Ce qui le fait vraiment rire dans la vie, son enfance, Goscinny...
Alain Chabat se confiait à Augustin Trapenard pendant le festival de #Cannes2022
Alain Chabat se confiait à Augustin Trapenard pendant le festival de #Cannes2022
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00:00C'est vraiment les gens qui sortent une phrase d'un film,
00:03tu ne sais pas pourquoi c'est celle-là,
00:05et qui en font quelque chose.
00:06J'en ai rendu compte très vite avec Les Nuls.
00:08Jusqu'à un moment on s'est dit, tiens, ça, ça va rester,
00:10c'est jamais resté.
00:11Tous les trucs qu'on s'est dit ça va rester, c'est...
00:13La mouche qui pète, par exemple, ça devait rester ou pas ?
00:15Mais non, pas du tout.
00:15La mouche qui pète, c'est pour faire rire Chantal.
00:18Parce qu'on est à la huitième prise, à chaque fois elle doit rire.
00:22Et là, elle n'en peut plus, ça fait huit fois qu'elle rigole.
00:24Et là ?
00:25Elle me dit, dis-moi un truc pour me faire marrer,
00:26parce que j'en peux plus.
00:28Donc, je vais la chercher pour la faire marrer.
00:30Donc, je lui dis, la mouche qui pète,
00:31parce que je lui pourris la vie jusqu'à ce qu'elle rigole.
00:33Mais parce que ce qui est intéressant, c'est le...
00:34Ah !
00:35Oui, oui.
00:35C'est un mélange d'un bout de rire de l'escure et de...
00:38Et deux, il fallait que je l'énerve, quoi, afin que...
00:39Et vous l'avez toujours ce rire-là ?
00:41Je n'ai jamais réussi à le refaire.
00:43On a refait d'autres sketchs, après avec le professeur Thibault.
00:45Enfin, ce personnage qui rigole comme un abruti.
00:47C'est un, très fort, et puis après...
00:49Ouais.
00:51Une espèce de truc comme ça, mais...
00:52J'étais extrêmement motivé pour...
00:54Pour faire rire Chantal.
00:55C'était que j'avais que ça en tête, quoi.
00:56Faut qu'elle rigole.
00:58Au fond, à quoi on sent qu'on a vieilli
01:00quand on n'arrive plus à faire rire Chantal ?
01:02Ça peut être ça.
01:03On va continuer, on va continuer à faire rire Chantal.
01:07Et on laisse Alain dire action ?
01:08Action.
01:09Bonjour Alain Chabat.
01:10Bonjour Augustin.
01:12Je me suis demandé, quand est-ce qu'on cesse d'être un enfant ?
01:13Est-ce que vous avez fini par le savoir, ça ?
01:15Bah, j'espère qu'on garde toujours un petit bout d'enfant en soi,
01:18sinon c'est un peu triste.
01:19Moi, j'adore regarder les mômes.
01:20Bah évidemment, tout le monde adore regarder les enfants, mais...
01:23Mais je trouve ça génial de les voir,
01:25parce que ça me rappelle évidemment
01:27les trucs quand j'étais petit, où tu joues avec rien,
01:29et puis tu vois des armées, un château, des dragons,
01:33alors qu'à la main, je sais même pas ce que t'as,
01:35un bout de bois ou rien, quoi.
01:36Et c'est un effort de le garder, ça, justement ?
01:38Moi, pas trop.
01:40Pour moi, non.
01:41En tout cas, ce dessin animé autour de la création du petit Nicolas,
01:43vous y prêtez votre voix à son auteur René Goscinny,
01:47et c'est un film qui est plein de nostalgie.
01:49Et je me suis demandé de quoi est-ce que vous êtes nostalgique, vous ?
01:52Je suis nostalgique de pas grand-chose, de rien, en fait.
01:54Non, je suis pas du tout nostalgique.
01:56Je reviens un peu en arrière.
01:58J'ai de la gratitude pour ce qui s'est passé,
02:00parce que quand même, j'ai eu beaucoup de chance,
02:02mais je reviens pas en me disant
02:03« Ah, là, c'était bien, c'était... »
02:05Je m'en souviens de temps en temps, mais j'ai pas de nostalgie, non.
02:07Et l'enfance, quel genre d'enfance que vous étiez, vous, à l'enfance ?
02:10J'ai deux grands frères qui étaient déjà partis de la maison,
02:13donc j'étais élevé comme un fils unique.
02:15Donc justement, je jouais beaucoup seul.
02:17Je m'ennuyais jamais seul, en fait.
02:18Et je continue à ne jamais m'ennuyer seul.
02:21Plutôt calme, plutôt turbulent ?
02:23J'étais calme à la maison et turbulent à l'extérieur.
02:25René Goscinny, dans ce film, il dit à un moment
02:27« Mon père m'a demandé un jour ce que je voulais faire dans la vie.
02:30Je lui ai dit un métier rigolo.
02:31Il m'a répondu « Tu as bien raison, le rire, c'est essentiel. » »
02:35Quand est-ce que vous l'avez compris, ça, vous ?
02:36Assez tôt, de toute façon, je pense.
02:38C'est même pas quelque chose qu'on se dit, on le vit tout court, quoi.
02:41C'est quand même plus marrant quand c'est marrant, quand on rigole.
02:44Parce que vous avez toujours su que vous aviez ce pouvoir de faire rire ?
02:47Je rigolais beaucoup avec mes copains, oui.
02:49Et après, oui, je me suis rendu compte que je pouvais faire marrer les autres.
02:53Sous quelle forme ?
02:54Quand t'es petit, ça passe beaucoup par l'insolence auprès des grands, quoi.
02:57Enfin, en tout cas, moi, ça passait par là.
02:59Ça peut aussi passer par le déguisement, on va pas se mentir, quand on est petit.
03:02C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai.
03:03Quel était votre déguisement favori ?
03:05Des bas, des talons.
03:07J'adore la tête, elle était fantastique, cette tête.
03:09Il a fait un double take.
03:10Parce que moi, ça me plait.
03:12Bien sûr, moi aussi, j'ai fait un nombre de meufs en talons dans les nulles.
03:16J'en ai fait beaucoup.
03:17C'était en fait un souvenir de ces déguisements d'enfance.
03:19Parfait, qui me rappelaient, qui me faisaient des petites émotions.
03:22Goscinny, dans le film, il dit aussi
03:23« Mes idées, je les trouve en regardant les gens dans la rue, il y a de la comédie partout.
03:26Il suffit de savoir observer. »
03:28Et je me suis demandé, quel observateur est-ce que vous êtes ?
03:30Souvent, quand on est en voiture, par exemple, ou en ville,
03:33et qu'on voit des gens une seconde, en fait,
03:36on les voit très rapidement, à un arrêt de bus, à un truc comme ça.
03:40Je trouve qu'en trois secondes, on voit qui sont ces gens.
03:43Telle personne a tel problème.
03:45Lui, il se tient droit. L'autre, elle est, j'en sais rien, elle est préoccupée.
03:48Lui, il est tendu.
03:50Je ne sais pas, il y a des mini-mini bouts de vie à chaque fois qu'on imagine.
03:53Donc là, ça me passionne, parce que ça fait quelques minutes,
03:54effectivement, qu'on est en train de discuter tous les deux.
03:57Qu'est-ce que vous avez vu surgir de ce moment-là, précisément, de moi, par exemple ?
04:00Oui, mais moi, je vous suis un peu plus, donc je suis...
04:04Vous avez déjà une idée de mes problèmes ?
04:06Non.
04:07Je ne connais pas vos problèmes, je ne vois que votre curiosité, en fait.
04:10Voilà.
04:11Vous rencontrez combien de personnes par an ?
04:14Plein.
04:14Oui, mais genre, vraiment...
04:15Tous les jours, déjà, 200, 300, 400.
04:17300, voilà.
04:19Il n'y a pas 300 personnes intéressantes dans l'année, si ?
04:21L'idée, c'est de les rendre intéressantes.
04:22Et oui, c'est ça qu'ils me...
04:23On entend des perches, alors.
04:24Je me dis comment il fait pour être intéressé par chaque invité à chaque fois,
04:28comme si c'était vraiment le seul invité que vous avez dans l'année, quoi.
04:31Je trouve ça assez remarquable.
04:33On était sur l'humour, qu'est-ce que vous trouvez drôle, vous, dans la vie ?
04:36Des gens qui me montrent un problème comme je ne l'avais jamais vu.
04:39Et je me dis, putain, si j'avais eu cette idée,
04:41j'aurais exactement pensé ça.
04:43C'est exactement ce que je ne savais pas que je pensais, quoi.
04:45C'est des gens qui disent une vérité, si je vous entends bien.
04:47Exactement, les gens qui adressent l'éléphant dans la pièce.
04:51Les gens qui mettent les pieds dans le plat.
04:53Enfin, il y a plein de trucs qui me font marrer.
04:54L'humour physique, ça me fait hurler.
04:56Je veux dire, Jim Carrey ou Louis de Funès,
04:57je bouffe la moquette de rire tellement je les trouve
05:00incroyablement géniaux, quoi.
05:02Littéralement ?
05:03En plus, littéralement.
05:04Ouais.
05:05Ce qu'il faut dire, Alain, c'est qu'avant d'être ce que vous êtes,
05:07et Dieu sait si vous êtes plusieurs, on l'a compris,
05:10vous étiez un enfant qui voulait faire de la BD.
05:11Ouais.
05:12Comme votre idole René Goscinny, à travers Astérix,
05:14Mission Cléopâtre, que vous avez réalisé.
05:16À travers le petit Nicolas aujourd'hui,
05:18qu'est-ce que vous accomplissez, en fait ?
05:19Une sorte de rêve ?
05:21Ce n'est pas moi qui ai initié Astérix et Obélix,
05:23Mission Cléopâtre, c'est Claude Berry, le producteur.
05:25Moi, je lui avais proposé autre chose qui était autour de Spirou.
05:28Le film que je lui proposais était vraiment beaucoup trop cher
05:30par rapport à la notoriété de Spirou et Fantasio à l'époque, en tout cas.
05:35Donc, il m'a dit, si tu aimes la bande dessinée, j'ai les droits d'Astérix.
05:38Ça m'allait à fond puisque j'adore Goscinny.
05:40Et là, c'est Anne Goscinny qui me dit,
05:42voilà, on est en train de faire un film d'animation autour du petit Nicolas,
05:45j'aimerais que tu prêtes ta voix à mon papa.
05:48Mais je suis un fan de Goscinny, absolu, moi.
05:50J'adore, enfin vraiment, je trouve que c'est un auteur immense.
05:53Qu'est-ce qui frappe chez lui ?
05:54Il continue à être là, Goscinny.
05:57Quand on dit, t'es tombé dedans étant petit, c'est quand même Obélix.
06:00Quand on dit, il veut être calife à la place du calife, c'est He's no good.
06:03Quand on rencontre sa belle-mère, c'est Maddleton.
06:05Ah ouais, magnifique Maddleton.
06:07Je trouve que dans l'humour de René Goscinny,
06:10il y a un nombre de strates assez incroyables.
06:13C'est-à-dire qu'on peut lire un Astérix à 8 ans, à 16 ans, à 30 ou à 60.
06:18Jamais de la même manière.
06:19J'ai découvert des blagues, et Dieu sait que je les ai lues,
06:21j'ai découvert des blagues que je n'avais jamais...
06:23Par exemple ?
06:24Il y en a une dans Astérix chez les Gaux.
06:27Les Gaulois essayent d'enfumer les Gaux
06:30en montant les chefs les uns contre les autres.
06:32Et il y en a un qui s'appelle Électrique,
06:33parce que tous les Gaux se terminent par IC.
06:36Et ils lui disent, comme ça tu seras le chef de tout le monde.
06:40Et le mec s'en va en disant, génial, je serai le général Électrique.
06:44Moi, je n'avais jamais chopé cette vanne que je ne pouvais pas prendre
06:49quand j'étais petit parce que...
06:51Parce que vous ne connaissiez pas la générale Électrique ?
06:52Pas la générale Électrique, c'était anglo-saxon.
06:55Enfin, c'est des petits trucs comme ça.
06:56Anne Goscinny dit que le petit Nicolas est rendu indémodable par sa bienveillance.
07:01C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup.
07:02Quel bien ça peut nous faire aujourd'hui, cette bienveillance ?
07:05Dans la mesure où le petit Nicolas a été créé par Sanpé,
07:09qui avait quand même un papa assez violent et alcoolique.
07:13Donc une enfance quand même dure.
07:16Goscinny, qui a une enfance aussi compliquée,
07:18puis une grande partie de sa famille qui disparaît dans les camps.
07:21Ces deux créateurs-là qui se retrouvent avec des enfances un peu brisées
07:25et qui recréent ce petit personnage avec cette enfance assez idyllique.
07:30Enfin, très joyeuse, très légère.
07:32Ça trimballe une grande bienveillance, mais je ne trouve pas ni en ni en, justement.
07:36C'est ça la question, on peut faire un humour bienveillant ?
07:38Mais moi, je trouve que l'humour n'est pas fait pour être malveillant.
07:41Ce n'est pas malveillant de foutre les pieds dans le plat
07:43ou d'appuyer là où ça fait mal ou d'être choquant.
07:46L'humour n'est pas fait pour plaire à tout le monde non plus.
07:48Je comprends qu'il y ait des gens qui soient choqués par des trucs, d'autres trucs.
07:51Il n'y a pas de problème, vous avez le droit d'être choqués,
07:53mais c'est le principe du truc.
07:55Mais vous voyez bien ce que je veux dire, la bienveillance,
07:57aujourd'hui, c'est un mot qui est presque suspect.
07:59Comment ça se fait ?
08:00Je ne sais pas, parce qu'on est énervés tous, là, je ne sais pas.
08:04Vous êtes énervés, vous ?
08:04Moi, je ne suis pas énervé, non, mais je comprends, non, mais je ne sais pas, non.
08:07En tout cas, c'est ça qui fait, et c'est intéressant,
08:09du petit Nicolas aussi, un héros populaire, un héros qui rassemble, qui réconcilie.
08:13Qu'est-ce que ça voudrait dire pour vous, un cinéma populaire ?
08:15Vous qui portez ça, j'ai l'impression, quand même, en tant qu'acteur et en tant que réalisateur.
08:19Je trouve que c'est important de toute façon.
08:20Enfin, en tout cas, quelle que soit la proposition,
08:22que ce soit Titanic de James Cameron ou réalité de Quentin Dupieux, quoi.
08:27Vous étiez dans les deux ?
08:28J'étais dans les deux, tout à fait.
08:29J'étais coupé dans Titanic, mais c'est dommage parce que la scène était démente.
08:32Mais bon, bref, je ne vais pas donner des leçons à M. Cameron, mais...
08:35Puis il y a la dame qui meurt, à un moment donné, avec son mari.
08:38J'étais en bas et...
08:3817 heures de maquillage à l'in.
08:40Oui, 17.
08:41Mais bon, c'était une belle aventure.