La fille cadette du journaliste littéraire disparu en mai dernier publie avec sa sœur Agnès « Bernard Pivot – Le goût des autres » aux éditions Calmann-Lévy. Un livre de photos et d’écrits qui témoignent de la passion de la vie du présentateur d’Apostrophes.
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00:00Votre invitée média, Céline Baydar-Couret, est écrivaine, elle signe avec sa sœur Agnès
00:08le livre « Bernard Pivot, le goût des autres » aux éditions Calman-Levy.
00:12Elle est la fille du journaliste disparu en mai dernier.
00:14Bonjour Cécile Pivot.
00:15Bonjour Céline.
00:16C'est un recueil de photos de votre père que vous avez soigneusement sélectionnées
00:20et accompagnées de textes qu'il a écrits, des extraits de ses livres, de ses interviews,
00:24de ses tweets, même, parce qu'il tweetait beaucoup.
00:26Il y a aussi des témoignages de gens qui l'ont côtoyée.
00:28Faire ce livre, Cécile, c'était une façon de passer encore du temps avec lui ?
00:32Oui, j'ai passé beaucoup de temps avec lui cet été, au milieu de journaux, de photos,
00:39tout le concernait en effet.
00:40J'ai regardé pour écrire les textes beaucoup d'Apostrophes à nouveau, beaucoup de Bouillants
00:46de culture, des interviews qu'il avait données.
00:49Et j'avais gardé, en fait, quand il avait arrêté, c'est vous dire comme j'étais
00:52fière de mon père, quand il avait arrêté Apostrophes et quand il avait arrêté Bouillants
00:56de culture.
00:57Beaucoup de journaux avaient consacré la couverture à Bernard Pivot ou en tout cas
01:02un article à l'intérieur de leur journaux et j'avais acheté toute la presse.
01:05Donc, j'avais déjà ce premier matériau pour m'aider pour les textes et les photos,
01:11ce sont des, proviennent pour la plupart d'albums photo que ma soeur Agnès lui avait fait,
01:17que lui ne regardait jamais parce que mon père n'était pas un nostalgique.
01:20Donc, il y avait les albums par thématique, Le Beaujolais, Ouvrez les guillemets, Bouillants
01:25de culture, Apostrophes, les vacances, le foot absolument, le sport et donc je me suis
01:33vraiment aidée.
01:34Le livre était là en fait.
01:35Oui.
01:36Ce n'est pas douloureux de se replonger dans les photos de son papa qui vient de partir ?
01:39Alors si, ça a été très douloureux.
01:41Alors j'ai ri parfois quand même parce qu'il y avait des textes qui étaient drôles et
01:44puis il n'était pas dépourvu d'humour.
01:46Mais si, ça a été difficile, bien sûr que ça a été difficile d'entendre sa voix.
01:52Ça a été peut-être le plus douloureux pour moi et en même temps, j'étais toujours
01:58contente de le revoir dans des émissions où il riait, où il était enjoué.
02:02Plein de vie ?
02:03Voilà, absolument plein de vie.
02:04Donc, c'était les deux en fait et je pense que le deuil, c'est souvent ça.
02:08Oui, on revoit les bons moments et puis la personne nous manque terriblement.
02:11Mais moi, j'estime que j'ai cette chance-là, c'est-à-dire que je peux revoir mon père
02:16tant que je veux, je peux le revoir heureux et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
02:22Quelle est la photo qui vous touche le plus ?
02:24Alors, c'est la photo que ma sœur m'a donnée un peu dans la deuxième partie du
02:29travail effectué sur ce livre.
02:31Je ne sais plus de quoi on parlait.
02:32Elle m'a dit, attends, je vais peut-être… Regarde si cette photo te conviendrait pour
02:35le livre.
02:36Et c'est une photo d'un voyage familial qu'on a fait avec mes parents à Prague
02:41et mon père, et c'est ma sœur qui a fait la photo, et mon père est au premier plan,
02:45et ma mère au second plan.
02:46Et c'est une photo où il regarde l'objectif, c'est au cimetière juif de Prague, il a
02:54une rose à la main, un carnet dans l'autre, il va aller déposer cette rose sur la tombe
02:58de Kafka.
02:59Et j'aime beaucoup cette photo parce que je pense que je ne m'en souvenais plus, ou
03:02peut-être même que je ne l'avais jamais vue.
03:04Et je me demande ce qu'il passe dans son visage, en fait, dans ses yeux, je ne sais
03:08pas exactement.
03:09Il a un carnet, un calepin et un stylo dans la main gauche, et je me demande aussi qu'est-ce
03:13qu'il a écrit.
03:15Vous lui aviez parlé de votre envie de faire un livre sur sa vie ?
03:19Pas du tout.
03:20Alors très sincèrement, cette envie est vraiment venue quand je suis retournée pour
03:23la première fois toute seule dans son appartement, dans son bureau, j'étais face à sa bibliothèque
03:30et j'ai vu ses albums, qui étaient là, qui n'étaient pas cachés, mais qu'on
03:34n'avait jamais regardé ensemble parce que ça ne s'y prêtait pas du tout.
03:39Mon père n'était pas dans la nostalgie, il ne nous disait jamais, tiens si on regardait
03:42des photos ensemble, je pense que même que si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait
03:46bazardé les photos et les albums, ça on le connaît avec ma sœur, il n'était pas
03:50du tout là-dedans.
03:51Alors il y a eu ouvré les guillemets, bien sûr, comme émission télé, apostrophe, bouillon
03:54de culture, il a reçu tous les grands écrivains du monde, mais aussi des acteurs, des politiques,
03:58des réalisateurs.
03:59A votre avis, Cécile Pivot, s'il ne devait retenir qu'un seul invité, ce serait lequel
04:03? Il vous l'avait dit ça ?
04:05Non, il ne me l'avait pas dit, je ne suis pas sûre qu'il vous aurait…
04:09Il y en avait beaucoup, peut-être Solzhenitsyn, évidemment, il a été très fier de recevoir
04:15plusieurs fois Solzhenitsyn.
04:17John le Carré, alors moi je pense que c'est mon émission préférée, l'une de mes émissions
04:23préférées, c'est quand il est sur le plateau et il raconte… John le Carré est à sa gauche,
04:28on voit qu'il est à sa droite, il est très fier d'avoir enfin réussi à voir John
04:33le Carré sur le plateau.
04:34Il raconte l'histoire d'une cravate qui a eu lieu entre deux, où ils se sont échangés
04:37une cravate.
04:38Et j'aime beaucoup cette émission parce qu'on voit que mon père est très heureux
04:43d'avoir John le Carré enfin dans son émission, et on voit à quel point il est doué pour
04:47raconter une histoire, voilà, j'adore cette émission.
04:50Donc, il y a eu John le Carré, il y en a eu tellement, Nabokov, évidemment, il a été
04:55très heureux, il a été très heureux de faire un Tête à Tête avec Ursonaar, avec
05:00Marguerite Duras, donc je ne suis pas sûre qu'il n'aurait choisi qu'un.
05:03C'est difficile de choisir en tout cas.
05:04Aucune.
05:05Vous consacrez un chapitre aux journaux, aux papiers, parce que vous avez beaucoup de photos
05:10de votre papa en train de lire un journal.
05:12C'était un rituel, ça, tous les jours ? Et plus chez la presse ? Il faisait ça dès
05:14le matin ?
05:15C'était son rituel.
05:16Jusqu'à l'avant-dernier jour, il a demandé la presse.
05:21L'équipe, surtout, parce que c'était la fin de l'histoire.
05:26En premier lieu, l'équipe, absolument, mais depuis très jeune, et sa passion du journalisme
05:31est venue là.
05:32Mon père ne savait pas quoi faire quand il avait 20 ans de sa vie, pas du tout.
05:34Un élève moyen ?
05:35Un élève très moyen, assez dilettante, pas inquiet de son avenir, absolument pas.
05:40Et c'est vraiment quelqu'un qui lui dit, mais toi qui passes ton temps à lire la presse,
05:44pourquoi tu n'en fais pas ton métier ? Et c'est là que je dis, bah oui, pourquoi pas.
05:48Et il prend le train pour Paris, il habite à Lyon, il prend le train pour Paris, il
05:52tente le cours du CFJ, du Centre de formation des journalistes, il réussit haut la main.
05:57Et là, il devient un excellent élève, puis un excellent journaliste.
06:01Mais la presse, oui, et son grand bonheur, c'était d'aller deux fois par jour au kiosque
06:06à journaux pour acheter des livres, bien sûr.
06:09Et c'est vrai que quand il a perdu en autonomie et qu'il n'a plus pu aller au kiosque,
06:14ça a été pour lui une grande peine.
06:15Parce qu'il ne s'était pas mis au numérique ?
06:17Non.
06:18Pas pour les journaux, alors, pour Twitter.
06:20Et oui !
06:21Vraiment.
06:22Alors si, ça lui arrivait, bien sûr.
06:23Quand il était à l'étranger, il lisait la presse, mais il aimait ça, il aimait aller
06:28au kiosque, il aimait choisir les journaux, il aimait discuter avec le vendeur de journaux,
06:33il aimait tout ça.
06:34C'était un vrai rituel et il en aimait tous les stades.
06:37Quel papa était-il ? On connaît le journaliste, on connaît l'homme de télé, mais le papa ?
06:41Alors, c'était un papa très absent, physiquement là, parce qu'il travaillait dans notre appartement
06:48familial, donc il était là.
06:50Ça a été un papa extrêmement gentil, mais très absent du temps d'« apostrophe ».
06:56Et quand on est devenus de jeunes adultes avec ma sœur, c'est devenu un père, je
07:02dirais, très présent, qui a regretté d'avoir été absent, mais il n'aurait pas pu faire
07:06autrement, et voilà, tout allait bien.
07:08Et après, il a été très présent.
07:12Ce titre, « Le goût des autres », pourquoi ? C'est ce qui résume le mieux Bernard Pivot ?
07:18Alors, le titre m'est venu tout de suite.
07:20Il n'est pas d'une originalité folle, il a déjà été utilisé.
07:25Moi, ça a été tout de suite.
07:27Je n'en ai pas trouvé d'autre pour caractériser mon père, parce qu'il avait le goût des
07:31autres, il avait le goût des mots, des livres, il avait le goût du Beaujolais, il avait
07:35le goût du sport, du football, mais de tous les sports.
07:38C'était l'homme le plus curieux que je connaisse, donc « Le goût des autres », pour
07:43moi, il n'y avait pas un titre qui pouvait mieux le qualifier que celui-ci.
07:47Un très beau titre et un très beau livre, et pas cher du tout, il faut le préciser,
07:51parce qu'il y a des très très belles photos, un très beau papier.
07:54Merci beaucoup d'être venue nous en parler, Cécile Pivot.
07:56Merci à vous.
07:57Et ça s'appelle donc « Bernard Pivot, le goût des autres », un livre d'Agnès et
08:01Cécile Pivot, publié aux éditions Calman-Lévy.