Réalisateur, Julien Colonna est l'invité Nouvelle tête de ce lundi 11 novembre. Son premier film "Le Royaume" sera en salles dès mercredi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-lundi-11-novembre-2024-2000477
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00:00Les Nouvelles Têtes, Mathilde Serrel ce matin, votre invité est un réalisateur, scénariste,
00:05photographe, autodidacte, Julien Colonna, je prononce comme ça, est dans notre studio.
00:11All that she wants is another baby, she's gone tomorrow boy, all that she wants is another baby.
00:21Saxo, bonjour Julien Colonna, grâce à vous nous voilà de retour dans les années 90,
00:26vous vous y teniez à cette musique d'Ace of Base dans les débuts du Royaume, votre premier long-métrage qui sort après-demain ?
00:32Une vraie obsession.
00:34Alors on précise, il y a un problème d'extinction de voix ce matin, donc on vous accompagne, on chemine.
00:39On entend en effet Ace of Base, le Royaume est présenté au dernier Festival de Cannes, catégorie incertains regards.
00:44Il a fait beaucoup parler de lui et The Hollywood Reporter n'a pas hésité à comparer votre film au parrain de Coppola.
00:50Réaction ?
00:51C'est beaucoup.
00:53Toujours plateur mais un peu écrasant.
00:56C'est vrai que toute l'équipe de La Matina, les fans de votre film, nous en parle depuis des semaines et des semaines.
01:02Moi pas, mais il n'est pas vu en fait.
01:04Il faut aller le voir, vous vous le présentez comme un antichine de voyous, vous ne vouliez pas glorifier ces hommes-là justement.
01:11Non, l'idée était de montrer justement peut-être un reflet plus fidèle de ces hommes-là, les montrer dans leur fragilité, dans leur peur,
01:17dans leur vie de bête traquée qui alterne entre la chasse et la traque, entre la chasse et la cache aussi.
01:24Mais c'est vrai que je crois que trop de films avant celui-ci ont montré ces hommes-là héroïsés, sacralisés.
01:31Et là l'idée était de les montrer de manière un petit peu différente.
01:34Alors c'est à la fois extrêmement nouveau dans la mise en scène, dans le récit et totalement universel.
01:39Bravo, c'est vrai que c'est un très beau film de cinéma, c'est-à-dire du langage à l'image,
01:44avec des acteurs non professionnels que vous avez cherchés partout en Corse, trouvés et formés.
01:48Ça se passe dans le milieu Corse, celui qu'on voit dans les journaux criblés d'assassinats et de règlements de comptes.
01:54Nous sommes à l'été 95, il y a une fillette jeune ado qui retrouve son père,
01:57chef de l'un des clans de l'île en planque dans le maquis.
02:00Ils vont voler au destin quelques moments ensemble, jusqu'à ce que les choses s'accélèrent et partent en cavale.
02:05Une sorte de road movie où l'attention vient autant de la relation père-fille que des menaces qui pèsent à l'extérieur.
02:11Avec cette question, est-ce qu'ils vont s'apprivoiser ? On écoute un extrait de la vente d'annonce.
02:16« Je ne pensais pas être père un jour. J'étais sûr de mourir jeune.
02:22C'était impossible que je puisse te connaître. Et tu es le soleil de ma vie depuis 15 ans. »
02:26« Oh, Amédiou, gars ! »
02:29« L'explosion de la voiture piégée qui a fait 4 blessés d'antingrave s'est produite peu avant 22h dans le centre-ville d'Ajaccio. »
02:36« C'est pas normal. C'est le début de quelque chose. »
02:41C'est le début de quelque chose, à la fois dans la traque du père et en même temps dans la relation père-fille.
02:46Pourquoi c'est presque plus important que ce qui se passe autour, cette relation entre le père et la fille ?
02:52Je crois que c'est aussi par ce prisme-là qu'on a abordé le récit avec Jeannery, ma co-autrice,
02:57où on a souhaité faire résonner ce film dans l'universel et la relation filiale étant ce qu'il y a probablement de plus universel.
03:03Et comme je le disais juste avant, trop de films sur ce milieu ont été traités par l'intrigue classique du film de Voyoux,
03:11la guerre des territoires, la guerre des clans. Et là c'était justement plus un décorum.
03:17On a voulu mettre cette intrigue-là au second plan, voire à l'arrière-plan pour laisser émerger autre chose au premier plan
03:22et laisser émerger peut-être un récit sur les conséquences de ces choix de vie-là sur les proches.
03:27C'est ça, c'est une enfant, une ado et on voit tout du point de vue de la jeune fille dans ce monde masculin.
03:32Ça permet vraiment d'amener cette question, cet angle mort des films de Voyoux au cinéma,
03:37comment les proches peuvent supporter ces choix de vie et ça dépasse même la question du milieu de mafieux.
03:42Non, c'est plus large que ça. Comment est-ce que quand on choisit quelque chose,
03:46on embarque tout le monde dans un fatum, dans un destin autour de soi ?
03:50Oui, cette histoire se passe en Corse mais elle aurait pu se passer ailleurs.
03:56Définitivement, on parle du milieu mais on aurait pu parler de nationalisme,
03:59on aurait pu parler de plein d'autres choses en fait.
04:02Cette histoire se passe en Corse mais elle aurait pu résonner dans l'universel bien ailleurs.
04:06On va écouter une scène entre le père et la fille, une scène de pêche.
04:36Ça a mordu !
04:38On l'aura compris, les questions n'ont souvent pas de réponse.
04:41Giovanna Benedetti et Saverio Santucci, qu'on entend, ce sont des acteurs que vous êtes allés chercher,
04:46je crois pour Saverio, au fond de la Corse.
04:49Car il y a un fond. Comment vous les avez formés ?
04:52Ce ne sont même pas des acteurs en fait, c'est des non-acteurs.
04:55C'est les acteurs aujourd'hui.
04:57Aujourd'hui, ils sont devenus par la force des choses, tous issus de la société Corse.
05:02Déjà, ils se sont formés dans le processus du casting,
05:05puisqu'on les a vus à maintes et maintes reprises avant de les choisir et les sélectionner.
05:08Il y a eu plusieurs callbacks.
05:09A chaque casting, je rajoutais des scènes pour tester aussi leur capacité de travail.
05:13On testait aussi évidemment leur sensibilité et surtout, j'essayais d'envisager quelle était leur nature profonde.
05:18Parce que quand on travaille avec des non-acteurs,
05:20il faut aussi prendre des personnes qui soient très proches de la caractérisation des personnages qu'on cherche,
05:25de sorte à ce qu'ils évitent de composer.
05:28Il faut juste qu'ils soient et qu'ils essayent d'être dans l'instant
05:31et qu'ils comprennent les enjeux émotionnels de ces choses-là.
05:34Et donc ensuite, une fois qu'ils ont été choisis,
05:36on a fait beaucoup de travail de répétition sur tout le scénario
05:38et envisagé chaque scène dans sa structure et dans les émotions qu'il fallait contribuer.
05:43Ça aurait été impossible d'avoir un acteur professionnel ?
05:45Ça aurait explosé toute l'histoire ?
05:47Non professionnel, ça aurait marché.
05:49C'était surtout un acteur non-Corse.
05:51Non-Corse qui n'aurait pas marché en fait.
05:53C'est ça qui aurait été problématique.
05:56Et comme on s'est orienté vers des Corses essentiellement,
05:58et qu'il y a des acteurs et des actrices exceptionnels sur l'île,
06:01mais dans l'étrange âge qu'on cherchait...
06:03Laetitia Casta !
06:04Laetitia est une actrice magnifique,
06:06mais par rapport au rôle qu'on cherchait, c'est-à-dire 16 ans,
06:09qu'ils puissent en faire 14, on était un peu au-dessus.
06:11Donc finalement, on est allé chercher un acteur professionnel.
06:13C'est pour ça ! Elle le sait maintenant, Laetitia Casta.
06:16Ce qui est très intéressant aussi dans le film,
06:19c'est que la relation père-fille va évoluer.
06:21Il y a trois faces à face, on a entendu cette scène de pêche,
06:24il y a une scène de révélation aussi,
06:25parce qu'en fait, elle comprend à part bribe,
06:28comme le spectateur, vous n'avez pas voulu que le spectateur
06:30en sache plus qu'elle, ce qui se joue.
06:32Au fond, c'est aussi peut-être quelque chose que vous avez vécu vous,
06:36vous êtes fils d'un... on l'appelait le dernier par un Corse.
06:40Ces questions qui n'ont jamais de réponse,
06:42cette opacité du monde des adultes.
06:45Moi, je me suis vraiment inspiré de la relation filiale
06:47que j'ai pu connaître dans ma vie
06:49pour dépeindre cette relation filiale qu'il y a dans le royaume.
06:52J'épuisais dans un contexte qui m'était connu
06:55pour en sortir la véracité,
06:57mais ça a toujours été une fiction,
06:59ce que je souhaitais écrire.
07:00Par rapport à ces non-dits que vous parlez,
07:03c'est vrai que la principale gageur même du scénario
07:05était d'avoir une actrice principale et un personnage principal
07:08qui avait pour principale action l'écoute,
07:10ce qui est quelque chose d'extrêmement complexe,
07:11normaturgiquement parlant, au cinéma.
07:13Ce qu'il fallait justement, ce qui était une autre gageur du casting,
07:16c'était avoir une jeune fille suffisamment captivante et fascinante
07:19dans ses regards, dans son écoute, dans ses non-dits.
07:22Mais oui, sa première action, elle l'écoute.
07:24Et puis ensuite, quand elle se rapproche de son père,
07:26qu'elle en sait suffisamment plus,
07:27là, elle commence à avoir des actions propres à elle.
07:30Et on commence à rentrer aussi dans le récit
07:32par sa proximité avec le père
07:34et les actions qu'elle commence à mettre en avant.
07:36Votre père est vraiment le dernier par un corps, ça ?
07:39C'est vraiment un sobriquet, on va dire,
07:41qui lui a été attribué et dont il s'est toujours défendu.
07:46Il a été surnommé comme ça, en tout cas.
07:48Par un rapport qui était le rapport Glavany
07:50et qui lui a fait beaucoup de mal.
07:52Et qui nous a fait tous, d'ailleurs, beaucoup de mal dans notre famille.
07:54C'est quelque chose qui, à un moment donné, nous a un petit peu dépassé.
07:57Donc bon, je ne vais pas rebondir ou commenter par rapport à ça.
08:01Mais oui, c'est tout ça.
08:02C'est une fiction.
08:03C'est un sobriquet qu'on lui avait donné.
08:05C'est une fiction, en tout cas.
08:06Votre premier long métrage, et il est extrêmement réussi.
08:09Julien Cordonat, bravo à vos acteurs.
08:11Bonne route au film Le Royaume, c'est en salles ce mercredi.
08:14Merci Mathilde.
08:16C'est déjà sorti en Corse, je le dis.