que cette chose-là, qui se produit même en psychiatrie,
34:01n'est pas une évolution, disons,
34:04qui est satisfaisante pour un patient,
34:07qui a besoin quand même de...
34:10Quand il veut avoir un avis médical,
34:12et notamment psychiatrique,
34:14a besoin quand même d'un avis
34:16qui le rend plus homogène, si vous voulez.
34:21Merci, oui.
34:22Totalement, votre question touche effectivement
34:25sur la nécessité d'une prise en charge holistique
34:28et globale du patient,
34:30avec des troubles dont on ne parle pas beaucoup,
34:32et pourtant, il y a eu une explosion en post-Covid,
34:34qui sont ces troubles dysfonctionnels,
34:36c'est-à-dire des gens qui ont des douleurs,
34:39qui ont des paralysies, des crises, ou que sais-je,
34:41et pour lesquelles on ne retrouve pas de cause évidente
34:44sur les imageries, sur les prises de sang,
34:46et on dit, vous n'avez rien, donc c'est psy,
34:48comme si les psys étaient les spécialistes du rien,
34:51ce qui est quand même assez problématique,
34:53et il y a bien des dysfonctionnements cérébraux,
34:55pas en termes de lésions, mais en termes de fonctionnement.
34:58C'est un travail d'accompagnement pour comprendre avec le patient
35:01qu'est-ce qu'il a eu comme facteur de vulnérabilité, précipitant,
35:05où il y a très souvent des événements de vie
35:07et des événements traumatisants dans l'enfance
35:10qui sont reconnus maintenant comme à la base
35:12d'énormément de pathologies en psychiatrie,
35:14qu'on retrouve dans presque 70 % de pathologies en psychiatrie,
35:17et il va falloir prendre l'individu dans son ensemble,
35:20avec son histoire, ses symptômes à l'heure actuelle,
35:23qui peuvent être d'expression psychique ou plus somatique,
35:26et faire cette synthèse.
35:27Et pour rebondir sur votre question d'avant,
35:30sur est-ce qu'on est en retard en termes d'innovation,
35:32moi, je pense, au contraire, qu'on a un champ incroyable devant nous.
35:36Je rejoins complètement l'idée de la formation
35:39et des changements pour monter au niveau.
35:41Je pense beaucoup que l'intelligence artificielle
35:44va pouvoir nous aider à aller screener les fausses croyances,
35:48les déficits en connaissances pour proposer
35:51des programmes de formation aussi plus rapides et plus percutants
35:55qui viendront, par exemple, se mettre à jour
35:57sur les évolutions post-traumatiques
35:59suite à des violences sexuelles,
36:01qui sont un enjeu majeur en France.
36:03Une victime toutes les trois minutes,
36:05une femme et un enfant en France,
36:07qui ont des répercussions majeures
36:09en termes de santé psychique et de santé physique.
36:12On a besoin d'augmenter le niveau de connaissances
36:14et de compétences de toutes les personnes
36:17sur le parcours de ces victimes et de ces patients.
36:19Et je pense que l'intelligence artificielle,
36:22bien utilisée avec intelligence, avec des compétences métiers,
36:25peuvent répondre à cela.
36:27Et donc, pour moi, on n'est pas du tout en retard.
36:30Au contraire, on a beaucoup de choses à proposer aujourd'hui.
36:34Une précision. Dans les violences sexuelles,
36:37vous incorporez les cas d'inceste, qui sont très nombreux.
36:41Oui, les cas d'inceste sont très nombreux.
36:44Aujourd'hui, la Civis a estimé
36:46à 5,6 millions de Français adultes
36:50qui ont été victimes d'inceste.
36:51On sait à quel point l'inceste amène
36:54des coûts sociétaux très importants.
36:569,7 milliards par an de dépenses
36:58pour l'accompagnement des victimes d'inceste
37:01en coût de santé, mais en coût de perte d'emploi, etc.
37:06Et il y a vraiment un champ important à se saisir,
37:10parce qu'on peut changer des trajectoires de vie,
37:13on peut vraiment se réparer psychiquement
37:15suite à l'horreur,
37:17mais encore faut-il des accompagnements spécifiques.
37:19Merci. On va passer maintenant...
37:22Juste sur l'innovation,
37:23on est probablement la discipline médicale
37:26dans laquelle il y a un mouvement d'innovation
37:30qui est le plus important.
37:32Je prends quelques exemples.
37:34Le champ de l'évaluation des psychothérapies,
37:37qui est depuis une dizaine d'années en forte croissance,
37:42qui permet de mieux codifier les indications des psychothérapies.
37:45Dans le champ des psychothérapies,
37:47on a un champ d'innovation, les psychothérapies augmentées,
37:50augmentées avec les psychédéliques, avec la réalité virtuelle,
37:53qui est un immense champ avec des potentialités énormes
37:57qui s'ouvrent devant nous.
37:58Les psychotropes ont été une révolution,
38:00mais le bon usage des psychotropes
38:02fait encore l'objet de beaucoup de recherches très importantes.
38:06Les techniques de stimulation ont également un bel avenir devant eux.
38:10Enfin, on a, au carrefour de toutes ces disciplines,
38:14sciences humaines et sociales, anthropologie, philosophie,
38:17neurosciences, on a un creuset, je dirais,
38:21extrêmement fertile.
38:23Merci. On va maintenant aborder les perspectives,
38:26mais pour commencer, je vais vous laisser écouter un extrait.
38:29Vous allez voir Michel Barnier, alors Premier ministre,
38:33c'était le 1er octobre 2024,
38:36au cours de son discours de politique générale
38:39à l'Assemblée nationale,
38:40faire de la santé mentale une cause nationale.
38:44Pour 2025, nous y sommes.
38:47Les problèmes de santé mentale touchent un Français sur cinq.
38:51Un Français sur cinq.
38:53Et particulièrement des jeunes.
38:55L'impact sur les familles et sur les proches est immense.
38:59Les maladies psychiques
39:01sont le premier poste des dépenses de l'assurance maladie.
39:05Ces maladies se soignent,
39:07et la prévention est essentielle.
39:09Des progrès sont réalisés dans la recherche et dans les traitements.
39:13Mais il y a encore tellement à faire
39:16dans les modes d'accompagnement des malades et des aidants.
39:19Et je n'oublie pas d'ailleurs le trouble du neurodéveloppement
39:23et du comportement cognitif.
39:26Et la priorité de l'accès aux soins, à l'éducation,
39:30à l'emploi des personnes concernées
39:32restera aussi une partie de ces enjeux.
39:35Ça, c'est un enjeu qui me tient à coeur, je le redis.
39:38Et voilà pourquoi je pense que la santé mentale,
39:42qui touche tant de gens, est l'affaire de tous,
39:44Etats, collectivités, entreprises, associations.
39:48Nous ferons, si vous voulez bien, de la santé mentale
39:50la grande cause nationale de l'année 2025.
39:53Applaudissements
39:58Alors, Franck Bélivier, on vient d'entendre Michel Barnier.
40:02Cause nationale,
40:04qu'est-ce qu'il faut-il faire, un Français sur cinq
40:07touché par sa propre santé mentale ?
40:11Alors, on parle de prévention, de déstigmatisation,
40:15d'information.
40:18Qu'est-ce qu'il faut en préparation ?
40:19En tout cas,
40:22énorme surprise que cette annonce du Premier ministre.
40:26Il y a un collectif important, auquel j'ai pris partie, d'ailleurs,
40:31pour plaider, depuis un an et demi,
40:34cette idée de faire de la santé mentale
40:37une grande cause nationale.
40:38Le fait que ce soit annoncé par le Premier ministre,
40:41c'était évidemment un événement très important.
40:46Dans son discours, il mentionne deux choses très importantes.
40:49La première, c'est de la nécessité de développer, en France,
40:54des politiques de prévention.
40:56Et les psychiatres ont peut-être un peu négligé
41:00cette dimension-là de leur exercice, de leur action.
41:05Et parce qu'ils ont un rôle important à jouer,
41:08c'est d'agir sur les déterminants de santé mentale.
41:11Et agir sur les déterminants de santé mentale,
41:13et c'est la deuxième chose qui est présente
41:15dans le discours du Premier ministre,
41:16c'est, en fait, convoquer,
41:20pour agir sur ces déterminants de santé mentale,
41:23d'autres secteurs.
41:24Le secteur du logement, le secteur de la formation,
41:26le secteur du travail, l'accès aux loisirs et à la culture.
41:29Tout ça sont des éléments très importants
41:32si on veut agir sur les déterminants de santé mentale
41:34d'une population.
41:35Et faire de la santé mentale une grande cause nationale,
41:38c'est encore accélérer cette prise de conscience sociétale
41:43sur cette priorité de santé publique
41:46à laquelle on a assisté depuis la crise Covid,
41:48puisque aujourd'hui, c'est quand même devenu
41:51un élément largement partagé par l'ensemble de la société,
41:56et ce qui a aussi contribué à une mobilisation politique
42:00sur cette thématique-là.
42:02Monsieur Pellissolo, est-ce que vous pouviez dire
42:06aux téléspectateurs qui nous regardent
42:08en quoi consisterait une amélioration de la prévention ?
42:14Alors, la prévention, c'est un champ très large.
42:18Comme disait M. Bélivier,
42:20c'est tous les déterminants de la société,
42:22et à mon avis, pour raccrocher la question de la grande cause,
42:26c'est quelque chose qui dépasse la psychiatrie et de loin,
42:29et c'est pour ça qu'il y a l'idée d'étendre le champ
42:32de la délégation ministérielle que Franck Bélivier porte
42:35depuis plusieurs années avec beaucoup de réalisations,
42:38mais à l'étendre à d'autres ministères, si possible,
42:41parce qu'en effet, c'est l'économie de la société,
42:46c'est les logements, c'est l'éducation,
42:48c'est la nutrition, enfin,
42:50plein de facteurs qui dépassent la psychiatrie.
42:52Nous, il faut qu'on se focalise par ailleurs sur la psychiatrie.
42:55Et donc, la prévention primaire, on peut dire,
42:58elle est très compliquée en psychiatrie.
43:00C'est vraiment très sociétal.
43:02Par contre, nous, on se focalise
43:04sur ce qu'on pourrait appeler une prévention un peu secondaire,
43:07c'est-à-dire la détection très précoce
43:11des vulnérabilités et des débuts de troubles.
43:14Et là, il y a un gros effort à faire,
43:15plutôt chez les jeunes, puisque ça commence tôt,
43:18enfants, adolescents et jeunes adultes, pour repérer.
43:20Donc là, ça nécessite déjà des moyens importants,
43:23alors qu'ils sont à la frontière,
43:25probablement aussi à l'éducation nationale,
43:27parce que la santé scolaire est vraiment vitale pour ça,
43:29et universitaire.
43:31Mais en lien avec les structures de soins
43:33qui vont derrière pouvoir enclencher des choses.
43:35Pas que la psychiatrie, c'est beaucoup la médecine générale aussi.
43:38Donc il y a déjà une révolution à faire, je dirais,
43:41dans cette organisation.
43:44Ça en fait un sujet déjà très important.
43:47Et il y en a plein d'autres.
43:48Donc nous, ce qu'on espère, au travers d'une grande cause,
43:51c'est qu'il y a effectivement un sujet sociétal,
43:53et c'est vrai que c'est une demande qu'on fait,
43:55et je pense que, notamment...
43:57Bon, je l'ai fait au nom du Parti socialiste
43:59il y a quelques années, avec Boris Vallaud.
44:00On avait déjà demandé ça
44:01pour qu'il y ait un investissement vraiment de la nation,
44:05mais aussi beaucoup sur la psychiatrie
44:07et les systèmes de soins,
44:09où, à mon sens aussi, il faut faire quasiment tout remettre à plat
44:12pour guérir les manques, là, dont on a parlé tout à l'heure.
44:16Monsieur Aviranié.
44:18Oui, alors déjà, dans cet esprit,
44:20nous avons inscrit à l'ordre du jour
44:22de la niche socialiste, la journée des socialistes,
44:25une proposition de loi.
44:26Qu'est-ce qu'elle dit, cette proposition de loi ?
44:28C'est la mise en place d'un pass premier secours en santé mentale
44:32pour les jeunes de 16 à 25 ans.
44:34Un peu dans l'idée du pass culture,
44:37et ça se traduirait par un accès gratuit
44:39à une formation au premier secours en santé mentale,
44:43donc pour les jeunes de 16 à 25 ans,
44:45avec une prise en charge de l'État sans avance de frais.
44:48Concrètement, pour répondre dans un esprit de prévention
44:51et ensuite associer cette mesure
44:53à une politique nationale de prévention.
44:56Alors, qu'est-ce que vous en pensez, là,
44:59de David Cohen, Coraline Ingrès,
45:02de cette prévention qu'on voudrait mettre en place ?
45:05Est-ce que vous la sentez possible ?
45:08On a les moyens de le faire ?
45:11Et est-ce que vous constatez aussi,
45:13puisque, David Cohen, vous êtes pédopsychiatre,
45:17que le harcèlement scolaire
45:19est responsable de beaucoup de désordres mentaux
45:22chez les adolescents ?
45:23Il est clair que le harcèlement scolaire
45:26n'est pas bon pour le développement des jeunes
45:29et que ça a un impact,
45:30qu'il soit, d'ailleurs, harcèlement physique, réel
45:34ou via les réseaux sociaux,
45:36puisque maintenant, on vit avec les réseaux sociaux.
45:39Mais pour revenir à la question de la prévention,
45:41je suis d'accord avec mes prédécesseurs.
45:43Je crois beaucoup plus, d'ailleurs,
45:45à l'action de la société civile, à titre personnel,
45:48que l'action des politiques.
45:50Peut-être, je ne suis pas du tout politisé
45:53et probablement avec un pessimiste vis-à-vis des politiques,
45:56qui n'est pas, finalement...
46:01...constructif dans la...
46:03C'est dans l'ère du temps, ça, aujourd'hui.
46:05Je suis dans l'ère du temps, de ce point de vue-là.
46:08J'ai peut-être tort, mais j'ai quand même une politique
46:11dans mon service, puisque je suis responsable d'un service
46:14où il y a pas mal de gens qui travaillent,
46:16et je ne m'étais pas rendu compte à quel point j'avais fait venir
46:20la société civile, puisqu'on a compté, en 2023,
46:23avec 35 partenaires différents,
46:24qui viennent tous bénévolement.
46:26Il y a des associations en 1901, des systèmes qui permettent de...
46:30En fait, j'avais fait ça parce que je considérais déjà
46:33que j'étais dans le tiers monde de l'hôpital.
46:35J'avais même cette expression.
46:37Comme on ne me donnait pas les moyens de faire
46:39tout ce que je voulais faire pour accompagner ces jeunes
46:42et faire de la prévention avec la société civile,
46:45je faisais des musées, des musiciens, des artistes, des sportifs,
46:49et c'est comme ça qu'on a créé tout ça.
46:51Je prends cet exemple micro.
46:53Probablement qu'il faut faire ça au niveau macro.
46:55Mais pour faire ça au niveau macro, encore une fois,
46:58il faut décloisonner.
47:00On a un État qui est extrêmement vertical
47:02et qui ne favorise pas les interfaces.
47:06D'ailleurs, quand on discute, au niveau de la jeunesse,
47:09des situations les plus difficiles à prendre en charge,
47:12c'est souvent des disciplines qui convoquent.
47:14L'aide sociale à l'enfance, l'éducation nationale,
47:17la santé mentale, etc., et tout le monde se renvoie,
47:20d'ailleurs, dans les réunions, on dit les patates chaudes,
47:23parce que personne ne veut dire qu'il sera plus responsable
47:26que l'autre, etc., et souvent,
47:29on trouve ces jeunes dans des intertices.
47:31En plus, c'est souvent des jeunes,
47:33parce que n'oublions pas aussi qu'on a énormément de jeunes
47:36qui sont exposés, pas seulement à des aspects de prévention
47:40qu'on pourrait faire en France, mais on a aussi
47:42beaucoup de jeunes sans papier, de migrants,
47:45parfois d'enfants seuls,
47:47et ceux-là, la prévention dont on parle,
47:50c'est pour ceux qui naissent chez nous.
47:52C'est pour ça que je dis que c'est un problème
47:55qui est beaucoup plus global et qui doit prendre en compte
47:58des éléments de la société civile de manière majeure.
48:01Franck Bélivier, je vous laisse la parole,
48:03mais je voulais aussi, il nous reste peu de temps,
48:06que vous abordiez la question de la fluidité des parcours
48:10qui semble importante. Je vous le laisse.
48:12Donc, ce qu'on est en train de dire,
48:14c'est qu'une politique de santé mentale
48:16et de psychiatrie est une politique multisectorielle,
48:19pluridisciplinaire.
48:21Et l'incarnation que nous avons de ces approches,
48:25ce sont les projets territoriaux de santé mentale,
48:29et nous sommes là à un moment où nous avons pu faire un bilan
48:34de cette première génération de projets territoriaux
48:37de santé mentale, qui est vraiment l'outil local
48:39d'intégration de l'ensemble des compétences
48:42dont nous avons besoin pour répondre
48:46aux besoins des personnes qui sont dans un parcours de santé mentale.
48:50Et cette pluridisciplinarité est la condition
48:54pour la fluidité des parcours,
48:56pour la prévention de la réhospitalité.
48:58Expliquez-nous ce que veut dire fluidité des parcours.
49:01Après une période de soins,
49:03et si on veut éviter que la personne retourne à l'hôpital,
49:07il faut convoquer un ensemble de compétences
49:10qui permettent d'assurer que la personne
49:14est orientée vers le rétablissement dans son projet de vie.
49:17Et ça, ça ne passe pas que par la continuité des soins,
49:21ça passe aussi par l'accompagnement dans le logement,
49:24l'accompagnement dans la formation, le retour au travail,
49:26l'accès aux loisirs et aux sports.
49:29Et c'est pour ça que, finalement,
49:31si on veut sortir de cette situation de chronicisation
49:35et de revolving door, j'ai envie de dire,
49:37les patients sont soignés, ils sortent,
49:39ils redécompensent, ils retournent à l'hôpital.
49:41Eh bien, pour prévenir ces phénomènes de récurrence,
49:45il y a un ensemble d'acteurs à convoquer
49:49qui sont des acteurs de la société,
49:52de la communauté dans laquelle on vit,
49:55qui permettent d'assurer la continuité de ces parcours.
49:58S'agissant des cas particuliers,
50:02parce qu'une politique publique a du mal à atteindre,
50:06par définition, des publics difficiles à atteindre,
50:09les publics de la ZEU, les migrants,
50:11les publics à la rue, les personnes incarcérées,
50:15en effet, il faut, à l'échelle locale,
50:19concevoir des dispositifs spécifiques
50:22qui permettent d'atteindre les besoins de ces publics spécifiques.
50:26Donc, c'est à la fois l'histoire
50:28d'une politique publique généraliste,
50:32multisectorielle à mettre en oeuvre au niveau local,
50:35mais c'est aussi des dispositifs spécifiques
50:37pour atteindre les publics les plus difficiles à atteindre.
50:39Coraline Henry ?
50:40Et dans cette dimension de prévention,
50:43il y a eu vraiment ce changement de paradigme
50:46qui est en train d'avoir lieu,
50:47d'essayer de détecter le plus précocement possible
50:50l'entrée dans des troubles psychiques
50:53avec des signaux qui peuvent être faibles.
50:55C'est un des courants portés par l'innovation
50:57et porté aussi par les gouvernements
51:00pour financer aussi, à se dire,
51:02plus on arrive à prendre tôt à un moment
51:05où tous les déterminants de vie ne sont pas encore fixés
51:08et plus on soigne le plus tôt possible
51:12et on diagnostique.
51:13Et parfois aussi, la question du diagnostic en psychiatrie
51:16n'est pas évidente.
51:17On a une discipline où on n'a pas encore de biomarqueur
51:19qui nous permet.
51:21Donc peut-être aussi que l'IA nous aidera
51:23à aller vers une objectivation de la psychiatrie clinique.
51:26Et en tout cas, on voit que c'est un axe de prévention majeur
51:30de traiter tôt pour permettre que ces personnes
51:33s'inscrivent dans des études,
51:35créent leur trajectoire de vie le mieux possible.
51:38Et on est, dans ce terme, en termes de prévention
51:41de manière importante.
51:42Alors, M. Avirani, on va terminer là-dessus.
51:45Est-ce que vous pensez que c'est toute la société
51:49qui doit se montrer plus inclusive ?
51:53D'ailleurs, Jérôme Getsch le fait concernant les personnes âgées,
51:57le député Jérôme Getsch.
51:58Est-ce que vous pensez qu'il y a un effort dans ce sens à faire ?
52:02Alors, il s'agit de l'école, de l'entreprise,
52:04des transports, etc.
52:07Et en plus, le concept d'inclusion
52:09est non seulement à la mode, mais nécessaire.
52:12Est-ce qu'il y a une nécessité à mettre l'accent là-dessus ?
52:16Bien sûr qu'il y a une nécessité à mettre l'accent là-dessus.
52:20C'est pour ça qu'on propose cette formation pour les jeunes.
52:23Moi, je trouve que dans notre débat, ce qui me paraît important,
52:26c'est que le constat est partagé.
52:28Il y a la question des moyens,
52:29mais aussi la question de l'organisation des soins,
52:32qu'on entend beaucoup parler des services,
52:34notamment psychiatriques, qui ne fonctionnent pas,
52:36mais il y a aussi des services qui fonctionnent.
52:39Et ça, je trouve que c'est encourageant.
52:40Après, en effet, il faut qu'on puisse parler de santé mentale
52:43de manière globale,
52:44prendre en compte la question des jeunes, etc.
52:47La déstigmatisation est importante.
52:50On a tous ce travail à porter collectivement,
52:52mais moi, je trouve qu'il y a de l'espoir dans ce qui a été dit.
52:55Alors, merci d'avoir terminé sur cette note d'espoir.
52:58Il nous reste très peu de temps,
53:00mais je vais quand même signaler quelques ouvrages
53:03qui m'ont servi à préparer cette émission.
53:06Alors, Franck Bélivier, Pierre-Michel Lorca,
53:09vous avez publié
53:10Devenir expert de son trouble bipolaire
53:14aux éditions Tempo Médical.
53:17Vous pouvez dire ce que veut dire ce trouble bipolaire
53:20dont on entend parler sans arrêt.
53:21On a très peu de temps.
53:22C'est une pathologie qui comprend
53:25des récurrences dépressives et maniaques,
53:26et l'idée de cet ouvrage, c'est de fournir des outils
53:29qui permettent aux personnes concernées
53:32d'être acteurs, experts de leur trouble
53:35et de mieux le gérer.
53:37Merci. Coraline Ingrès, avec Ouissa Amel-Hage,
53:41vous avez publié Le trauma, comment s'en sortir ?
53:44C'est un mot généraliste, le trauma.
53:46Ça touche toute l'adversité dans l'enfance,
53:49les maltraitances, l'inceste, les traumas sexuels,
53:52les viols, les violences conjugales,
53:54et de la même manière que ce que disait Franck Bélivier,
53:56le but est de rendre le patient acteur,
53:59avoir des outils pour pouvoir s'aider lui-même,
54:02et c'est ce qu'on offre dans ce guide.
54:04David Cohen, vous avez publié, avec Filippo Muratori,
54:08Les pionniers de la clinique de l'autisme.
54:13C'est une bande dessinée ?
54:14En quelque sorte, parce que j'ai voulu parler, finalement,
54:19des anciens qui ont éclairé cette clinique
54:21et des problématiques que cet éclairage
54:23et les questions qui ont été posées
54:25dans les classifications modernes des troubles du neurodéveloppement,
54:28puisque c'est comme ça qu'on dit de manière globale,
54:31et j'espère que ça éclairera les plus jeunes.
54:33Antoine Pellissolo, vous avez publié,
54:36avec Christophe André et Patrick Légeron,
54:39La nouvelle peur des autres,
54:41tract, timidité, phobie sociale.
54:44C'est d'actualité, ça ?
54:46En effet, une pathologie dont on ne parle pas assez,
54:49malheureusement, parce qu'elle est très courante et impactante,
54:52et on peut faire beaucoup de choses pour aider les jeunes.
54:56C'est l'anxiété sociale, une peur relationnelle,
54:59une forme grave de timidité,
55:01qui touche beaucoup de personnes dans la population générale
55:04et sur laquelle on a des solutions.
55:06C'est important de l'expliquer
55:08pour que les personnes puissent se faire aider.
55:12Alors, Joël Aviranié,
55:14vous avez publié un rapport sur la santé mentale
55:17auprès de la Fondation Jean Jaurès.
55:21L'épicentre de ce rapport, c'est quoi ?
55:24C'est la prise en charge des personnes
55:26en difficulté psychiatrique, tout simplement,
55:28et de manière globale.
55:30Merci, écoutez, merci, madame.
55:33Merci, messieurs, d'avoir apporté un éclairage.
55:36On n'a pas pu évoquer toutes les questions
55:38menant à l'occasion d'autres émissions.
55:42Sur la santé mentale,
55:44c'est quand même une urgence et une priorité.
55:46Je voudrais remercier notre équipe LCP,
55:50qui a permis la réalisation, et je vous dis à bientôt.
55:54Merci.
55:55Merci.

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