Avec Matthieu Prix, médecin généraliste à Paris (fait des gardes de nuit et de week-end en maison médicale de Garde)
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NewsTranscription
00:00Le Petit Matin Sud Radio, 5h-7h, Maxime Trouleau.
00:066h41 sur Sud Radio, la vie en vrai avec ce dispositif donc,
00:10qui permet de consulter un médecin sans rendez-vous, sans dépassement d'honneuraire,
00:14le soir après 20h, les samedis, les dimanches, mais aussi les jours fériés.
00:18Sauf qu'aujourd'hui, il y a une crainte que ces maisons médicales de garde
00:22qui existent depuis des années disparaissent.
00:24Bonjour Mathieu Prie.
00:26Bonjour.
00:27Merci d'être avec nous en direct ce matin sur Sud Radio.
00:29Vous êtes médecin généraliste en région parisienne,
00:32vous avez l'habitude de faire des gardes de nuit et de week-end,
00:35et vous avez donc lancé cette pétition avec plus de 50 000 signatures.
00:39Expliquez-nous, Mathieu Prie, pourquoi ces maisons médicales de garde
00:43sont-elles aujourd'hui en danger ?
00:46Tout simplement parce que la nouvelle convention médicale arrive en vigueur au 22 décembre.
00:51Elle prévoit pas mal de changements dans l'exercice des professions de santé,
00:55de la médecine, et là, par petites tranches,
00:59ils détricotent des choses jugées chères ou non adaptées.
01:04Le fonctionnement des systèmes de maisons médicales de garde est concerné.
01:09Il y a plusieurs mesures qui tapent par-ci par-là sur des pratiques médicales.
01:14Celle-ci, en l'occurrence, c'est simple, efficace, existe depuis des années,
01:18concernant la maison médicale de garde où je travaille 7500 patients par an.
01:26Sur Paris, il y a 5 structures identiques, donc 35 000 patients,
01:30qui vont devoir passer d'un système simple, efficace,
01:34à pas de système du tout, parce qu'en l'espèce, pour le moment,
01:38les 5 sont amenés à fermer, et donc à devoir reporter
01:42sur les urgences traditionnelles déjà sous l'eau,
01:4635 000 patients par an, clairement, le système ne peut pas tenir.
01:50Oui, expliquez-nous justement pourquoi certaines maisons sont amenées à fermer.
01:54Concrètement, quel est le problème, Mathieu Prie ?
01:57Alors, le problème, c'est que nous ne sommes pas régulés.
02:00La CEPAM et l'ARS, qui sont nos organismes de tutelle,
02:04voudraient qu'on soit régulés, donc que le patient, avant de consulter,
02:08passe par la centrale 15, ce qui veut dire en région parisienne,
02:10des fois, à une heure d'attente au téléphone,
02:12avant de pouvoir voir un médecin, alors que nous, on fonctionne très simplement,
02:16le patient vient et est reçu sans rendez-vous,
02:20ça participe aux soins non programmés, c'est une des branches
02:24de la médecine qui rend des services.
02:27Pour Paris, pour les grandes métropoles, c'est des systèmes très compliqués,
02:30parce que les régulateurs, d'une part, sont difficiles à trouver,
02:33on n'a pas assez de régulateurs, des temps d'attente au téléphone
02:36pour les patients extrêmement longs, et des patients qui vont se reporter
02:39directement sur les urgences dans ce cas-là.
02:42La deuxième partie de la décision, c'est que les médecins qui travaillent
02:46sans régulation, on aura une diminution de nos revenus de 75%, à peu près,
02:51donc pour travailler le soir, c'est des gardes qui vont de 20h à 23h,
02:575€ pour le travail effectué en nuit, et 5€ pour le samedi après-midi
03:04et pour le dimanche, c'est une taux de rémunération.
03:08Là, beaucoup des confrères vont arrêter simplement de participer aux tours de garde.
03:14Ces 5€ en plus, c'est une majoration, c'est ça de la sécurité sociale,
03:18c'est pas le patient qui paye, mais vous étiez payé pratiquement 20€
03:22pour les jours fériés, les samedis, voire même carrément 35€ au-delà de 20h,
03:26et donc cette majoration qui vous est donnée via la sécurité sociale,
03:31de pratiquement 35€, elle pourrait passer à 5€,
03:34c'est aussi un problème de salaire, c'est ce que vous nous dites ce matin.
03:38Ah oui, c'est une question de revenus, à 5€ le fait de travailler la nuit,
03:43peut-être que je travaillerais un peu plus à mon cabinet,
03:46mais clairement pour 5€, personne ne va vouloir aller travailler
03:49un dimanche jusqu'à 20h, en soirée jusqu'à 23h dans un hôpital
03:55où il faut un petit peu de courage pour aller jusqu'à 23h dans certains quartiers.
04:00Et pas le même service rendu, au final, moi je peux travailler plus
04:04et gagner ces quelques euros à mon cabinet, mais ça sera pour mes patients et moi,
04:07pas pour un service à des patients, souvent sans médecin traitant,
04:10avec des difficultés d'accès aux soins, c'était un service rendu non négligeable.
04:15Et in fine, l'économie elle est certes pour la sécurité, elle se comprend,
04:20elle se comprend aussi parce que c'est des tarifications qui avaient été dévoyées,
04:24il y a des centres de santé qui faisaient clairement pas du bon travail
04:27et qui facturaient ce genre de cotations, et le bébé jeté avec de l'eau du bain,
04:31on est un petit peu les victimes collatérales de ça,
04:34mais ça concerne quand même beaucoup de structures et beaucoup de patients.
04:37Oui, c'est finalement une décision du gouvernement qui pourrait toucher
04:41toutes les maisons de santé, et c'est effectivement difficile de demander
04:45à des médecins comme vous d'aller travailler dans des jours
04:47où on n'a pas forcément envie de travailler, surtout à des horaires compliqués
04:50de travailler pour peu d'argent.
04:52Alors quel est l'objectif de votre pétition Mathieu Prix ?
04:56Est-ce que c'est de dire au gouvernement de revenir totalement sur cette décision
04:59ou peut-être trouver un compromis ? Quel est l'objectif ?
05:02Le but ça serait que les mesures du gouvernement de l'économie qui se construisent
05:07soient ciblées, c'est-à-dire que quand ils identifient qu'une structure rend service
05:11et fait bien son travail, ça ne coûte pas cher, parce qu'encore une fois
05:14on coûtera beaucoup moins cher qu'un passage aux urgences,
05:17que des systèmes de régulation, ça coûte extrêmement cher de se faire réguler.
05:22Quand le système marche, pourquoi le détruire ?
05:25Le problème c'est qu'il n'y a uniquement des dommages collatéraux dans cette décision-là
05:33et toute négociation jusqu'à présent, c'est sur le départ des échecs,
05:37au niveau de l'ARS et de la SEPA, pour leur expliquer le particularisme,
05:41tous nos arguments, on sent que ce sont des gens qui eux-mêmes ne consultent pas chez nous,
05:47ne mettent pas les pieds dans les hôpitaux, n'essaient pas de téléphoner
05:50à un centre de régulation, et je leur souhaite de ne pas avoir besoin de nos services,
05:54parce que le jour où ils en auront besoin, eux-mêmes...
05:57Ils sont déconnectés, c'est ça ce que vous nous dites ?
06:00Ah oui, clairement, ils appliquent des décisions qui ne sont pas les leurs
06:04et sans aucune marge de malheur, donc quand j'essaie de leur expliquer,
06:07ça serait bien de voir le cas particulier, et non, ils en sont incapables.
06:11Et tout ça pourrait donc avoir des conséquences assez importantes sur les urgences,
06:15c'est ce que vous nous disiez au début de cette interview, Mathieu Prix,
06:17c'est que finalement, si ces maisons de médecine de garde ferment,
06:21eh bien les gens vont devoir aller sur des urgences qui sont déjà saturées,
06:25la situation est dramatique, elle est très préoccupante ?
06:29Ah carrément, moi je suis généraliste et mon épouse est urgentiste,
06:33son hôpital d'urgence est juste à côté, ils sont déjà sous l'eau,
06:36et ne serait-ce que quelques patients qui ne sont pas dans les maisons médicales de garde,
06:40c'est un gros problème d'accès aux soins pour des patients qui vont attendre en salle d'attente,
06:44il y aura des décès à nouveau dans les salles d'attente des urgences,
06:48il y aura de la casse.
06:51Il y aura de la casse, c'est ce que vous nous dites ce matin,
06:54on parlait, et vous nous le dites d'ailleurs dans cette pétition que vous avez lancée
06:58il y a plusieurs jours, que vous craignez non pas seulement des déserts médicaux,
07:02qui existent malheureusement de manière trop nombreuse en France,
07:05mais un grand désert médical, même dans les grandes villes,
07:09c'est ce que vous craignez Mathieu Prix ?
07:11Oui, oui, le gouvernement dit qu'il y a des zones sous-dotées,
07:15il parle de zones normalement dotées, je n'en connais pas personnellement,
07:19je ne connais pas beaucoup de patients qui ont un accès illimité et facile aux soins,
07:24et la régulation se fait par le bas.
07:28On veut être équitable et répartir un petit peu l'offre de soins,
07:32mais on part d'une situation qui est déjà dramatique,
07:35et la solution qu'a trouvée le gouvernement c'est d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine,
07:39encore faut-il arriver à les former, ça prend 10 ans,
07:41donc ce n'est pas de suite, on parle de 2035 pour arriver à peu près au niveau où nous sommes aujourd'hui,
07:46en termes du nombre de médecins, etc.
07:49Le problème c'est qu'entre-temps il y a des médecins qui arrêtent leur activité tellement c'est devenu,
07:53et ça devient de plus en plus difficile,
07:56donc mes confrères partent en Suisse, au Luxembourg,
07:59ne font plus du soin mais de l'esthétique,
08:03vraiment l'exercice est compliqué,
08:06on sent venir à chaque nouvelle loi une complication supplémentaire.
08:10En tout cas, on l'aura compris, le message est passé, en tout cas Mathieu.
08:13Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin sur Sud Radio,
08:16en espérant que cette pétition fasse parler au plus haut sommet de l'État.
08:20Je rappelle que vous êtes médecin généraliste à Paris,
08:23vous faites des gardes de nuit et de week-end en maison médicale de garde.
08:26Merci infiniment, 6h49 sur Sud Radio.