Quelle place pour l'extrême droite dans l'Hérault ? on se pose la question ce matin après la mort de Jean-Marie Le Pen fondateur du Front National.
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00:00Il est 7h43, à quelle place pour l'extrême droite dans l'Hérault ?
00:03On se pose la question ce matin après la mort de Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front National.
00:08Avec nous en studio, le directeur du CEPEL, le Centre de Recherche en Sciences Politiques de Montpellier, Sébastien Garnier.
00:13Bonjour Emmanuel Négrier.
00:15Bonjour.
00:16Entre le Front National, aujourd'hui Rassemblement National, et l'Hérault, on va dire que c'est une longue histoire.
00:23L'implantation, elle remonte à quand précisément dans notre département ?
00:27L'implantation du parti, elle date des années 70, mais l'implantation en termes électoraux, elle est beaucoup plus tardive.
00:35La première élection où le FN sort des limbes, c'est l'élection européenne de 1984,
00:43avec un vote d'ailleurs complètement différent de celui qui va s'affirmer ensuite dans les années 90 comme dominant.
00:49Le vote de 1984 est plutôt un vote bourgeois, pour vous donner une idée,
00:54c'est à Montpellier que, pratiquement, on vote le plus Front National en 1984.
00:59Dès 1986, ça change complètement.
01:01En 1986, il y a eu une élection législative, à la proportionnelle d'ailleurs,
01:06et le Front National fait 16%.
01:09Là, c'est un score tout à fait considérable qui lui permet d'avoir un député, d'ailleurs, sur l'ensemble des députés de l'Hérault.
01:18Et là, on voit se dessiner un vote plutôt périurbain, petit bourgeois, en difficulté d'ancrage, de relations sociales.
01:28On voit beaucoup, dans le périurbain littoral de l'Hérault, se développer un vote FN assez fort dans les lotissements.
01:38On a longtemps parlé du vote de lotissement pour le FN.
01:42Alors, pour quelles raisons, sur cette frange littorale et dans ces lotissements, comme vous le dites,
01:48pourquoi c'est à cet endroit-là qu'il fait ses meilleurs scores ?
01:51Alors, c'est à ces endroits-là parce qu'on peut assimiler le vote FN du midi, en général,
02:00à un vote de classe moyenne, mais de classe moyenne en faible capital,
02:06à la fois en faible capital financier, mais surtout en faible capital culturel,
02:11avec des niveaux de diplômes relativement faibles.
02:13Et c'est dans ce périurbain-là, pas dans le périurbain chic de l'ouest des métropoles,
02:20qu'on trouve le vote FN le plus développé.
02:24Petit à petit, d'ailleurs, cette caractéristique va s'étendre.
02:29Parce que c'est une chose d'être le seul de son village à voter FN.
02:34On est regardé un petit peu comme le chat noir.
02:36Mais à partir du moment où il y a 40% des gens qui votent dans votre village FN,
02:41ça commence à devenir quelque chose de banal, d'acceptable,
02:45voire même de dynamique pour des élections locales,
02:48ce qui est relativement encore rare aujourd'hui.
02:51– Oui, justement, on n'a pas de maire, aujourd'hui, Rassemblement National
02:56ou avant, Front National, dans l'Hérault, comme on a à Perpignan-Louisalliot,
03:01ou comme il y en a dans le Gard.
03:03Le Rassemblement National, ex-Front National,
03:09fait des gros scores aux scrutins nationaux.
03:12Mais pourquoi, dans les scrutins locaux, c'est plus difficile ?
03:14– Oui, alors, il y a encore un parfum d'illégitimité ou d'irrégularité
03:22vis-à-vis des élections républicaines locales pour le RN, encore aujourd'hui.
03:30C'est assez curieux, effectivement.
03:32Comme si l'électeur considérait que, tant que l'élection était loin,
03:36on pouvait voter pour le RN.
03:38Mais quand ça concerne vraiment les affaires locales,
03:41à ce moment-là, on n'en veut pas.
03:43Ça touche aussi à la grande difficulté du RN
03:46à recruter de manière stable des candidats.
03:50C'est la raison pour laquelle, même dans des communes
03:53où le RN est majoritaire dès le premier tour,
03:56dans les cantons de Faugère, par exemple, on en trouve aujourd'hui,
04:03eh bien, il n'y a pas de liste aux élections municipales.
04:05C'est assez curieux comme contradiction.
04:07Et ça dit bien la contradiction propre du RN,
04:12qui est d'être un parti, disons, national-populiste,
04:15très vertical et très associé à une famille à Paris,
04:20et de prospérer sur des territoires
04:24où il ne veut pourtant pas, tout à fait, que ses élus s'enracinent.
04:28– Aujourd'hui, le Front National a changé de nom,
04:31a changé aussi de l'intérieur.
04:34Est-ce qu'il y a encore aujourd'hui dans les rôles
04:36des électeurs de Jean-Marie, entre guillemets,
04:39ou est-ce qu'avec l'arrivée de Marine Le Pen,
04:43ça a complètement changé la donne ?
04:45– Il y en a encore, bien sûr.
04:47Le vote RN et le résultat du vote FN des années 80-90,
04:54plus les partis qui se sont ajoutés.
04:57Alors certes, des électeurs sont partis,
05:00notamment ils sont partis chez Éric Zemmour.
05:04La frange, autrement dit, la plus intellectuelle, peut-être,
05:09et la plus bourgeoise du Rassemblement National,
05:13c'est un peu l'héritage de Jean-Marie Le Pen.
05:17Cette frange-là se retrouve à la fois chez Zemmour
05:21et quand même demeurée chez Marine Le Pen,
05:26c'est donc la fille.
05:29Mais d'une certaine manière, il y a une pluralité de causes
05:33qui expliquent le phénomène RN aujourd'hui.
05:37C'est ce qui en fait le parti à Trapteau,
05:39de toutes les insatisfactions, de toutes les nostalgies,
05:43de toutes les difficultés de la vie,
05:45qui ne sont pas forcément imputables aux partis qui gouvernent,
05:48mais à la situation sociale, vis-à-vis de laquelle la réponse,
05:52ou en tout cas le discours du RN,
05:55apparaît comme un discours qu'on n'a pas essayé,
06:01un parti qui devient légitime pour représenter ces problèmes,
06:08pour présenter des solutions, ça c'est autre chose.
06:11Merci Emmanuel Négrier, je rappelle que vous êtes directeur du CSE.