Angélique Cauchy et Isabelle Demongeot sont toutes les deux d'anciennes joueuses de tennis professionnelles. Elles ont vingt ans d'écart et toutes les deux ont été violées par leurs entraîneurs respectifs alors qu'elles étaient âgées de 12 et 13 ans. Une emprise de plusieurs années qui a brisé le début de leur vie. Ensemble, elles retracent ce qu'elles ont subi, racontent le silence et la solitude, l'abandon de leur fédération quand elles ont enfin osé parler. Et dénoncent l'immobilisme, encore aujourd'hui, du milieu du tennis face aux violences sexuelles faites aux enfants. Une discussion poignante.
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00:00C'est bien gentil de donner son argent, par exemple pour avoir un gros NJ, BNP ou
00:05accord sur une bâche, quand on sait qu'Isabelle Aimant s'est fait violer derrière cette bâche.
00:08Ces viols, tu les as quantifiés autour de 400, pour moi c'est incapable de quantifier.
00:13Ça a duré 9 ans, mais c'est un vrai traumatisme pour toute la vie.
00:18Ces deux femmes ont 20 ans d'écart et une histoire commune.
00:22Angélique Cauchy et Isabelle de Mongeau sont toutes les deux d'anciennes joueuses de tennis
00:26professionnelles.
00:28Et toutes les deux, elles ont été violées par leurs entraîneurs à l'adolescence.
00:32Une emprise qui a duré plusieurs années.
00:34Nous les avons réunies pour qu'elles partagent leurs expériences et livrent leur regard
00:39sur l'évolution de la prise en charge des violences sexuelles dans le monde du sport.
00:43Est-ce que vous pouvez toutes les deux raconter ce que vous avez subi et quel était à ce
00:47moment-là votre rapport à l'entraîneur ?
00:49J'avais 13 ans et demi pour les premiers attouchements, 80 à 89.
00:54C'est le dieu vivant, c'est celui qui me permet de gagner.
00:58Je gagne beaucoup de matchs, j'enchaîne les victoires, la progression est assez fulgurante.
01:04J'ai vraiment l'impression d'être toute seule à vivre ce que je suis en train de vivre.
01:08Pour ma part, je savais que je n'étais pas la seule à qui c'était en train d'arriver
01:13ou à qui c'était arrivé.
01:14Parce qu'au contraire, je suis dans un milieu du tennis où finalement c'est permis, voire
01:20incité.
01:22Je suis dans un milieu du tennis fin des années 90 où le DTN est une personne qui
01:27a dans les 40 ans, et tout le monde dit dans le milieu du tennis qu'il a une relation
01:31avec une joueuse de 15 ans qui est au CNE.
01:35Je suis plutôt dans un monde du tennis où ça a l'air d'être quelque chose de normal.
01:39Cette normalité, cette norme qui est posée par les adultes, ce n'est pas aux enfants
01:43de la poser.
01:44Donc finalement, nous, ça nous paraît être quelque chose qui arrive.
01:47Maintenant, je sais qu'il en choisissait une finalement, qui allait rester avec lui
01:52toute seule pour rentrer ensuite avec lui en voiture.
01:55Et que c'est la dernière qui, ramassée, serait exposée après dans le KGB au viol.
02:03Je savais que plus ou moins, après un match, il y allait y avoir le débriefing dans la
02:07chambre d'hôtel et que j'allais subir ces viols.
02:10Son leitmotiv, c'était si tu me quittes, tu ne vas plus gagner et tu n'arriveras pas
02:16dans les meilleures joueuses au monde.
02:18Pourquoi il y a ce silence ?
02:19Parce que la société, à ce moment-là, elle n'est pas prête à entendre les victimes.
02:22Et surtout parce que mon père disait toujours une phrase, si un jour quelqu'un te fait
02:26du mal, je n'attendrai pas que justice soit faite, je lui mettrai une balle entre les
02:29deux yeux quitte à prendre 20 ans de taule.
02:30Et en fait, mon silence, en grande partie, c'est pour protéger ma famille.
02:35C'est parce que je sais que si je parle, il y a un risque que mon père aille en prison,
02:38que ma mère dépressive parte en hôpital psychiatrique et que ma petite sœur de 10
02:42ans parte en foyer.
02:43L'emprise se positionne assez rapidement quand même puisqu'il nous interdit de nous
02:47entraîner avec des joueurs masculins.
02:50On n'a pas le droit de sortir, on n'a pas le droit de vivre notre vie d'adolescente.
02:54Tout est contrôlé, tout est maîtrisé à tel point qu'il n'y a plus de vie à côté
03:00du tennis.
03:01Et même pour une sortie au cinéma, c'est impossible de la faire.
03:05Il faut demander l'autorisation à l'entraîneur.
03:07De Camaret avait construit une forme aussi d'emprise sur mes parents.
03:12Il a choisi ses proies aussi.
03:15Il savait avec qui il pouvait le faire ou pas.
03:18Quand tu dis qu'il a choisi ta famille, ce n'est jamais un hasard.
03:23Les proies sont choisies pour les failles qu'elles ont individuellement, mais aussi
03:27pour tout l'écosystème qui est autour d'elles.
03:29Cette emprise, c'est une emprise qu'il y a sur un jeune, mais c'est aussi une emprise
03:33qu'il y a sur une famille et plus largement sur une micro-société que représentent
03:37un sport, un club, une fédé, peu importe la grandeur de cet écosystème.
03:42Sur le coaching, ça me hantait et je n'avais plus envie de le regarder.
03:47Et quand je le regardais, oui, là, je voyais les viols.
03:51Et donc, c'est comme ça aussi que j'ai flanché, où je n'étais pas loin de battre
03:56les meilleurs au monde.
03:57Souvent, j'étais au-devant du score et que je basculais à un moment donné.
04:02Est-ce que ce n'est pas aussi un petit peu une forme de revanche que j'avais au plus
04:08profond de moi, en train de lui dire, en fait, je vais le perdre ce match ?
04:11Ça, c'est extrêmement important, je trouve aussi, parce que dans cette relation, relation
04:15entraîneur-entraîné, que je déteste, parce que ça veut dire qu'il y en a un qui est
04:18actif et un qui est passif et qu'il y a une relation ascendante, ça veut dire que finalement,
04:22ils décident et elle, elle n'a plus aucun libre-arbitre.
04:25Et ce libre-arbitre, évidemment, on le perd quand on est victime de viols asexuels, mais
04:29finalement, il s'étend dans cette relation qu'on a à cet entraîneur qui devient le
04:33dieu tout-puissant, comme tu l'as dit, et qui te fait être celle que tu ne veux pas
04:38devenir.
04:39Moi, c'était, il me demandait de tricher.
04:42J'avais un respect des règles absolues et quand il m'a demandé de tricher, que je n'ai
04:46pas fait, qu'il m'a abandonnée de nuit dans un club en Seine-Saint-Denis à 13 ans, et
04:51que la fois d'après, j'ai tellement peur que je triche, à ce moment-là, non seulement
04:54je suis davantage isolée des autres parce que je deviens la petite tricheuse, mais en
04:58même temps, je me renie au plus profond de moi, je ne suis plus celle que j'ai envie
05:02de devenir.
05:03Et c'est ça aussi, l'emprise, c'est cette destruction et le fait de vouloir imposer
05:07à l'autre sa vision.
05:08Et qu'est-ce qui fait qu'à un moment, vous parlez ?
05:11C'est finalement mes parents qui m'envoient travailler un petit peu sur mon mental et
05:15grâce à des massages et à du yoga et un peu de sophrologie, dès la première séance,
05:21les mots me montrent, l'émotion me traverse vraiment et c'est là où je décide de quitter.
05:28J'ai 19-20 ans, je me confronte à lui directement face à face, j'arrive à lui dire qu'en
05:37fait, je sais que ce qu'il m'a fait subir, ce sont des viols, que ça a duré bien trop
05:42longtemps.
05:43Je ne lui laisse pas la possibilité de reprendre le dessus sur moi, j'évite en tout cas d'écouter
05:49ce qu'il me dit.
05:50Et moi, cet électrochoc, si je réponds un petit peu pour faire l'évolution de mon
05:56histoire en miroir à celle d'Isabelle, il y a deux événements qui se suivent.
06:02La fois où je frappe ma soeur et c'est la première fois que j'ai un accès de violence
06:06envers quelqu'un, qui plus est envers la personne que j'aime le plus au monde et que
06:09je me suis jurée de toujours protéger.
06:11Et finalement, je me dis que je ne suis plus du tout celle que je rêvais d'être.
06:16Le deuxième événement, c'est que la semaine d'après, j'ai 14 ans et on m'offre un nouveau
06:19téléphone portable.
06:20Je sais que ce qui me raccroche à lui maintenant, c'est surtout le téléphone parce que j'ai
06:25réussi à couper tous les autres liens.
06:26J'ai réussi à dire que je ne voulais plus m'entraîner à Sarcelles, mais que à la
06:29Ligue.
06:30Donc, je le vois moins.
06:31J'ai réussi à dire que je ne voulais plus faire les tournois dans le 78, dans le 92,
06:34là où c'est lui qui m'emmenait parce que c'était à côté de chez lui.
06:37Et donc, je le vois moins aussi sur les tournois et où je dis je ne veux pas que tu viennes
06:42sur le championnat de France cette année.
06:43Ces deux événements font que j'ai le courage après de me dire je change d'entraîneur
06:48sans pour autant libérer la parole à ce moment-là, mais du moins de s'échapper de cette emprise.
06:52Et quelles ont été les conséquences sur vos vies après ?
06:54Tous les syndromes post-traumatiques qui surgissaient à n'importe quel moment du quotidien.
06:59Quand je voyais du surimi, une carte bleue, quand j'entendais Barry White, quand je voyais
07:03passer une golf, quand je voyais un chauve, quand je voyais des Marlboro Lights.
07:06Tout ce qui au quotidien me rappelle ces violences et ce moment et lui et cette emprise et cette
07:11domination.
07:12Et puis après, évidemment, tous les problèmes alimentaires ou pour contrôler quelque chose
07:18dans cette vie où je ne contrôlais plus rien.
07:20J'ai voulu contrôler jusqu'au nombre de grammes de pâtes qu'il y avait dans mon assiette.
07:24Je ne supportais plus prendre une douche, je ne supportais pas de me voir nue.
07:27Je ne supportais plus rien finalement de moi et de la vie.
07:30Et toi Isabelle ?
07:31J'arrête ma carrière en 97.
07:34Je me rends compte déjà que je subis des emprises d'autres personnes dans ma vie personnelle.
07:40Toute cette confiance que j'avais en moi, jeune, enfant, avec cette énergie que j'avais
07:46vraiment, où j'étais gêlée quoi, il me l'a enlevé au fur et à mesure.
07:51C'est des couches où on vous restreint, où on vous fait penser qu'en fait on n'est
07:57plus qu'une raquette, mais on n'est rien d'autre, que c'est grâce à lui qu'on gagne.
08:01Ils nous font croire que c'est ça une relation amoureuse, une relation affective.
08:05Finalement on se construit aussi en tant qu'adolescent avec l'image que c'est ça une relation
08:09affective.
08:10Toutes mes autres relations après, je les ai comparées à cette relation-là parce que
08:13je m'étais construite avec cette relation-là et donc je me disais toujours, oui mais elle
08:17est moins pire que lui.
08:19Toutes les personnes qui ont subi ces violences, statistiquement, combien aujourd'hui sont,
08:24soit avec des personnes beaucoup plus âgées qui reproduisent un schéma, combien même
08:28elles soient consentantes aujourd'hui, avec des personnes avec qui il y a une différence
08:32d'âge énorme, ou des femmes qui aujourd'hui ne sont plus avec des hommes, est-ce qu'elles
08:36auraient été avec des hommes ou non ? Et je dis ça parce que je sais que nous deux,
08:41pour le coup, c'est une de nos constructions aussi.
08:43J'avais un petit amoureux qui me suivait depuis longtemps, il est à fond derrière
08:47moi et c'est là où je me rends compte que je ne peux pas avoir de relation sexuelle
08:52avec un homme.
08:53C'est fini.
08:54Terminé.
08:55Et je lui dis que je ne peux pas te demander de vivre avec moi si c'est pour pas qu'on
08:59puisse avoir de relation.
09:00Je ne peux pas te faire subir ça.
09:01Ces viols, tu les as quantifiés autour de 400, pour moi c'est incapable de quantifier.
09:06Ça a duré 9 ans, mais c'est un vrai traumatisme pour toute la vie.
09:11On ne peut pas l'oublier parce que beaucoup de gens te disent à un moment, mais en fait
09:15tu peux passer à autre chose là maintenant ? Non, je ne peux pas passer à autre chose.
09:19Parce que l'actualité, parce qu'une odeur, parce qu'un visage, parce que quand je vois
09:25Jean-Paul Hotte, j'ai des difficultés, quand M. Chatrier n'est plus là, mais je sais
09:31qu'à un moment donné, beaucoup de ces gens ont baissé les yeux.
09:36C'est-à-dire toi, à qui tu as essayé de parler ?
09:38Dans les années 91-92, j'entends des bruits comme quoi une ou deux joueuses se plaindraient
09:45de ces actes.
09:46Et là je me dis, ils continuent.
09:49Et je vais dire exactement tout ce que j'ai subi et je vais en parler au président de
09:53la Fédération.
09:54Il faut qu'il sache.
09:55Et les joueuses m'ont dit, on vient avec toi.
09:58Je vais dans le bureau de Philippe Chatrier, le président de la Fédération française
10:03de tennis.
10:04Avec Jean-Paul Hotte, ils sont un peu terrifiés quand même de ce que j'annonce.
10:08Mais ça ne va pas plus loin, en fait, puisqu'on se rend compte que rien n'est fait, parce
10:15que c'est le Dieu vivant, parce qu'il entraîne la meilleure joueuse française à ce moment-là,
10:20qu'il y a des gros résultats, que c'est la tête d'affiche du tennis français, et
10:24qu'à partir de là, on ne va pas… Et après, on va mettre ça sur la maladie qu'avait
10:32Philippe Chatrier avec la maladie d'Alzheimer.
10:35Cette emprise, effectivement, elle est tellement imprégnée dans cet écosystème qu'est
10:41la fée des tennis, ou à plus petite échelle, un club, à ce moment-là, il avait tous les
10:46pouvoirs.
10:47Cet entraîneur, il est omnipotent, c'est-à-dire que personne ne lui dit à un moment donné
10:50« non, ce n'est pas bien ». On l'excuse soit parce que c'est son caractère, soit
10:54parce qu'on a peur de lui, soit parce qu'il ramène des titres.
10:57Et cette phrase, elle revient tellement souvent « il entraînait la meilleure française
11:01». Moi, c'était « s'il n'est plus là, on ne sera plus le club numéro un ».
11:05C'est fou à quel point le sport et les personnes qui ont dirigé ce monde sportif
11:13ont laissé, au prix de médailles, des enfants avoir des vies brisées.
11:18Et moi, je dis souvent, des médailles avec de la sueur, oui, mais avec du sang et des
11:22larmes, non.
11:23C'est une société qui ne vous croit pas, en fait.
11:28Tu as vraiment la sensation qu'ils ne t'ont pas cru ou ils t'ont cru mais ils n'ont
11:31pas voulu prendre la responsabilité de faire quelque chose.
11:34C'est vrai que je ne peux pas répondre à ça.
11:39Parce que moi, j'ai grandi avec ton histoire, mais les adultes n'ont jamais parlé aux
11:45enfants à ce moment-là.
11:46Il n'y avait aucun adulte au sein de la fédération ou autre qui s'est dit « il
11:51y a ce sujet, il faut qu'on protège la génération d'après pour pas que ça arrive.
11:55» Et en 2007, quand tu sors ton livre, moi, j'ai 20 ans et à ce moment-là, je ne me
12:02tourne jamais vers mon passé.
12:03Je suis en train de faire trois masters en même temps pour ne pas avoir une seconde
12:08de réflexion et de vide dans ma journée.
12:10Et ça ne te fait pas écho du tout ?
12:11À ce moment-là, je me dis que moi aussi, il faudra que je parle un jour.
12:14Mais à ce moment-là, ma soeur a 18 ans, elle est toujours chez mes parents, elle n'a
12:18pas encore son bac.
12:19Et encore une fois, comme 8 ans plus tôt, je me dis que si je parle, ça va être trop
12:23tôt pour eux.
12:24Et c'est pour ça que c'est aussi difficile pour moi au quotidien aujourd'hui, c'est
12:27de me dire que parce que j'ai fait le choix de ma famille, j'ai choisi de ne pas protéger
12:32les suivantes.
12:33Et pour moi, c'est cette culpabilité que j'ai de me dire que j'ai fait ce mauvais
12:37choix et que j'ai permis à ce qu'il y ait d'autres victimes, même si je sais
12:39que ce n'est pas moi l'agresseuse et je ne dois pas porter cette culpabilité.
12:42Moi, ça me fait drôle quand je t'entends me dire ça.
12:46C'est comme si moi, j'aurais dû parler à 13 ans en me disant qu'il m'arrive ça
12:51et de me dire qu'on était 25 victimes, plus toutes celles qui n'ont pas parlé,
12:56plus toutes les joueuses qui n'ont pas pu parler parce que cet entraîneur couchait
13:01avec leur maman.
13:02Donc ça, ça a été réel.
13:03Ça permettait aussi que ça coûte moins cher.
13:06Ça faisait partie du deal.
13:07Moi, il m'a choisi moi, il n'a pas choisi ma maman, mais c'était souvent comme
13:11ça que ça se passait.
13:12Et du coup, tu ne peux pas prendre la lourdeur de tout ça, en fait.
13:16Cette parole, elle vient quand elle vient.
13:19Moi, elle est sollicitée très longtemps après, à mes 40 ans, par un médecin qui
13:24me dit vous avez des séquelles.
13:26Et c'est là où je prends conscience que j'ai des séquelles physiques.
13:30Il me dit vous avez dû subir des viols dans votre enfance et votre père.
13:34Je dis bah non, bah oui, ce n'est pas mon père.
13:37Et bah oui, j'en ai bien subi.
13:39Et c'est là où je commence ma démarche et c'est là où je décide de porter plainte.
13:43Et c'est là où j'appelle un avocat et que l'avocat me dit too late.
13:47Il y a des combats qui vont être des combats législatifs aussi et faire évoluer la loi
13:51sur différents points.
13:52Le premier, c'est sur les prescriptions.
13:54Parce que comme elle n'a pas été partie civile, elle ne peut pas avoir de dédommagement.
13:59Et ça, c'est une violence supplémentaire.
14:01Et donc voilà, parce que je n'ai pas eu d'amnésie traumatique, parce que j'ai parlé
14:05à temps, c'est peut-être encore plus de ma responsabilité d'être là pour les victimes
14:10qui n'ont pas pu être entendues par la justice.
14:12Et je trouve que c'est anormal qu'il n'y ait pas de prescription.
14:15Aujourd'hui, en France, il n'y en a qu'un seul, c'est le crime contre l'humanité.
14:18Et à mon sens, c'est un crime contre l'humanité parce que quelque part, détruire les enfants,
14:22c'est détruire la génération de demain.
14:24Et c'est aussi dire aux victimes, on sera toujours là pour vous écouter et pour vous
14:29rendre justice, même si vous parlez dans 40 ans, dans 50 ans, parce que vous n'avez
14:33pas pu parler avant, parce que vous aviez oublié, parce que vous ne vouliez pas parler
14:36devant vos parents, vous avez attendu qu'ils décèdent, etc.
14:40Et parce qu'aussi, ça serait une épée de Damoclès supplémentaire au-dessus de l'agresseur
14:44de se dire, tu ne vas pas être tranquille dans 25 ans et c'est quelque chose qui va
14:48te poursuivre toute ta vie.
14:49Nous, c'est la première question qui a été posée par le juge quand je suis arrivée
14:52à la barre.
14:53Pourquoi vous avez demandé à ce qu'il n'y ait pas un huis clos ? Et je lui ai dit
14:56parce que cette histoire nous dépasse, que c'est l'histoire de la société.
14:59Parce que la pote de mon local technique était fermée, celle-ci resterait ouverte.
15:03Parce qu'on nous a fait taire tellement longtemps, aujourd'hui, il faut qu'on le
15:06crie au monde.
15:07Et l'attitude de la fédération ? Parce que toi, Isabelle, on t'a quand même dit
15:10que tu s'haïssais de ton sport.
15:11Tu espérais, je crois, un poste que tu n'as pas eu parce que tu avais parlé ?
15:14Oui, oui, le plus dur, ça a été face au DTN de la fédération.
15:20Il cherchait un poste sur le tennis féminin et il m'a dit qu'en fait, on peut s'arrêter
15:25tout de suite parce que je ne pourrais pas te choisir parce que dans la tête des gens,
15:29on voit plus la femme violée que tu as été, que la joueuse de tennis et ta carrière.
15:33Et aujourd'hui, la fédération de tennis, c'est Nelly ou pas ?
15:36Je trouve que cette période 2016-2020, la fédération française de tennis a non seulement
15:41enfermé à coup de pas, mais a en plus essayé de se dire, il faut qu'on ait une mue.
15:44Et après, il y a un changement de président et ça fait quatre ans du coup.
15:48Et je trouve que là, en quatre ans, il n'y a pas assez de choses qui ont été mises
15:51en place.
15:52On s'est fait rattraper et j'ai même l'impression aujourd'hui qu'on est en retard sur beaucoup
15:56de fédés.
15:57Et on ne peut pas, le tennis, être en retard.
16:00C'est la deuxième plus grosse fédé de France, c'est la fédé de France qui a le plus de
16:04budget, 490 millions de budget.
16:07Une des responsabilités du tennis, c'est d'être à la fois un exemple pour toutes
16:12les fédés, pour le sport français, mais aussi d'utiliser cet argent qu'ils ont grâce
16:16à Roland-Garros pour le redonner aux licenciés.
16:19Et les licenciés, leur redonner de quelle façon ? Une des façons, c'est de les protéger.
16:23Et je crois qu'aujourd'hui, la Fédération française de tennis, elle n'a pas pris la
16:26mesure de l'ampleur.
16:281,2 millions de licenciés, ça veut dire 470 000 mineurs, ça veut dire 70 000 victimes
16:35statistiquement.
16:3670 000 enfants dans le monde du tennis actuellement est victime de violences sexuelles.
16:42Je n'ai pas du tout l'impression, quand on échange avec la Fédération française
16:46de tennis, qu'ils mesurent ce que ça représente.
16:49Et à Roland-Garros, tu n'étais pas invitée ?
16:50Non, je n'ai pas eu de… Mais ça, bon, à la limite, ce n'est pas tant personnellement…
16:53Oui, mais bien sûr, mais ce n'est pas tellement… Personnellement, je n'ai pas eu de badge
16:58à titre personnel.
16:59On s'en fiche que Angélique Cauchy ait un badge, je m'en fiche complètement.
17:01C'est juste que je représente l'association Rebond, qui est une des associations sur ce
17:06sujet-là du moins, qui est l'association qui a une convention avec la Fédération française
17:10de tennis.
17:11C'est un moment idéal pour sensibiliser tous les présidents du club qui viennent,
17:15parce qu'ils sont invités à Roland-Garros, de sensibiliser tous les sponsors qui mettent
17:19énormément d'argent dans le monde du tennis, mais qui doivent aussi participer à améliorer
17:25ce sport.
17:26C'est bien gentil de donner son argent, par exemple, pour avoir un gros NJ, BNP ou
17:31accord sur une bâche, quand on sait qu'Isabelle Aimant s'est fait violer derrière cette
17:34bâche.
17:35Moi, la question aujourd'hui que je me pose, c'est est-ce que la Fédération française
17:39de tennis et Roland-Garros n'ont pas peur d'écorner leur image avec ces sujets-là.
17:44Je vais prendre un dernier exemple, c'est l'année dernière, j'aurais proposé de
17:48créer un clip de sensibilisation avec l'association, avec des partenaires, notamment NJ, qui disait
17:53on finance le clip et qu'il serait passé à Roland-Garros sur les panneaux.
17:57Et finalement, au dernier moment, on nous a dit non, il n'y a plus de panneaux publicitaires
18:00à Roland-Garros de disponible pour diffuser le clip, 20 secondes, trois fois par jour,
18:06quand on entend le perrier toutes les deux minutes pendant dix heures.
18:10Il faut qu'elle y aille, à fond, parce que la tête de cette thématique, elle est incroyable,
18:21elle a une puissance énorme, elle est jeune, moi je suis fatiguée en fait de tout ça.
18:25Moi, aujourd'hui, je suis tellement contente qu'on, par Nouvelle Hopse, on arrive à
18:31avoir cet échange parce qu'il y a eu tellement de non-dits, tellement de barrages invisibles,
18:36les gens à qui ça sert de nous savoir diviser, d'où les victimes, que tout ça, ça saute
18:42aujourd'hui.
18:43Tu sais quoi ? Ils ne vont plus avoir le choix maintenant, on est unis, donc on va travailler
18:48dessus et je pense qu'on a quelques idées avec Angélique.
19:01Merci d'avoir regardé cette vidéo !