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"Tout ce qui est fait pour tout le monde n'est pas fait pour moi"
Comment il choisit ses rôles, son chien Babouche, les caméras cachées... Présent à #Cannes2024 pour le film "Le procès du chien", François Damiens discute avec Augustin Trapenard.
Transcription
00:00C'est tapé !
00:02Allez, parti !
00:03Bonjour François Daliens.
00:04Bonjour Auguste Attrapta.
00:05Ça va ?
00:06Plutôt pas mal.
00:07Dans ce film, vous jouez le rôle d'un homme qui jusqu'au bout essaie de sauver son chien,
00:11qui est condamné à être euthanasié.
00:13Qu'est-ce qui vous a touché là-dedans ?
00:15Ce qui m'a touché, c'est que les chiens, par définition, ne parlent pas, donc ils ne peuvent pas se défendre.
00:20Donc s'ils n'ont pas un humain derrière eux pour faire le boulot, ils sont condamnés.
00:25Vous avez un chien, vous ?
00:26Oui.
00:27Il s'appelle comment ?
00:28Babouche.
00:29C'est un chien.
00:31C'est les seuls êtres humains à qui on peut parler sans qu'ils répètent ce qu'on a raconté.
00:37Ce n'est pas exactement des êtres humains, des êtres vivants.
00:39Oui, c'est tout le procès du chien en fait.
00:42Déjà, il y a une grande part de respect.
00:46Vous savez, il y a au Mustang, les animaux, les chiens en l'occurrence, ils vivent à quatre pattes.
00:52Donc ce sont des petits êtres qui sont très proches du sol.
00:56Et là où, quand on commence à décoller un peu trop, en tant que bipède, c'est bien parfois de retoucher le sol.
01:03Oui, c'est ça, c'est ce que j'allais vous demander.
01:04Vous aussi, vous vous mettez parfois à quatre pattes, vous essayez de retrouver en fait ce statut ?
01:08Ce statut ?
01:09Oui.
01:10Être près du sol.
01:11Oui, voilà.
01:12Non, mais je pense qu'il faut être ancré, il faut rester à côté de la...
01:16Je ne sais pas dire de la terre ferme, dans le sens où...
01:20Qu'est-ce qui est ferme en fait ?
01:21Quel chien est-ce que vous êtes ?
01:24Je suis un fou vieux en fait.
01:26Je n'aime pas être là où...
01:29En fait, je n'aime pas être attendu, je me rends compte.
01:32J'aime bien créer de la place, quoi.
01:34Dès qu'on t'attend, tu fais...
01:37Tu n'as plus besoin d'aller en fait.
01:39J'aime bien vous voir au Festival de Cannes, François Damiens, parce que ce n'est pas là où on vous imagine volontiers.
01:43Moi, je vous vois plutôt en mer, je vous vois plutôt en solitaire.
01:45Comment vous vous sentez ici ?
01:47J'aimerais bien être là-bas, moi, pour être honnête.
01:49Mais je suis très vite mal à l'aise, surtout.
01:52Je ne peux pas dire qu'on est timide, parce que sinon, on ne le dit pas en général.
01:57Mais en fait, j'aime pas arriver quelque part et j'aime pas partir.
02:03Tu vois ?
02:04J'aime pas aller dormir et j'aime pas me lever.
02:07C'est bizarre.
02:08En fait, je suis bien au milieu, quoi.
02:10Alors, qu'est-ce qui vous met à l'aise ?
02:11Quand on me fout la paix.
02:13Quand on n'attend rien de moi.
02:14Jeune, vous ne faisiez rien les gens, déjà ?
02:17Je les rendais mal à l'aise.
02:19Peut-être que l'humour repose là-dessus.
02:20J'aime bien le...
02:22On a tous ça.
02:23On ne sait pas où mettre nos mains.
02:24On ne sait pas comment faire.
02:25On ne sait pas quoi dire.
02:26Et en fait, quand t'exploites ce truc-là, les gens rigolent parce qu'ils sont proches de toi.
02:33Vous savez qu'il y a toute une génération qui vous découvre en ce moment sur TikTok
02:35avec les sketchs de François Lambrouille.
02:37Ça vous fait quoi ?
02:38En fait, pour être honnête, j'ai pas TikTok, j'ai pas Instagram.
02:41Je suis pas sur les réseaux sociaux.
02:44Tu sais pourquoi ?
02:45Parce que j'arrive pas à aller dessus.
02:48Dès qu'il y a un...
02:49L'application.
02:50Les applications.
02:51Tout ce qui est téléchargement.
02:52J'arrive péniblement à aller sur Waze quand je cherche ma route.
02:56D'ailleurs, le rafale-pain, ça fait tout le temps de ma gueule
02:58parce que moi, quand je suis à pied, je vais sur Waze.
03:01Donc, je prends tous les détours, les trucs.
03:03Je prends pas l'essence unique, comme si j'étais en bagnole.
03:05Mais je suis à pied.
03:06Qu'est-ce que ça raconte de vous, ça ?
03:08Ça raconte que tout ce qui est fait pour tout le monde n'est pas fait pour moi.
03:11Donc, François Lambrouille, quels souvenirs est-ce que vous regardez ?
03:13Est-ce qu'il y a un sketch en particulier, une caméra cachée
03:16qui vous a marqué plus que les autres ?
03:18Moi, ce qui me fait peur dans les caméras cachées, c'est que...
03:21Parce que...
03:22Vous savez, Augustin, quand vous faites une caméra cachée,
03:25vous savez pas sur qui vous allez tomber, par définition.
03:28Et parfois...
03:29Là, récemment, j'en ai refait un en Guadeloupe.
03:32Quelqu'un a fait un très gros malaise.
03:34Limite crise cardiaque, quoi.
03:36Face à vous ?
03:37Je savais pas qu'il était cardiaque, le monsieur.
03:39Sinon, j'aurais pas été.
03:40C'est combien d'improvisations ?
03:41Qu'est-ce qui est écrit, qu'est-ce qui n'est pas écrit ?
03:43Rien d'écrit.
03:44Rien d'écrit ?
03:45Au début, j'écrivais.
03:47Et c'était une très grosse erreur.
03:49Est-ce que vous êtes le genre de personne à avoir des hauts et des bas, vous ?
03:52Ouais, ouais.
03:54Ah bah oui, oui.
03:55Et tu sais jamais quand ils arrivent, c'est ça qui est compliqué.
03:58Et ça, ça se manifeste comment ?
04:00Ah, ça se manifeste dans le sens où...
04:03Je suis capable d'être en voiture, j'ai plus d'essence,
04:06et je veux pas m'arrêter à une pompe.
04:09Parce que j'ai peur des gens.
04:11J'ai peur qu'il y ait quelqu'un qui me fasse un commentaire.
04:14Ça arrive souvent, ça ?
04:15Oh oui, beaucoup plus que tu ne le penses.
04:17J'ai déjà arrivé de mettre de l'essence,
04:19tellement que je démarre et j'ai oublié de retirer le pistolet.
04:23Et à votre avis, qu'est-ce que ça a à voir avec votre métier, justement, de comédien ?
04:26Qu'est-ce que ça vous permet, justement ?
04:28Comédien, c'est pas un métier.
04:30C'est une façon de vivre.
04:31Je pense.
04:32Ça permet de lutter contre ça aussi ?
04:35Quand t'es bien dirigé, ouais.
04:37Ce qui est horrible, c'est quand tu fais un film et que t'es mal dirigé.
04:40Ça vous est beaucoup pas arrivé, ça ?
04:41Ça m'est déjà arrivé, ouais.
04:42Et quand ça marche ?
04:43T'as juste envie de partir.
04:44Ça vous rend heureux quand ça marche ?
04:46Tu le sens en direct.
04:47Et ça vous sauve ?
04:48Ah ouais, ouais.
04:49Il n'y a rien de mieux que quand tu te...
04:51Moi, j'adore jouer.
04:54Et quand tu te dis à un moment...
04:57T'as le costume, t'as le maquillage, t'as la coiffure.
05:01Et là, tu joues.
05:03T'aimes bien.
05:04J'ai toujours peur après qu'ils disent...
05:05Non, c'est bon, on l'a.
05:06Non, attends, on refait encore une.
05:07Ah, vous voudriez que jamais ça s'arrête ?
05:09J'adore ça.
05:10Ça vous est déjà arrivé que dans un moment de dépression,
05:13le cinéma vous sauve, François ?
05:18Non.
05:20Pourquoi vous riez ?
05:22Est-ce que tu te poses des questions très intimes ?
05:24Est-ce que le cinéma m'a sauvé ? Non, non, non.
05:26Je crois que j'ai sauvé le cinéma.
05:30Et comment vous les choisissez, vos films ?
05:32Que ce soit ceux dans lesquels vous jouez,
05:34ou ceux que vous écrivez ?
05:35J'ai pas trop besoin de lire le scénario.
05:37Ça veut dire que Laëtitia Noche, par exemple,
05:38elle vous a convaincu tout de suite en discutant avec vous ?
05:40Ah oui, oui.
05:41Laëtitia, je l'avais rencontrée sur un film il y a quelques années.
05:43Elle vous a dit quoi ?
05:44De Julien Rapneau.
05:45Je sais pas, j'aime bien sa folie.
05:49Elle est concernée par ce qu'elle fait.
05:51Mais c'est intéressant parce que ce sont aussi des films
05:53à hauteur d'hommes ou de femmes.
05:55On vous a vu dans des films à gros budget,
05:57mais on vous voit aussi défendre très souvent
05:59un cinéma indépendant, un cinéma de premiers films.
06:01Un cinéma exigeant, aussi.
06:03Oui, mais j'aime bien les accidents, en fait.
06:05J'aime pas quand...
06:07J'ai toujours des problèmes avec les films de producteurs.
06:10Tu vois, on met tous les éléments ensemble
06:12pour faire un truc qui fonctionne.
06:14J'ai pas envie d'être dedans.
06:15En fait, ce que vous voulez, c'est qu'il se passe quelque chose.
06:17Ouais.
06:18Quitte à me planter, quoi.
06:19C'est Jacques Brel qui disait
06:20« On ne meurt pas de se planter ».
06:22C'est quoi le premier film que vous ayez vu ?
06:24Vous vous souvenez ?
06:26Ouais.
06:27Ça s'appelait « Prune des bois ».
06:29Qu'est-ce que c'est ?
06:31C'était un petit film qui était tourné près de chez moi.
06:33C'est une anecdote qui va avoir aucun intérêt, je te promets.
06:35Non, j'aime bien.
06:37Ouais.
06:38C'était un petit film.
06:40C'était « Prune, prunette, petite prune des bois.
06:43Ta vraie famille, c'est dans la forêt. »
06:46C'était un film qui était tourné dans une école
06:48où j'étais.
06:49Dans les bois.
06:51Et vous avez joué dedans ?
06:52Non, non, j'ai pas joué dedans.
06:53Non, non, non.
06:54J'ai juste regardé.
06:55Mais vous vous souvenez de la chanson ?
06:56Ouais.
06:57Vous chantez, vous ?
06:58Un peu, ouais.
06:59Vous chantez quoi ?
07:00Moi, dès qu'il y a un budget, c'est parti.
07:02C'est beaucoup, on va pas se mentir, François Damien,
07:04c'est beaucoup pour l'argent.
07:05Oui, oui, bien sûr.
07:06Ce métier, c'est beaucoup pour l'argent.
07:08On n'a pas le droit d'être pour débiles, hein.
07:10Vous pensez qu'on sera débiles jusqu'à quand, justement ?
07:12On sera débiles jusqu'à quand ?
07:14À accepter que vous fassiez ça que pour l'argent.
07:16Moi, tant que ça continue, je continue.
07:18Ouais.
07:19J'essaie de mettre un petit peu de côté.
07:21J'aime pas l'idée d'être dépendant, en fait, tu vois.
07:25C'est pour ça que j'ai refait des caméras cachées.
07:27Parce que quand je fais un film,
07:29je me dis « Ah, il me casse les couilles. »
07:31J'ai basculé les caméras cachées, j'en ai ras-le-bol,
07:33je me dis « Je peux aller faire un film. »
07:35Et c'est toujours François Lambrouille.
07:36Toujours François Lambrouille.
07:37Toujours, toujours, toujours.
07:38Merci, François.
07:39C'est moi qui te remercie.

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