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Flavie Flament reçoit Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine à Saint-Denis, pour répondre à la question : les urgences ont-elles encore les moyens de nous soigner ?
Flavie Flament reçoit Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine à Saint-Denis, pour répondre à la question : les urgences ont-elles encore les moyens de nous soigner ?
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00:00Les urgences sont-elles encore les moyens de bien nous soigner ?
00:03Bonjour Mathias Vargon, vous êtes chef des urgences de l'hôpital de La Fontaine à Saint-Denis.
00:11Alors, on ne va pas trahir un secret, mais on vient de vous enlever vos béquilles qu'on a ramenées dans les coulisses.
00:15Vous saviez où aller j'imagine pour vous faire soigner ?
00:17Eh bien, je suis allé aux urgences de là où j'étais et j'ai été reçu normalement avec un circuit normal.
00:23J'ai attendu normalement pas plus que ce qui est recommandé, donc voilà.
00:27Donc, tout se passe bien dans vos urgences à vous ?
00:29Alors, ce n'était pas chez moi.
00:30D'accord.
00:30Justement, c'était un test, je faisais client mystère.
00:33Ah, vous faites client mystère et vous êtes capable de vous casser une jambe à vélo pour faire client mystère.
00:36Oui, je n'ai pas fait ça.
00:37Bravo pour votre engagement.
00:38Allez, je voudrais que l'on commence par ces images si vous le voulez bien.
00:41C'était il y a à peu près, allez, c'était en avril 2023.
00:48600 000 patients atteints de maladies chroniques qui n'ont pas de médecin traitant en disposeront.
00:54Et d'ici la fin de l'année prochaine, nous devrons avoir désengorgé tous nos services d'urgence.
01:02Aujourd'hui, un an et demi après cette allocution d'Emmanuel Macron, qu'en est-il, où en sommes-nous ?
01:07Non, mais c'est pareil en fait, ils ne sont pas désengorgés.
01:09Alors, ce n'est pas tout à fait vrai, il y a des services qui sont désengorgés, c'est ceux qui ferment en fait.
01:13D'accord.
01:14Il y en a qui ferment complètement, alors plus souvent, ils ferment la nuit ou le week-end
01:18où ils limitent l'entrée des urgences qui est quand même contre notre vocation qui est d'accueillir tout le monde.
01:23Éventuellement, pour les réorienter après, mais normalement, on devrait pouvoir accueillir tout le monde.
01:26Il y a des services d'urgence qui ferment et vous avez un interphone et vous faites le 15,
01:30ce qui n'est absolument pas normal.
01:32D'accord, donc qui ferment partiellement, on reviendra sur d'autres qui ferment définitivement.
01:36La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur les urgences en France
01:40et de formuler un certain nombre de recommandations.
01:43On va d'abord rappeler, puisque vous l'avez un petit peu évoqué là, à quoi ça sert les urgences ?
01:47Les urgences, ça sert à recevoir trois types de personnes.
01:50Les urgences telles qu'on les imagine, l'infarctus du myocarde, la jambe cassée.
01:56Des gens qui ont un sentiment d'urgence, ce qu'on appelle aussi le soin non programmé et ça l'a toujours été.
02:01Et puis, les gens qui n'ont pas d'autre solution que de venir aux urgences, ce qu'on appelle le filet de sécurité,
02:05soit parce que vous n'avez pas de couverture sociale, soit parce qu'il n'y a pas de médecin dans le coin, le filet de sécurité.
02:12D'accord. Est-ce qu'à ce jour, les services d'urgence sont trop sollicités ?
02:15Oui, ils sont trop sollicités par rapport à la masse de gens qui viennent.
02:18On est à 22 millions. Il y a 20 ans, on était à 10 millions, quelque chose comme ça.
02:23Comment on l'explique ça ?
02:24Comment on l'explique ? D'abord, les gens viennent plus aux urgences parce qu'ils meurent moins.
02:29Quand j'ai commencé médecine, un infarctus du myocarde, il mourrait dans les trois ans, quatre ans.
02:33Maintenant, les gens ne meurent plus d'infarctus du myocarde.
02:35Donc derrière, ils vont faire un AVC, ils vont faire un diabète, enfin, ils vont faire d'autres choses.
02:38Donc, ils fréquentent plus les services d'urgence.
02:40Il y a moins de médecine de ville. Elle n'a pas été remplacée.
02:43C'est un truc prévisible depuis les années 80 qui n'a jamais été...
02:47Enfin, si depuis quelques années, on a fait ce qu'on appelle le numerus apertus,
02:51donc on a plus de médecins, mais on n'a pas les structures pour accueillir les étudiants.
02:55Moi, je me retrouve avec énormément d'étudiants en médecine.
02:57À un moment, je ne peux pas leur faire faire rien.
02:59Donc, il y a cette problématique.
03:03Et donc, oui, on reçoit beaucoup de monde par rapport à notre masse.
03:05Et puis, ce n'est pas qu'une question de personnel.
03:08Je peux en gâcher une image.
03:10Vous êtes dans un supermarché, vous avez cinq caisses.
03:13Si vous embauchez dix caissières, il ne vous restera toujours que cinq caisses.
03:16Donc, ce n'est pas qu'une question de pénurie de personnel soignant.
03:19Non, non, ce n'est pas qu'une question de pénurie.
03:21C'est une question d'organisation des urgences.
03:23OK.
03:24C'est une question d'organisation de l'hôpital,
03:26parce que tous les gens qu'on voit sur des brancards en attente de lits,
03:28c'est une question d'organisation de l'hôpital
03:30et une question d'organisation après l'hôpital.
03:32On a beaucoup de gens qu'on aimerait faire sortir de l'hôpital
03:35parce qu'ils n'ont plus besoin du plateau technique de l'hôpital
03:38et de la spécialisation de l'hôpital qu'on ne peut pas faire sortir.
03:40Il n'y a pas de place dans ce qu'on a appelé les soins de suite et de réadaptation.
03:44Il n'y a pas de place dans les EHPAD
03:45et les structures d'hospitalisation à domicile,
03:48ça se met en place, mais pour l'instant, c'est fragile.
03:50Voilà.
03:51En même temps, il y a quand même des problèmes parfois de matériel et de structure.
03:55À Langres, vous connaissez le cas de Langres,
03:57où des malades étaient parqués dans des garages faute de place.
04:00Le docteur Vincent Escudier a démissionné pour exprimer son ras-le-bol.
04:03Est-ce que c'est un cas isolé, ce qui s'est passé à Langres ?
04:06Langres, c'est un peu la caricature de ce qui se passe.
04:09Mais non, mais en fait, c'est un couloir de plus, Langres.
04:11C'était dans le garage, mais c'est un couloir de plus.
04:13Mais il y a des solutions qui ne sont jamais mises en place
04:16parce que tout retombe sur les urgences.
04:17Il y a quand même eu des études, mais depuis des années,
04:20aux États-Unis, partout,
04:21qui disent que vous avez cinq ou six patients qui sont sur des brancards
04:25ou dix patients qui sont sur des brancards.
04:27Vous les mettez dans les services hospitaliers,
04:29un brancard par service hospitalier.
04:31Vous répartissez la charge, ça ne vous arrange pas.
04:34Mais vous répartissez la charge, ça évite de les foutre dans le garage.
04:37Et donc, pourquoi ils ne sont pas montés dans les services ?
04:39C'est qu'on garde tout aux urgences.
04:42Toute la misère hospitalière de l'organisation reste aux urgences
04:46et ça protège les services.
04:48Vous êtes directeur d'hôpital ou président de la commission médicale d'établissement,
04:51c'est-à-dire élu par vos collègues.
04:53Il vaut mieux s'engueuler avec l'urgentiste qu'avec les 15 autres chefs de service.
04:57Donc, qu'est-ce qu'il faut faire concrètement, justement,
04:59parmi les recommandations du rapport de la commission ?
05:01Les recommandations du rapport, je les ai lues, il n'y a pas grand-chose.
05:04Ils veulent plus d'indicateurs,
05:06donc plus de gens pour remplir des fichiers Excel,
05:09pour les analyser avec des indicateurs qui disent que plus on est grave,
05:12plus on va rester longtemps.
05:13Donc, on perd du temps, c'est ça que vous êtes en train de dire.
05:14En fait, il faut de l'organisation à l'hôpital.
05:16Il faut évidemment libérer des places,
05:18mais d'abord à l'extérieur de l'hôpital.
05:19Ça coûte moins cher, c'est moins de personnel.
05:22Donc, il faut libérer des places à l'extérieur,
05:24organiser les urgences parce que,
05:27un petit gimmick de moi, mais plus de monde dans le bordel,
05:30c'est juste du bordel avec plus de monde.
05:31Donc, il faut du leadership à l'intérieur des urgences.
05:34Il faut former les chefs de services des urgences.
05:36Ce n'est pas des services comme les autres.
05:38Voilà ce qu'il faut faire.
05:38Et puis, réorganiser l'hôpital, ouvrir des lits là où il y en a besoin.
05:42Pas dire, on va ouvrir des lits.
05:43Et ça sera le chef de service le plus puissant.
05:45Donc, du sur-mesure.
05:46Il faut ouvrir des lits en gériatrie, pas en chirurgie.
05:49Merci beaucoup, Mathias Varbon, d'avoir répondu à mes questions.
05:52Je rappelle que vous êtes donc chef des urgences
05:54de l'hôpital de La Fontaine à Saint-Denis.
05:56Merci à vous et bon retour en béquille.
05:57Merci à vous.