Émilie Tran Nguyen reçoit Samuel Sené, un des plus jeunes bacheliers de France. En effet, il a obtenu son diplôme du secondaire à 14 ans !
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00:00Et il s'en souvient encore. Bonjour et bienvenue à vous.
00:02Bonjour Samuel.
00:03Bonjour Emilie, bonjour.
00:04Vous êtes ce qu'on a longtemps appelé un surdoué.
00:06Aujourd'hui, on dirait HPI, haut potentiel intellectuel.
00:09Ce que beaucoup de parents d'ailleurs aimeraient que leurs enfants soient.
00:12Vous allez nous dire s'ils ont raison.
00:14Mais d'abord, ce moment-là du bac, c'est un tournant dans la vie scolaire.
00:17C'est la fin du chapitre, les débuts de la vie adulte.
00:21Pas pour vous.
00:22Et quelques exceptions, puisque le bac vous l'aviez passé avec 4 ans d'avance.
00:25Ça reste quand même un bon souvenir ?
00:28Oui, en vrai, ça reste un très bon souvenir.
00:30Alors ça reste un souvenir médiatique, parce que le fait d'être le plus jeune de l'année
00:33fait que tous les médias m'avaient suivi.
00:35Donc en fait, la première épreuve de philo, j'avais 8 ou 9 caméras qui me suivaient,
00:39qui m'avaient accompagné dans la salle.
00:41Les résultats, pareil.
00:42Donc c'était plus un souvenir de télé et de radio que de bac.
00:458 ou 9 caméras, dont une de France Télévision, on y était.
00:49Sous le matricule 96-038-653 se cache cette année un candidat un peu particulier.
01:01Alors que d'autres à son âge révisent le brevet,
01:04Samuel vient de plonger 4 heures sur l'épreuve de philosophie,
01:07un moment que toute la famille a préparé comme à l'accoutumée, avec méthode.
01:11Ça va la pression avec 8 ou 9 caméras le jour du bac ?
01:14Vous aviez conscience d'être particulier de votre profil ?
01:17Oui, parce qu'en fait, ces 4 années d'avance, elles s'anticipent.
01:22J'avais commencé le CP dès l'âge de 4 ans.
01:24J'avais été suivi par les psychologues scolaires parce que je manifestais un ennui.
01:29Je n'avais jamais été poussé.
01:30On m'a proposé de rentrer dans une école spécialisée.
01:32À l'époque, il n'y en avait qu'une.
01:33C'est-à-dire que la notion de surdouance était très débutante.
01:36Il y avait une école à Nice en particulier,
01:38mais on avait fait le choix de rester dans le climat familial.
01:41Mais donc, j'avais été suivi par les psychologues scolaires pour être aidé.
01:44C'est d'abord lutter contre l'ennui.
01:45Donc, c'est moi qui demandais à sauter les classes jusqu'à arriver à ces 14 ans.
01:49On va parler de ce que ça fait d'être toujours en avance.
01:51Mais là, cette année, il y a une candidate, je ne sais pas si vous avez vu.
01:53Elle fait encore mieux.
01:54Elle est élève à Strasbourg.
01:55Elle va passer le bac à 9 ans.
01:56J'ai vu ça.
01:57Alors qu'elle a l'âge d'être en CE2.
01:58C'est une chance ou pas ?
02:00Ça dépend de ce qu'on en fait.
02:02C'est-à-dire que c'est une chance de prendre de l'avance, entre guillemets, sur la vie.
02:07C'est-à-dire qu'en effet, en ayant le bac à 14 ans,
02:09je me suis retrouvé à l'école normale à 16 ans.
02:11Et donc, j'ai pu commencer ma vie professionnelle très vite.
02:14Moi, j'ai switché vers la musique.
02:15Aujourd'hui, je suis chef d'orchestre.
02:17Mais en fait, j'ai pu diriger des orchestres à l'âge de 16 ans,
02:19chose que je n'aurais pas pu faire.
02:20Donc, c'est une prise d'avance.
02:22Et c'est surtout une capacité à emmagasiner un mode de raisonnement et des connaissances plus tôt,
02:28au moment où le cerveau est encore très, très, très plastique.
02:31D'ailleurs, vous avez pris beaucoup d'avance pour nous raconter votre parcours.
02:33Mais si je recule là et que je reviens à l'école,
02:36quand vous êtes, par exemple, à la fin du collège,
02:38vous avez déjà sauté, je ne sais pas combien de classes d'ailleurs, peut-être 3 ou 4.
02:42Au final, 4.
02:43Ça se passait comment dans la cour de récréation ?
02:45Alors, pas forcément très bien.
02:48C'est-à-dire qu'au moment où on est au collège,
02:50les élèves avaient entre 11 et 15 ans.
02:53Moi, j'en avais entre 7 et 11.
02:55Donc, là, on est sur un conflit générationnel qui était assez gros.
03:00Et on va dire que...
03:02Je n'aime pas les notions de surdouance,
03:04mais l'état d'hypersensibilité accompagne...
03:08Le mot de surdouance, vous dites.
03:09Oui, le mot de surdouance ou de HPI,
03:12mais ce sont des étiquettes, c'est très, très dur,
03:14parce qu'il y a autant de gifts,
03:17il y a autant de HPI qu'il y a de personnes.
03:19Donc, ça ne veut pas dire grand-chose.
03:21Par contre, ça s'accompagne toujours d'une hypersensibilité.
03:23C'est-à-dire que la capacité à aller très vite,
03:25c'est une fracture temporelle.
03:27Jeanne Siofachin avait écrit plein de livres sur le sujet.
03:29Ça se traduit comment, l'hypersensibilité ?
03:31Alors, ça va se traduire par une réaction au monde épidermique.
03:35Ça se traduit, en ce qui me concerne,
03:38par des crises de tétanis qui se répercutaient le soir.
03:41Donc, j'ai dû être hospitalisé,
03:43j'ai dû être déscolarisé pendant une époque.
03:45Mais à cause de ce qui se passait dans la cour de récréation ?
03:47Non, à cause de l'état d'ultra-sensibilité,
03:50qui est le mien, que je ne peux pas appliquer à tout le monde,
03:52mais il se trouve que la plupart des élèves
03:54qui sont en décalage scolaire en avance,
03:56vont avoir soit des troubles de l'attention,
03:58soit, ce qui n'était pas mon cas,
04:00des syndromes un peu plus d'hypersensibilité.
04:03Donc, moi, je rentrais le soir et il m'arrivait
04:05de tomber dans les pommes pendant une heure
04:07parce que j'avais besoin de décompenser.
04:09C'était une forme de décompensation.
04:11Sur le moment, quand on a 10 ans, 12 ans,
04:13je ne pouvais pas mettre des mots dessus facilement.
04:15Je ne pouvais pas dire que c'était un décalage par rapport au monde.
04:17Et vous vous amusiez parfois ?
04:19Oui, je m'amusais. Alors, j'avais la musique.
04:21J'avais cette chance incroyable d'avoir des activités extrascolaires.
04:24Je ne pouvais pas faire de sport avec les gens de ma classe
04:26parce qu'on n'avait pas le même physique, le même gabarit.
04:28Mais par contre, j'avais la musique qui me permettait de m'amuser.
04:30Oui, parce que vous avez aimé beaucoup les maths,
04:32école normale supérieure.
04:34Vous avez préféré la musique.
04:36D'ailleurs, vous êtes compositeur, auteur, chef d'orchestre
04:38et producteur musical pour Disneyland Paris aujourd'hui.
04:42Mais même là, dans la musique, vous excellez.
04:44Vous avez toujours collectionné les trophées.
04:46On vous avait vu jouer dans les reportages.
04:49Premier opéra que vous dirigez, Carmen, à 18 ans.
04:52Est-ce que c'est possible de faire quelque chose
04:54sans être le meilleur ?
04:56Non, mais ça, c'est névrotique.
04:58C'est-à-dire qu'en effet, j'ai été mis dans cette case
05:03de je vais être le meilleur ou le plus jeune.
05:06Et ça reste encore aujourd'hui quelque chose
05:08contre lequel je me bats parce que j'ai eu cette habitude
05:10et que je n'ai pas envie de faire quelque chose
05:12si ce n'est pas pour exceller.
05:14Mais ce n'est pas lié au bac.
05:16Là, pour le coup, c'est lié à moi,
05:18les névroses, toute la construction personnelle.
05:20Un conseil à tous les bacheliers qui vous regarderaient
05:22qui ont 17 ans, 18 ans et qui disent
05:24que c'est déjà pas mal, c'est long.
05:26Mais bien sûr que c'est déjà pas mal.
05:28En vrai, ça s'accompagne à toute différence
05:30à ses avantages et ses inconvénients.
05:32Le principal, c'est vraiment de trouver sa joie
05:34à l'intérieur de ça.
05:36Donc, il n'y a aucun intérêt finalement
05:38à avoir le bac à 14 ans ou à 10 ans,
05:40sauf si ça nous apporte de la joie au moment.
05:42Moi, sur le moment, ça m'apportait de la joie.
05:44C'était normal.
05:46Et j'aurais suivi une scolarité normale,
05:48et j'aurais pu m'ennuyer.
05:50Donc, aujourd'hui, j'ai trouvé mon chemin grâce à ça.
05:52Mais le principal, c'est absolument pas d'être le meilleur.
05:54Le principal, c'est d'arriver à se lever le matin
05:56et de savoir pourquoi on se lève et où est-ce qu'on va.
05:58Mais j'ai mis des années à le comprendre.
06:00Être en avance sur tout, ça veut dire être en avance
06:02sur la retraite aussi ?
06:04C'est ça.
06:06Vous savez, en tant que musicien, en tant que chef d'orchestre,
06:08la retraite, j'y pense pas beaucoup.
06:10C'est quelque chose qui arrivera un jour.
06:12Par contre, en avance sur les expériences de vie,
06:14oui, j'ai eu cette chance d'avoir déjà
06:16une retraite il y a un mois.
06:18Merci beaucoup, Samuel.
06:20Un gros merde, quand même, à tous les bacheliers,
06:22jeunes ou vieux, en avance ou en retard.
06:24On est avec vous.
06:26La retraite à 43 ans, c'est juste pour Roger Federer.
06:28Merci beaucoup, monsieur et chef d'orchestre.