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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Sébastien Bourdon, journaliste au Monde et co-auteur de l'enquête "Stravaleaks".
Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Sébastien Bourdon, journaliste au Monde et co-auteur de l'enquête "Stravaleaks".
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00:00La sécurité des grandes semondes, Emmanuel Macron, Joe Biden ou encore le président russe Vladimir Poutine mis en danger par leur propre garde du corps.
00:07On verrait ça dans une série, on se dirait mais quelle imagination débordante et pourtant tout est vrai.
00:11Pour en parler, on a invité ce matin Sébastien Bourdon, journaliste au Monde et co-auteur de cette enquête autour de ce qu'on a appelé StravaLix.
00:19Bonjour à vous Sébastien, bienvenue.
00:20Bonjour, merci.
00:21On va commencer tout simplement, donc ça s'appelle l'affaire StravaLix parce que, expliquons ce qu'est l'application Strava s'il vous plaît.
00:27Alors Strava c'est une application grand public qui fonctionne sur les smartphones ou sur les mondes connectés
00:32et qui permet aux sportifs d'enregistrer leurs performances quand ils vont courir, faire du vélo.
00:36Et un des enjeux de cette application c'est que toutes ces performances sont géolocalisées,
00:39c'est-à-dire qu'elles apparaissent sur des cartes qui sont ensuite partagées sur l'application comme sur un réseau social.
00:43Et n'importe qui peut l'utiliser, enfin nous tous on peut l'utiliser, on est d'accord.
00:46Tout à fait, l'application revendique 125 millions d'utilisateurs dans le monde donc c'est énorme.
00:49Alors, et donc votre enquête révèle quoi ? Alors justement que la garde rapprochée, que les gardes du corps de ces présidents l'utilisent.
00:56C'est ça tout à fait, c'est une application très populaire et donc ce dont on s'est rendu compte
00:59c'est que les gardes du corps des présidents français, américains et russes, pour un certain nombre d'entre eux,
01:04utilisent cette application mais surtout l'utilisent en ayant des profils publics
01:08et donc divulguent un certain nombre d'informations à travers ces profils.
01:10Alors ce qui est complètement fou dans cette histoire c'est qu'on pouvait presque savoir heure par heure,
01:15par exemple pour Emmanuel Macron où le président se trouvait en fait et surtout devant ces déplacements,
01:22c'est là où ça pose un vrai problème de sécurité grâce à leur garde du corps qui utilisait cette application
01:28et donc qui faisait le parcours que le président allait faire un ou deux jours avant.
01:33Comment on peut expliquer une telle inconscience, une telle inconsistance, une telle légèreté ?
01:39Je pense que s'il y a un mot à avoir en tête c'est la question de l'amateurisme.
01:42Ça fait depuis 2018 en fait qu'il y a déjà eu une série d'enquêtes par le New York Times aux Etats-Unis dans un premier temps,
01:47puis en France, en Israël également, qui montraient que l'application se travasse,
01:50l'utilisation de cette application par des militaires, par des membres des forces spéciales, etc.
01:54était liée et provoquait tout un tas de failles de sécurité.
01:56Donc on le savait.
01:57Donc ça fait depuis plus de six ans maintenant qu'on sait que dans des métiers sensibles ou quand on a une position sensible,
02:05que l'utilisation de cette application peut mettre des personnes en danger.
02:09Et donc c'est en effet assez surprenant et difficile à expliquer qu'avec toutes ces années, malgré toutes ces années,
02:14les gardes du corps de présidents, de chefs d'État de la planète continuent de l'utiliser
02:18et surtout, encore une fois, l'utilisent avec des profils publics.
02:21Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est qu'il leur suffisait de deux clics pour résoudre ce problème.
02:24Mettre leur profil en privé, il y a plein d'utilisateurs qui le font.
02:27C'est très simple de le faire dans les paramètres de l'application.
02:29Ils ne l'ont pas fait.
02:30Plein de questions. L'Élysée a été prévenue, je suppose, par les résultats de votre enquête.
02:33Est-ce qu'ils ont dit à leurs gardes du corps, les gars, pardon, vous m'arrêtez vos applications ?
02:37Alors tout à fait, on a prévenu l'Élysée et les différentes autorités américaines et russes en amont de la publication,
02:42à la fois pour leur poser des questions
02:44et surtout leur permettre de sécuriser les gardes du corps et les déplacements par la suite.
02:49Ce qui est assez surprenant, c'est que malgré nos alertes,
02:52une partie des profils des gardes du corps qu'on a pu identifier sont toujours publics.
02:56À cet instant ?
02:56À cet instant, la moitié des profils qu'on a identifiés sur les 12 gardes du corps,
03:00la moitié sont encore publics et pour un certain nombre ont été actifs encore très récemment.
03:04Alors votre enquête révèle aussi qu'aux États-Unis, par exemple,
03:08quand on prend le cas du président Biden, c'est presque encore pire.
03:12Parce qu'en fait, les agents secrets américains seraient peut-être les moins secrets au monde.
03:19En quoi ils seraient les moins secrets ?
03:22Qu'est-ce qui se passe avec ces agents autour des présidents ?
03:25Alors ce qu'il faut comprendre, c'est que la faille de sécurité provoquée par Strava,
03:28notamment autour du président américain, elle est double.
03:31Il y a à la fois la question des déplacements qu'on vient d'évoquer,
03:33mais il y a également la question de la vie privée de ces agents.
03:35Le fait est que ces agents, quand ils sont dans leur vie au quotidien et qu'ils ne sont pas au travail,
03:39ils font quand même du sport et le point de départ et le point d'arrivée de leur course, c'est leur domicile.
03:44Et donc à travers cette application, on arrive en quelques clics à trouver leur domicile
03:48et donc à identifier leurs proches, leurs familles, etc.
03:51Et évidemment, on imagine bien que pour des personnes qui passent leur quotidien
03:55au plus près de différents chefs d'État,
03:57tout ça peut servir de moyen de pression à propos des services de renseignement étrangers ou autres
04:02qui pourraient faire pression sur ces gardes du corps pour obtenir des informations.
04:05Cap sur la Russie, vous avez découvert que le président Poutine,
04:09donc on a toujours entendu dire qu'il possédait des propriétés énormes,
04:13il a toujours nié les avoir possédées,
04:15sauf que vous avez découvert que les gardes du corps de Poutine
04:18couraient autour des fameuses propriétés qu'il n'y possédait.
04:22Ça tout à fait, il y a notamment un palais qui est très connu,
04:24situé sur les rives de la mer Noire au sud de la Russie,
04:27qui d'après un des opposants à Poutine, Alexei Navalny, appartiendrait au président russe.
04:33Ça a été révélé en 2021, le Kremlin a toujours démenti,
04:36et le fait est que ce qu'on a découvert, c'est qu'un certain nombre de gardes du corps
04:39sont allés, quatre années différentes, toujours à la même période,
04:42entre fin août et début septembre, courir dans un rayon extrêmement proche de ce palais,
04:46si ce n'est même à une occasion sur la route d'accès de ce palais
04:49qui est extrêmement sécurisé, derrière des checkpoints, etc.
04:51Et donc vraisemblablement, ça laisse penser que ce palais appartiendrait au président russe
04:56ou à minimum aurait été utilisé par le président russe.
04:58Sébastien, votre enquête est close aujourd'hui,
05:00est-ce qu'on pourrait imaginer d'autres rebondissements ?
05:04On peut tout à fait imaginer d'autres rebondissements,
05:05il y a plein d'autres personnes, je pense, qui font des métiers sensibles
05:09et qui malheureusement continuent à utiliser ce travail avec des profils publics,
05:12donc il y aura peut-être des suites à cette enquête.
05:13Il y a tellement d'applications différentes dans tous les domaines
05:17que ça se trouve, ça va arriver avec d'autres applis un jour.
05:19Tout à fait, on pourrait imaginer reproduire ce même type d'enquête sur d'autres applications.
05:23En tout cas, votre enquête est édifiante, elle est à retrouver dans le journal Le Monde.
05:27Merci Sébastien Bourdon d'être venu nous voir ce matin.