A la tribune de l'Assemblée nationale, le député LFI Eric Coquerel a défendu le texte du Nouveau Front populaire. "Aujourd’hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du président", a-t-il affirmé. Voici l'intégralité de son discours.
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00:00— Monsieur le Premier ministre, nous faisons aujourd'hui l'histoire. Vous, parce que vous allez être le seul Premier ministre à être censuré depuis Georges Pompidou en 1962.
00:11Moi, parce que j'ai l'honneur de porter cette motion de censure. Ne voyez dans cette introduction ni de quoi adoucir votre déception, ni de quoi me glorifier.
00:24Simplement, je veux dire toute l'importance et la solennité de ce moment. J'apprécie tout le sérieux et l'ampleur de ce jour. Et je sens une responsabilité d'autant plus grande
00:37qu'à l'inverse de Georges Pompidou, la majorité de nos concitoyens n'est ni derrière votre gouvernement ni encore moins derrière le président qui vous a nommé à cette place.
00:47La majorité du peuple est bien derrière la motion que je porte. Au fond, cette motion va emporter votre gouvernement, parce que vous n'avez jamais su déjouer la malédiction
01:01que vous a transmise le vrai responsable de cette situation, Emmanuel Macron. Cette malédiction, c'est l'illégitimité, votre illégitimité absolue devant le suffrage universel,
01:13vous qui êtes issu de la force politique parlementaire qui a eu le plus mauvais résultat aux élections législatives. L'illégitimité de la coalition qui était censée vous porter,
01:24et plus encore, l'illégitimité du programme économique et social puissamment rejeté par les Françaises et Français en juillet 2024. Ce même programme que vous aurez
01:37vainement tenté de perpétuer, puisque telle était la mission pour laquelle vous aviez été choisi, vous minoritaire, par un président lui aussi minoritaire. Votre échec était annoncé et il fut finalement cuisant.
01:51En témoigne le budget de la sécurité sociale transformé par les amendements du nouveau Front populaire qui ont été adoptés contre votre gré. Mais vous avez esquivé son adoption en jouant la montre,
02:02car elle est la dernière arme des gouvernements faibles. Par ailleurs, le débat sur le budget de l'Etat, déserté par vos troupes, a eu lieu en présence de seulement 20 à 30 députés de votre socle présumé commun qui s'est révélé un dernier bataillon en déroute.
02:18Ce socle fissuré fut incapable d'éviter l'adoption des amendements de justice fiscale et sociale portés par le NFP. Un budget transformé contre lequel vous te seules parades fut ici non la montre mais l'appui du Rassemblement national.
02:34Cette illégitimité provoque votre chute aussi car vous n'avez pas tenu vos engagements. Vous disiez que vous respecteriez le Parlement après le record de 49-3 déclenché par les gouvernements précédents pour expédier une politique déjà minoritaire.
02:49Nous ne vous avions pas cru, d'où notre motion de censure en octobre. La suite a montré que nous avions eu raison. Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêts à admettre étaient ceux négociés avec vous-même.
03:04Vous n'avez même pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre, ni dans le budget de la sécurité sociale où pourtant nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux en faisant par exemple cotiser les dividendes, ni dans le budget de l'Etat où pourtant nous apportions 56 milliards d'euros en revenant sur les cadeaux fiscaux faits éhontément aux ultra-riches et aux très grandes entreprises depuis 2017.
03:29Or ces recettes supplémentaires permettaient d'éviter d'augmenter les taxes sur l'électricité ou de pénaliser le pouvoir d'achat des actifs et des retraités. Et ces recettes permettaient aussi de réduire le déficit en dessous de 3%, ce qui libérait directement des marges de manœuvre pour investir dans l'écologie, l'éducation, la santé.
03:51Voilà le résultat que vous avez évacué d'un revers de main. Ce résultat adopté grâce au NFP s'avérait pourtant largement préférable à la soeur et aux larmes que vous promettez aux Français au détriment de l'activité économique et de la bifurcation écologique.
04:06Pire, vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l'extrême droite. Ce rassemblement national que vous avez privilégié en violation du barrage républicain qui s'est exprimé majoritairement en juillet dernier. Ce barrage dont vous auriez à minima, M. le Premier ministre, dû être le garant. Mais cette compromission n'empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez même prêts à remettre en question l'aide médicale d'Etat.
04:37Jusqu'au bout vous-même, où vos ministres, comme M. Retailleau hier en déquestion gouvernement, auraient invoqué des valeurs communes avec l'extrême droite afin d'éviter que ses députés ne votent la censure. Cette aspiration à un front réactionnaire est une insulte vis-à-vis de tous les électeurs qui ont permis à vos maigres soutiens de siéger encore dans cette chambre pour faire barrage.
04:59Vous vous inscrivez ainsi dans cette tendance qui voit dans beaucoup d'autres pays les partisans du néolibéralisme et du marché s'accorder avec l'extrême droite, s'approprier ses idées et mettre en oeuvre son programme.
05:11Illégitime, vous l'êtes aussi parce que vous avez refusé d'entendre, après le puissant message du mouvement social de 2023, l'écrasante majorité qui veut l'abrogation de la réforme des retraites.
05:24Cette volonté qui s'est exprimée de nouveau en juin dans les urnes. Comme les vôtres ont contourné le refus des Français du traité considéré européen en 2005, vous avez aujourd'hui considéré que le peuple avait tort puisque vous estimez avoir toujours naturellement raison.
05:42Cette illégitimité remonte à ce passage en force contre la population exigée par le président de la République.
05:49Hier par le 49.3 du gouvernement Borne. Aujourd'hui par l'obstruction parlementaire organisée par votre gouvernement pour éviter l'abrogation. Ce mépris explique le crépuscule qui tombe sur l'avenir politique du président et dans l'immédiat sur le vôtre.
06:07Comme certains de mes collègues ici l'ont fait. Je vais vous raconter, chers collègues, mon rapport personnel à l'âge de départ à la retraite. Marcel Mercier était mon grand-père maternel, ouvrier chez Michelin dans la banlieue parisienne.
06:21Il part à la retraite en 1969 à l'âge de 65 ans. Il rejoint son pays natal, le pays rouennais. Mais il meurt 6 mois après. En 1980, la gauche arrive au pouvoir et abaisse l'âge de la retraite à 60 ans.
06:34Or, je n'ai jamais pu m'ôter de l'esprit le fait que mon grand-père aurait eu le droit de vivre heureux au moins 5 années supplémentaires. Ces histoires-là, chers collègues, nous les partageons par millions en France.
06:48Et nous sommes beaucoup à penser que la question n'est pas de travailler jusqu'à l'épuisement, mais bien le droit de profiter en bonne santé de ces années de vieillesse. Ce choix, il appartient aux travailleuses et aux travailleurs.
07:02Et ils disent qu'ils aspirent à un meilleur partage de la valeur plutôt que de travailler 2 années de plus. Voilà ce que vous n'avez pas compris. Car les salariés estiment, par exemple, que 2 ans de vie valent largement 0,15% de cotisations en plus pendant 7 ans.
07:17Ainsi, nous pourrions garantir l'équilibre du régime. Or, à cette préférence, vous n'avez rien d'autre à opposer que les éléments de langage du MEDEF et des fonds de pension désireux de mettre la main sur ce pactole.
07:29Ce serait, M. le Premier ministre, une raison déjà suffisante pour vous censurer. Enfin, arrêtez ce mauvais coup porté au pays qui consiste à dire, après moi, le déluge.
07:41Le chaos est déjà là. Il est politique, économique et social. Ce n'est pas la politique économique que nous voulons qui explique les chiffres catastrophiques du déficit, les plans de licenciements massifs, le chômage qui remonte, l'incapacité à faire face aux besoins en matière d'investissement écologique.
08:00C'est votre politique économique et fiscale qui a consisté à appauvrir le pays aux bénéfices des ultra-riches et du capital et pour le plus grand malheur du reste du pays.
08:12C'est pourquoi la censure populaire se fait chaque jour plus vivre, celle des agriculteurs, des taxis, des salariés de champs, des soignants et demain des enseignants.
08:23Votre navire prend l'eau. La colère monte. Cette politique échoue ici et partout en Europe. Il est donc vital de rompre avec elle. Le chaos est déjà là et il n'interviendra pas avec votre chute.
08:37Si le budget de la Sécurité sociale n'est pas adapté, on appliquera celui en cours. Les cartes vitales fonctionneront toujours et les retraites seront même indexées sur l'inflation, ce qui bénéficie aux retraités.
08:50Sans compter que rien n'empêchera un gouvernement de déposer un nouveau budget de la Sécurité sociale. Et après votre chute, il y aura tôt ou tard un budget pour l'Etat. Arrêtez de faire croire que la lumière s'éteindra.
09:03La loi spéciale évitera toute shutdown. Elle permettra de passer la fin de l'année en décalant de quelques semaines l'examen du budget pour 2025 et contrairement à votre propagande,
09:13cela ne fera pas payer d'impôts de plus aux Français puisque cette loi n'aura pas vocation à durer plus de quelques semaines. Il existe une meilleure solution qui respecterait le suffrage universel.
09:25Nommez un gouvernement NFP qui pourrait avantageusement amender le budget qui reviendra le 18 décembre à l'Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient sous-trouvé une majorité ici même.
09:36Il lui restera alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recette avant fin décembre comme la loi l'y oblige. Mais il semble que le chef de l'Etat ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance.
09:48Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cet impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra tant que juillet et doit conserver le responsable de tous ces chaos, j'ai nommé le Président de la République.
10:01Aujourd'hui nous votons la ceinture de votre gouvernement mais plus que tout nous sonnons le glas d'un mandat, celui du Président. Collègues, notre main n'a pas à trembler, je vous incite à censurer ce gouvernement en ce jour. Ouvrons un avenir, la promesse d'une ombre après le crépuscule.