Avec le retour de Donald Trump, la Maison Blanche ne va certainement pas devenir une Maison Verte : le nouveau président assume de se désintéresser totalement des questions environnementale. François Gemenne, spécialiste de la géopolitique de l'environnement, est l'invité de Mathilde Munos à 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-07-novembre-2024-8182294
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Il est 6h21, Donald Trump va donc de nouveau s'installer à la Maison-Blanche et ce qui
00:04est sûr c'est que ce ne sera pas une maison verte, il n'en a clairement rien à faire
00:08de l'environnement, pour lui le dérèglement climatique n'est qu'un canular inventé
00:11par les Chinois.
00:12Bonjour François Jemen.
00:13Bonjour.
00:14Vous êtes politologue, spécialiste de la géopolitique de l'environnement, co-auteur
00:17du GIEC et vous publiez aujourd'hui avec l'Université de Liège un nouveau classement
00:22des pays en fonction de leur performance en matière climatique.
00:25Il permet de savoir qui a tenu ses promesses après l'accord de Paris signé il y a 9
00:29ans.
00:30L'Autriche c'est le bon élève de la classe, la France c'est pas super, on est neuvième
00:34et les Etats-Unis sont bons derniers et avec Donald Trump ça ne va pas s'arranger.
00:39Non, et là ça ne va pas s'arranger, donc c'est un nouveau classement qu'on publie
00:43comme vous l'avez dit avec l'Université de Liège, qui est publié ce matin par 2050Now
00:47qui est le nouveau média lancé par le groupe Les Echos et qui essaye de voir à quel point
00:52les pays ont respecté les engagements qu'ils avaient pris dans le cadre de l'accord de
00:56Paris.
00:57Ce qu'on voit avec ce classement c'est que d'habitude on va se concentrer uniquement
01:00sur les trajectoires de baisse des émissions.
01:02Ici on va inclure d'autres aspects, notamment l'adaptation et en particulier le soutien
01:07aux pays du sud qui est évidemment absolument important si on veut réaliser la transition
01:12à l'échelle mondiale et donc ça donne un autre regard sur les pays qui ont respecté
01:17ou pas leurs engagements, ce qui est crucial à l'aube de ce nouveau round de négociations
01:21qui s'ouvre la semaine prochaine parce qu'évidemment toute la coopération internationale dépend
01:25des engagements unilatéraux volontaires qui sont pris par les différents pays et
01:29qui vont regarder à quel point les uns et les autres respectent leurs engagements.
01:33Mais dans votre étude il n'y a que 23 pays et notamment il n'y a pas la Chine alors
01:35que d'habitude dans les autres classements la Chine elle est dernière même après les
01:38Etats-Unis.
01:39Bien sûr, alors soyons clairs, nous sommes un centre de recherche universitaire ça veut
01:42dire que nous avons des moyens limités et qu'il faut évidemment agréger toutes les
01:45données.
01:46Alors pour cette année nous avons classé les pays industrialisés, l'année prochaine
01:49on inclura aussi les pays émergents et l'année d'après également les pays en développement.
01:53On va suivre bien évidemment les Etats-Unis de très près puisque Donald Trump veut
01:57à nouveau se désengager des accords de Paris, il n'a pas cessé de le répéter pendant
02:01sa campagne.
02:02Ça implique quoi ? Ça va changer quoi concrètement ?
02:03Alors très concrètement si Donald Trump se retire des accords de Paris, le risque
02:09c'est qu'il y ait un effet domino et que d'autres pays choisissent de se retirer
02:13à leur tour.
02:14On pense à l'Argentine de Ravier Millet, la Russie de Poutine, potentiellement même
02:20la Hongrie de Viktor Orban, on voit bien d'autres pays qui pourraient être tentés de lui
02:24emboîter le pas.
02:25Et le risque c'est évidemment de mettre complètement à bas l'accord de Paris parce
02:29que la clé de voûte de cet accord c'est son universalité, c'est le fait que l'ensemble
02:33des pays se sont engagés dans une trajectoire de réduction de leurs émissions qui était
02:39confirmée l'an dernier à Dubaï et il est certain que si ce principe d'universalité
02:44vole en éclat, à ce moment-là ça va être très difficile pour la coopération internationale.
02:49S'il sort, il va absolument falloir que ça reste limité.
02:52En 2017 on avait réussi à éteindre l'incendie et d'autres pays n'avaient pas emboîté
02:56le pas, le risque est bien plus grand cette fois-ci.
02:58Et en plus on apprend ce matin que 2024 va battre le record de 2023 et devenir l'année
03:02la plus chaude jamais enregistrée sur Terre selon l'Observatoire européen du climat
03:07Copernicus.
03:08Donc pour le moment les efforts ne sont clairement pas suffisants.
03:10Pour le moment d'abord les efforts sont insuffisants et puis malheureusement ce qu'on a fait jusqu'ici
03:15risque d'être effacé par ce second mandat de Donald Trump.
03:19Plusieurs think tanks et centres de recherche ont calculé qu'une deuxième présidence
03:24de Trump ajouterait vraisemblablement 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires
03:30d'ici 2030 pour donner un ordre de grandeur sur les cinq dernières années.
03:34La transition énergétique au niveau mondial nous a permis d'épargner 2 milliards de
03:38tonnes de CO2, ça veut dire qu'un second mandat de Trump effacerait deux fois les efforts
03:44réalisés au cours des cinq dernières années au niveau mondial par la transition énergétique.
03:48Et pour en revenir à la nouvelle COP climat qui s'ouvre lundi en Azerbaïdjan, c'est
03:53encore l'administration Biden qui sera représentée à cette COP, est-ce que la victoire de Trump
04:00va changer la donne pour la position américaine cette année ?
04:03C'est quand même vraisemblable, on sait qu'un des gros enjeux de cette COP ce sont
04:07les engagements financiers des pays industrialisés en soutien à la transition et à l'adaptation
04:12dans les pays du sud, on sait qu'un des objectifs clairs et annoncés de Donald Trump
04:17c'est de tailler dans ses budgets et de réduire la contribution américaine aux fonds multilatéraux
04:22et donc il est certain que tous les engagements et toutes les promesses que pourraient prendre
04:26les délégués américains la semaine prochaine risquent bien d'être malheureusement malmenées
04:31trois mois plus tard dès que Donald Trump sera en fonction et donc personne ne va accorder
04:35le moindre crédit je pense aux promesses que pourraient faire les délégués américains
04:39et donc ça risque malheureusement d'être une sorte de négociation un peu boiteuse
04:43déjà sans les Etats-Unis de facto.
04:45Donald Trump veut couper ces crédits-là et à l'inverse, il veut mettre le paquet,
04:48financer à fond les énergies fossiles, son but c'est de lever toutes les restrictions
04:52dans son pays sur le charbon, le gaz, le pétrole, on ouvre les vannes, on construit des oléoducs,
04:56on relance les forages en Alaska, c'est tout est possible là pour lui.
05:01Clairement, il voit les ressources fossiles des Etats-Unis comme une source de richesse,
05:06de fortune immense pour le pays, ça veut dire pour dire les choses un peu familièrement,
05:11qu'il flingue tous les autres, que tout ce que fait le reste du monde potentiellement
05:16risque de se trouver annulé par la victoire de Donald Trump.
05:20Alors bien entendu, si on veut garder un maigre espoir, il faut réaliser que le gouvernement
05:25fédéral américain ne contrôle pas toutes les émissions aux Etats-Unis, qu'on estime
05:30qu'il y a à peu près deux tiers des émissions échappent en quelque sorte au contrôle du
05:34gouvernement fédéral, qui a une transition énergétique qui va continuer à s'effectuer
05:38aux Etats-Unis.
05:39Les émissions aux Etats-Unis sont en baisse depuis 2005, y compris sous la première
05:44administration Trump, mais il est certain que les Etats-Unis n'atteindront pas l'objectif
05:49qu'ils s'étaient fixé, c'est-à-dire une baisse de 50% des émissions d'ici 2030
05:52par rapport à 2005.
05:53Une dernière question, Donald Trump, il est aussi très copain avec Elon Musk, il est
05:56le patron de Tesla, champion de la voiture électrique, il n'y a pas une contradiction ?
05:59Si, d'une certaine manière, une certaine forme de contradiction, il était auparavant
06:03tout à fait hostile au déploiement des voitures électriques, c'est le seul point
06:06sur lequel il a mis un peu d'os dans son vin, après qu'Elon Musk a rejoint sa campagne.