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La cheffe de la politique mémorielle de la région Grand Est, Frédérique Neau-Dufour, revient sur la très longue libération de l'Alsace du joug allemand, à l'occasion des commémorations pour les 80 ans de la libération de Strasbourg

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00:007h46, le chef de l'État attendu demain à Strasbourg, Sébastien, 80 ans, jour pour
00:10jour, après la libération de la capitale alsacienne.
00:12Pour des commémorations, Place Broglie au palais universitaire, et puis Emmanuel Macron
00:16ensuite dans le terrible camp de concentration du Stroutov, on se replonge dans l'histoire
00:21avec un peu d'avance, ce matin matinale spéciale sur France Bleu Alsace.
00:24Que retenez-vous aujourd'hui, 80 ans après la libération de l'Alsace, de cette période
00:28difficile de notre histoire, 03-88-25-15-15 ?
00:32Et bonjour Frédéric Naudufour, vous êtes la chef de la politique mémorielle de la
00:37région Grand Est, comment est-ce que l'on nourrit encore ce devoir de mémoire 80 ans
00:42après ?
00:43On le nourrit d'autant plus que la mémoire elle s'étiole, que les générations elles
00:47se renouvellent, qu'il y a presque plus de survivants de cette période, et donc il est
00:52important de la renouveler, et pas de la renouveler sous forme d'un devoir impérieux qui casserait
00:56les pieds à tout le monde, mais de trouver de nouveaux moyens, et pour cela il y a un
01:00tas de gens dans ce pays qui font des choses extraordinaires, les enseignants en premier
01:04lieu, mais aussi les associations mémorielles, et puis toutes sortes de compagnies théâtrales,
01:11de danse, de musique, qui font vivre la mémoire sous une manière différente.
01:14Ça passe aussi par des commémorations, comme pour demain avec Emmanuel Macron, pour l'Alsace.
01:18Oui, ces commémorations elles sont comme des petits carillons mémoriels, c'est-à-dire
01:21qu'elles nous sonnent un petit peu leur appel, elles sont à un moment, le nom l'indique,
01:26commémorations c'est faire mémoire ensemble, et elles permettent aux gens de se regrouper
01:29autour d'un moment très solennel, très militaire, on va le voir lors de la cérémonie de demain.
01:34Pour que ça ne se reproduise pas, c'est ça l'objectif ?
01:36Oui bien sûr, c'est ça l'objectif, mais c'est un objectif paradoxal puisque depuis
01:411945 on a vu beaucoup de conflits se renouveler sur notre continent, et aujourd'hui plus
01:46encore qu'il y a dix ans, mais néanmoins elles portent ce support-là qui est en effet
01:51le fameux plus jamais ça.
01:53C'est un énorme symbole la libération de Strasbourg pour l'Alsace, pour la France entière
01:58aussi, et pourtant ce jour-là, pas de grandes embrassades, pas de grandes fêtes dans les
02:03rues pour accueillir les forces alliées.
02:05Oui c'est très frappant, aujourd'hui on présente la libération comme une fête, comme un moment
02:08de liesse, mais lorsqu'on revoit les images filmées dès le 26 novembre 1944, on voit
02:14une population très très timide, très apeurée, très anxieuse, parce que les Alsaciens
02:21ils ont connu plusieurs changements de nationalité, ils ont ce passé, au moins trois, ils savent
02:26que ce sont des moments troubles, des moments de violence, et ils savent aussi que la guerre
02:30n'est pas finie, et que la libération de Strasbourg, elle n'exonère pas les risques
02:35et les bombardements qui continuent depuis Kiel, c'est-à-dire vraiment la proximité
02:39immédiate de Strasbourg.
02:40Il y aura encore des combats violents, on va y revenir, il y a quand même une certaine
02:43fascination quand on voit ces chars français-américains arriver à Strasbourg, écoutez par exemple
02:48ce témoignage exceptionnel de Marguerite, qui avait à peine 14 ans à l'époque à
02:53Strasbourg.
02:54Moi j'étais, j'avais quoi, j'avais 12 ans, j'applaudissais, merci, thank you very much,
03:01vous voyez moi je parlais plutôt anglais, et alors ils me jetaient du chocolat, c'était
03:06pas mal ça, j'ai jeté du chocolat, on savait plus ce que c'était du chocolat.
03:1012 ans Marguerite, à l'époque c'est quand même un témoignage fou, on peut imaginer
03:14cette joie quand même de la libération qui approche.
03:18Bien sûr, il y a un soulagement très évident, il ne faudrait pas dire le contraire, il y
03:21a un soulagement évident, il y a ces scènes de chocolat, de rencontres avec des gens qu'on
03:26ne connaît pas, la culture américaine, et ça c'est quand même l'image lumineuse
03:31de la libération.
03:32Et dans les commémorations on a tendance à mettre celle-ci en avant et c'est bien
03:35normal, mais il ne faut pas oublier que la libération ce sont aussi des bombardements,
03:39ce sont aussi des viols par les soldats américains, les historiens travaillent sur ces sujets-là,
03:43et ce sont aussi une angoisse pour tous ceux qui ont encore leur fils en train de combattre
03:48sous l'uniforme nazi, les incorporés de force, et puis c'est le début de l'épuration
03:54qui va toucher quand même un certain nombre d'alsaciens, donc c'est une période qui
03:57est complexe.
03:58La guerre qui est encore très loin d'être terminée ailleurs en Alsace, mais il y a
04:03quand même ce moment très fort qui permet aux Strasbourgeois de sourire un peu, ce drapeau
04:07tricolore, si vous voulez y revenir un instant, hissé tout en haut de la cathédrale de Strasbourg,
04:13il est fabriqué avec trois matières différentes, un tablier bleu, un drap de lit blanc et un
04:19drapeau nazi rouge, qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?
04:21Ça veut dire que cette victoire était inattendue, il a failli fabriquer à la hâte un drapeau,
04:27c'est une arrivée surprise des troupes de Leclerc, et puis ce drapeau est devenu, de
04:31la même façon que le général Leclerc et de la même façon que la cathédrale, un
04:35des trois grands symboles, une des trois grandes images d'épinal de cette libération.
04:39Et chaque année, lors des grandes commémorations décennales, du moins, il est de nouveau hissé
04:43au sommet de la cathédrale.
04:44C'est le serment de Koufra qui se réalise, juré de ne déposer les armes que lorsque
04:47nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg.
04:52Devoir de mémoire ce matin sur France Bleu Alsace, que vous inspire, que vous évoque,
04:57ces 80 ans de commémorations, dont 80 ans de la libération de l'Alsace et de Strasbourg.
05:02Demain, venez témoigner ce matin, vous êtes les bienvenus au 03.88.25.15.15.
05:06Il y a les troupes du général Leclerc qui arrivent un petit peu par surprise, vous l'avez
05:10dit, et ensuite, par contre, des combats très violents après Strasbourg, jusqu'à ce que
05:14les alliés franchissent le Rhin, ça vient bien plus tard, près de quatre mois après
05:19la libération de Strasbourg, le 31 mars, là ça devient violent, là ça redevient
05:24la guerre pour les Alsaciens.
05:25Oui, ça redevient la guerre, et ça l'est immédiatement, c'est-à-dire qu'on oublie
05:28souvent qu'après cette libération, le 23 novembre, les combats continuent, mais que
05:32surtout, entre Noël 1944 et les premiers jours de 1945, Strasbourg est sous la menace
05:38d'être reprise par les Allemands, à tel point qu'une partie de la population strasbourgeoise
05:42fuit vers l'ouest, vers la vallée de la Bruche, parce qu'on a peur.
05:45Et vous vous rendez compte le drame que cela aurait été si les nazis avaient ressaisi
05:49cette ville.
05:50Les Allemands qui se concentrent notamment sur la poche de Colmar.
05:52Alors, ils sont sur la poche de Colmar, mais en décembre 1944, ils relancent une contre-offensive
05:56sous les ordres de Himmler, le grand chef de la SS, vers le nord, c'est-à-dire du côté
06:00de Gomsheim, où ils arrivent à entrer, et donc Strasbourg est pris en tenaille.
06:04Et il faut à ce moment-là, il faut le souligner, toute l'intervention du général de Gaulle
06:08pour convaincre Eisenhower, le chef des armées américaines, des armées alliées, de ne pas
06:13retirer toutes ses troupes américaines de Strasbourg, ce qui était son intention, parce
06:16que l'urgence était partout.
06:18Et c'est finalement le général de Lattre, avec la première armée, qui va venir à ce
06:22moment-là protéger Strasbourg.
06:23La joie de la libération à Strasbourg, la crainte de la guerre qui se poursuit, l'angoisse
06:28de ne pas voir revenir des fils partis sur le front Est pour combattre sous l'uniforme
06:35nazi, notamment contre la Russie.
06:38Plusieurs élus, de différents bords d'ailleurs, Brigitte Klinker en tête, demandent la reconnaissance
06:44des malgré-nous.
06:45Est-ce que vous pensez qu'Emmanuel Macron, le chef de l'État, peut le faire demain,
06:48chez vous à Strasbourg ?
06:49Je pense qu'on ne peut que le souhaiter, parce qu'en dehors de la prise de parole de Nicolas
06:53Sarkozy en 2011 à Colmar, il n'y a pas eu d'engagement véritable au plus haut niveau
06:57de l'État pour reconnaître ce drame des incorporés de force.
07:01On a vu une petite esquisse le 11 novembre dernier, dans le message qui a été lu dans
07:05toutes les mairies, et qui est donc le message du gouvernement, il y avait justement une
07:08mention très claire au calvaire des incorporés de force, et j'ai trouvé que c'était peut-être
07:13un signe qui annonce une prise de parole, cette fois, du chef de l'État, c'est souhaitable
07:18en tout cas.
07:19C'est l'État qui se rendra ensuite au Stroutoff, le camp d'extermination de Natzweiler, un
07:25choc aussi pour la population en général, quand ça a été découvert, je souligne
07:29ici que vous avez été directrice du centre européen du résistant déporté au Stroutoff.
07:33Merci beaucoup à vous Frédéric Naudufour, chef de la politique mémorielle de la région
07:39Grand Est pour cette émission spéciale sur France Bleu Alsace, 80 ans après la libération
07:43de Strasbourg.
07:44Merci à vous.
07:45Merci beaucoup.

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