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00:00Il est 7h12 sur Europe 1 et j'axerai ce matin. Vous recevez le constitutionnaliste et politologue Benjamin Morel.
00:06Bonjour Benjamin Morel.
00:08Bonjour.
00:09En ce 31 décembre, Emmanuel Macron va s'adresser à la nation ce soir à 20h pour ses traditionnels voeux.
00:16L'an dernier, le président promettait une année de fierté française.
00:20Ce matin, dans la presse, on peut lire partout que c'était une annus horribilis, une année horrible.
00:26Vous, en tant que politologue,
00:28constitutionnaliste, est-ce que c'est également votre analyse, cette année 2024 a été horrible pour Emmanuel Macron ?
00:36Alors oui, il faut voir qu'on a un président de la république qui, certes, n'était pas dans une situation
00:41particulièrement favorable au début de l'année, mais malgré tout disposait d'une majorité
00:46fustelle relative, était dans une situation politique qui lui permettait d'espérer encore des potentielles
00:52actions, des potentielles réformes qu'il pouvait faire passer.
00:56La loi immigration avait laissé des traces dans sa majorité, mais malgré tout il avait des marges de manœuvre.
01:03Là, aujourd'hui, on a probablement le président le plus faible de toute la Ve République.
01:08Même en période de cohabitation, vous aviez des présidents qui, certes, n'avaient pas de majorité à l'Assemblée,
01:13mais malgré tout pouvaient compter sur le principal groupe d'opposition au sein de cette Assemblée Nationale.
01:18Ils étaient également en capacité, tout du moins laissaient-ils planer pour au moins maintenir un peu d'autorité,
01:25de se représenter. Et donc, ils représentaient pour leur camp politique un avenir. Là, on a un président qui n'a
01:32plus vraiment de
01:34capacité d'action, qui ne peut pas se représenter et qui, donc, n'incarne plus vraiment l'avenir et qui, finalement,
01:39a perdu le contrôle, y compris de ses propres troupes très minoritaires, aujourd'hui, au sein de l'Assemblée Nationale.
01:46Les députés naguère-macronistes sont, aujourd'hui, beaucoup plus aux ordres de Gabriel Attal que de l'Elysée.
01:52Un président qui voit sa cote de popularité
01:56s'effondrer entre 20 et 24 % seulement de bonnes opinions, selon les instituts de sondage en cette fin d'année 2024.
02:04Ces chiffres, entre 20 et 24 %, c'est inquiétant pour Emmanuel Macron. Quel regard portez-vous là-dessus ?
02:12Alors, oui, c'est inquiétant, étant donné que,
02:16notamment parce que la dissolution, il faut voir qu'Emmanuel Macron est déjà tombé très bas, souvenez-vous de la période des gilets jaunes, etc.
02:21Mais, malgré tout, il était très populaire parmi son socle. Il y a une partie de l'électorat, l'électorat centriste,
02:27qui ne l'a jamais vraiment lâché. Là, il y a une rupture qui s'est
02:31faite avec cet électorat, tout bêtement, parce que la dissolution n'a pas été comprise par ses électeurs, qui avaient l'impression...
02:38Je crois que l'on vient de perdre Benjamin Morel, que l'on va essayer de retrouver d'ici quelques instants.
02:45Benjamin Morel, oui, c'est bon, nous sommes toujours avec vous.
02:49Oui, oui, nous vous entendons. Poursuivez, je vous en prie.
02:55On parlait de cette cote de popularité d'Emmanuel Macron, qui est entre 20 et 24 % de bonnes opinions seulement,
03:02ce qui est particulièrement inquiétant pour le président. On atteint là des scores de ce qu'Emmanuel Macron pouvait connaître au moment de la crise des gilets jaunes.
03:14Oui, mais à la différence que par rapport à la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron n'avait pas été lâché par son électorat.
03:20Cet électorat centriste continuait à le soutenir. Et là, on voit qu'il y a quand même une rupture qui est consommée avec cet électorat, qui n'a pas compris la dissolution.
03:28C'est un électorat qui avait l'impression qu'il détenait quand même encore le pouvoir, même avec cette majorité relative qui avait soutenu Gabriel Attal, Elisabeth Borne,
03:37et que cette dissolution ne s'imposait pas, n'était pas nécessaire, que cette dissolution ait été facteur d'instabilité.
03:44C'est un électorat plutôt âgé qui n'aime pas l'instabilité et qui plus est, aujourd'hui, il est dans une situation de perte d'influence et de réduction de son influence politique.
03:56Et donc on voit un Emmanuel Macron très isolé, à la fois à l'Assemblée, un Emmanuel Macron très isolé face à l'opinion,
04:04et un Emmanuel Macron qui s'est même presque fait imposer son actuel Premier ministre, ce qui là aussi est un symptôme certain de faiblesse.
04:12Emmanuel Macron qui va donc s'adresser à la Nation ce soir à 20h, ce sera à suivre en direct sur Europe 1.
04:19L'entourage du chef de l'État promet une hauteur et un ton différent.
04:24Est-ce que vous croyez à des excuses, une forme de mea culpa, un retour sur une explication du moins sur cette dissolution prononcée le 9 juin ?
04:35C'est possible, compliqué, surtout après avoir expliqué il y a moins d'un mois que cette dissolution demeurait une bonne idée qui avait été mal comprise.
04:45Si je traduis un petit peu l'allocation qui était celle d'Emmanuel Macron...
04:49Les Français n'avaient pas compris la décision qui était inéluctable selon le Président.
04:53Exactement, ce qui se discute fondamentalement, le caractère inéluctable de cette décision.
04:58Mais aujourd'hui, rembobiner ça moins d'un mois après, évidemment compliqué, il est difficile de se dédier.
05:05Quand bien même ils puissent le croire.
05:08Par ailleurs, revenir en longueur sur cette décision et sur les traumatismes que ça a pu engendrer pour une partie de l'électorat n'est guère se projeter vers 2021.
05:25Oui, j'anticipe déjà, vers 2025.
05:28Donc on est dans une situation où il serait probablement assez maladroit de trop s'attarder sur le sujet.
05:34En fait, le chef de l'État, il a une double facette, c'est-à-dire son ambiguïté sous la Ve République.
05:40Il est à la fois le chef officieux d'une majorité parlementaire, ce qui n'est plus vraiment Emmanuel Macron, étant donné qu'on l'a dit, il n'étient plus de majorité.
05:48Mais il est également l'incarnation de l'unité de la nation.
05:51Il a ce rôle...
05:53Mais comment est-ce qu'il peut incarner cela ce soir, justement ?
05:56Comment est-ce qu'il peut tourner la page de 2024 ?
05:59Est-ce qu'il faut s'attendre à des annonces, par exemple ?
06:01Alors justement, quand vous êtes chef officieux d'un gouvernement, vous pouvez faire des annonces.
06:05Quand vous êtes, au contraire, uniquement l'incarnation de l'unité de la nation, vous êtes là uniquement pour incarner l'unité,
06:13pour rappeler ce qu'est la nation, pour rappeler où elle va d'un point de vue structurel.
06:18C'est un rôle à la Charles III.
06:20C'est un rôle également à la figure du roi d'Espagne, si vous voulez.
06:26C'est-à-dire que c'est le rôle du président Naguère de la Troisième République qui était une forme de palliatif de monarque.
06:32Et donc, pour faire ça, il faut être le moins clivant possible.
06:36Pour faire ça, il ne faut pas rentrer dans le détail d'annonce dont vous n'avez pas les moyens, fondamentalement.
06:41Parce qu'aujourd'hui, votre parole n'est plus performative, étant donné qu'il n'y a plus de majorité parlementaire pour vous suivre.
06:47Est-ce qu'Emmanuel Macron peut parvenir à recompter ce rôle à la Charles III, à la roi d'Espagne, à la présidente de la Troisième République ?
06:56Ce n'est pas tout à fait évident. En tout cas, ça n'a pas forcément été dans son habitude.
07:00À sa décharge, il avait des majorités, si ce n'est absolue, au moins suffisamment pléthoriques pour pouvoir s'engager devant les Français.
07:06Ce qui, là, cette année, pour la première fois, ne sera plus le cas.
07:09Merci beaucoup, Benjamin Morel, constitutionnaliste et politologue.
07:13Votre dernier ouvrage, Le Parlement, Temple de la République, aux éditions Passé-Composé.
07:18Bonne journée à vous.
07:19Et cette allocution d'Emmanuel Macron, je le rappelle, ce sera à vivre, bien sûr, en direct sur Europe 1 à 20h.