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Une discussion avec Philippe Katerine, c’est forcément un peu fou ! La preuve, ici, avec cette conversation entre Augustin Trapenard et le chanteur-réalisateur-acteur à l’affiche du film "Ma vie Ma gueule" de la regrettée Sophie Fillières présenté à #Cannes2024.
Transcription
00:00On est prêt Joseph ?
00:02Ah non il faut quoi ?
00:03Philippe termine sa cigarette.
00:05Ah bon d'accord.
00:07Finis ta clope.
00:08Ça te va ?
00:09Ah bah bien sûr.
00:10Salut Brut, c'est Augustin.
00:11Je suis à Cannes avec Philippe Catherine
00:13qui est compositeur, auteur mais également acteur
00:16pour le film de la regrettée Sophie Filière
00:18qui est présenté ici.
00:19Salut Philippe.
00:20Salut.
00:21Philippe, ça fait maintenant 20 ans
00:22que vous tournez dans des films
00:23et que vous en réalisez même.
00:24Qu'est-ce que vous allez chercher dans le cinéma ?
00:26Bah c'est-à-dire qu'on a une trentaine sur un plateau
00:29de gens, on se connaît pas bien
00:32et c'est des gens que j'aurais pas à rencontrer
00:35sans le cinéma.
00:38Et ça c'est inestimable
00:40parce que c'est autant de personnes
00:42que d'énigmes à résoudre.
00:45Et ça en tant qu'enquêteur,
00:48je suis un enquêteur,
00:51évidemment c'est un grand privilège
00:53d'appartenir à une équipe.
00:55Sur quoi vous enquêtez ?
00:57Le rapport entre les gens justement,
00:59les liens qui se tissent entre eux,
01:00qui se défondent.
01:02Il peut y avoir des tensions.
01:04C'est-à-dire que c'est une micro société
01:06qui est recréée sur un plateau de cinéma.
01:09Pendant longtemps votre corps a été
01:10l'un des grands absents de votre carrière
01:12et puis il y a eu un déclic en 2005
01:14avec l'album Robots après tout.
01:16Et c'est à ce moment-là d'ailleurs
01:17que démarre votre carrière de cinéma.
01:19Qu'est-ce qui s'est passé avec votre corps ?
01:20Qu'est-ce qui s'est libéré peut-être ?
01:23J'ai fait une expérience à ce moment-là
01:26de danse contemporaine
01:28avec Mathilde Monnier.
01:30J'ai fait partie d'un groupe
01:32de danseuses et danseurs.
01:34J'étais dans l'inconnu total.
01:38Et quelque chose s'est révélé en moi
01:41parce que Mathilde,
01:42je ne savais plus trop où j'en étais
01:44et pourquoi j'étais là.
01:45Pourquoi ? Parce que c'était à ma demande
01:47qu'on avait fait ce spectacle.
01:49Et Mathilde m'a dit
01:51ne danse que pour toi.
01:53D'accord ?
01:54Donc, même s'il y a plein de gens devant,
01:57on ne danse que pour soi.
01:59Et là, tout d'un coup, tout s'est ouvert.
02:02Comme Moïse.
02:04Ça s'ouvre, la terre s'ouvre.
02:06La mer aussi.
02:07La mer, plutôt, la mer.
02:11C'est une autre histoire quand la terre s'ouvre.
02:13Oui, c'est la mer.
02:15Et là, j'ai commencé à marcher dessus.
02:18Comme Jésus.
02:19Ça vous a fait du bien ?
02:20Mais tellement de bien
02:21de faire des choses pour soi.
02:23Le cinéma, ça s'est engrangé avec ça.
02:25C'est-à-dire une forme, au fond,
02:26de disponibilité à soi-même.
02:28Vous avez une amplitude très large dans le cinéma.
02:30On peut vous voir dans les films d'auteurs,
02:32comme celui de Sophie Filière.
02:33Mais aussi, vous vous retrouvez
02:34chez Eric Ramsey ou en barde
02:36dans le dernier Astérix.
02:37Je me suis demandé,
02:38de tous les films que vous avez faits,
02:39lequel vous ressemble le plus ?
02:43Je crois que c'est le premier
02:46qui s'appelle Je suis un homme insolent
02:49de Thierry Jousse.
02:50C'est le premier long-métrage.
02:52C'est le rôle principal.
02:53Du No Man's Land, donc.
02:54Du No Man's Land.
02:55C'était vraiment le cas de le dire.
02:57C'était de No Man's Land.
02:58Je ne savais pas où j'étais.
03:00Il y avait quelque chose
03:01de bouleversant pour moi.
03:04C'est la première fois.
03:06Ça m'a incité, évidemment,
03:08à poursuivre cette aventure.
03:09Sophie Filière,
03:10qui est décédée l'année dernière,
03:11qui était une cinéaste
03:12avec un imaginaire
03:13et un humour très décalé,
03:14un peu barré.
03:16Quelle poésie est-ce qu'il y avait chez elle ?
03:18Quand elle m'a appelé,
03:19Sophie Filière,
03:20elle m'a dit...
03:22J'ai demandé ce rôle à Bill Murray,
03:27mais il n'a pas répondu.
03:30Ou il ne pouvait pas, je crois.
03:32Alors j'ai pensé à toi
03:33pour remplacer Bill Murray.
03:35Croyons me faire plaisir.
03:36Vous avez plaisir ou pas ?
03:37Mais oui.
03:38Parce que c'est un de vos héros
03:39de cinéma, Bill Murray ?
03:40Oui, j'aime ça, oui.
03:41Où est-ce que vous la trouvez,
03:42la poésie, vous ?
03:43La poésie, c'est dans...
03:46C'est là où on n'attend pas.
03:48C'est l'inattendu.
03:49La chose la plus poétique
03:50que vous ayez vue dernièrement,
03:51c'était quoi ?
03:52J'étais à Montréal l'autre jour,
03:54et un feu rouge,
03:56j'ai vu une voiture arrêtée
03:59et une dame qui conduisait,
04:01et sa robe était prise dans la portière.
04:04Mais elle ne le savait pas.
04:05Ça peut être dangereux, Philippe.
04:06Oui, mais c'est un petit bout de tissu,
04:08rien de...
04:09Et je trouvais ça très beau.
04:13Alors justement,
04:14c'est l'imprévisible,
04:16peut-être la poésie.
04:17Ou c'est ce qui nous échappe, surtout.
04:19Ça lui échappait à cette dame.
04:21Vous vous souvenez de la première fois
04:22que vous êtes allé au cinéma ?
04:23Oui, bien sûr.
04:25C'était un samedi soir,
04:27à Chantonnais, en Vendée.
04:30Ça s'appelait...
04:32J'étais avec mes parents,
04:33et mon frère et ma soeur.
04:36On voit le film,
04:37mais il y avait un problème,
04:39parce qu'on trouvait que les gens,
04:41ils jouaient mal.
04:42Ils jouaient pas bien.
04:44On comprenait pas l'histoire.
04:46Et je me suis rendu compte,
04:49des années après,
04:50que ce film, c'était un film de Pialat.
04:52Ils appellent Passe ton bac d'abord,
04:54avec des acteurs amateurs.
04:56On était scandalisés de ce qu'on voyait.
04:59Parce qu'aujourd'hui,
05:01c'est un film que j'adore.
05:03Moi, j'avais peut-être 8 ans.
05:05Et on se regardait,
05:07mais c'est quoi ?
05:09C'est un film d'amateurs ?
05:12On était scandalisés.
05:14Vous cherchiez de l'exigence, en fait.
05:15Vous cherchiez de l'excellence.
05:17Je sais pas ce qu'ils voulaient.
05:19Mes parents, ils voulaient voir autre chose.
05:21C'était peut-être La Boum, à l'époque.
05:23Mais il y avait une erreur d'aiguillage.
05:26Vous aimez bien La Boum aussi ?
05:27J'adore La Boum, ouais.
05:29Mais Passe ton bac d'abord reste quand même
05:31un must pour moi, aujourd'hui.
05:33C'est vrai que vous êtes arrivé
05:34d'aller dans de grands multiplexes
05:36et de passer de séance en séance
05:38avec des amis,
05:39en voyant seulement des petits morceaux de films ?
05:41Oui.
05:42Je sais pas si on a le droit.
05:43On a le droit ?
05:44Je sais pas.
05:45C'est encore plus excitant si on n'a pas le droit.
05:47C'est pour ça que vous l'avez fait ?
05:48Bah oui.
05:49Sophie Filière est décédée juste après le tournage.
05:52Comment est-ce que tout le monde s'est organisé
05:53pour que le film existe,
05:54pour qu'il devienne un film ?
05:57Eh bien, c'est Julie Salvador qui m'a appelé.
06:00La productrice ?
06:01La productrice.
06:02Qui m'a dit que les enfants reprenaient le montage
06:05en ayant parlé avec elle et tout ça.
06:08Ça s'est organisé comme ça.
06:10Donc Sophie, elle voulait que je fasse la musique aussi.
06:15Bon, j'ai fait la musique.
06:18Elle voulait quelque chose de simple, fluide.
06:21Composer une musique de film,
06:22en particulier dans ces circonstances,
06:24ça représente quoi ?
06:28Je crois qu'il ne faut pas y penser.
06:31Il faut faire comme si elle était là.
06:35Elle était là, de toute façon, en studio.
06:37Qu'est-ce que vous avez essayé de faire surgir
06:39de cette musique, elle précisément ?
06:42C'est parti.
06:43C'est du ukulélé, principalement.
06:46Un instrument que je ne connais plus,
06:47que je découvrais.
06:50C'était surgir au fond
06:52une découverte de l'instrument.
06:55On touche pour la première fois quelque chose.
06:57C'est très précieux
06:58quand on fait la première fois quelque chose.
07:01Pour le cinéma,
07:02quelle est la plus belle chanson que vous ayez composée ?
07:04Ce n'est pas la première fois.
07:07La plus belle ?
07:08Je ne sais pas.
07:09Je vous carcule par rapport à ça.
07:10J'avais fait une chanson pour les frères Larieux,
07:12Un homme, un vrai.
07:14Celle-ci, je l'aime bien.
07:15J'aime bien cette chanson.
07:17Je suis un homme, un vrai
07:18Quand je suis dans tes bras
07:20Je suis une femme, une vraie femme
07:22Quand tu es là
07:24Merci Philippe.
07:25Merci.

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