Éric Dupond-Moretti, ancien garde des Sceaux, était l’invité de Benjamin Duhamel ce dimanche 19 janvier. Il a été interrogé sur son spectacle, sur la libération des otages israéliens pas le Hamas et sur l'état de la justice en France.
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00:00Bonsoir, Eric Dupond-Moretti.
00:01Bonsoir, monsieur Duhamel.
00:02Merci d'être avec nous ce soir dans C'est pas tous les jours dimanche,
00:05ancien garde des Sceaux, ancien avocat.
00:07Je vous ai reçus sur ce plateau plusieurs fois
00:08pour parler politique pénale, laxisme présumé de la justice,
00:12du Rassemblement national aussi.
00:13On parlera de tout cela dans un instant,
00:14mais si vous venez nous voir ce soir,
00:15c'est parce que dans un peu plus de dix jours,
00:16le 1er février, vous montrez sur scène au Théâtre Marigny
00:20pour un seul en scène.
00:22J'ai dit oui, on en parle bien évidemment dans un instant,
00:24mais juste avant, je voudrais vous entendre
00:26sur ce que l'on vit, ces images,
00:29les Israéliens, les habitants de Tel Aviv émus
00:32avec cette information, le début de cette trêve
00:35qui rentre en vigueur et ces trois otages,
00:37trois désormais ex-otages libérés par le Hamas.
00:40Je voudrais avoir votre sentiment sur, bien évidemment,
00:44cette émotion et la fin de l'horreur pour ces trois otages
00:47et une prochaine libération qui doit intervenir dans six jours.
00:51D'abord, je pense qu'on ne peut que se féliciter
00:53de la libération de ces trois femmes,
00:55mais en même temps, quand on regarde les images,
00:56on est frappé par l'émotion et la retenue.
01:01On la sent, elle est tangible,
01:04parce que la libération, j'allais dire, au compte-goutte,
01:09est quelque chose d'absolument terrifiant
01:11pour les familles qui sont dans l'attente.
01:13D'abord, on a dit les femmes et les enfants, n'est-ce pas ?
01:15Et puis ensuite, des hommes.
01:18Et donc, quand la dernière femme aura été libérée,
01:20des familles vont comprendre que certaines femmes sont mortes,
01:25puis viendra le tour des hommes,
01:27et là encore, des corps seront restitués aux familles.
01:31Et cette période, elle est, à l'évidence, absolument mortifère.
01:35C'est terrifiant, cette attente.
01:37Un mot encore sur ce sujet, puisque vous étiez garde des Sceaux
01:41le 7 octobre, quand ces massacres,
01:44ces attentats terroristes ont été commis.
01:47Quel souvenir vous gardez en tant que responsable politique
01:50gouvernemental, à un moment donné aussi,
01:52où il a fallu que la machine étatique,
01:55si j'ose dire, puisse répondre à ce qui était en train de se passer ?
01:58Quel souvenir est-ce que vous gardez de ce 7 octobre ?
02:02D'abord, les images, absolument terrifiantes.
02:06Les femmes, les enfants, les hommes qui sont traînés
02:10par des gens du Hamas.
02:13Et puis, très vite, le choix politique de LFI, notamment,
02:19pour nier le fait qu'il s'agit de terroristes
02:23dans le cadre d'une attaque terroriste.
02:25Ils n'ont pas voulu prononcer ces mots.
02:28Et pourtant, ces mots étaient des évidences.
02:33Très vite, le président de la République s'est exprimé.
02:37Il a dit qu'il s'agissait, évidemment, d'attaques terroristes.
02:43On a envisagé le corridor humanitaire,
02:46le droit pour Israël de se défendre,
02:49la création, évidemment, la partition des deux États.
02:53Tout ça a été une période très, très difficile.
02:57Et bien sûr, je n'oublie pas les otages français.
03:00Et d'ailleurs, certains des hommes qui sont encore otages aujourd'hui
03:05sont de nationalité française.
03:07Et je précise, bien évidemment, à ceux qui nous regardent,
03:09que vous suivrez toutes les images,
03:12ce qui est en train de se jouer en ce moment,
03:14non seulement à Tel Aviv, mais aussi à Haraïm,
03:16l'endroit où les hélicoptères de l'armée israélienne
03:18doivent décoller dans les minutes qui viennent
03:20pour, précisément, héliporter ces trois ex-otages vivants
03:24en bonne santé, nous dit-on, qui doivent arriver
03:26dans la banlieue de Tel Aviv à l'hôpital pour se faire examiner.
03:29Éric Dupond-Moretti, je le disais donc, un seul en scène,
03:31j'ai dit oui.
03:33Voilà le nom, on va peut-être voir l'affiche apparaître
03:36au théâtre Marigny à partir du 1er février.
03:38Ça veut dire que c'est fini la langue de bois,
03:41la solidarité gouvernementale.
03:42Au fond, vous savez, il y a souvent ces livres de politique
03:44qui publient quelques mois, quelques années
03:47après avoir été ministre, où ils disent,
03:49voilà, ça, c'est tout ce que j'ai toujours rêvé de vous dire,
03:51mais que je ne pouvais pas vous dire.
03:53C'est ça, ce seul en scène ?
03:56C'est un peu ça, mais pas que ça.
03:59D'abord, j'avais fait un seul en scène pour expliquer
04:01ce qu'était le métier d'avocat et ses coulisses.
04:05Puis, le confinement et ma nomination,
04:08la conjugaison des deux,
04:11a fait que je n'ai pas pu continuer ce spectacle.
04:14Je me suis consacré complètement et totalement
04:18à la mission qui était la mienne.
04:20Et puis, j'ai constaté à de nombreuses reprises,
04:24à de très nombreuses occasions,
04:26que les gens ne savaient pas ce que faisait un ministre.
04:30Comment ils le faisaient ?
04:32Pourquoi un politique ne peut pas forcément
04:34toujours dire la vérité ?
04:37Et donc, faire de la langue de bois quand il est reçu
04:39sur les plates-vues de télévision,
04:41défendre ses collègues là où il en pense l'inverse ?
04:43Ne vous inquiétez pas, M. Duhamel,
04:45vous verrez, si vous me faites l'honneur de venir,
04:46que j'évoque aussi la relation
04:48entre les politiques et les journalistes.
04:51Car certains d'entre vous confondent bienveillance
04:55et complaisance.
04:56Ils ont tellement peur de passer pour des journalistes aux ordres
04:59qu'ils ne conçoivent au fond l'interview
05:01que comme un combat, voyez-vous ?
05:04Et puis, parler de justice et de politique pénale
05:07devant un journaliste qui n'envisage la justice
05:09que sous l'angle du fait divers,
05:11je le dis, c'est impossible et c'est dangereux.
05:13Donc, on va évoquer tous ces sujets
05:16avec, évidemment, de l'humour, c'est nécessaire,
05:19et de l'autodérision.
05:21Vous le disiez, Eric Dupond-Moretti,
05:23vous aviez déjà joué au théâtre
05:24pour raconter les coulisses de votre vie d'avocat.
05:27Est-ce qu'au fond, avec le caractère que les Français vous connaissent,
05:30votre grande gueule,
05:32est-ce qu'au fond, vous n'êtes pas plus fait
05:34pour monter sur scène, être comédienne,
05:35pour être ministre ?
05:37Est-ce que ça ne correspond pas plus à votre caractère,
05:40à la façon dont vous envisagez les choses ?
05:43C'est peut-être ça, votre vrai élément ?
05:44Peut-être que vous ne connaissez pas mon bilan.
05:47C'est la première réponse.
05:48Assez souvent, dans les interviews, on en a parlé ici,
05:51vous les mettiez en avant, donc...
05:52Oui, mais c'est quand même la première réponse
05:55qui me vient à l'esprit.
05:56Et au fond, pourquoi pas, parce qu'il y a tellement d'infos,
05:59vous voyez, un clou chasse l'autre,
06:01et l'une des difficultés pour les ministres
06:03et pour les gens qui font de la politique,
06:05c'est d'expliquer ce qu'ils ont fait,
06:07sachant que ce qui est consensuel
06:10est moins intéressant pour certains de vos confrères
06:14que ce qui fait le buzz.
06:15Bon, donc j'ai un bilan.
06:17Donc c'est ça, le spectacle, c'est régler ses comptes
06:19avec les médias, avec les journalistes, c'est ça ?
06:22Non, mais c'est dire un certain nombre de choses
06:23qu'on ne peut pas dire quand on est ministre.
06:27Voilà.
06:28Parce que, naturellement,
06:31il y a un certain nombre de polémiques
06:33que l'on évite quand on est ministre.
06:36Et je donne d'ailleurs, dans ce spectacle,
06:39un certain nombre d'exemples, bien sûr.
06:41Puis nos compatriotes, ils détestent le mensonge,
06:46mais ils supportent pas non plus la vérité.
06:48Et là aussi, je donnerai un certain nombre d'exemples,
06:50parce que c'est un partenariat.
06:51Il y a d'un côté les politiques,
06:53puis il y a de l'autre nos compatriotes
06:56qui regardent les politiques,
06:58qui les jugent de façon extrêmement sévère.
07:01Alors, je sais que c'est pas dans l'air du temps
07:03de réhabiliter les politiques,
07:06mais j'essaie de dire, moi, et d'analyser
07:09pour quelles raisons il y a ce désamour
07:10entre les politiques et les Français.
07:12Vous disiez, il y a un instant, Eric Dupond-Moretti,
07:14j'ai un bilan.
07:16Parmi vos combats de ministre, vous vous êtes battu
07:17pendant quatre ans pour expliquer
07:18que la justice n'était pas laxiste.
07:20La France n'est pas un coupe-gorge.
07:22Ça, c'est une phrase que, notamment,
07:24vos opposants ont retenue.
07:26Aujourd'hui, le ministre de l'Intérieur,
07:27Bono Rotaïo, maintient que la justice est laxiste,
07:29qu'il y a un problème d'inexécution des peines.
07:31Gérald Darmanin, à votre place, aujourd'hui,
07:34celle que vous occupiez était celui
07:36qui parlait d'ensauvagement de la société.
07:38Vous avez perdu la bataille culturelle, idéologique.
07:40Vous avez, pendant quatre ans, essayé d'expliquer
07:42que la justice n'était pas laxiste.
07:43Aujourd'hui, ceux qui sont au pouvoir,
07:45eux, visiblement, pensent l'inverse.
07:49Alors, d'abord, les chiffres nous départagent,
07:52si tant est que nous ne disions pas
07:54tout à fait la même chose.
07:56Depuis des années, les peines qui sont prononcées
07:58sont de plus en plus sévères,
07:59et les prisons sont pleines.
08:01Et par ailleurs, moi, j'ai tellement mesuré
08:03la difficulté de juger,
08:06je l'avais déjà mesuré lorsque j'étais avocat,
08:08que j'ai permis, c'est une des réformes
08:10que j'ai conduite, de filmer la justice,
08:13pour qu'elle rentre dans le salon des Français,
08:16et que vous mesuriez la difficulté, par exemple,
08:19de déterminer une peine juste.
08:21Moi, on peut me raconter tout ce qu'on veut,
08:23on peut dire ce que l'on veut,
08:24les chiffres sont là, ils sont têtus.
08:27Donc Bruno Retailleu, il se trompe
08:28quand il dit qu'il y a un problème
08:29d'inexécution des peines ?
08:30– Attendez, si le jeu consiste à m'opposer à Bruno Retailleu,
08:35moi, je ne joue pas…
08:36– Je croyais que vous ne faisiez plus de langue de bois,
08:37alors là, maintenant, ce n'est plus un collègue,
08:40il a été gouvernemental,
08:41si vous pensez l'inverse de Bruno Retailleu,
08:42vous pouvez le dire.
08:43– Alors, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
08:44Que Bruno Retailleu a tort, que Dermanin a tort,
08:46que les autres ont tort, que je suis censé avoir raison ?
08:48Je dis que moi, j'ai toujours soutenu la même ligne,
08:50la justice n'est pas laxiste, les chiffres le démontrent.
08:53Maintenant, sortez les chiffres,
08:55et si vous avez la démonstration
08:56de ce que je ne dis pas la vérité, alors d'accord,
08:59et je vous concèderai une erreur importante,
09:03parce que depuis des années, je dis la même chose sur ces questions.
09:07Ensuite, vous savez, on a opposé,
09:10on a fait des petits guéguerres sémantiques,
09:12ça, vous adorez faire ça.
09:14– Vous aussi.
09:15– Non, mais attendez, Dermanin a dit,
09:17Gérald a dit à un moment, en sauvagement,
09:20j'ai dit, moi, la sensibilité qui est la mienne
09:23ne me porte pas à utiliser les mêmes mots.
09:25Trois semaines de polémiques.
09:27Ensuite, j'ai dit, monsieur Duhamel,
09:29il y a certes de l'insécurité,
09:34mais il y a aussi un sentiment d'insécurité,
09:37notamment alimenté par les chaînes d'information continue.
09:40– Ah, ça recommence.
09:41– Ou, c'est vrai, d'opinion continue.
09:44Pardon, un crime décliné 50 fois, ça devient 50 crimes.
09:50Voilà, et là, qu'est-ce que vous faites ?
09:52Vous ne pouvez pas réagir, parce que si vous rectifiez le tir,
09:55vous savez, c'est le vieil adage, une fausse info et un démenti
09:59finissent par faire deux infos.
10:01Et au fond, vous ne pouvez rien faire,
10:03parce que sinon, vous remettez une pièce dans la machine.
10:08C'est une des difficultés auxquelles les politiques sont confrontés.
10:13– Éric Dupond-Moretti, quand vous entendez Gérald Dermanin
10:15dire quelques jours après sa nomination comme ministre de la Justice,
10:17rien ne va dans le ministère qui m'appartient sur la question de la drogue.
10:21Est-ce que là, quand vous lisez ça, quand vous entendez ça,
10:24vous n'avez pas une envie folle de dire, sympa,
10:26en plus, vous l'appeliez Gérald, vous vous entendez bien.
10:29Ce n'est pas hyper sympa pour votre bilan, ça, quand même, non ?
10:31– Non, mais rien ne va, parce qu'il y a toujours un trafic de drogue,
10:35qu'il est de plus en plus important, qu'il y a plein de choses à faire.
10:38Mais Gérald Dermanin, il évoque aussi la reprise d'un texte
10:42que j'ai préparé sur le narcotrafic.
10:44Donc, rien ne va, pourquoi ?
10:46Non mais, pardon, et si Gérald Dermanin disait,
10:49Éric Dupond-Moretti a tout réglé, il n'y a plus de délinquance dans ce pays,
10:52mais qu'est-ce que vous me diriez ?
10:53Vous me diriez, vous ne croyez pas qu'il est excessif, Gérald Dermanin ?
10:56Non, mais le travail public que conduit un ministre,
11:00il ne s'arrête jamais, M. Duhamel.
11:03Donc, j'entends ce propos de Gérald,
11:06parce que je continue dans l'intimité à l'appeler Gérald,
11:08je l'entends parfaitement.
11:09Voilà, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
11:11Bien sûr que ça ne s'achève pas avec tel ou tel ministre.
11:14Je voudrais d'ailleurs dire qu'il a eu l'élégance,
11:17lors de la passation de pouvoir, de me rendre hommage,
11:20et que, bien sûr, on ne peut pas dire que tous les problèmes sont réglés.
11:23Pour autant, un certain nombre de choses ont été faites
11:28et on ne peut pas les négliger.
11:29Quand il dit qu'il faut regrouper les 100 narcotrafiquants les plus dangereux…
11:34Il a raison.
11:34Vous n'y aviez pas pensé ?
11:36On y a pensé, mais la mise en place et la mise en œuvre de cela,
11:39c'est complexe.
11:41Pourquoi ? Parce que si on fait ce centre dans l'Est de la France,
11:45le juge d'instruction qui se trouve à Limoges,
11:50est-ce qu'il va se déplacer pour aller interroger le détenu
11:54narcotrafiquant, oui ou non,
11:57ou est-ce qu'il va le faire venir à lui
11:59avec des problèmes d'escorte, par exemple ?
12:02Bon, la question des portables en prison,
12:04c'est une question sur laquelle nous avons déjà beaucoup travaillé.
12:07Il y a des obstacles technologiques,
12:10il y a des obstacles qui tiennent à la structure même des murs de la prison,
12:13avec du métal…
12:15Mais c'est une bonne idée, dites-vous.
12:17Mais bien sûr que c'est une bonne idée.
12:18Mais bien sûr que c'est une bonne idée.
12:20Nous avions commencé à travailler, vous savez,
12:22moi j'ai quitté ce ministère, je vais vous dire,
12:25avec une petite larme à l'œil pour tous les personnels
12:28avec qui j'ai…
12:31Ça vous manque ou pas ?
12:32Non, mais écoutez-moi, j'ai été pendant quatre ans
12:36entouré par des gens formidables.
12:39Vous les quittez, ça vous fait un petit pincement au cœur.
12:43Il y a une petite frustration
12:44parce que vous avez commencé à travailler sur des sujets
12:46et vous n'avez pas terminé le travail.
12:48Typiquement, la loi sur le narcotrafic.
12:51Mais en même temps, vous recouvrez votre liberté.
12:53Moi, le premier jour, je savais que ça avait une fin,
12:57on n'est pas propriétaire de son Marocain.
12:59Et moi, comme je l'ai dit, le jour de la passation,
13:01j'avais une vie avant et j'aurai une vie après.
13:04Et de fait, ce seul en scène est une des composantes de cette vie d'après.
13:07Un mot aussi sur un autre combat structurant qui a été le vôtre,
13:10et on en a souvent parlé à l'occasion d'interviews sur ce plateau
13:12quand vous étiez en fonction, la lutte contre le Rassemblement national.
13:15Et c'est vrai qu'il y a souvent des échos.
13:16Je me souviens, à une interview, je vous avais posé la question
13:19plusieurs fois de savoir si le Rassemblement national
13:21était dans l'arc républicain.
13:22Vous ne répondiez pas tout à fait.
13:24Cette semaine, François Rebzamen, ministre,
13:26a dit qu'il respectait toutes les forces politiques
13:28sauf le Rassemblement national.
13:30Alors après, il est un petit peu rétro-pédalé.
13:33Est-ce que vous respectez le Rassemblement national ?
13:37Je ne respecte pas ses valeurs.
13:40Je pense que ce parti ne s'est pas dédiabolisé.
13:43Pour ne rien vous cacher, j'ai été un peu choqué
13:47après le décès de Jean-Marie Le Pen.
13:50Je pense que dans ces moments-là, c'est la dignité qui s'impose.
13:53D'une certaine façon, l'éloge ou le silence.
13:55Et moi, j'ai choisi le silence.
13:57Mais j'ai vu des choses indignes dans l'éloge.
14:00À savoir ?
14:01Ah ben, l'amnistie totale de tout.
14:04Enfin, il n'est plus aujourd'hui pour certains qu'un visionnaire.
14:07On a oublié tout le reste.
14:10Et puis, de l'autre côté, j'ai vu des gens se comporter
14:14de façon totalement indigne.
14:16Ces gens qu'on a vus danser Sabré-le-Champagne.
14:20Je pense qu'on respecte les morts.
14:24Pour le reste, je ne crois pas à la dédiabolisation.
14:28J'ai...
14:28Parce que certains responsables politiques
14:31ont réduit certaines des condamnations de Jean-Marie Le Pen
14:34à des polémiques.
14:36Faites allusion au tuit du Premier ministre.
14:39Ça, quand François Bayrou tuite en parlant de polémiques,
14:42pour vous, c'est une façon de minimiser...
14:44C'est euphémique.
14:45Oui.
14:46Mais je voudrais vous dire quelque chose,
14:48puisqu'on est parti de mon spectacle,
14:50et puis que je suis un peu là pour ça, pardon.
14:51Tout à fait.
14:52Mais je crois savoir que dans votre spectacle, vous parlez de...
14:54Je parle un peu de politique.
14:55Ah bon ?
14:56Oui.
14:57Vous ne parlez pas du Rassemblement national dans votre spectacle ?
14:58Non.
14:59Non.
15:00Je ne suis pas venu pour faire un meeting, là.
15:02Ni une psychothérapie destinée à me réparer.
15:06Pas du tout.
15:07Ce n'est pas assez long pour ça.
15:08Non, mais tout va bien, surtout.
15:10Je ne fais pas mon bilan non plus.
15:12Ce que je souhaite, c'est que les gens sachent
15:16ce que c'est que le travail d'un ministre,
15:18des politiques peut-être de façon plus générale.
15:22Voilà, parce que si vous faites un micro-trottoir
15:25et demandez à des gens ce que c'est que le boulot d'un ministre,
15:28comment ça se passe au quotidien,
15:30je pense qu'ils ne le savent pas.
15:32Donc moi, je souhaite que les gens sortent de là en se disant
15:34« Ah, on a appris un certain nombre de choses,
15:37et ça n'est pas inintéressant. »
15:39Et le titre de ce spectacle, Éric Dupond-Moretti,
15:41j'ai dit oui, c'est ce que vous avez répondu
15:44au président de la République,
15:45après avoir dit à l'occasion de plusieurs interviews
15:47que jamais, au grand jamais...
15:48Non, attendez, vous allez voir,
15:49ma question est plus subtile que ce que vous pensez.
15:51Après avoir dit que jamais, au grand jamais,
15:53vous n'accepteriez pas de rentrer dans un gouvernement,
15:55ce qui me frappe, et peut-être que l'aborderez-vous
15:58dans votre spectacle, c'est la relation singulière
16:00que vous avez au président.
16:02Faites partie des ministres, anciens ministres,
16:04chez qui on n'a jamais entendu une critique,
16:07un mot au-dessus de l'autre concernant Emmanuel Macron.
16:10J'ai retrouvé cette phrase de Christophe Castaner,
16:12qui s'amusait d'une dimension amoureuse
16:14qu'il avait, entre guillemets, à l'égard d'Emmanuel Macron.
16:16Est-ce qu'il y a un peu de ça chez vous ?
16:18Non, c'est extraordinaire.
16:20Vous allez chercher, vous allez pêcher une phrase
16:22prononcée par Christophe Castaner,
16:25que j'appelle aussi Christophe, d'ailleurs,
16:26pour votre édification, et vous me la plaquez.
16:30Vous voudriez que je sois amoureux du président de la République ?
16:32Écoutez, vous êtes sans doute un des seuls macronistes
16:34qui continue à assumer aujourd'hui
16:35que la dissolution était une bonne idée,
16:36alors même que le président lui-même a reconnu
16:38qu'elle n'avait pas produit les effets prévus.
16:40Les effets escomptés.
16:42Et je crois qu'il a dit, il a ajouté une temporalité.
16:45Non, ok, je vais vous dire.
16:47Vous connaissez un pays stable, politiquement.
16:49Si on élargissait un peu la focale
16:51et qu'on quitte un peu la polémique
16:54que vous affectionnez, monsieur Benjamin de Gaulle.
16:56Mais vous aussi, parfois.
16:57Oui, sans doute.
16:58Mais l'Allemagne, c'est stable.
17:01La Roumanie, c'est stable, là.
17:03Les États-Unis, c'est stable.
17:06Vous voulez encore d'autres exemples ?
17:08Alors, revenons en France.
17:10Vous, vous considérez peut-être
17:11qu'Emmanuel Macron est responsable de tout.
17:14Non, je vous pose la question.
17:15Moi, j'ai dit que ce n'est pas lui
17:17qui avait composé l'Assemblée nationale.
17:19Pour le reste, le sentiment amoureux.
17:22Moi, je vais plutôt vous parler de loyauté, monsieur Duhamel.
17:26Vous voyez, parce qu'il y a les loyaux,
17:30et puis les loyaux, le temps qu'il faut.
17:32Et moi, je suis un loyal.
17:34Voilà, et j'estime que le président de la République,
17:38quand il a pris cette décision de dissoudre,
17:41il n'a sans doute pas été une décision comprise
17:43par l'ensemble des Français.
17:45Eh bien, il a anticipé une situation
17:48à laquelle nous aurions été confrontés,
17:49puisque moi, je crois que le gouvernement
17:51auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir
17:53aurait été censuré.
17:55Oui, et il y a eu la dissolution et la censure.
17:59Donc, bon, c'est pas un franc succès stratégique et tactique.
18:03– Non, mais, ok, le président, il est responsable de tout.
18:05Et en plus, il n'a pas la qualité de médiumité
18:08que vous avez sans doute.
18:10– Oui, je ne crois pas, mais je pose la question simplement sur,
18:13puisque vous êtes un observateur avisé de la vie politique,
18:16la façon dont les socialistes ont décidé cette semaine
18:19de s'émanciper de la France insoumise,
18:21de ne pas censurer le gouvernement François Bayrou.
18:24Ça, vous vous êtes dit quoi ? Bravo, Olivier Faure, formidable.
18:27– Enfin, enfin, mais…
18:31– François Bayrou, il réussit plutôt mieux qu'Emmanuel Macron, non ?
18:34– Non, mais François Bayrou, c'est le Premier ministre d'Emmanuel Macron.
18:39Voilà, vous voulez les dissocier, vous voulez faire deux équipes,
18:43vous voulez…
18:44– J'ai assez peu de doutes sur l'équipe à laquelle vous appartiendrez.
18:46– C'est fabuleux la galerie des sentiments vus sous votre prisme.
18:51Alors, il y a les amoureux, et puis il y a ceux qui s'entendent bien,
18:54il y a ceux qui ne s'entendent pas.
18:55Les choses, elles sont infiniment plus complexes que ça.
18:57Vous savez de quoi on crève, là ? C'est du manque de nuances.
19:01Oui, voilà, parce que la polémique l'emporte sur tout le reste.
19:05Et la radicalité devient la norme.
19:07Voilà, c'est contre cela, moi, que j'ai essayé de me battre aussi
19:11pour faire avancer la justice de mon pays.
19:14– Et cette nuance, ce sens de la nuance que vous voulez défendre
19:18dans votre spectacle, vous allez jouer pendant un mois au Théâtre Marigny,
19:21ensuite en tourner un peu partout en France,
19:22quelques dates aussi en Suisse, en Belgique.
19:25Et après, on vous a posé la question, reprendre la robe d'avocat,
19:28vous dites, pourquoi pas, parce que vous ne voulez jamais dire jamais,
19:32instruit du fait que… – Ah, je ne veux plus, surtout je ne veux plus.
19:34– Vous avez même dit, funambule au Cirque plein d'air,
19:36on aura peut-être d'autres surprises dans les mois qui viennent.
19:39Sur le fait de redevenir avocat, est-ce qu'il y a récemment une affaire
19:43où vous vous êtes dit, ça j'aurais adoré la plaider ?
19:49– Non, à quoi vous faites allusion ?
19:52– Ah non, là, pour le coup, vous pensez toujours qu'il y a une…
19:54– Susciter ma gourmandise.
19:55– Vous pensez toujours qu'il y a un sous-entendu
19:56quand je vous pose une question ?
19:57– Il y en a souvent, donc si vous voulez.
19:59– Le métier d'avocat ?
20:00– Non, mais le métier d'avocat, là, c'est difficile.
20:03Pendant quelques années, je vais m'abstenir,
20:06j'y reviendrai peut-être, parce que ce sont mes premiers amours,
20:10voilà, ça va vous faire plaisir, mais pour le moment, non, pas du tout.
20:13– Et quand certains vous voyaient à la présidence du Conseil constitutionnel,
20:17en disant qu'Emmanuel Macron pensait éventuellement
20:20à la possibilité de vous y nommer,
20:21moi, je vous avoue que, là encore, par rapport à votre caractère
20:24et votre liberté de parole, on a un peu de mal à vous imaginer
20:26président du Conseil constitutionnel avec un devoir de réserve,
20:28on se trompe ou pas ?
20:30– Pardonnez-moi, non, on ne se trompe pas,
20:35mais tout ça, c'était des choses qui ont circulé dans la presse,
20:40et on ne va pas s'attarder sur des rumeurs, vous et moi, monsieur Duhamel.
20:44Voilà, je n'ai pas été proposé par le président de la République
20:48en vue d'une nomination à la présidence du Conseil constitutionnel,
20:51voilà ce que je peux vous dire.
20:53– Et un tout dernier mot avec vous, Éric Dupond-Moretier,
20:55toujours sur cette idée de ce que vous pourriez faire après,
20:58sur la politique, là encore, vous dites, je ne m'interdis rien.
21:01Quand on a été ministre de la Justice, 4 ans, il reste quoi ?
21:03Premier ministre, président de la République ?
21:07– Je peux intervenir dans une campagne électorale
21:09pour apporter mon soutien à tel ou tel,
21:12mais d'abord, je vais vous faire remarquer que,
21:14quand j'ai dit que je ne serais jamais ministre,
21:16je ne pensais pas une seule seconde qu'on me le proposerait, quand même.
21:20Donc là, j'ai été pris, vous savez, chat échaudé, crin à l'eau froide.
21:26Donc là, vous ne me reprendrez plus à dire jamais, jamais, jamais.
21:29Je suis au théâtre, là, je trouve que c'est un merveilleux moyen
21:32d'expression, direct d'ailleurs.
21:34– Vous avez le trac ou pas ?
21:35– Oui, bien sûr, quand même, si je vous disais que je n'ai pas le trac,
21:40ça voudrait dire que je n'ai aucune lucidité, bien sûr.
21:44Et puis, intervenir dans la discussion politique,
21:47dans la vie politique, bien sûr.
21:49Et puis, parallèlement à ça, j'ai construit une société de consulting, voilà.
21:57– Bien, peut-être pour des politiques qui vous demanderont
22:00leur avis pour leur programme.
22:00– Mais peut-être qu'un jour, vous viendrez me voir.
22:02– Eh bien, écoutez, si j'ai le temps.
22:04Merci, Eric Dupond-Moretti, d'être venu nous voir
22:06dans ces pas tous les jours du manche, et donc, je rappelle,
22:08à partir du 1er février, seul en scène, j'ai dit oui au théâtre,
22:12entre Marigny, puis un peu partout, jusqu'à peut-être d'autres pays,
22:16même un peu plus loin encore, aux États-Unis, non ? On verra.
22:19– Il y a une grande communauté française aux États-Unis.
22:22– Merci beaucoup, Eric Dupond-Moretti.