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Jean-Christophe Rufin, ancien diplomate et académicien, à propos de la disparition de Boualem Sansal : «Il est dans l'œil du cyclone».

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Transcription
00:00Oui, mais c'est ça, il est dans l'œil du cyclone, il y a en ce moment une crise grave avec l'Algérie,
00:07une crise diplomatique dans ce jeu compliqué avec le Maroc, l'Algérie, ses voisins et la France.
00:15Il faut dire aussi qu'il y a eu, on ne peut pas qualifier ça autrement, des allers-retours fâcheux
00:24du pouvoir français qui a voulu se rapprocher de l'Algérie puis qui maintenant a mis la barre complètement de l'autre côté avec le Maroc.
00:32Tout ça a créé une crise et l'Algérie, il faut le savoir, fera usage de tous les moyens dont elle dispose,
00:39tous les moyens de nuisance dont elle dispose.
00:42Ça, c'est le plus visible, mais je pense qu'il y en a d'autres et nous ne sommes pas au terme de cette crise.
00:49Mais là, c'est une manière de poser de façon très voix, très vocale et très symbolique aussi cet acte d'opposition algérien.
01:02Mais ça fait partie d'un ensemble.
01:06Je rappelle que vous êtes ancien ambassadeur au Sénégal de Jean-Christophe Ruffin.
01:12Comment on peut négocier et échanger aujourd'hui avec Alger, selon vous ?
01:20D'abord, oui, il y a cette question politique.
01:22Je pense qu'il faut mettre un peu en sourdine, si vous voulez, toutes les interventions, notamment des partis politiques.
01:30Je pense que ce n'est pas leur rôle et que ça peut aggraver les choses parce que tous ceux qui laissent penser,
01:38ce qui est faux d'ailleurs, mais que Bouhamed Sansal serait d'extrême droite ou serait soutenu par telle ou telle partie,
01:48ça va encore aggraver les choses.
01:50Donc, je pense qu'il y a deux axes de défense.
01:53Pour lui, c'est un axe diplomatique et un peu discret parce que les choses, évidemment, se négocient comme ça.
02:00Et puis un axe, alors là, au contraire, très visible et très vocal qui est celui de la mobilisation des intellectuels,
02:08d'où la tribune de Kamel Daoud, mais qui complique aussi un petit peu les choses
02:13parce que Kamel Daoud lui-même est mis en cause sur d'autres thèmes par le pouvoir algérien.
02:20Et puis, disons, la mobilisation d'intellectuels comme nous, qui réaffirme une chose qu'on ne doit pas oublier dans toute cette affaire,
02:28c'est que Bouhamed Sansal est un écrivain, c'est un grand écrivain, c'est quelqu'un qui a un grand talent,
02:34c'est un créateur et c'est donc ce monde-là qu'il doit le défendre avant tout.
02:39Une dernière question, Jean-Christophe Ruffin.
02:41On peut entendre évidemment les précautions des responsables politiques.
02:46On peut aussi s'étonner du silence assourdissant de certains hommes politiques
02:52et je pense notamment à Jean-Luc Mélenchon et ses lieutenants, je le disais tout à l'heure,
02:56qui sont les premiers à battre pavé, qui sont les premiers à prôner la liberté d'expression,
03:02qui sont les premiers à dire qu'ils sont les grands défenseurs, les grands chevaliers contre l'oppresseur
03:09et qui aujourd'hui sont silencieux.
03:11Est-ce que le silence vaut consentement ?
03:13C'est une question aussi qu'on peut se poser, M. Ruffin.
03:16Oui, mais évidemment, leur position est très ambigüe, pour ne pas dire complice.
03:24Mais justement, si vous voulez, on n'a pas besoin d'étaler ces oppositions
03:29parce que la conclusion de ça, pour les Algériens, c'est quoi ?
03:33Pour le gouvernement algérien, c'est quoi ?
03:34C'est de dire, vous voyez, seule l'extrême-droite ou la droite soutient Boilem Sanssane.
03:40Donc, en quelque sorte, c'est un militant politique anti-algérien, etc.
03:46Alors, compte tenu justement de ce contraste, de ce paysage contrasté de la politique,
03:50je pense que ce n'est pas sur ce terrain qu'on le défendra le mieux.
03:55C'est sur le terrain de la création de l'art, de sa valeur intellectuelle universelle
04:02parce qu'il est traduit partout.
04:04Et c'est quelqu'un qui a vraiment une valeur qui dépasse la France, l'Algérie.
04:09Et c'est quelqu'un qui a pris place vraiment dans la littérature mondiale.
04:13C'est à ce titre-là, je pense, qu'on doit le défendre.
04:18C'est le terrain le plus solide.
04:20Sous-titrage Société Radio-Canada

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