Photojournaliste animalier et explorateur à National Geographic, notre invité Thomas Nicolon explore depuis dix ans les forets primaires et tropicales de notre planète, en particulier en Amazonie et dans le bassin congolais. Témoin de transformations de l'écosystème, il a aussi vu les sociétés indigènes s'organiser et reprendre le pouvoir. Il est invité d'honneur au Festival international de la photo animalière et de nature de Montier.
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00:00Notre invité, au cœur de l'info ce soir, vient nous offrir une bouffée d'oxygène et de beauté.
00:05Il explore depuis dix ans les forêts primaires et tropicales de notre planète,
00:08en particulier en Amazonie et dans le bassin congolais.
00:12Témoin des transformations de l'écosystème, il a vu aussi les sociétés indigènes s'organiser
00:18et reprendre le pouvoir. Thomas Nicolon, bonsoir.
00:21Bonsoir, merci de votre invitation.
00:23Vous êtes photojournaliste, animalier, explorateur du National Geographic.
00:27Vous collaborez aussi avec Géo, Le Monde et des organisations vouées à la protection de l'environnement.
00:33Et vous êtes invité d'honneur au Festival international de la photo animalière et de nature de Montier.
00:38C'est dans deux semaines. Je vous remercie de venir partager avec nous vos émerveillements,
00:44mais aussi vos révoltes. On va en parler ce soir parce qu'on va aussi parler de trafic
00:49et de ce qui régresse dans ces forêts tropicales, ces forêts primaires.
00:53Alors, est-ce que tout d'abord, vous pourriez nous expliquer la différence
00:56entre forêts tropicales et forêts primaires ?
00:58Alors, les forêts tropicales, il y a trois bassins de forêts tropicales dans le monde entier.
01:02Déjà, il y a l'Amazonie, bien sûr, le poumon de la planète.
01:05Il y a le bassin du Congo, c'est le deuxième poumon de la planète.
01:08Et puis, il y a l'Asie du Sud-Est. Ça, c'est les forêts tropicales.
01:10Elles sont essentielles parce qu'elles contiennent 75 % de la biodiversité mondiale.
01:15Donc, elles sont absolument essentielles à la santé de notre planète.
01:18Et à l'intérieur de ces forêts tropicales, il y a des forêts primaires,
01:22c'est-à-dire qui n'ont jamais été touchées par l'homme.
01:24Il y a parfois des forêts qui sont magnifiques, mais qui ne sont pas primaires, qui sont secondaires.
01:28Peut-être, il y a eu des plantations à une certaine époque.
01:30La forêt a repoussé dessus. Elles deviennent donc secondaires, ces forêts.
01:34Quoi qu'il en soit, ces forêts primaires ou secondaires, elles sont tropicales
01:37et elles sont essentielles pour la planète,
01:39notamment parce que ce sont des puits de carbone, bien sûr,
01:41et elles empêchent le réchauffement climatique.
01:43Qu'est-ce qui vous a frappé, peut-être même ému,
01:45la première fois que vous avez pénétré l'une d'entre elles ?
01:48Ce qui est formidable, c'est les bruits, déjà.
01:51Il n'y a jamais de silence dans la forêt tropicale.
01:54Il y a toujours des bruits, les oiseaux, les insectes, les mammifères aussi,
01:58notamment au Congo, les gorilles, les éléphants.
02:00Il y a toujours du bruit dans la forêt.
02:02Il faut avoir tous les sens en éveil et c'est une aventure de chaque seconde.
02:06Qu'est-ce qui distingue l'Amazonie du bassin congolais, par exemple ?
02:10Est-ce qu'on retrouve une faune, une flore vraiment différente, vraiment caractéristique ?
02:14Ce sont deux bassins qui ont évolué de manière différente.
02:17Ils ont évolué l'un loin de l'autre, donc ce n'est pas la même faune.
02:20Notamment, en Afrique centrale, on a bien sûr ce qu'on appelle la mégafaune.
02:23On a les gorilles, il y a quatre sous-espèces de gorilles en Afrique.
02:26Il y a les éléphants de forêt, bien sûr.
02:28Et puis, en Amazonie, on n'a pas cette mégafaune, mais on a quand même des jaguars,
02:32on a beaucoup de singes, d'oiseaux, d'amphibiens, de reptiles.
02:35Donc, ce ne sont pas les mêmes espèces, mais on retrouve ce qu'on appelle parfois l'évolution convergente,
02:39c'est-à-dire des espèces qui se ressemblent beaucoup
02:42et qui habitent les mêmes niches écologiques.
02:46On va peut-être voir des images d'amphibiens, de ce que l'on voit en Amazonie, par exemple,
02:51parce qu'il y a une diversité qui est absolument spectaculaire.
02:54Vous m'avez envoyé énormément de photos, j'ai dû faire une sélection, ça a été très difficile,
02:58parce que c'est vrai que c'est absolument magnifique.
03:01Il y a aussi ces gros arbres en Amazonie,
03:04notamment ce chihuahua ko, qui est essentiel pour l'écosystème.
03:08Oui, tout à fait, c'est un arbre qui est emblématique de l'Amazonie,
03:11mais il y en a beaucoup d'autres.
03:12Chaque arbre, ce n'est pas seulement un arbre qui est un puits de carbone à lui-même,
03:16c'est qu'il y a aussi des espèces animales qui vivent dans ces arbres.
03:20Il y a des oiseaux, notamment des toucans, qui ont leur nid dans les arbres.
03:24Il y a des insectes, des fourmis, des abeilles, des reptiles, des amphibiens.
03:28Et à chaque fois qu'un arbre tombe, c'est un petit écosystème,
03:31c'est un habitat en lui-même qui s'effondre.
03:34Et c'est pour ça que c'est important de protéger ces bassins tropicaux.
03:38Et on voit les invertébrés aussi.
03:41On a herbes vertébrées, amphibiens, reptiles,
03:44qui sont des animaux qui ont moins d'attention des médias.
03:47Forcément, ce n'est pas des ours, ce n'est pas des mammifères,
03:49mais ils sont aussi essentiels à l'équilibre de notre planète.
03:52Ce que je n'ai pas précisé, c'est qu'évidemment, toutes les vidéos et photos que l'on va voir,
03:56ce sont vous qui les avez prises, enregistrées, filmées.
04:00Voilà, tout est votre travail.
04:03Alors, quelle évolution depuis dix ans ?
04:05Vous travaillez depuis dix ans dans ces deux bassins.
04:08Qu'est-ce qui régresse tout d'abord ?
04:10Déjà, le régressement, malheureusement, on le voit.
04:12Moi, je le constate à chaque fois que j'y vais.
04:14Déjà au niveau du dérèglement du climat.
04:16Parfois, je me rends au Pérou, par exemple, à la saison des pluies,
04:19et il n'y a pas une goutte d'eau.
04:21Et puis, parfois, je peux aller au Congo, c'est censé être la saison sèche,
04:24et il y a des inondations.
04:25Donc, il y a un dérèglement déjà total des saisons.
04:29On l'observe clairement, les gens le disent,
04:31les gens qui vivent là-bas me le disent régulièrement que tout est décalé.
04:35Et bien évidemment, ça a un impact énorme sur la faune,
04:38notamment la faune qui a besoin d'eau.
04:40Alors, toute la faune a besoin d'eau,
04:41mais il y en a qui en dépendent très fortement, comme les amphibiens.
04:45Et les amphibiens, aujourd'hui, il y a plus de 40% des espèces d'amphibiens
04:48dans le monde entier qui sont menacées d'extinction.
04:50Donc, il y a un déclin pour les mammifères aussi, bien évidemment, du braconnage.
04:55Et le déclin, je le constate malheureusement à chaque fois que j'y vais.
04:58Notamment, vous me parliez du trafic de la viande de brousse.
05:02Alors, expliquez-nous de quoi il s'agit exactement.
05:05Écoutez, en Afrique centrale, malheureusement,
05:07il y a ce qu'on appelle le syndrome des forêts vides.
05:09C'est-à-dire qu'il y a des forêts tropicales absolument sublimes,
05:11mais il n'y a plus de vie sauvage.
05:12Alors, heureusement, ce n'est pas dans toute l'Afrique centrale,
05:15mais il y a certaines régions de l'Afrique centrale où le braconnage est tellement élevé,
05:19c'est ce qu'on appelle la viande de brousse,
05:21que là, j'ai suivi des chasseurs, par exemple, en forêt,
05:25pour essayer de comprendre aussi pourquoi,
05:26parce que ce n'est pas les gentils et les méchants, bien évidemment,
05:28ce n'est pas parce que quelqu'un est braconnier que c'est un méchant.
05:31Il a besoin de manger, il a besoin de vivre.
05:32Et la différence, c'est qu'il y a 30 ans, un chasseur, il allait chasser juste pour manger.
05:37Il allait tuer une antelope, un singe.
05:39Et aujourd'hui, le chasseur, il tue beaucoup plus d'animaux pour vendre derrière.
05:44Il y a un besoin d'argent qui fait que l'impact sur la faune est beaucoup plus grave.
05:48Trafic d'ivoire aussi, toujours moins spectaculaire,
05:51peut-être qu'il y a quelques siècles, voire même quelques décennies,
05:54mais c'est toujours présent.
05:55Le trafic d'ivoire, bien sûr, malheureusement, c'est un indémodable.
05:59On peut dire du braconnage et c'est dans toute l'Afrique.
06:02Et malheureusement, ça ne s'arrête pas.
06:06Il y a des endroits où ça s'améliore, des aires protégées,
06:09des parcs nationaux qui sont particulièrement bien protégés.
06:12Mais il y a aussi des endroits tellement isolés,
06:14dans des pays instables où l'État n'est pas présent
06:17et où malheureusement, ça ne s'améliore pas.
06:19Oui, parce qu'il y a une demande.
06:20Je vais citer le livre d'un invité que nous allons recevoir la semaine prochaine,
06:24Loïc Prigent, qui est un spécialiste de la mode.
06:26Et il nous parle de l'histoire de la mode.
06:28Et donc, l'une des premières influenceuses au XIXe siècle, c'était l'impératrice Eugénie.
06:32Elle s'est entichée tout d'un coup pour les égrettes,
06:35notamment, on va voir peut-être une photo que vous avez prise en Amazonie
06:39pour voir à quoi ressemblent les égrettes.
06:41Et donc, Loïc Prigent nous dit,
06:44c'est une dévastation d'une ampleur colossale.
06:46Londres réclame au monde des tonnages toujours plus scandaleux de plumes pour ses modistes.
06:50Les importations d'Afrique et d'Amérique du Sud augmentent chaque année
06:52jusqu'à mettre plusieurs espèces en danger d'extinction.
06:55Ce n'est pas la première fois que la mode décime des espèces entières.
06:59Dès 1736, les pêcheurs hollandais s'inquiètent de la pénurie de baleines chassées,
07:03entre autres pour leurs mâchoires et donc pour fabriquer ces baleines pour les robes de ces dames.
07:08C'est vrai qu'il y a toujours une demande, de la part notamment de l'Occident et de l'Asie,
07:12pour certaines espèces qui pourtant sont protégées.
07:14Oui, tout à fait, ce sont des espèces protégées, mais ça ne change pas grand-chose.
07:17Tant qu'il y a de l'argent à gagner, il y a des gens qui vont vouloir participer à ce trafic.
07:21Et vous parliez des baleines, notamment.
07:23Et en Afrique, on peut citer la peau de léopard, la peau d'ocapie, l'ivoire, tout ça.
07:29Les queues de girafes aussi, qui sont utilisées dans des cérémonies traditionnelles.
07:33Donc, il y a un trafic qui continue et les animaux continuent à être impactés par ça.
07:37Et l'idée, c'est de protéger de plus en plus de kilomètres carrés de forêts tropicales.
07:43Ce n'est pas toujours facile.
07:44Il faut des fonds pour protéger des milliers de kilomètres carrés de forêts tropicales.
07:48Ce n'est pas évident, mais il y en a qui travaillent dur.
07:51Mais ce qui s'améliore, tout de même, ce sont les sociétés indigènes qui s'organisent davantage
07:56et à qui on fait confiance à présent,
07:59puisqu'elles avaient été un petit peu dépouillées de leurs capacités ces dernières décennies.
08:03Oui, tout à fait. Les sociétés indigènes ont été mises de côté depuis la colonisation, c'est clair.
08:07Et aujourd'hui, on voit...
08:09Moi, par exemple, je vois au Congo les autochtones Bayaka, qu'on voit ici,
08:13qui participent à l'étude des gorilles, alors que ces postes-là étaient avant réservés aux expatriés.
08:20Aujourd'hui, les autochtones y participent.
08:22Ici, c'est une scientifique congolaise qui installe des micros pour étudier les éléphants.
08:26Il y a des études sur les plantes, on voit ici la phénologie.
08:29En Amazonie, il y a les autochtones Kofan qui se sont alliés
08:34pour lutter contre l'extraction pétrolière et pour protéger leur territoire.
08:38Au Pérou aussi, les achaninkas, les indiens achaninkas qui ont commencé des plantations de cacao
08:44pour prendre le dessus sur les narcotrafiquants qui leur prenaient le territoire
08:48et pour gagner de l'argent aussi grâce à leur territoire.
08:51Et donc ça, c'est clairement des motifs d'espoir.
08:53Quel est le reportage qui vous a le plus marqué, Thomas Nicolon ?
08:56Ça fait 10 ans que je travaille sur les éléphants de forêt,
08:59donc je suis obligé de citer les éléphants de forêt qui sont très peu connus.
09:02Quand on pense éléphant, on pense à la savane,
09:04l'Afrique de l'Est notamment, le Kenya, la Tanzanie.
09:07Mais ce que peu de gens savent, c'est qu'au cœur de la forêt tropicale dense,
09:10il y a des éléphants de forêt.
09:11Ils sont un tout petit peu plus petits, ils font quand même jusqu'à 5 tonnes,
09:14mais ils sont un peu plus petits que leurs cousins des savanes.
09:17Ils sont en danger critique d'extinction et ils sont extraordinaires
09:21parce que croiser un animal de 5 tonnes au milieu de la forêt tropicale,
09:25je crois qu'on peut dire que c'est ce qu'on a de plus proche d'un dinosaure.
09:28Et il faut faire ce qu'il faut pour que ces animaux-là ne s'éteignent pas.
09:32C'est ce que vous exposez d'ailleurs au Festival de Montier,
09:35le dernier paradis des éléphants de forêt.
09:37La mégafaune, c'est ce qui caractérise l'Afrique,
09:41ce qu'on ne trouve pas en Afrique du Sud.
09:43Est-ce que l'on sait pourquoi ?
09:45C'est l'évolution.
09:47Ce sont des continents qui ont évolué différemment,
09:49avec donc des niches écologiques différentes à occuper.
09:52Et en Afrique centrale, on a eu ces grands singes
09:55qu'on ne retrouve pas en Amérique du Sud.
09:57Il n'y a pas de grands singes en Amérique du Sud.
09:58Il y a des petits singes, mais il n'y a pas de grands singes.
10:00Alors qu'en Afrique, on a quatre sous-espèces de gorilles.
10:03On a les gorilles des montagnes, les gorilles des plaines de l'Est, de l'Ouest.
10:06On va peut-être voir une vidéo.
10:07Là, on voit des images des gorilles des plaines de l'Ouest
10:11dans le parc national de Noa Balendoki au Congo,
10:13qui sont absolument extraordinaires et qui ont un regard qui est formidable
10:18puisque ce sont des espèces animales.
10:20Les gorilles sont très visuelles.
10:22Ils utilisent leur vue énormément pour regarder
10:25et pour analyser ce qui se passe autour d'eux.
10:27Et ils sont bien évidemment très curieux.
10:29Comment va-t-on photographier des gorilles ?
10:31Parce que là, ça a l'air extrêmement facile.
10:33On voit la photo, on voit la vidéo,
10:34mais il faut aller les chercher, c'est un livre.
10:36Il faut rester discret, il faut rester à distance.
10:38Comment est-ce qu'on va chercher des gorilles ?
10:40Déjà, je suis obligé de revenir pour répondre à votre question,
10:43au peuple autochtone.
10:44C'est eux, les pisteurs autochtones, qui savent repérer les gorilles.
10:49Là, on le voit, on les suit dans la forêt.
10:51Il n'y a pas de conservation des gorilles sans le travail des autochtones
10:55qui permettent de repérer les gorilles
10:57et qui permettent aux biologistes d'aller étudier les gorilles.
11:00Mais pour ça, il faut que quelqu'un sache où se trouvent les gorilles dans la forêt.
11:04Et donc, ça prend des jours, des semaines ?
11:06Pour habituer un groupe de gorilles à l'homme,
11:10ça peut prendre jusqu'à huit mois, parfois plus.
11:12Et donc, ça veut dire que pendant huit mois,
11:13il y a une équipe qui va voir un groupe de gorilles tous les jours.
11:18Au début, le groupe fuit et peut-être agressif parfois.
11:22Et petit à petit, le groupe s'habitue à la présence de l'homme.
11:25Et c'est là que les scientifiques peuvent les étudier.
11:27Et c'est là que les photographes comme moi peuvent faire des photos.
11:29Et comment réagissent les petits, par exemple ?
11:33Les petits sont très curieux.
11:36Et donc, ils ont parfois envie de toucher le matériel.
11:39Quand je prends des photos de gorilles, j'ai un objectif assez impressionnant.
11:42Vous ne devez pas s'y poser, vous vous rapprochez trop d'eux.
11:44Non, il y a une distance de dix mètres à respecter absolument.
11:47On a un masque à utiliser déjà pour ne pas transmettre de maladie.
11:50Et donc, il y a une distance très importante de dix mètres à respecter entre les gorilles.
11:54Et malheureusement, les jeunes gorilles sont parfois très curieux.
11:57Ils ont envie de s'approcher un peu plus.
11:59Mais on a toujours une équipe autour de nous de pisteurs et de biologistes
12:02qui nous aident à photographier ces animaux en les respectant.
12:06Parce qu'on est quand même sur leur territoire.
12:08Qu'est-ce qu'on fait face à un gros gorille ?
12:09On reste immobile, on ne bouge pas ?
12:11On reste immobile, on ne bouge pas.
12:12Et puis s'il charge, surtout on ne bouge pas.
12:14Et il faut prendre son courage à deux mains et rester planté.
12:17Parce que sinon, ça montre qu'on a peur.
12:19Et c'est là qu'il peut y avoir un comportement agressif.
12:21Il ne faut pas éternuer.
12:22Je me souviens d'une vidéo de vous que vous avez partagée sur les réseaux sociaux
12:26dans laquelle vous étiez poursuivi par un éléphant.
12:28Si on revient sur les éléphants, c'est vrai que c'était assez spectaculaire.
12:31Oui, tout à fait. Les éléphants de forêt, ils ont une mauvaise vue.
12:33Ils ont une très mauvaise vue même.
12:35Et dans la forêt tropicale, forcément, il y a des branches.
12:37Il y a des feuilles partout.
12:38Donc, ils n'y voient pas bien.
12:39Ils se repèrent à l'odorat.
12:40Et parfois, on tombe sur un éléphant de forêt de manière inattendue.
12:44Et très souvent, le premier réflexe de l'éléphant, c'est de charger.
12:46Et ça nous est arrivé de nous faire charger pendant plus de 20 minutes.
12:49On était tous complètement traumatisés.
12:51J'ai dû abandonner mon sac avec des milliers d'euros de matériel dans mon sac à dos,
12:55là où on était.
12:56Et on a eu chaud.
12:59On s'en est sorti. Malheureusement, il y a des gens qui se font tuer
13:01par les éléphants de forêt chaque année en Afrique centrale.
13:04Et c'est vrai qu'il faut toujours faire attention.
13:06Et c'est pour ça que dans les régions où il y a beaucoup d'éléphants de forêt,
13:09il y a une interdiction d'aller en forêt la nuit,
13:11déjà parce que les éléphants se déplacent davantage la nuit.
13:15Et interdiction aussi d'aller en forêt sans pisteurs autochtones
13:18qui, eux, voient et sentent la forêt comme nous, on ne peut pas le faire.
13:22On a vu passer une photo d'éléphant de nuit.
13:27Je pense qu'on peut peut-être vous voir justement dans le processus,
13:29la manière dont vous installez vos appareils photos,
13:32parce que vous pouvez parfois les déposer pour qu'il y ait des déclenchements automatiques.
13:36Et travailler de nuit sans être justement mis en danger
13:39par éventuellement la présence d'animaux imposants.
13:44Tout à fait. Là, c'est des caméras pièges que j'installe dans des caissons étanches
13:47et qui vont rester dans la forêt pendant trois semaines, parfois plus,
13:50qui sont liées à un détecteur de mouvement.
13:52Et à chaque fois qu'un animal passe, ça prend une photo.
13:55Et donc, ça permet de photographier des animaux qu'on peut difficilement voir autrement.
14:00Et donc, c'est notamment très pratique pour les éléphants.
14:03Et on peut avoir des résultats qu'on ne peut pas avoir autrement,
14:06des éléphants qui se déplacent la nuit dans la forêt, comme on peut voir ici.
14:10Ces coulisses, on peut les retrouver sur votre chaîne YouTube.
14:12J'invite les téléspectateurs à aller voir parce que c'est vrai que c'est toujours extrêmement intéressant
14:16de se comprendre, de savoir comment travaille un journaliste.
14:20Le rythme n'est pas du tout le même.
14:21Vous étiez journaliste d'info, vous êtes passé au photojournalisme de nature.
14:26C'est vrai que vous basculez de l'urgence à la contemplation.
14:29À présent, quand on photographie la nature, il faut accepter de se déposer,
14:34de prendre le temps et de recevoir ce qu'elle nous donne.
14:36Tout à fait. Il n'y a pas d'info dans la nature.
14:39Dans la nature, on prend le temps et on prend ce que la nature nous donne.
14:42C'est-à-dire qu'on peut aller en forêt des semaines et des semaines à la recherche d'un animal et on ne le verra pas.
14:47Et ça, il faut l'accepter. Il n'y a aucune garantie avec la forêt.
14:51Donc, il faut respecter ça.
14:53Il y a parfois la pluie qui nous empêche d'aller en forêt
14:55parce que c'est trop dangereux avec les éléphants, encore une fois, quand il y a de la pluie.
14:58Donc, on est obligé de prendre son temps, de patienter.
15:01Et donc, ça permet de travailler différemment et de travailler, j'ai envie de dire, plus en main dans la main avec la nature.
15:07Il y a une émotion que l'on ressent.
15:09Alors, peut-être pas forcément des animaux.
15:11Ce serait difficile de le présumer.
15:13Mais il y a une émotion forte quand on est face, notamment, à un gorille ou à un éléphant.
15:18Il y a une émotion immense parce qu'on réalise que ce qu'on a sur notre planète, c'est merveilleux.
15:24On essaye d'aller sur d'autres planètes.
15:26Certains dépensent des millions de dollars pour aller ailleurs.
15:29Alors que ce qu'on a ici est formidable et il faut absolument le garder.
15:32Et l'exploration de notre planète, elle n'est pas finie.
15:34L'Afrique centrale, on la connaît.
15:35Et pourtant, c'est pas parce qu'on la connaît que ça ne vaut pas la peine de continuer à y aller,
15:40de voir ce qu'il y a, d'inciter les gens à y aller.
15:43Il y a de plus en plus d'initiatives de tourisme pour aller observer ces animaux-là.
15:47Et c'est une émotion de chaque instant d'être en présence d'une famille de gorilles ou d'un éléphant.
15:52En somme, qu'est-ce que vous cherchez à faire avec vos reportages, Thomas Nicolon ?
15:56La première chose, c'est d'être heureux.
15:58Je crois que c'est tout ce qu'on cherche sur cette Terre.
16:00C'est la plus grande des motivations.
16:02C'est la plus grande des motivations.
16:03La première chose, c'est de passer du temps dans un endroit où je me sens bien
16:06et de mettre en avant, bien sûr, des problématiques importantes
16:10qui sont importantes pour la planète et qui ont une résonance internationale.
16:14Et c'est ce que j'essaye de faire modestement à travers les reportages.
16:17Mais oui, parce que comment préserve-t-on la vie sauvage avec une photo ?
16:21La question se pose.
16:22Certains diront que c'est pas possible.
16:23Moi, je pense que ça y participe.
16:26Je pense qu'une belle photo peut faire beaucoup plus que beaucoup de mots parfois
16:30et beaucoup d'initiatives.
16:31Et je pense que les photos permettent parfois une prise de conscience
16:35que beaucoup d'initiatives ne permettent pas.
16:38Parce qu'il s'agit d'interpeller.
16:40Comment est-ce qu'on réussit à interpeller une société occidentale
16:43ou asiatique, surtout occidentale puisque c'est à elle que vous vous adressez,
16:46qui semble parfois très éloignée de ces problématiques-là ?
16:50Elle a du mal à se relier à ce qui se passe ailleurs.
16:53C'est vrai, on a du mal à réaliser ce qu'il y a en Afrique centrale,
16:56en Amérique du Sud.
16:57On a parfois du mal à réaliser la richesse qu'il y a,
17:00mais aussi pourquoi ça nous impacte.
17:02Si les forêts s'assèchent, elles retiennent moins le carbone,
17:06elles le relâchent dans l'atmosphère, c'est le réchauffement climatique.
17:09Donc c'est important de prendre conscience de ça,
17:11de savoir ce qui se passe, de savoir pourquoi c'est important.
17:13La forêt tropicale, c'est pas seulement l'humidité et les moustiques,
17:17c'est aussi l'avenir de la planète.
17:19Effectivement, le vivant est lié qu'importe la distance
17:22et il communique et nourrit partout.
17:25C'est vrai qu'on se sent parfois extrêmement déconnecté.
17:29Quel lien avez-vous trouvé parfois avec ce que vous viviez en Amazonie
17:32et ce que vous ressentiez en Europe ?
17:35C'est-à-dire que, par exemple, on le voit avec le bois,
17:38avec la déforestation.
17:39Il y a des enquêtes qui ont montré que le bois qu'on retrouve
17:42dans certains magasins européens a été pris sur des territoires protégés,
17:47notamment en Afrique centrale.
17:49Donc le lien, clairement, déjà, il est là.
17:51C'est que ce qu'on prend à l'Afrique centrale ou à l'Amérique du Sud,
17:54il se retrouve de manière parfois illégale ici.
17:57Il faut essayer de faire attention à ce genre de choses
17:59dans notre consommation, notamment.
18:00Vous nous avez parlé de ce qui régresse,
18:02mais aussi de ce qui s'améliore avec les autochtones
18:05et qui se réapproprient leur habitat.
18:08Comment est-ce que vous abordez à présent ces dix prochaines années ?
18:11Avec confiance ou plutôt inquiétude ?
18:14J'essaye d'avoir confiance.
18:15J'essaye d'être optimiste.
18:16C'est dans ma nature.
18:17Et je pense qu'il y a beaucoup de choses,
18:19il y a beaucoup de motifs d'espoir.
18:20On voit beaucoup d'endroits sur la planète
18:22où les populations de vie sauvage remontent.
18:24Il y a aussi beaucoup d'endroits où il y a des problèmes,
18:26où il y a un déclin.
18:27Le déclin, malheureusement, il est sur toute la planète.
18:29Mais je préfère me concentrer sur les endroits
18:32où il y a de l'espoir, même s'ils sont moins nombreux.
18:35Je pense que c'est plus important d'appuyer là-dessus.
18:37Thomas Nicolon, je vous remercie beaucoup d'avoir été notre invité.
18:41Je rappelle que vous êtes l'invité du Festival de Montier.
18:45Vous allez exposer le dernier paradis des éléphants de forêt.
18:49Voilà, ça c'est le festival.
18:51Et puis ces photos absolument magnifiques que l'on a vues.
18:53Encore une fois, je n'ai sélectionné que quelques photos,
18:55mais elles sont toutes aussi belles, plus belles les unes que les autres.
18:57On peut vous retrouver sur les réseaux sociaux.
18:59Vous mettez à jour très régulièrement tous vos émerveillements.
19:02Puis à chaque fois que vous êtes sur le terrain,
19:04je vous remercie encore d'être venu nous en parler.
19:06Thomas Nicolon.