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Des radars bâchés sur les routes, du lisier et des panneaux communaux symboliquement déposés devant des préfectures…. Moins d’un an après un mouvement d’ampleur historique, les agriculteurs en colère multiplient à nouveau les actions et mettent la pression sur le gouvernement. Toujours mobilisés sur la question des revenus, ils dénoncent les promesses non tenues. En cause aussi, la possible signature du traité de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. De l’Oise au Gard, reportage de Régis Desconclois, Jérémy Muller, Fanny Morel, Mael Jeanthon, Quentin Baulier, Simon Terrassier, Pauline Sarrafy et Manuella Braun

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Transcription
00:00A l'autre bout du pays, Marie-Lyne pourrait aussi se joindre au mouvement.
00:05Écoeurée par le sentiment d'abandon.
00:09Il y a deux ans, cette mère au foyer décide de se lancer dans l'élevage d'ovins.
00:15Donc voilà, là on arrive sur le site. Attention à la boue.
00:19Avec son compagnon Ludovic, ils sont à la tête d'une exploitation d'une cinquantaine de bêtes.
00:24Avaient-elles conscience en se lançant que ce travail serait si difficile ?
00:28Elles n'avaient en tout cas pas anticipé un fléau majeur, les risques de maladie sur son cheptel.
00:35Depuis le mois d'avril, la FCO, la fièvre catarale, décime son troupeau.
00:40Sur les 50 bêtes que comptait son élevage, 15 sont déjà mortes.
00:46Ça c'est toutes mes brebis, les dernières que j'ai achetées.
00:50Là on voit un petit mâle et voilà la brebis que j'ai veillée toute la nuit.
00:54Ce jour-là, une des brebis est allongée, affaiblie.
00:58Marie-Lyne craint qu'elle ne passe pas la nuit.
01:01J'ai pris sa température, la température était élevée, elle avait 40 de fièvre.
01:07Et là franchement, je crois que c'est le côté le plus dur de ce métier,
01:13c'est de voir nos bêtes et de ne pas pouvoir l'aider.
01:19D'ici ce soir, elle sera morte, je pense.
01:23Même en essayant de tout faire, tout faire vraiment pour qu'elle s'en sorte.
01:29Un déchirement pour Marie-Lyne et Ludovic, alors que des vaccins existent.
01:35Mais ils sont toujours en rupture de stock.
01:39Je suis impuissante, je suis en colère en même temps,
01:44parce que je m'y mets.
01:45Je suis en colère en même temps,
01:48parce que je me dis qu'on aurait sûrement pu éviter ça,
01:53éviter toutes les morts avec un vaccin, juste un vaccin.
02:04En attendant, c'est à ça que ressemble son quotidien.
02:11Toujours à l'affût du moindre symptôme.
02:15Non, ça c'est pas joli du tout.
02:17Une nouvelle bête semble touchée.
02:19Celle-là, elle mousse.
02:21Ça veut dire quoi ?
02:23Je pense que c'est les premiers signes de la FCO.
02:25Elle a énormément de boutons.
02:27Ouais, c'est pas beau.
02:30Pour pouvoir veiller sur ses animaux jour et nuit,
02:33elle s'est même installée dans ce mobilhome.
02:39Plusieurs fois par semaine, elle appelle le GDS,
02:42une organisation agricole chargée des questions sanitaires.
02:45Pour avoir des nouvelles du vaccin.
02:47La France vient de commander 2 millions de doses supplémentaires.
02:52Allô ?
02:54Allô, bonjour, excusez-moi de vous déranger,
02:56je suis Marine Ingrès de la bergerie de Miémar à Roquemort.
02:58Oui ?
03:00J'aurais voulu avoir des renseignements sur la disponibilité des vaccins FCO.
03:05Il faut que vous voyez ça avec votre vétérinaire sanitaire,
03:08ou la DDPP.
03:10Mais nous, au GDS, on n'a pas d'informations sur la disponibilité.
03:14D'accord, ok.
03:16Au téléphone, le ton est froid, lapidaire.
03:20Un sentiment d'abandon et une situation économique
03:23qui empirent à mesure que l'épidémie dure.
03:26Chaque bête qu'elle perd représente un manque à gagner de 250 euros.
03:32Pour nous, elle a fait les comptes.
03:38Donc là, vos frais fixes, ça représente combien pour moi ?
03:41695 euros.
03:43700 euros par mois.
03:45Et ça, c'est tous mes frais fixes.
03:47Donc c'est le téléphone portable, le loyer, l'eau, l'électricité,
03:51l'assurance habitation et l'assurance pour ma voiture.
03:54Et là, vous ne comptez pas de quoi vous nourrir ?
03:57Non, je ne compte pas du tout de quoi me nourrir.
04:00De toute façon, si jamais, en faisant le calcul,
04:03j'ai 100 euros pour me nourrir ma fille et moi dans le mois,
04:07c'est mission impossible.
04:13Elle se donne jusqu'à l'année prochaine pour redresser la barre.
04:16Sinon, il faudra revendre ses bêtes, un crève-cœur.
04:21Alors pour joindre les deux bouts,
04:23Marilyn vient de commencer une deuxième activité.
04:28Je change mes chaussures parce que du coup, c'est deuxième travail,
04:33deuxième journée de boulot qui commence.
04:35Je suis vendeuse en boulangerie, boulangerie-pâtisserie.
04:39Combien de temps par semaine ?
04:40Je suis à mi-temps, je suis à 25 heures par semaine.
04:44Donc c'est tous les après-midi et le week-end, le matin.
04:50Le matin auprès des bêtes, l'après-midi derrière le comptoir.
04:55Ça fait 3 euros, s'il vous plaît. Merci.
04:58Des doubles journées pour Marilyn.
05:01Ça permet de voir des humains, de pouvoir discuter avec des gens.
05:04Oui, ça fait respirer, ça fait du bien au moral parce que là,
05:07je me sens utile parce que là, j'ai un travail où je sers les gens,
05:13où il y a de la reconnaissance, je discute avec les gens.
05:17Et puis à la fin, il va y avoir un salaire.
05:19Alors qu'avec les brebis, je ne travaille pour rien.
05:23Je suis esclave et je n'ai aucune rémunération.
05:29Donc ça permet quand même, ça fait souffler.

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