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Le groupe automobile Stellantis, maison mère de Peugeot, Citroën, Jeep et Fiat, a annoncé dimanche la démission "avec effet immédiat" de Carlos Tavares, dont le successeur sera nommé au premier semestre 2025. Un départ salué par les syndicats. Le Conseil d'administration avait déjà mis en sursis M. Tavares, 66 ans, en annonçant au début d'octobre son départ à la retraite et lancé un processus de succession. Mais des désaccords ont accéléré sa démission. Regardez l'analyse de Dominique Chapatte, journaliste et présentateur de "Turbo" sur M6, et Christophe Bourroux, spécialiste automobile de RTL.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 02 décembre 2024.

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Transcription
00:00Et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:02Carlos Tavares n'est plus à la tête du groupe Stellantis.
00:05Ce grand patron de 66 ans a dirigé le quatrième constructeur mondial d'automobiles pendant 10 ans.
00:1014 marques, 250 000 salariés.
00:12Pour dire les choses simplement, il vient d'être viré.
00:15C'est un événement majeur dans l'univers de l'industrie automobile.
00:18C'est pourquoi nous accueillons ce soir Dominique Chapatte, M6 Turbo.
00:22Vous le connaissez tous les dimanches.
00:24Dominique à 11h20, c'est sur M6.
00:26C'est notre spécialiste maison, Christophe Bourroux.
00:28Bonsoir à tous les deux.
00:29Bonsoir.
00:31Alors pourquoi est-il débarqué, Carlos Tavares, Dominique Chapatte ?
00:35Ah, j'userai d'un vieux proverbe qui dit « qui trop embrasse mal étreint ».
00:41Je pense qu'avoir une boulimie, et c'est bien les concentrations dans l'univers de l'automobile,
00:46ça réduit les coûts de fabrication, d'industrialisation, de technologie, de recherche et tout.
00:52Mais il y a un moment où on est dépassé par l'événement.
00:55L'absorption ou l'intégration de FCA, donc Fiat Automobile,
00:58avec tous les groupes italiens plus les marques françaises.
01:03Il y a un moment, je pense, où la machine vous échappe.
01:07Et on l'a constaté quand on a fait l'émission avec Christophe au Portugal avec Carlos Tavares,
01:13où il reconnaissait son erreur.
01:16C'était une pénitence pour lui de demander pardon à tous les automobilistes qu'il a laissés sur leur faim
01:23avec des voitures qui ne marchent plus, qui tombent en panne, pas de ressources de prêt-relais.
01:29C'est un peu l'apprenti sorcier.
01:31On coupe le balai et le balai se multiplie et on est dépassé par les événements.
01:36Dites donc, le portrait fait peur.
01:38Christophe Bourou, il a pourtant connu des succès absolument exceptionnels, il faut le rappeler.
01:42Oui, il faut le rappeler. En 2014, il prend les rênes de PSA.
01:45A l'époque, il faut savoir que PSA perd 50 millions d'euros par mois au bord de la banque.
01:51Donc, il va sauver l'entreprise.
01:53D'ailleurs, il faut raconter comment il est arrivé à la tête de PSA, c'est-à-dire qu'il est numéro 2 de Renault.
01:57Et il dit, finalement, moi j'aimerais être numéro 1, mais il y a déjà un numéro 1, un certain Carlos Ghosn.
02:03Donc, évidemment, il est viré.
02:04Il pensait atterrir chez un constructeur américain.
02:07Il arrive à la tête de PSA et là, c'est la remontada avec la fusion avec Fiat, puis l'achat d'Opel.
02:13Et là, ce sont des marges à deux chiffres, ce qui est quand même exceptionnel dans le monde automobile pour une marque généraliste.
02:19Généralement, c'est les marques haut de gamme.
02:20Là, deux chiffres, c'est exceptionnel.
02:22Il se qualifiait lui-même de psychopathe de la performance, c'est-à-dire complètement obsédé par les chiffres.
02:28Et dans un premier temps, ça fonctionnait avec des bénéfices records.
02:32Simplement, comme le dit Dominique, la machine s'est emballée.
02:34Alors, pour prendre une métaphore, parce que Carlos Tavares est un fan de pilotage, la machine s'est emballée.
02:39La Formule 1 ne s'est pas arrêtée.
02:42Et donc, il a fait une sortie de route, puisque les bénéfices ont quand même été divisés par deux en l'espace de six mois.
02:47Mais ce qui est assez étonnant quand même, pour quelqu'un comme Carlos Tavares, on imagine quand même qu'il mesure ses risques ?
02:54Oui, tout à fait. C'est quelqu'un d'extrêmement intelligent.
02:56Mais en tout cas, je pense qu'il s'est entêté, et c'est d'ailleurs le problème.
02:59La famille Agnelli, qui représente 14% de Stellantis, la famille Agnelli, c'est Fiat,
03:05s'est rendu compte que finalement, il continuait dans ses erreurs, à la fois, surtout pour la vente de voitures, c'est-à-dire que les voitures sont vendues trop chères.
03:13On fait des démarches sur les voitures qui sont vendues extrêmement chères, notamment aux Etats-Unis.
03:18Seulement, le problème, c'est que la concurrence, pendant ce temps-là, vend moins cher, et ça grignote des parts de marché.
03:23Stellantis a quand même perdu 30% de ses ventes en l'espace d'un trimestre.
03:27Alors justement, dites-moi Dominique Chapatte, l'État français est bien actionnaire de Stellantis.
03:31Est-ce qu'il a aussi été lâché par les politiques ?
03:34Je voudrais quand même apporter une précision sur mon propos liminaire.
03:41C'est un immense patron, indéniablement.
03:43C'est une perte immense, je pense, pour le monde de l'automobile, et française, et mondiale,
03:48parce que c'est quelqu'un qui a apporté beaucoup de choses et beaucoup d'innovation à ce milieu, à cette industrie.
03:55Maintenant, oui, il va être lâché par tout le monde, parce qu'on va parler d'arrogance, on va parler d'égoïsme, de nombrilisme.
04:04Il lui remontait des choses de la base et qu'il ne les écoutait pas.
04:07Pardonnez-moi Dominique, mais c'est ridicule, on s'en fout.
04:09C'est un grand patron qui est censé faire grandir une boutique, après ses humeurs ?
04:15Non, non, non, mais il l'a fait grandir la boutique, il ne faut pas non plus exagérer.
04:20On sait qu'il a eu des problèmes récemment avec les États-Unis,
04:23ce pourquoi il est allé pendant l'été à Détroit pour effectivement remettre les choses dans le bon ordre,
04:29et notamment de la rentabilité, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis.
04:33Et puis voilà, il y a des marques qui sont défectueuses.
04:36Fiat n'est pas en bonne forme, Alfa n'est pas en bonne forme, Lancia n'est pas en bonne forme,
04:41autant de choses, Opel n'est pas en bonne forme, autant de choses dans le groupe qui ne vont pas.
04:46Renault est toujours leader et Peugeot est à la traîne.
04:49En tout cas Dominique, plusieurs syndicats de Stellantis se félicitent finalement du départ de Carlos Tavares,
04:56en critiquant ses méthodes de gestion implacables, je cite leur communiqué,
05:00ces vagues de suppression de postes.
05:03Oui c'est vrai, mais enfin bon, quand les ouvriers touchaient des primes de fin d'année ou de bon rendement,
05:09les syndicats...
05:10Ils n'étaient pas contre, oui.
05:11Voilà, il faut quand même arrêter de tirer sur les ambulances, quoi.
05:14Christophe Bourou, visiblement c'est un spécialiste de la marge à deux chiffres,
05:18comme son salaire d'ailleurs, on parle de 30 millions annuels, 36 millions en 2023.
05:22Oui, qui a beaucoup fait causer, et d'ailleurs même les politiques,
05:25mais alors, ce que disait Carlos Tavares, il disait,
05:27alors moi les grands footballeurs, les pilotes de F1 sont payés à ces tarifs-là,
05:32et moi je fais vivre plus de 200 000 personnes, 200 000 salariés,
05:35et si finalement on n'est pas content, mais on n'a qu'à faire une loi pour encadrer mon salaire.
05:40En fait, ça fonctionnait, pourquoi ? Parce que les chiffres étaient bons,
05:43et la bourse était contente, les investisseurs aussi, puisque ça fonctionnait,
05:47donc tout roulait.
05:49Le problème aujourd'hui, c'est qu'il y a un grain de sable, un gros grain de sable,
05:52et finalement, tout arrive en disant, finalement, Carlos Tavares va falloir qu'il change de braquet,
05:57parce que sinon, l'entreprise risque d'aller dans le décor.
06:01Il est allé extrêmement vite, et je pense qu'il y a une espèce de toute-puissance de la part de Carlos Tavares,
06:05ce qui a été vrai pendant un moment,
06:07mais aujourd'hui où le marché commence à se durcir avec des ventes d'électriques qui patinent,
06:10ça devient extrêmement compliqué.
06:12– Si j'ai bien compris, on lui reproche de délocaliser ses productions dans les pays à bas coût,
06:17ce qui serait un scandale notamment pour les Italiens,
06:19et la patrie de Fiat, ça vous semble être un procès légitime ?
06:23– C'est le jeu de l'autonomie dans ce moment.
06:26Donc apparemment, il y a aussi des risques en France,
06:28puisque l'usine de Poissy, par exemple, qui fabrique en ce moment une Opel Mokka en 2028,
06:35risque de voir cette production aller en Espagne.
06:37C'est-à-dire que les constructeurs vont là où les coûts de production sont les moins chers.
06:41On peut s'en fâcher, on peut être choqué,
06:45mais c'est la logique, malheureusement, économique aujourd'hui,
06:47surtout dans un secteur, et Carlos Tavares l'a dit,
06:50il devrait rester à terme que quatre gros constructeurs mondiaux,
06:53sinon les autres en disparaîtront.
06:55– Oui, lesquels ?
06:57– C'est bien malin qui peut le savoir, mais en tout cas, c'est très compliqué.
07:00En tout cas, Toyota est en tête des constructeurs aujourd'hui,
07:03donc on pense que Toyota restera numéro un assez longtemps.
07:06– Dominique, vous parliez d'un immense patron,
07:08tous les portraits le concernant sont fascinants.
07:10C'est un obsessionnel qui contrôle son alimentation, son sommeil,
07:13on ne l'a jamais vu dans une soirée mondaine ou un spectacle.
07:17L'ancien ministre Pierre Moscovici le décrit même comme un samouraï,
07:21obsédé par le travail, exigeant un froid rapide et d'une efficacité redoutable.
07:26– C'est ça, un simple rappel, quand on a fait l'émission avec Christophe au Portugal,
07:29au milieu de ses vignes, il est arrivé quasiment en…
07:33il avait des chaussures de trekking et un bermuda.
07:36Je m'apprêtais à lui dire, on pourrait peut-être adopter une autre tenue
07:40pour présenter une émission sur M6,
07:43je n'ai pas osé parce qu'il s'en foutait complètement.
07:45– Oui, ôtez-moi un doute, avant qu'on se sépare,
07:46il vous a quand même donné une bouteille ?
07:48– Pas du tout !
07:49– Ça nous dit quelque chose du personnage.
07:51Merci à vous deux, Dominique Chapatte,
07:54on vous retrouve dimanche à 11h20 sur M6,
07:57dans un instant en homme qui en a sous le capot.
08:00C'est l'as du dérapage contrôlé, Marc-Antoine Lebray pour le Breaking News.

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