Certains dirigeants semblent maîtriser un art particulier : celui de l'échec répétitif. Mais loin de l’assumer ou d’en tirer des leçons, ils savent en amortir les conséquences personnelles, parfois les transformer en tremplin, laissant derrière eux des collaborateurs sacrifiés et des entreprises exsangues. Leur refrain, bien sûr, c’est pas de chance, ou pire, je n’étais pas bien entouré. Mais leur réalité ? Une irresponsabilité savamment orchestrée. [...]
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00:00Certains dirigeants semblent parfois maîtriser un art particulier, celui de l'échec répétitif
00:16ou répété.
00:17Et loin de l'assumer ou d'en tirer des leçons, ils savent en amortir les conséquences
00:22personnelles, parfois les transformer même en tremplin, laissant derrière eux des collaborateurs
00:29sacrifiés et des entreprises exsangues.
00:32Leur refrain, bien sûr, c'est « pas de chance » ou pire « j'étais pas bien
00:38entouré ». Mais leur réalité ? Une irresponsabilité savamment orchestrée.
00:47Ces dirigeants excellent dans une stratégie clé, le transfert systématique de leurs
00:54erreurs sur des facteurs externes.
00:56Ce ne sont pas eux qui échouent, mais le contexte, la conjoncture, le manque de marge
01:03de manœuvre ou encore la fameuse « inertie des équipes ».
01:08Ce discours leur permet non seulement d'échapper à toute sanction, mais également de justifier
01:14l'injustifiable.
01:15Grâce à cette technique, cette manipulation, l'échec cesse d'être une faute pour
01:21devenir une conséquence inéluctable d'un environnement ou d'un entourage défavorable.
01:27Cette irresponsabilité s'appuie souvent sur une culture de la légitimation par les
01:34diplômes et par les réseaux.
01:36Le diplôme d'excellence devient alors un alibi, un rempart psychologique et social
01:43contre la critique.
01:44L'échec jamais assumé se répète à l'infini, sans apprentissage, mais avec des conséquences
01:51désastreuses pour ceux qui en subissent des retombées.
01:55Ce mécanisme permet aux dirigeants de se repositionner ailleurs, dans de nouvelles
02:00fonctions, dans de nouveaux secteurs, en sauvegardant tant faire que se peut leur prestige.
02:07Ces dirigeants ne se contentent pas d'échapper à la sanction morale, ils transfèrent aussi
02:14les coûts de leurs erreurs.
02:16Les pertes sont reportées sur des tiers, salariés, actionnaires, voire citoyens, tandis
02:22que leur propre trajectoire reste intacte, voire enrichie.
02:26Rappelons que la faute morale n'est pas une faute pénale.
02:29Ce transfert n'est ni un hasard, ni une maladresse.
02:34Il s'agit d'une méthode bien huilée, parfaitement adaptée à un système qui récompense
02:40la résilience individuelle, même au détriment du collectif.
02:44Dans une société fascinée par les apparences, l'irresponsabilité de certains dirigeants
02:51surdiplômés est devenue un modèle.
02:55Ce capitalisme d'échec, parce qu'il faut bien l'appeler par son nom, où le seul
03:00véritable talent est de tomber, toujours debout ou du bon côté, prospère grâce
03:05à des mécanismes bien huilés de protection et de justification.
03:10Alors vous me permettrez de conclure en paraphrasant Marc Bloch dans L'étrange défaite.
03:19Il n'est pas de honte dans l'échec, mais l'absence d'honneur réside dans le refus
03:27d'en assumer les causes et les responsabilités.