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Interview cinéma d'une émission produite par CANAL+ autour du 76e Festival de Cannes 2023
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Transcription
00:00 C'est le film qui a fait l'ouverture de ce 76e Festival de Cannes,
00:03 Jeanne Dubary, de et avec Maïwenn.
00:06 Un film ambitieux et ample qu'elle porte depuis longtemps.
00:08 Un projet né d'ailleurs ici, à Cannes en 2006,
00:11 alors qu'elle découvrait sur l'écran du Palais des Festivals
00:14 le mari Antoinette de Sofia Coppola.
00:17 La Dubary, comme on l'appelle, était interprétée alors par Asia Argento.
00:20 Maïwenn a tout de suite aimé ce personnage
00:23 au point de se plonger dans des biographies
00:25 pour en apprendre plus sur la femme.
00:27 Jeanne Dubary a été la dernière favorite de Louis XV,
00:29 interprétée ici par Johnny Depp en français dans le texte.
00:32 Maïwenn donne sa vision de leur histoire,
00:34 une passion incomprise entre un homme en fin de règne
00:37 et une femme du peuple avide de connaissances
00:39 qui utilise son corps et son esprit
00:41 pour changer de destin et de classe sociale.
00:43 L'autre personnage important du film, c'est Laborde,
00:45 le serviteur du roi, interprété par Benjamin Lavergne,
00:48 un homme rigide qui va initier Jeanne aux us et coutumes de la cour.
00:52 Tout de suite, Maïwenn et Benjamin Lavergne
00:54 sont mes invités dans le chicha.
00:57 Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de changer de vie ?
01:00 Pour aller où ?
01:01 Jeanne Dubary veut que je vous présente au roi.
01:03 La comtesse Jeanne Dubary !
01:08 Surtout, ne regardez pas le roi dans les yeux.
01:13 Ce serait perçu par la cour comme une invitation.
01:16 Une invitation à quoi ?
01:18 À la baguette.
01:26 Maïwenn, Benjamin Lavergne, bonjour, je suis ravie de vous recevoir.
01:28 Alors, au moment où on enregistre cette interview,
01:30 l'ouverture du Festival de Cannes est derrière vous.
01:33 Vous avez présenté le film en ouverture.
01:35 J'ai encore en tête cette image de Maïwenn,
01:37 de vous avec toute votre équipe de film.
01:39 Vous donniez la main à Johnny Depp d'un côté,
01:41 à votre fils, Diego Le Fur de l'autre, qui joue dans le film.
01:44 Une soirée riche en émotions diverses.
01:47 Comment vous vous sentez aujourd'hui ?
01:48 Maintenant que c'est derrière vous ?
01:49 Soulagé.
01:51 Puis le film est sorti hier, surtout ceci.
01:54 Et il a bien démarré.
01:55 Il a très bien démarré, je suis très contente.
01:58 C'est comme si je reprenais un peu le rythme
02:01 et le souffle normal maintenant.
02:03 Des fois, on me dit "mais tu te souviens pas ?
02:05 T'as dit ça hier."
02:06 Je dis "ah bon, j'ai dit ça ?"
02:08 Je me souviens de rien de ce qui s'est passé.
02:10 - Qu'est-ce que t'as dit ? - Je sais pas.
02:12 Benjamin, c'était comment de monter les marches avec cette équipe incroyable ?
02:15 C'était quelque chose, ouais.
02:16 Je vais pas vous mentir, la première fois à Cannes,
02:19 et Maïwenn m'offre l'ouverture.
02:22 Elle déroule le tapis rouge, donc c'était...
02:23 - Avec ce film, c'est parfait. - J'ai une grosse émotion.
02:25 Juste avant de démarrer, je me suis revu à dos,
02:29 rêvant de faire ça, et puis là, tout d'un coup, j'y suis.
02:32 Donc c'est un peu hallucinant.
02:33 Et c'est beau parce que c'est un peu sacralisé.
02:35 Il y a quelque chose d'un peu unique dans cette montée.
02:39 Une espèce de chemin de préparation à la projection.
02:42 Donc chaque étape est assez forte.
02:44 Maïwenn, en plus Jeanne Dubarry,
02:46 vous l'avez dit, on le sait, c'est un projet que vous portez en vous depuis longtemps.
02:48 Est-ce que vous avez eu une sorte de soulagement, de sentiment d'accomplissement ?
02:53 Oui. En espérant aussi pouvoir passer à...
02:57 Comment dirais-je ?
03:01 C'est une obsession aussi de faire un film.
03:03 - Bien sûr. - Et faire des films, pour moi,
03:06 ce qui me concerne, ça me permet d'évacuer l'obsession.
03:09 Donc là, je regarde un peu, est-ce que l'obsession va rester ?
03:14 Mais bizarrement, c'est une obsession qui...
03:16 Ça ne me dérange pas qu'elle reste encore, Jeanne.
03:19 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:21 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:23 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:25 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:27 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:29 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:31 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:33 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:35 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:37 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:39 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:41 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:43 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:45 Je ne sais pas si je vais la garder.
03:47 - Comment vous a parlé déjà Maïwenn du rôle, Benjamin ?
03:49 - En fait, elle m'a d'abord fait lire.
03:51 Et je pense qu'elle était assez attentive
03:53 à la manière dont j'allais recevoir le scénario
03:56 et aussi mon analyse.
03:58 Et puis, comment j'allais être touché par la borde
04:00 et comment j'allais en parler assez vite.
04:02 Je sais qu'elle me disait, alors, qu'est-ce que tu en penses ?
04:04 Et même, moi, je donnais des sensations.
04:06 Parce que quand on est en...
04:08 C'est parfois très émotionnel.
04:10 Et il y avait des silences.
04:12 Elle me dit, oui, oui, mais encore, mais encore.
04:14 Et du coup, il ne faut pas dire du coup.
04:16 - Il paraît... - C'est fini, c'est fini, du coup.
04:18 - C'est dur. - C'est très dur.
04:20 Je viens de me faire avoir.
04:22 J'ai adoré la manière dont elle le regardait,
04:24 dont elle décrivait chaque regard, chaque émotion,
04:26 chaque acquiescement.
04:28 Et ça m'a...
04:30 J'ai tout de suite compris qu'elle aimait ce personnage,
04:32 qu'elle aimait le regarder en arrière-plan,
04:34 et qu'il existait et qu'il avait un vrai parcours.
04:36 Donc, au début, voilà,
04:38 il ne fallait pas qu'il soit trop sympathique,
04:40 qu'il soit mystérieux.
04:42 - C'est peut-être le personnage que j'ai le plus inventé
04:44 dans le scénario. - Ah, c'est ça.
04:46 - C'est-à-dire que c'est une combinaison
04:48 entre l'histoire de deux valets du roi.
04:50 J'en ai fait qu'un seul,
04:52 parce que sinon, ça devenait trop compliqué.
04:54 Mais j'ai complètement déliré sur la relation
04:56 entre Jeanne du Barry et la borde.
04:58 Et puis, c'était un personnage que je voulais...
05:00 Qu'on... Qu'il sorte de l'ombre
05:04 au fur et à mesure du film, qu'on ne le sente pas venir.
05:06 J'aime beaucoup ça dans les films,
05:08 quand tout d'un coup, il y a un rôle secondaire
05:10 qui est toujours en figure
05:12 et petit à petit, il prend ses marques
05:14 et il sort à la fin.
05:16 Et puis, il y a un personnage qui m'a énormément inspirée,
05:18 c'est dans "Pretty Woman".
05:20 - J'ai pas dit ça. - Oui !
05:22 - Le concierge... - C'est le modèle.
05:24 - Le concierge lui fait des clins d'oeil et tout.
05:26 - Exact. - Je me suis dit, c'est exactement ça.
05:28 C'est la borde.
05:30 - Donc, tu es Julie Roberts. - Ah oui, c'est ça !
05:32 - C'est ça, le message.
05:34 C'est ça, la...
05:36 - Mais on adore. - En toute humilité.
05:38 - Oui, oui, mais ça fonctionne complètement.
05:40 Elle est comment, Maïwenn, sur le tournage ?
05:42 En tant que réalisatrice ? - Elle est hallucinante.
05:44 C'est un phénomène.
05:46 Une vraie tornade.
05:48 Moi, le premier jour,
05:50 j'arrive dans la galerie des glaces
05:52 et elle est avec une robe
05:54 comme ça, vraiment.
05:56 - C'était ton premier jour ? - C'était mon premier jour.
05:58 - C'est le plan de votre arrivée à la cour.
06:00 - Il me semble, non ? Je crois.
06:02 Oui, c'était mon premier jour.
06:04 Arrivée à la cour, et c'était l'arrivée du roi
06:06 avec Richelieu.
06:08 C'était le premier jour avec la rencontre avec le roi,
06:10 la première fois que je vois le roi.
06:12 - Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
06:14 - Mais oui ! - T'es sûre ?
06:16 - Oui, c'était ça.
06:18 - Du coup, elle était pas comme ça.
06:20 - C'était pas la grande robe. - C'était pas celle-là, c'était celle-là.
06:22 - Mais on était quand même galeries des glaces.
06:24 - Oui, c'est ça. - Voilà.
06:26 T'avais quand même un costume... T'étais pas en jeans, quoi.
06:28 - Voilà, c'est ça. - T'avais tes lunettes
06:30 et t'étais entre le combo,
06:32 dirigée, 250 figurants,
06:34 en costume,
06:36 un petit retard de Johnny, on peut le dire,
06:38 le premier jour. J'ai vu à la fois l'actrice,
06:40 la metteur en scène, la chef de troupe,
06:42 parce que c'est quand même ça, c'est un peu...
06:44 Faut aller parler aux costumes
06:46 et à tous les corps de métier.
06:48 Et donc, quand même,
06:50 avec une espèce de puissance, de force,
06:52 de conviction et de...
06:54 de grande détermination, et aussi de...
06:56 de chercheuse, parce qu'on cherchait.
06:58 - C'est quand même super de vous voir tous les deux en interview,
07:00 parce que... - C'est un peu le bazar.
07:02 - Non, mais on retrouve quand même cette complicité
07:04 et ce duo aussi de comédie.
07:06 Je trouve que c'est aussi... c'est vraiment
07:08 un duo de comédie, vos deux personnages
07:10 dans le film. Vous l'avez voulu comme ça ?
07:12 - Un petit peu, un petit peu. - Moi, j'ai voulu,
07:14 oui, j'ai voulu que ça soit les moments
07:16 drôles, que ça soit les plus complices
07:18 du film. Benjamin, vous êtes un peu le clown blanc.
07:20 - Ah oui, un petit peu.
07:22 Pas l'Auguste, alors, c'est l'autre, le clown blanc.
07:24 Non, ça me va, ça me va. - Ouais ?
07:26 - Non, mais je trouve ça bien, justement, que... - C'est ce qui est le bas, finalement.
07:28 - Ça fait partie de l'écriture de leur relation, en effet,
07:30 comment elle, elle voit à quel point, aussi,
07:32 il est un peu dans le protocole, elle se dit "mais il a l'air
07:34 chouette, ce mec. Pourquoi il est si tendu ?
07:36 Pourquoi il parle comme ça ? C'est toujours comme ça ?
07:38 Est-ce que c'est vraiment une façade ou est-ce que vous êtes
07:40 réellement comme ça dans la vie ?
07:42 En dehors de Versailles."
07:44 Et je pense qu'il est très amusé
07:46 par elle et... - Ouais.
07:48 - ...un peu aussi percuté par sa
07:50 personnalité un peu hors norme.
07:52 Elle n'est pas du tout dans...
07:54 Il n'y a pas l'habitude de voir ce genre de femme à Versailles.
07:56 - Maïwenn, le film ne cherche pas la vérité historique,
07:58 mais la vérité des sentiments. Vous êtes d'accord avec ça ?
08:00 - Oui, alors la vérité des sentiments,
08:02 au 18e siècle, on n'y était pas, hein.
08:04 - Non. - À part Stéphane Verne.
08:06 - A priori, non.
08:08 - Stéphane y était, lui. - Stéphane y était.
08:10 - Heureusement, comme ça, il peut nous raconter
08:12 les choses.
08:14 - Vous l'avez pris comme consultant pour le film ?
08:16 - Non, mais j'ai beaucoup regardé son
08:18 émission "Secret d'histoire" que j'adore.
08:20 Parce qu'il y met
08:22 tellement d'emphase,
08:24 de passion. - C'est vrai.
08:26 - C'est un film qui est...
08:28 Est-ce que la vérité des sentiments...
08:32 Je me suis laissée
08:34 l'autorisation d'imaginer,
08:36 de rêver. Il y a quelques phrases
08:38 d'un historien avec qui j'ai travaillé
08:40 qui m'ont marquée.
08:42 Je me suis beaucoup questionnée
08:44 sur l'idée que les gens se vouvoyaient
08:46 en permanence. Parce que tous les livres
08:48 historiques disent que les gens se vouvoyaient.
08:50 Mais en fait, un historien me dit
08:52 "Ce qui est validé dans les livres
08:54 de l'histoire, c'est ce qui était
08:56 au vu de tout le monde. C'est tout ce qui était
08:58 en représentation." Donc,
09:00 il me dit "Dans l'intimité,
09:02 personne ne peut dire que le vouvoiement
09:04 restait."
09:06 Si on se tient collé à l'histoire,
09:08 alors on met "ils avaient tous des dents pourries",
09:10 on n'en finit pas.
09:12 Et puis, j'aime pas tout de cette époque-là.
09:14 Il y a des choses que je trouvais sans intérêt,
09:16 très moches. - Le cinéma, c'est
09:18 la vie en mieux, de toute façon.
09:20 - Ou en pire.
09:22 - En tout cas, Flaubert disait "Madame Bovary, c'est moi.
09:24 Benjamin Dubarry, c'est Maïwenn."
09:26 - Si tu te dis pas, je te tue.
09:30 - En quelque sorte.
09:32 Peut-être. Un petit peu.
09:34 En tout cas, c'est très beau, cet héritage,
09:36 je trouve, de voir comment... C'est hyper émouvant
09:38 de voir comment on peut toucher par un personnage
09:40 qui a 300 ans
09:42 et dire "Je la comprends,
09:44 je veux la défendre."
09:46 Et j'ai...
09:48 - Je me sens le dépositaire
09:50 de sa cause.
09:52 - En tout cas,
09:54 Jeanne Dubarry, mise en lumière par vous,
09:56 Maïwenn, avec des acteurs comme Benjamin Lavert
09:58 et encore Johnny Depp, Pierre Richard,
10:00 et d'autres. - Pascal Grégory, Melville Poupot.
10:02 - C'est bien bien. - Suzanne Debecq.
10:04 - C'est ça, en fait.
10:06 - Ah, là, fallait pas s'embarquer,
10:08 parce que là, on va vous sortir le cast.
10:10 - Allez voir ce film, vraiment. Merci beaucoup.
10:12 - Merci à vous.
10:14 Merci à tous !

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