Pour son interview d'actualité, Télématin reçoit Benoît D’Onofrio, sommelier et 1ᵉʳ sobrelier de France. Il nous relate son histoire et ses différentes propositions de boisson non alcoolique intéressantes.
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00:00L'invité de 8h15, c'est Benoît Donofrio. Bonjour, merci d'être avec nous.
00:04Alors, vous êtes ancien sommelier et désormais premier sobrelier de France.
00:09En fait, vous avez fait le pari qu'on pouvait boire des cocktails, des boissons sans alcool
00:14et que ce soit sympa, déringardisé, intéressant.
00:18Juste déjà, peut-être, c'est quoi ce mot ?
00:21On a déjà même du mal à le dire depuis ce matin.
00:23C'est quoi la contradiction ?
00:24Sobrelier, un mot valise composé de sobriété et de sommelier.
00:29L'idée étant de renvoyer, finalement, le sommelier à sa fonction originelle,
00:33qui est celle de proposer de la boisson, indépendamment du fait qu'elle soit riche ou pauvre en alcool,
00:40voire dénuée d'éthanol.
00:42Ma volonté, c'était de mettre en avant le fait qu'on peut être un sommelier de la mesure.
00:47Et donc, sommelier, ce n'est pas seulement celui qu'on voit dans les restaurants qui nous propose des vins.
00:50Enfin, moi, c'est vrai que j'ai ça en tête, en fait.
00:52Oui, par abus de langage et au fil de la pratique,
00:56on en est venu à considérer que la sommelière ou le sommelier étaient une préposée ou un préposé
01:01au service de la boisson alcoolisée, du vin plus particulièrement.
01:04Et ce n'est pas que le vin, le sommelier.
01:06Non, les sommelières et les sommeliers sont des passeurs de boissons et sont des spécialistes,
01:10non pas d'une boisson en particulier, mais de la concordance entre les boissons et des moments de vie.
01:15Comment vous êtes passé justement d'un sommelier à un sobrelier ?
01:18C'était quoi le déclic pour en arriver là ?
01:20Le déclic, ça a été, sur un temps long, ça a été de constater par la force des choses
01:26que les gens qui buvaient de l'alcool étaient aussi des gens qui ne buvaient pas d'alcool,
01:30que ces personnes, dans ces moments où elles ne souhaitaient pas s'alcooliser,
01:35ne trouvaient pas de boisson satisfaisante.
01:37Vous n'avez rien à leur proposer qu'elles trouvent « sexy ».
01:40Je me trouvais totalement démuni face à ces convives qui ne souhaitaient pas boire d'alcool.
01:45Vous me parlez, là !
01:47Je crois, hélas, que ça parle encore beaucoup.
01:51Vous allez dans n'importe quel endroit aujourd'hui à Paris, c'est quand même difficile de trouver,
01:55au restaurant en général, c'est difficile de trouver quand même une boisson un peu sympa
01:59où vous avez vraiment l'impression d'être restreint, mis un peu à l'écart.
02:03C'est très dur de trouver des boissons qui nous valorisent, des boissons non-alcooliques
02:08qui soient valorisantes pour les consommatrices et les consommateurs.
02:11Et le déclic a été le suivant.
02:14Une fois que je me suis rendu compte que sur le marché, il n'y avait pas de boisson non-alcoolique
02:20intéressante pour pouvoir valoriser justement les convives qui ne souhaitaient pas s'alcooliser,
02:25que je me suis décidé à fabriquer mes propres boissons.
02:28Vous me donnez envie de goûter, là.
02:30On va faire le tour, parce que c'est jour de fête.
02:33Venez du côté de notre petit bar, là, de Noël.
02:35Je crois qu'on a des petits verres qu'on veut prendre avec nous, en plus.
02:37Vous n'êtes pas venus les mains vides, effectivement.
02:39On va aller voir un petit peu ce que ça donne, et justement, si on peut retrouver comme ça
02:43le côté plaisir avec ces boissons non-alcooliques.
02:46Alors, on a chacun des petites choses.
02:47Moi, j'ai la rouge.
02:49Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?
02:50Dans la cuvée House of the Holy Chi, qui est une référence à l'un des albums de Led Zeppelin,
02:55il y a un travail du litchi, du Lotte et Garonne.
03:00Ça sent très fort le litchi, d'ailleurs.
03:01Avec de la grenade, également, de la betterave et du céleri blanc.
03:05Très bien.
03:06Qu'est-ce qu'il y a là-dedans, dans cette boisson plutôt jaune ?
03:08On dirait un vin blanc, mais pas du tout.
03:10Dans cette boisson, je vous ai servi celle-ci, qui est la cuvée You and Who's Armoise,
03:18référence au titre You and Who's Army de Radiohead.
03:21Ici, c'est un travail autour de l'armoise commune, de l'armoise blanche.
03:29Il y a de la courge aussi, non ?
03:31Autant prendre avec.
03:32Courge, raisin, qu'est-ce qu'il y a ?
03:33Je suis totalement trompé.
03:34Alors, on reprend.
03:35Qu'est-ce qu'il y a ?
03:36C'est la cuvée courge de là.
03:38Un travail autour de la courge, du raisin chasse-là.
03:41Il y a également...
03:43La pâte à douce, ça, c'est marrant.
03:45Un bourgeon de pain.
03:46Attention, là, vous allez tout nous faire, mon petit Jean-Baptiste.
03:48Là, vous vous êtes emballé.
03:49Ce qui est étonnant, c'est que quand on sent comme ça au nez,
03:51on n'a pas l'impression que c'est un jus de fruit.
03:53On a l'impression que c'est quelque chose de beaucoup plus complexe.
03:55Oui, c'est vrai.
03:56Et celle-ci aussi.
03:57C'est le but.
03:58C'est le but, oui.
03:59Alors, Marine aussi.
04:00Qu'est-ce que vous en pensez ?
04:01J'ai le droit de goûter ?
04:02Oui, allez-y.
04:03Moi, j'ai tout sifflé.
04:04C'est délicieux.
04:05C'est vrai qu'on n'est pas du tout sur un jus de fruit.
04:07On imagine ça avec un plat, quelque chose.
04:09C'est très composé, en réalité.
04:11Merci.
04:12On sent pas mal la betterave aussi.
04:14Vous disiez qu'il y a de la betterave dans le pire.
04:16Oui, c'est pas un jus sucré.
04:17C'est pas jus sucré.
04:18Absolument.
04:19On n'a pas l'impression de boire un verre de sucre comme ça peut l'être parfois.
04:21C'est vrai, dans des jus de fruits classiques.
04:23Ici, la raison pour laquelle le sucre est peu, voire pas perceptible,
04:27c'est justement parce qu'il y a cette fermentation
04:30qui va aller consommer tous les sucres
04:33et permettre d'avoir un profil de dégustation complètement sec.
04:38Comment ça a été reçu par vos clients ?
04:41Parce que c'est vrai qu'on n'a pas l'habitude d'avoir ce genre de propositions.
04:44Quand vous arrivez en dedans, on va vous faire déguster...
04:46Je sais pas comment vous l'appelez, d'ailleurs.
04:48Des sobrevages.
04:49Des sobrevages.
04:50Des sobrevages du sobrelier.
04:51Pas mal.
04:52Et c'est bien reçu ?
04:53C'est reçu comment ?
04:54C'est reçu avec beaucoup d'engouement, je devrais dire.
04:58Les personnes sont surprises, curieuses,
05:02et ont envie de tenter le coup.
05:04Même les personnes qui, de prime abord,
05:06souhaitaient s'engager dans un tendre repas avec de l'alcool,
05:09finalement, souhaitent y venir.
05:11Ah, elles changent d'avis.
05:12C'est intéressant.
05:13On rappelle que ce sont des boissons sans alcool.
05:15Donc, en plus, au petit déjeuner,
05:16on peut comme ça s'endorcir 8h à 4, il n'y a pas de problème.
05:18Pour les fêtes, c'est pas mal aussi.
05:20Le lendemain d'un réveillon, c'est très, très bien.
05:22Mais ce qui est vrai, c'est que c'est assez amer, celle-ci.
05:25On ne dira pas du tout en jus de fruits.
05:27Encore une fois, ce n'est pas du tout ce que vous recherchez.
05:29Non, pas du tout.
05:30Ce que je souhaite, c'est faire des boissons
05:32qui reposent sur les socles d'équilibre
05:34équivalents à ceux des boissons alcooliques.
05:37Donc, on va avoir des acidités plus ou moins marquées,
05:39des amertumes qui sont également plus ou moins marquées.
05:42En fait, ce que je recherche,
05:43c'est vraiment l'expression des aspérités
05:45qui font les points d'équilibre de toutes ces boissons alcooliques
05:49et qu'on peut retrouver, évidemment,
05:51dans des boissons sans éthanol,
05:53mais non pas sans complexité.
05:55Eh bien, merci beaucoup, Renaud, de notre Rio,
05:57d'être venu nous voir sur Plateau de Terre.
05:59Merci infiniment.
06:00Pour ce saut brelier de France.
06:01J'apporte mon petit verre avec moi, si vous le voulez bien.