• avant-hier
Jeudi 28 novembre 2024, SMART TECH reçoit Hubert Etienne (président, Quintessence AI) , Olivier Lascar (Auteur et rédacteur en chef du pôle numérique, Sciences et Avenir) , Bernard Benhamou (Secrétaire Général, Institut de la Souveraineté Numérique) et Rémi Bourgeot (économiste et chercheur associé, IRIS)

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour à tous. Cette semaine, le Grand Débrief de Smartech est consacré au nouveau pouvoir d'Elon Musk.
00:13On va passer une demi-heure ensemble avec mes invités sur ce sujet. Ce sera donc une édition spéciale.
00:23Édition spéciale du Grand Débrief de Smartech autour du nouveau pouvoir d'Elon Musk.
00:27On va s'intéresser à son duo avec Donald Trump, à sa galaxie, ses intérêts, ses idées et puis les conséquences dans la tech,
00:34que ce soit pour l'Europe mais aussi au sein même des États-Unis et jusqu'en Chine.
00:39Pour en parler, j'ai convié l'économiste et chercheur associé à l'IRIS, l'Institut de relations internationales et stratégiques Rémy Bourgeault.
00:45Bonjour Rémy.
00:46Bonjour.
00:47Et puis l'auteur, entre autres, de l'enquête sur Elon Musk, l'homme qui défie la science.
00:52Colonisation de Mars, voiture autonome, implants cérébraux. Alors Elon Musk, génie ou escroc ? Un livre qui est paru chez Alizio, Olivier Lascar.
01:00Vous en êtes donc l'auteur. Vous êtes aussi le rédacteur en chef du pôle numérique Sciences et avenir la recherche. Bonjour.
01:06Bonjour.
01:07Alors on aura peut-être, on a laissé une place, une chaise pour Bernard Benhamou qui est un fin connaisseur des politiques numériques aux États-Unis
01:13et le secrétaire général de l'Institut de la souveraineté numérique. Mais bon, il est un peu bloqué dans les transports. On espère qu'il va réussir à nous rejoindre.
01:20Et puis pour lancer cette discussion, nous sommes connectés avec Hubert Etienne. Bonjour Hubert Etienne, j'espère que vous nous entendez bien.
01:28Bonjour, je vous entends bien, oui.
01:30Alors juste pour vous situer, vous êtes un ancien expat français de la tech aux États-Unis, chercheur en éthique de l'IA et du numérique.
01:39Vous avez travaillé pendant trois ans au sein du labo de l'IA de Meta avant de superviser le déploiement éthique des modèles d'IA génératifs
01:47pour l'essentiel des produits du groupe Meta à New York. Et puis vous êtes rentré à Paris, donc vous êtes basé à Paris actuellement.
01:54Et vous êtes président aussi du réseau d'experts en gouvernance de l'IA, Quintessence AI.
01:59Je voulais avoir votre point de vue quand même d'ancien habitant des États-Unis sur cette nomination d'Elon Musk au poste de ministre de l'efficacité gouvernementale.
02:11Bien sûr, il y a beaucoup de choses à dire évidemment autour de cela, mais je pense qu'on peut résumer en deux points pour commencer cette discussion.
02:19Le premier, c'est qu'il me semble que l'élection qu'on vient de voir manifeste un rejet patent de tout ce qu'on avait jusque-là.
02:27C'est un rejet du politique traditionnelle, c'est un rejet également d'une forme de politique timorée, je pense, qu'on voit aussi arriver en Europe et dans d'autres pays.
02:36Et puis en tant qu'expat, ce que je peux vous dire, c'est que pour l'avoir vécu de près, c'est qu'il y a dans tous les cas un vrai besoin de réforme pour l'administration qui est relativement obsolète dans un certain nombre de domaines.
02:46Je vous en donnerai juste un. Mais quand on pense à l'IRS qui est le service des impôts de l'administration qui gouverne tout cela, par exemple, c'est une façon qu'on ne peut pas joindre ni par e-mail ni par téléphone.
02:57On doit leur envoyer des faxes ou des lettres. C'est très compliqué. Donc je pense que pour avoir cette discussion, il faut dire qu'il y a un vrai besoin de transformation dans cette administration-là.
03:05On se plaint, nous, en France, mais visiblement, aux États-Unis, la défiance vis-à-vis de l'administration est encore plus importante.
03:13Oui, elle est plus importante aussi parce que traditionnellement, vous savez comme moi, les États-Unis ont une vision tout à fait différente de la démocratie que nous en avons et surtout du service public.
03:23Et puis je pense que Musk, en particulier, manifeste cette pensée de la Silicon Valley qui se caractérise notamment par ce qu'on appelle, vous savez, les libertariens par une vision d'un État minimaliste,
03:36donc un État qui collecte peu et qui donne peu de services communs.
03:41Rémi, je voulais vous poser aussi la question de quoi est révélatrice cette nomination, finalement. Qu'est-ce que ça dit de la politique aux États-Unis ?
03:49Je pense qu'il y a deux facettes à Elon Musk. On voit l'aspect controversé, ses déclarations tonitruantes.
03:56Et ensuite, il y a un aspect qui a servi la campagne, qui a permis de mobiliser notamment un électorat jeune de modernisation vraiment qui insiste à embrasser la technologie.
04:07Ça s'applique notamment aux questions de lourdeur étatique, de la bureaucratie, mais aussi vraiment de dépasser aussi certains clivages.
04:18Donc l'homme lui-même est très clivant, mais il s'agit par rapport au marasme politique, au clivage incessant qu'on voit à Washington aussi.
04:28Il apporte une certaine fraîcheur en remettant vraiment sur le devant de la scène la politique technologique.
04:34Évidemment, la technologie est omniprésente. La Silicon Valley a un poids extraordinaire.
04:39On voit le pouvoir de la big tech, ces entreprises géantes qui va croissant, aussi des volontés de les limiter.
04:46Et Musk peut servir comme ça de charnière entre le monde politique, d'un monde politique éclaté, peut-être en partie rénové, et une politique technologique.
04:59Alors là, on le met sur un sujet qui peut effectivement créer une certaine forme de consensus.
05:05Alors ce n'est pas un homme à créer forcément le consensus, mais avec cette idée de rénovation de l'État, de modernisation, de numérisation.
05:15L'efficacité en fait, qui peut être contre l'efficacité finalement, c'est ça ?
05:19Oui, c'est ce qu'on voit d'un point de vue français aussi, c'est vrai qu'on se plaint beaucoup.
05:23Mais l'administration française a une certaine efficacité, il y a une rénovation qui est assez segmentaire.
05:31On voit des poches de compétences et d'autres où là les choses sont plus compliquées et moins visibles.
05:38Mais on voit effectivement aux États-Unis ce clivage entre d'un côté ces groupes de technologies ultra puissants qui sont à la pointe,
05:47qui ont complètement embrassé l'IA, qui mènent la technologie mondiale, et un État qui a des pratiques d'un tout autre ordre effectivement.
05:57Hubert-Étienne, quelle résonance selon vous ça peut avoir à travers le monde cette nomination ?
06:04Vous qui avez traversé l'Atlantique dans les deux sens.
06:08Comme vous le savez autant que moi, l'Amérique dirige un petit peu notre avenir, qu'on le veuille ou non par réaction.
06:14Et je pense que c'est un véritable baptême du feu qu'il faut voir ici.
06:18Alors on a d'un côté Trump qui parle à un électorat qui se considère maîtrisé par une certaine vision du monde en tous les cas.
06:26Et puis on a Musk qui est ce grand héros d'une fange particulière des entrepreneurs tech notamment.
06:32Cette personne qui a réussi à faire avec SpaceX ce que la NASA n'arrivait pas à faire.
06:35C'est quand même comme ça qu'il est vu par une large partie de cette population là.
06:40Et qui promet justement des réformes qui sont tout à fait dans l'air du temps.
06:43En France on a un petit peu de mal avec ça, mais vous prenez des États comme les Émirats ou Singapour qui sont très efficaces et qui mettent en place des manœuvres d'efficacité étatique.
06:52Alors on ne les entend pas comme des démocraties au même sens que des démocraties européennes.
06:58Donc c'est un petit peu la tension qu'on a aujourd'hui à savoir est-ce qu'une démocratie peut être efficace ?
07:02Et je pense que là on a un véritable baptême du feu je vous disais.
07:06Pour moi la question essentielle c'est est-ce que les méthodes de la Silicon Valley, vous avez d'un côté un Musk qui fait du fake it until you make it.
07:13C'est-à-dire quelque chose de tout à fait caractéristique de la pensée de la Silicon Valley.
07:17Vous pensez à Tesla, ça fait dix ans qu'il nous dit que ses véhicules sont autonomes au niveau 5.
07:22Bon, ça va rentrer dans les détails, c'est quelque chose qui n'est pas arrivé à ce jour.
07:25Chaque année ils nous répètent, c'est les régulateurs qui m'empêchent de déployer mes Tesla complètement autonomes parce que nous on a la technologie.
07:30C'est pas vrai.
07:31Donc ça c'est une paradigmatique on va dire de la pensée et la façon de faire de ces gens-là dans la Silicon Valley.
07:38Aussi de s'affranchir des règles ou de jouer en tout cas avec les règles.
07:41Vous pensez à ce fameux tweet sur la valorisation de Tesla, plus récemment aux 30 millions de dollars qui ont été donnés,
07:47alors on va pas dire à des électeurs mais à des soutiens pour le dire de cette façon-là, de la campagne de Trump.
07:55Il y a cette question, est-ce qu'on peut garder les mêmes méthodes en passant au pouvoir,
07:59et de façon plus large, est-ce qu'on peut garder des méthodes de capitalisme libertarien au moment où on est au pouvoir ?
08:04Où est-ce qu'on va devoir se diriger ? Est-ce que c'est le marché qui va continuer, les entrepreneurs qui vont continuer à diriger l'écosystème ?
08:11Ou est-ce qu'on va se diriger vers une sorte de dirigisme étatique un peu plus autoritaire comme on a l'habitude de le faire dans certains cas ?
08:17Voilà, je pense que c'est la question qui va se poser et surtout, qu'est-ce que ça va nous dire en termes de quintessence du New Public Management ?
08:23Vous savez, cette vague qui nous emporte depuis plusieurs décennies maintenant,
08:27il faut plus d'efficacité dans le service public en adoptant des méthodes du privé.
08:31Alors là, on y est, et qu'est-ce que ça va donner ? Sur quelle métrique de succès ça va être appréhendé ?
08:37Voilà, il y a la pensée magique, est-ce qu'on peut diriger un Etat, enfin des Etats, comme les Etats-Unis,
08:43comme on dirige une entreprise de la tech ? Vous vouliez réagir sur la résonance mondiale en fait ?
08:50Voilà, c'est effectivement très important de parler des entreprises privées.
08:53On disait que Musk a pu faire ce que Boeing n'arrivait pas à faire.
08:57Je pense qu'il y a une vraie crise aussi de la bureaucratie privée, de la bureaucratie industrielle.
09:03Et on voit une sorte de lever d'un esprit un peu plus critique vis-à-vis de ça de certains entrepreneurs.
09:12On voit effectivement chez Boeing ce naufrage industriel, technologique.
09:18Il y a des décisions néfastes et un recul du rôle des gens qui ont une connaissance technique, des ingénieurs.
09:26Et on voit une volonté de ces ingénieurs de revenir sur le plus devant la scène,
09:31d'être plus impliqués dans les décisions industrielles et stratégiques.
09:36Alors Musk a son style, mais il représente aussi ça.
09:39Et il y a un besoin en Europe qui est encore plus important de remettre aussi en selle des gens
09:46qui ont cette compétence technologique pour prendre les décisions stratégiques
09:51avec tous les naufrages technologiques, enfin industriels qu'on peut voir aux Etats-Unis comme en Europe ces jours-ci.
09:59En Europe, je ne sais pas. Est-ce qu'on aura cette confiance sur l'entrepreneur, sur la technologie ?
10:05Bon, ça reste à voir. Je voulais aussi vous faire réagir sur cette idée de la pensée magique.
10:10Hubert Etienne rappelait que la promesse d'Elon Musk, c'était d'avoir un véhicule 100% autonome,
10:15enfin de niveau 5 avec la Tesla, alors qu'on n'y est toujours pas.
10:19Vous, vous avez vraiment étudié cette question de la différence entre les promesses et la réalité finalement de ce que fait Elon Musk.
10:30Oui, il a un rapport au temps qui est très élastique.
10:33Le calendrier muskien n'est pas le calendrier réel, effectivement.
10:37C'est vrai pour la voiture autonome, la voiture qui roule toute seule sans avoir besoin de qui que ce soit derrière le volant.
10:42Comme ça a été dit, tous les ans, il dit que c'est pour la fin de l'année.
10:45Or, Tesla n'est pas la société qui est la plus en avance sur ces questions.
10:49Il y en a d'autres. Il y a les services de taxi autonome, de VTC autonome à Phoenix, par exemple, la société héritée de Google Car.
10:57Ça marche beaucoup mieux que les Tesla sur le point de vue de l'automaticité des véhicules.
11:04Musk a ce rapport au temps qui est très élastique.
11:08En revanche, il faut toujours écouter ce qu'il dit parce qu'en général, il se donne les moyens d'y arriver.
11:12Plus tardivement, mais il se donne les moyens d'y arriver.
11:15Il y a plusieurs choses qui me font réagir dans la situation qu'on vit en ce moment.
11:19D'abord, je suis très surpris quand même de la situation de conflit d'intérêts qui s'installe autour de ce personnage.
11:29Parce que comment on peut à la fois être jugé parti et dire comment l'État fédéral doit livrer ses subsides
11:37alors que SpaceX, ça représente quand même quelque chose de l'ordre de 15 milliards de dollars d'argent public sur 10 ans.
11:45Il y a quantité d'agences fédérales qui mènent des enquêtes à l'heure actuelle sur les travaux de Neuralink.
11:51La FDA, l'agence du médicament, investit sur la façon dont les singes ont servi de cobayes pour les puces avant que le premier humain soit équipé.
12:03Ça ne s'est pas passé dans des conditions très bisounours.
12:06Donc comment Musk va pouvoir être à la fois...
12:09Aller chercher les 2000 milliards de dollars d'économie en 2026 et en même temps continuer de bénéficier.
12:16Ça me paraît intenable. Alors évidemment, on nous explique qu'il n'est pas ministre en tant que tel.
12:21Il va diriger une commission qui est à l'extérieur du gouvernement.
12:25Enfin, c'est des arguments qui sont un peu spécieux.
12:27Par ailleurs, ce qui est un petit peu intriguant, c'est de le voir co-diriger.
12:31Puisque cette commission, c'est une commission à deux têtes.
12:34Il y a aussi cet entrepreneur qui a fait fortune dans les entreprises pharmaceutiques
12:40et qui était un ancien compétiteur de Trump pour l'investiture des Républicains.
12:45On n'a jamais vu Musk partager une gouvernance sur aucune de ses sociétés.
12:49Donc on ne voit pas très bien comment cet attelage très bizarroïde va perdurer.
12:54Donc je pense qu'il faut vraiment garder un peu de sang-froid par rapport à cette situation
12:59et voir vraiment ce qui va se passer dans les semaines et les mois qui viennent.
13:02Est-ce que ça va tenir finalement ? C'est la question.
13:04Oui, c'est loin. Et après sur la question de savoir si la fonction publique se dirige de la même façon qu'une entreprise.
13:11Même en France, j'ai l'impression que c'est une position très macronienne ou macroniste.
13:17Ça me semble très discutable. Est-ce que les résultats d'un prof, ça rentre dans un tableau Excel ?
13:26Je voulais aussi qu'on reste uberitien. Ce sera peut-être ma dernière question pour vous avant de vous libérer.
13:31Vous travaillez notamment sur ces questions de la désinformation.
13:34Comment vous définiriez le rapport d'Elon Musk à la vérité ?
13:41C'est une question intéressante et j'entendais sur le plateau cette idée qu'il avait une conception du temps un petit peu particulière.
13:48Je dirais qu'il a une conception à la vérité également un petit peu particulière, peut-être post-moderne.
13:53Moi, je pense qu'il est effectivement dans ce qui a été dit dans une stratégie de fake it until you make it.
13:59C'est-à-dire qu'on a besoin d'affirmer des choses avant qu'elles se réalisent.
14:03Il fait des prophéties qu'il espère autoriser les actrices.
14:06C'est comme ça que je le vois, mais c'est plus qu'un rapport à la vérité.
14:09C'est une forme de stratégie pour gagner.
14:12Je pense que c'est une stratégie qui fonctionne très bien jusqu'à présent.
14:15Maintenant, puisque Neuralink était mentionné, il y a un rapport à la vérité,
14:18il y a un rapport à l'éthique aussi.
14:19Effectivement, sur les tests animaux, on a pas mal de problèmes.
14:21On a aussi eu des résultats qui ont été annoncés qui n'étaient pas très satisfaisants
14:25sur cette société qui est particulièrement secrète.
14:28Mais également, pour mêler un petit peu la vérité et l'éthique,
14:31on a un recours assez classique chez Musk à ce qu'on appelle la rhétorique des cas marginaux en philosophie morale
14:37et qui va chercher une petite exception pour généraliser l'ensemble.
14:42C'est le cas des Tesla.
14:44Moi, je suis là pour faire en sorte que les gens ne meurent plus sur la route.
14:49C'est vraiment une nécessité morale d'amener des Tesla sur la route, des véhicules autonomes.
14:52En fait, on comprend bien qu'il y a des enjeux business derrière.
14:55C'est la même chose pour Neuralink.
14:57Il y a certaines personnes qui ne veulent plus se servir de leurs membres.
15:00Moi, je suis là avec Neuralink pour faire ça.
15:02Non, en fait, il promeut un agenda qui est absolument transhumaniste et post-humaniste.
15:08Et il se sert de certaines populations pour pouvoir faire cas de ses recherches.
15:13Donc, il y a un rapport qui était un petit peu ambigu là-dessus.
15:16Et peut-être une dernière remarque.
15:18Je pense qu'on est dans une période où la politique se fait par opposition.
15:21Il y a un magnifique livre de Pierre Rosanvalon sur la contre-démocratie.
15:24Et l'idée ici, c'est de dire qu'en fait, on se fait élire par opposition à celui qui nous précédait en disant on va faire mieux.
15:30La question ici dans ce duo, comme elle a été mentionnée sur le plateau,
15:33combien de temps est-ce que ça va tenir ?
15:35Parce qu'il y a une idole qui doit tomber à un moment.
15:38Soit ils arrivent à avoir des résultats complètement inédits.
15:41Et là, ça sera un sacre absolu.
15:43Soit les résultats ne sont pas là.
15:45Et donc, il faudra bien qu'une tête tombe.
15:47Est-ce que le duo va se séparer ?
15:49Est-ce qu'ils vont se rejeter la faute l'un à l'autre ?
15:51Qui va récupérer en quelque sorte ?
15:53Qui va devenir le bouc émissaire ?
15:54Je pense que c'est une question intéressante à garder en tête dans les prochains mois.
15:57La même question posée, Olivier.
15:59Combien de temps ça va tenir ? Est-ce que ça va tenir, finalement, tout cet attelage ?
16:02Merci Hubert Etienne, je vais vous libérer.
16:04Je rappelle que vous êtes chercheur en éthique de l'IA et président de Quintessence AI.
16:08Merci d'avoir été avec nous pour ce début de débrief.
16:11Et Bernard Benhamou a réussi à nous rejoindre.
16:13Merci.
16:14Bienvenue.
16:15Et désolé.
16:16Bon, ça ne circule pas bien en ce moment.
16:18Je crois savoir qu'il y a des parpaings quelque part à côté de l'Assemblée nationale.
16:22Alors, on va parler, nous, des Etats-Unis.
16:24Oui.
16:25Je disais que vous étiez un fin connaisseur de la politique américaine.
16:28Donc, on a commencé à faire un petit tour déjà de table sur ce que ça voulait dire,
16:34finalement, cette nomination d'Elon Musk à ce département de l'efficacité.
16:39Et quelles conséquences vous pensez que ça peut avoir demain sur la tech ?
16:45La tech aux Etats-Unis, parce que c'est aussi là-bas que ça se passe d'abord,
16:49et puis en Europe et jusqu'en Chine.
16:52Déjà, il faut remarquer, j'imagine que vos interlocuteurs ont eu l'occasion
16:57de faire remarquer le caractère étrange et, effectivement,
17:00le conflit d'intérêts que ça représente entre la sphère publique et la sphère privée.
17:04Sachant que, comme la plupart des grands groupes américains de la tech,
17:09il est très dépendant de contrats publics au travers de la NASA,
17:12en particulier pour SpaceX,
17:14mais aussi de défiscalisation sur ces gigafactories, etc.
17:18Donc, il y a là, effectivement, un vrai souci.
17:21Sur l'impact général de désinhibition que ça peut avoir sur l'ensemble des acteurs de la tech,
17:28il est évident.
17:29Et on a vu déjà en amont que, par exemple,
17:32Jeff Bezos avait déjà pris ses précautions par rapport au Washington Post
17:35en évitant de prendre position pour Kamala Harris.
17:38Pendant la campagne, oui.
17:39Ce qui était une chose totalement inédite pour un journal comme le Washington Post.
17:43Même chose pour Los Angeles Times.
17:44Mais là, c'était un big pharma, ce n'était pas un big tech.
17:47Donc, par définition, il y a là une forme de désinhibition,
17:51à la fois sur la réglementation,
17:53et effectivement, lui-même, ça a été dit, j'imagine,
17:56a une vision radicale de la non-régulation des contenus sur sa plateforme,
18:02en licenciant la moitié ou les trois quarts, je crois, de ses effectifs.
18:06De modération.
18:07Oui, absolument. Consacré à la modération.
18:09Donc, par définition, l'idée, c'est de dire,
18:11peu importe qu'il y ait des risques de surchauffe économique,
18:14on ne va pas parler, effectivement, des enjeux économiques purs.
18:17Mais, en gros, c'est de dire, tous les freins,
18:20tous les éléments de régulation ont pesé contre, effectivement, la tech.
18:25Nous allons, effectivement, libérer la tech,
18:28tant d'un point de vue, je dirais, des freins habituels sur la concurrence,
18:34sur, effectivement, l'antitrust.
18:36Parce qu'on a vu se multiplier les procès, justement, quand même, ces dernières années.
18:40Vous pensez que ça va mettre un coup de frein ?
18:42Récemment a été annoncé par l'administration Biden une fragmentation de Google.
18:47Oui, séparation de Chrome.
18:49Séparation de Chrome et Google.
18:51Je pense qu'elle n'aura jamais lieu.
18:53Alors, je sais, par expérience, nous savons, pour avoir regardé depuis longtemps
18:57le terrain de l'antitrust au niveau des techs, ça prend énormément de temps.
19:00IBM avait été poursuivi pendant 17 ans, je crois, sans jamais que la chose n'aboutisse.
19:05Microsoft, à peu près la même chose.
19:07Donc, on voit bien, effectivement, que là, l'antitrust,
19:10la figure de proue de l'antitrust, qui était Lina Khan, la patronne de la FTC,
19:14à mon idée, ne sera pas reconduite.
19:17Parce qu'elle pourrait l'être, par Biden, avant la fin du mandat.
19:20Ça me paraît peu probable.
19:22Mais, de facto, on a là, effectivement, un signal clair envoyé sur le mode
19:26il n'y aura pas d'entrave à la constitution de giga-monopole.
19:31Ça peut changer la position européenne, qui, elle aussi, est dans l'ultra-réglementation.
19:36Alors, avec des Européens, aussi, qui s'en plaignent, d'ailleurs.
19:39Alors, il est évident.
19:41Là-dessus, je ferai référence à l'extraordinaire rapport Draghi,
19:45qui, effectivement, disait, d'un côté, nous n'avons pas assez investi,
19:48et, de l'autre côté, nous avons trop régulé.
19:50Je rappellerai des propos qui sont étranges,
19:52et dont on pourrait penser qu'ils sont issus de Donald Trump,
19:54et qui ne l'étaient pas, d'un ancien président des États-Unis,
19:57qui disait, les Européens se prétendent avoir des grandes idées homoraux, etc.,
20:02par rapport à nous, sur tout ce qui est Big Tech.
20:05Mais, en fin de compte, ils ne sont que jaloux,
20:07parce qu'ils n'ont pas été capables de développer une industrie de même nature.
20:10C'est comme un certain Barack Obama.
20:12Donc, on voit bien que les propos sont les mêmes, d'année en année.
20:16Non, simplement, est-ce que les Européens vont changer ?
20:20Oui, et je dirais, pour le mieux, à quel niveau ?
20:23La vision libérale de l'antitrust européenne a toujours été,
20:27évitons la constitution de monopoles européens,
20:29qui ferait augmenter le prix pour les utilisateurs.
20:31Or, quand on est utilisateur des grandes plateformes, aujourd'hui,
20:34en général, on ne paye pas.
20:35On ne paye pas Facebook, on ne paye pas Google, la plupart du temps.
20:38Pas directement, mais avec nos données.
20:40Non, parfois, on a accès à des services payants,
20:43des services d'hébergement, des services supplémentaires.
20:45Mais la plupart des services de base, nous n'en sommes qu'utilisateurs.
20:48Nous ne sommes pas clients.
20:49Le client étant l'annonceur.
20:51Est-ce que ça va changer, dans les temps à venir,
20:54pour la constitution de monopoles, ce que demande aussi Enrico Letta,
20:57un autre ancien Premier ministre italien,
20:59qui a fait un autre rapport intéressant,
21:01des constitutions de monopoles dans le domaine des télécoms,
21:04ou en tout cas de géants, pas de monopoles,
21:06de géants dans le domaine des télécoms,
21:08dans le domaine globalement des technologies.
21:10Il ne faut pas nous empêcher de le faire,
21:12parce qu'on sait très bien qu'en face de nous, de l'autre côté,
21:15en Chine et aux Etats-Unis surtout,
21:17on a des acteurs institutionnels qui ne jouent pas fair play
21:22et qui effectivement bloquent toute forme d'accès au marché,
21:25en particulier les marchés publics.
21:27On pourrait citer le nombre de marchés publics
21:29qui ont été bloqués par rapport à des acteurs européens.
21:32C'est ce que disait d'ailleurs très bien dans sa lettre Mario Draghi.
21:36Il disait que nous sommes beaucoup plus ouverts que tous les autres.
21:39Notre rapport commerce sur PIB est à 50 %, là où il est 27 %.
21:45En gros, nous sommes plus ouverts avec une doctrine
21:50qui est inadaptée à ce siècle,
21:52qui était logique dans le siècle précédent,
21:55mais qui est inadaptée aux risques par rapport à l'innovation européenne.
21:59Donc oui, la réponse est que ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis
22:03oblige, dans tous les sens du terme, à repenser la doctrine européenne.
22:08C'est évident.
22:09Une réaction ?
22:10Sur l'aspect européen, je suis totalement d'accord.
22:13On a un énorme retard à rattraper.
22:15On a développé une extrême dépendance vis-à-vis des grands groupes américains.
22:20Effectivement, on ne peut pas simplement ultra-réguler
22:23et être complètement ouverts.
22:25Il faut être plus raisonnable sur les deux aspects.
22:28Avoir une réglementation qui soit adaptée est absolument nécessaire.
22:31On le voit sur l'IA, avec l'EA Act.
22:33C'est absolument essentiel.
22:34Ensuite, il faut voir de quelle façon ça a été fait,
22:37avec ces sortes de niches réglementaires qu'on a créées
22:40pour des experts un peu improvisés,
22:43alors que c'est un vrai sujet de premier plan.
22:47Par ailleurs, on est totalement dépendants de ces groupes.
22:50Il faut trouver un équilibre, effectivement,
22:52et trouver un moyen de générer les investissements nécessaires
22:56pour rattraper ce retard vis-à-vis des Etats-Unis
22:58et de l'autre côté vis-à-vis de la Chine.
23:00On le voit dans l'automobile, avec le problème de l'électrique et des batteries.
23:04Les Etats-Unis sont confrontés à un grand nombre de défis
23:08qui sont aussi comparables à ceux de l'Europe.
23:10Mais dans tout ce qui relève de l'électronique, de l'IA notamment,
23:15ils sont au premier plan.
23:17L'Europe n'est plus au premier plan sur rien que là.
23:19Elle a d'énormes atouts, mais il s'agit vraiment de combler ce fossé.
23:24Les Etats-Unis eux-mêmes sont prêts à affronter des problèmes gigantesques
23:28de conflits d'intérêts.
23:29C'est complètement imprésemblable.
23:31On est d'accord sur cette nomination.
23:32Il faut vraiment se pincer pour y croire.
23:35En même temps, il y a ce problème de productivité,
23:41d'arriver à allier ces innovations, notamment dans l'IA,
23:44à l'action de la productivité.
23:45Il ne faut pas l'appliquer de façon absurde dans l'éducation, évidemment.
23:48Mais l'idée aussi, c'est d'arriver à dépasser la bureaucratie industrielle
23:53pour pouvoir vraiment activer des leviers de croissance.
23:57On est quand même face à quelqu'un qui réussit.
23:59Olivier, je sais que toute cette enquête que vous avez menée
24:03détricote les mythes construits par Elon Musk,
24:07mais on est quand même face à quelques succès.
24:09SpaceX a donné naissance au lanceur réutilisable à moindre coût,
24:15a créé un nouveau marché.
24:17On peut parler de Starlink et de l'importance que ça constitue
24:20dans les nouveaux moyens de communication,
24:22dans des moments de crise majeure.
24:25Je ne sais pas ce que ça donnera l'IA d'Elon Musk,
24:29mais on a déjà un supercalculateur colossus,
24:33une sorte de géant parmi les géants.
24:38Tesla, la promesse de la voiture électrique,
24:41il y avait quand même beaucoup de sceptiques au moment où ça a démarré.
24:44Et pourtant, tout le monde a fini par suivre.
24:47On est quand même face à un entrepreneur à succès.
24:49Il ne faut plus qu'il y ait ce type de malentendu autour d'Elon Musk
24:52qui aime à se présenter comme un pitre à dessin,
24:56parce que c'est une technique pour brouiller les pistes
24:59et faire en sorte qu'on ne soit pas trop vigilant à ses actions.
25:04Starlink, c'est très emblématique à cet égard.
25:07La communauté des astrophysiciens,
25:09dont le métier est d'observer le ciel
25:11pour essayer de comprendre la mécanique céleste,
25:13se sont rendus compte que Starlink était en place
25:16une fois qu'il y était,
25:17parce que ça provoque dans la voûte céleste
25:19une sorte de graffiti lumineux
25:21qui les empêche de faire leur travail.
25:24Pendant que Musk parle de la colonisation de Mars,
25:28il occupait le terrain avec ce type de projet
25:31extrêmement science-fictionnel,
25:33qui est un sujet par ailleurs,
25:34mais ça permettait de ne pas parler de Starlink, en quelque sorte.
25:37C'est un personnage qui, effectivement,
25:40a des effets sur le monde réel
25:42et sur le monde tel qu'on le vit.
25:44Il a été déterminant pour un ensemble de technologies,
25:47pour un ensemble d'industries.
25:49Il a imposé le modèle de la fusée réutilisable,
25:52qui fait qu'aujourd'hui,
25:54Ariane, par exemple,
25:56avec Ariane 6,
25:57c'est une fusée qui est quasiment obsolète
25:59après un seul lancement.
26:01Donc oui, c'est un personnage qui a été important
26:03dans son spectre.
26:05Le problème Musk, c'est que
26:07depuis le rachat de Twitter
26:09et depuis qu'il a choisi de devenir
26:11non pas un politicien,
26:12mais quelqu'un qui choisit les politiques
26:15pour pouvoir avoir un compagnonnage
26:19qui lui va bien
26:20et faire en sorte que ses activités industrielles
26:22aillent le plus loin possible.
26:23Parce que, moi, mon sentiment, c'est que
26:25l'obsession de Musk,
26:26ce n'est pas de devenir président des Etats-Unis,
26:28mais c'est de décrocher Mars.
26:30Et pour décrocher Mars,
26:31il fallait qu'il ait un président
26:32qui l'accompagne sur ce projet-là.
26:34Donc, depuis qu'il a racheté Twitter,
26:38il est dans l'hubris absolu.
26:40Et il considère que son avis
26:42est parole d'évangile sur tous les sujets.
26:44Or, on voit que quand il sort de son spectre de compétences,
26:47c'est souvent pour dire n'importe quoi.
26:49On l'a vu pendant le confinement,
26:51on l'a vu quand il parle des questions sanitaires,
26:53on le voit quand il parle de géopolitique
26:55et qu'il propose des plans de paix
26:57entre l'Ukraine et la Russie
26:59comme des sondages Twitter.
27:01Bon, voilà.
27:02On ne peut pas être pique de la Mirandale
27:03sur tous les sujets, quoi.
27:05Allez, on n'a plus qu'une minute, Bernard.
27:07Oui, ça vous semble court, forcément.
27:09Je voulais vous interroger sur cette annonce
27:11qu'a fait Emmanuel Macron
27:13qu'il inviterait Donald Trump,
27:15bien évidemment le nouveau président des Etats-Unis,
27:17mais également Elon Musk,
27:18à se joindre au grand sommet mondial de l'IA
27:20qu'organise Paris en février.
27:22Logique.
27:23Et ça lui donne vraiment un nouveau pouvoir,
27:26à Elon Musk ?
27:27Non, pas précisément.
27:29Le fait d'être présent à cette manifestation
27:31qui était programmée depuis longtemps,
27:32qui constituait peut-être la seule véritable activité
27:34du gouvernement en matière technologique
27:37pour la période.
27:38Donc, non, là-dessus, non.
27:40En revanche, le fait qu'il ait,
27:44comme le rappelait à l'instant M. Lascar,
27:46qu'il ait effectivement une manière de faire,
27:49comment dirait-on, histrionique, théâtrale.
27:54C'est évident.
27:56Mais il est vrai que derrière,
27:58il y a des intérêts et des enjeux évidents
28:00par rapport à la puissance publique
28:01qui est, il faut le rappeler,
28:03un de ses interlocuteurs business essentiels.
28:06Et je voudrais juste rajouter un point.
28:09Un mot.
28:10Un point.
28:11C'est que le secret le mieux caché
28:13de l'économie américaine des technologies,
28:15c'est qu'elle dépend massivement
28:17de la commande publique
28:18et du financement des subventions américaines.
28:20L'Inflation Reduction Act a été un outil
28:23pour justement entamer et tordre la concurrence
28:28dans ces domaines.
28:30Si nous, Européens,
28:31ne faisons pas ce que recommande Draghi,
28:33c'est-à-dire un investissement massif commun
28:35de 800 milliards,
28:36ce que lui demande,
28:37peut-être n'arriverons-nous pas à ce chiffre-là,
28:39dans ces domaines,
28:40la concurrence par rapport aux Etats-Unis
28:42sera ce qu'elle est,
28:43c'est-à-dire totalement asymétrique.
28:45Merci.
28:46Merci beaucoup Bernard Benhamou,
28:47Olivier Lascar et Amy Bourgeau
28:48d'avoir été avec moi pour cette édition spéciale
28:50avec un duo Trump-Musk.
28:52On verra ce que ça donnera.
28:53Merci à vous de nous suivre.
28:54C'était Smartech.
28:55A bientôt pour une nouvelle discussion sur la tech.