Le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement le 3 février concernant le réalisateur Christophe Ruggia jugé lundi et mardi pour agressions sexuelles, alors qu'Adèle Haenel avait entre 12 et 14 ans.
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00:00Deux jours d'audience dans une tension extrême et à l'issue de ce procès, cinq ans dont deux fermes requis hier soir contre Christophe Ruggia, le réalisateur jugé pour agression sexuelle contre Adèle Haenel lorsque l'actrice avait entre 12 et 15 ans au début des années 2000.
00:16Et avec nous ce matin en studio, Maître Yann Le Bras, bonjour.
00:19Bonjour France Info.
00:20Vous êtes l'un des avocats d'Adèle Haenel avec Maître Anouk Michelin.
00:25On l'a entendu dans le compte rendu tout à l'heure au début du journal de 7 heures, ce procès a été particulièrement éprouvant, vous le confirmez ?
00:33C'était un procès qui était effectivement d'une grande densité et d'une grande tension.
00:40On a vu à quel point Adèle Haenel était à fleurs de peau avec une douleur authentique et une colère qui s'est exprimée en pleine audience.
00:54On va y revenir, mais d'abord comment est-ce qu'elle allait hier soir après la fin de ses audiences ?
01:02Le fait d'avoir été jusqu'au bout de ce processus judiciaire, le fait d'avoir entendu les réquisitions du ministère public l'ont apaisé.
01:13On l'a entendu, cette rage a explosé hier après-midi, elle se lève à un moment, ferme ta gueule, c'est ce qu'elle lance à Christophe Ruggia qui est en train de parler.
01:25Comme avocat, comment est-ce que vous vivez un moment pareil ?
01:28Tout d'abord, ce n'est pas un jeu d'acteur ou une colère feinte, c'est une colère à fleurs de peau qui frappe l'audience.
01:43La colère est en réalité assez classique et légitime du côté des victimes.
01:50Lorsqu'on s'est fait voler son enfance, on s'est fait voler son corps enfant, la douleur est toujours très marquée.
02:02Souvent les huis-clos permettent aussi à ce que ces cris de colère se fassent de façon non visible.
02:12C'est quelque chose auquel vous aviez déjà assisté ?
02:14Oui, tout à fait. L'exaspération, l'agacement face à des dénégations, face à des propos en bellicoté sont assez classiques.
02:25Il faut, pour essayer de comprendre pourquoi cette colère s'est marquée,
02:31C'est que Christophe Ruggia est à ce moment-là à la barre pour exposer sa personnalité.
02:35On passe assez vite puisqu'il n'a pas de casier judiciaire et sa situation actuelle.
02:40Mais il s'empare de ce moment pour dire qu'il a participé à la prise du nom d'emprunt d'un des grands-parents d'Adèle Haenel
02:49en faisant une référence en disant que ça faisait Adèle Haenel, Truffaut, etc.
02:52Et c'est là qu'elle se dit qu'il revient encore sur l'emprise qu'il a sur moi.
03:00C'est insupportable.
03:02Et ça c'est l'origine ? Vous l'aviez sentie venir cette colère ?
03:07Alors, la colère est liée à la douleur.
03:14Mais si on a suivi cette affaire, on est obligé de constater que Christophe Ruggia a pendant longtemps
03:21évoqué qu'il était tombé fou amoureux de sa jeune actrice.
03:25C'est interdit, c'est un milieu qui était peut-être permissif.
03:28Autre temps, autre mœurs.
03:30Mais c'était sa façon de dire les choses.
03:33Il était tombé fou amoureux de l'actrice.
03:36A partir du moment où il a commencé à se défendre en 2019,
03:40il a accusé Adèle Haenel d'un comportement lassif, lubrique, digne d'une actrice porno.
03:49Disons cela d'une enfant de 12 ans.
03:52A la douleur, il a inoculé la colère, le dégoût.
03:57On l'a bien entendu, là encore, dans les comptes rendus d'audience, cette défense de Christophe Ruggia.
04:04Elle met beaucoup en avant ce contexte de 2019, le Me Too.
04:10L'un de ses avocats dit que les accusations lancées par Adèle Haenel en 2019
04:17n'étaient pas spontanées, qu'elle s'est comportée comme une simple lanceuse d'alerte.
04:23Ils craignent que cela pèse sur la décision du tribunal.
04:27Comment vous recevez cette ligne de défense ?
04:30Tout d'abord, je ne suis pas là pour reprendre la parole après la défense.
04:35Toujours est-il que cette défense est exposée depuis 2019.
04:39Elle essaie d'allumer un contre-feu en tronquant des éléments du dossier.
04:48Il y a toute une série de personnages au travers de la vie d'Adèle Haenel,
04:52adolescents, jeunes adultes, qui sont autant de marqueurs de libération de sa parole
04:58avant qu'elle ne le fasse définitivement en 2019.
05:02Cela leur appartient d'essayer d'allumer ce contre-feu.
05:07Ce qui est notable, c'est que personne n'a voulu expliquer
05:12120, samedi après-midi, 300 heures, entre un homme de 36, 37, 38, 39 ans,
05:18avec une ado de 12, 13, 14, 15 ans.
05:22Ils ne veulent pas l'expliquer et ils allument leur contre-feu.
05:25Cela leur appartient.
05:27Leur réquisitoire, 5 ans, dont 2 fermes, 2 ans de bracelet électronique,
05:30la peine qui est requise vous semble-t-elle appropriée ?
05:33Pardon de poser également ce postulat, mais je pense qu'il n'appartient pas au parti civil
05:38de donner une appréciation de la peine est-elle suffisante ou pas.
05:43Cela appartient au ministère public qui a exposé de façon très pédagogique
05:51le calibrage de sa peine et qui correspond, à mon sens,
05:56à une appréciation qui appartient au parquet de Paris et qui est légitime.
06:01J'ai commencé en vous demandant des nouvelles d'Adèle Haenel.
06:04Est-ce que ce procès lui permet d'envisager son avenir professionnel différemment ?
06:09On sait qu'elle s'est éloignée du milieu du cinéma.
06:12Après cette épreuve, il y a quelque chose qui est peut-être le début d'une reconstruction ?
06:17En tous les cas, nous qui l'accompagnons depuis 5 ans,
06:21nous qui avons admiré l'actrice avant d'apprécier l'authenticité de la cliente,
06:27on en forme l'espoir.
06:31Merci beaucoup pour votre témoignage ce matin.
06:34Yann Le Bras, après ces deux jours d'audience,
06:37dont vous nous confirmez qu'ils ont été très éprouvants pour Adèle Haenel,
06:42on sent aussi de l'émotion chez vous comme avocat.
06:46Merci d'avoir été ce matin notre invité sur France Info.
06:49Merci.