Vous êtes déjà sortis d'une salle de ciné en pleine séance parce que le film était trop glauque à regarder ?
C'est ce qu'a réussi à faire la réalisatrice Coralie Fargeat avec son film d'horreur, The Substance, qui met en scène Elisabeth Sparkle, aka Demi Moore, une femme prête à tout pour devenir une version plus jeune, plus belle, plus parfaite d'elle-même.
Un récit qui dénonce en réalité les diktats de beauté auxquels font face beaucoup de femmes dans la société.
La réalisatrice revient sur ce body horror, de l'écriture au tournage, à la post-production.
The Substance, actuellement en salles.
C'est ce qu'a réussi à faire la réalisatrice Coralie Fargeat avec son film d'horreur, The Substance, qui met en scène Elisabeth Sparkle, aka Demi Moore, une femme prête à tout pour devenir une version plus jeune, plus belle, plus parfaite d'elle-même.
Un récit qui dénonce en réalité les diktats de beauté auxquels font face beaucoup de femmes dans la société.
La réalisatrice revient sur ce body horror, de l'écriture au tournage, à la post-production.
The Substance, actuellement en salles.
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00:00Vous ne voulez pas voir qui je suis, m'accepter comme je suis,
00:04m'accepter pour la réalité de mon être ?
00:07Prenez-vous ça dans la gueule, vraiment.
00:19Alors, j'ai complètement rêvé depuis toujours d'une meilleure version de moi-même.
00:24C'est d'ailleurs ce qui a donné l'idée de ce film et l'envie de le faire.
00:30En fait, le body horror est un genre déjà qui permet de s'affranchir de la réalité,
00:35donc de pousser des curseurs loin, dans les côtes qui vont être ceux du film.
00:40Et c'est vrai que je voulais absolument choisir une arène qui me permette d'aller très loin,
00:44parce que pour moi, cette violence, elle est massive, elle est énorme, elle est gigantesque.
00:49Il n'y a pas de limite dans ce film, si ce n'est celle que j'avais envie, moi, de raconter.
00:54Donc, c'est justement enlever les limites,
00:56qui permettent justement d'aller jusqu'au bout,
00:59d'être dans l'excès, d'être dans le grandiloquent, le côté opératique,
01:03qui permet, comme ça, un lâcher-prise qu'on ne s'autorise pas dans la vraie vie.
01:13En fait, j'avais une telle évidence sur ce film,
01:15que j'ai décidé de faire un petit épisode sur le sujet.
01:18Et c'est un peu ce que j'ai décidé de faire dans ce film,
01:20c'est d'en faire un petit épisode sur le sujet.
01:22En fait, j'avais une telle évidence sur ce film,
01:24sur la nécessité pour moi de le faire,
01:27et pas que pour moi, sur la nécessité de ce film d'exister,
01:30que je pensais simplement à ma nécessité à moi, en fait.
01:34Je ne me posais pas la question des autres,
01:36et je pense que c'était aussi le point de vue et le point de départ de ce film,
01:40de se dire, OK, ma vision à moi a le droit d'exister,
01:43et justement, pour une fois, fous-toi de ce que pensent les autres,
01:47fous-toi du regard des autres, ne tiens pas à la vision,
01:50fous-toi du regard des autres, ne tiens pas compte de ce qu'on va te dire,
01:53crois en ta propre vérité, en ce que toi, tu ressens,
01:57et qui mérite d'avoir sa place dans l'espace public,
02:00parce qu'on passe beaucoup de temps, je pense,
02:03à se dire qu'on ne mérite pas ci, on ne mérite pas ça,
02:05on n'est pas assez bien.
02:07Et le film, c'est un geste qui dit l'inverse, en fait.
02:09You're hired.
02:11Let's go.
02:14Je réalise et je monte aussi,
02:15donc j'ai déjà aussi le rythme des scènes que j'ai en tête,
02:19et je passe énormément de temps à écrire cette progression
02:23et cette narration silencieuse,
02:25qui est celle que je visualise dans mon cerveau.
02:28Je fais beaucoup de recherches visuelles aussi,
02:30pendant que j'écris, j'écoute beaucoup de musique,
02:32et il y a tous ces deux aspects-là, visuels, sonores,
02:36qui vont, je sais, construire l'expérience
02:38qui est aussi celle qui, moi, m'a bercée plus jeune
02:41quand j'ai découvert le cinéma et qui m'a embarquée,
02:44et qui me permet d'infuser les idées, d'infuser les symboles,
02:48je travaille aussi beaucoup avec le symbolisme,
02:50où ce sont certaines images, certaines couleurs, certaines formes
02:54qui, de manière très percutante et très simple,
02:57racontent bien plus que mille mots,
02:59et c'est vrai que c'est la particularité de ce film-là,
03:02c'était aussi le cas déjà en partie dans Revenge,
03:06et pour moi, d'arriver à construire ce rythme silencieux
03:11qui est comme des coups de poing, c'est ce que j'adore faire.
03:19Je prends, en effet, dans ces deux films-là,
03:22tous les comportements toxiques, problématiques,
03:27qui sont ceux auxquels, moi, j'ai été confrontée
03:30dans plein de situations, dans plein de moments de ma vie,
03:34et qui, pour moi, surtout, me permettent d'en dire quelque chose.
03:37Donc, on me demande souvent si mes personnages sont des caricatures,
03:40et ma première réaction, c'est de dire oui,
03:42puis après, je me dis non, non, c'est pas des caricatures,
03:47c'est malheureusement des comportements qui ont existé,
03:51qui existent toujours.
03:53Il se trouve que là, ils sont mis au premier plan,
03:55ils sont présentés à tout le monde,
03:57et dans la vraie vie, c'est pas forcément aussi ostentatoire encore que,
04:01et c'est un parti pris délibéré de montrer la violence
04:05à laquelle, je pense, on est exposé par ces comportements,
04:08pour les condenser, espérer ouvrir les yeux
04:12sur ce système qui doit changer.
04:16En fait, je savais que le film avait une capacité de toucher tout le monde,
04:23puisque malheureusement, je pense, cette histoire,
04:25elle parle à notre côté très humain,
04:27de qu'est-ce que c'est d'être un être humain,
04:30c'est quoi nos peurs, c'est quoi nos fantasmes,
04:32c'est quoi nos rêves les plus fous,
04:35et il y a ce côté très mythologique, universel de cette quête,
04:40soit de la jeunesse éternelle, soit de la beauté éternelle,
04:43qui vient depuis La Nuit des Temps, depuis Les Contes de Fées,
04:46depuis Les Grands Mythes, ce pacte Faustien,
04:49ce portrait de Dorian Gray,
04:51qui parle à notre condition de simple mortel.
04:55Donc, je pense qu'en lui-même, les thématiques du film
04:58résonnent à notre humanité de manière très, très profonde.
05:04Et en plus, pour le coup, j'avais l'intuition que c'est quelque chose
05:09qui existe tellement partout,
05:12ce que peuvent ressentir les femmes, etc.,
05:14mais dont personne ne parle.
05:16C'est vraiment un éléphant qui est dans la pièce et qu'on sait qui est là,
05:19mais dont personne ne parle et qu'on ne veut pas voir,
05:22que si quelqu'un arrivait enfin en foutant ce putain d'éléphant sur la table,
05:28en disant, regardez, il est là, ça pouvait provoquer quelque chose,
05:31et un vrai côté libératoire, assez jouissif.
05:37C'était un tournage vraiment épique,
05:40entre le côté technique, toutes les heures de maquillage, de prosthétiques,
05:44tout ce qu'on devait fabriquer.
05:45En réalité, c'est un tournage de plus de 100 jours,
05:47donc c'était vraiment une sacrée épopée.
05:51Et je pense qu'on était toutes les trois en mission.
05:53On avait passé beaucoup de temps en amont, justement, à tout mettre à plat.
05:58Dans ce côté de, on a plus de 100 jours de tournage dans une production qui est
06:02vraiment très, très compliquée,
06:03dans ce côté de, on a plus de 100 jours de tournage dans une production
06:06qui n'est pas une production hollywoodienne,
06:08donc il va y avoir des moments un peu rock'n'roll,
06:10il va falloir aussi y aller.
06:12Le scénario, c'était vraiment du papier à musique,
06:14c'est-à-dire que tout était millimétré,
06:16tout était vraiment tellement précisément imbriqué.
06:20Une fois qu'on s'est lancés toutes les trois, on a suivi le tunnel.
06:23Vraiment, les journées étaient intensives, c'était émotionnellement chargé.
06:29Mais je pense que toutes les trois,
06:31on avait conscience que la folie du film avait été intégrée en amont.
06:36C'était aussi pour ça qu'elles étaient venues,
06:38parce qu'elles étaient prêtes à prendre ce genre de risques.
06:42Et qu'en fait,
06:44c'est ça, moi aussi, qui m'a impressionnée à quel point,
06:48oui, elles ont joué le jeu jusqu'au bout,
06:50parce qu'au début, elles étaient venues pour faire ce film et pas un autre.
06:54Et donc, quand il fallait se prendre des oeufs sur la figure ou tout ça,
06:58il y a toujours un moment où c'est difficile, on n'a pas forcément envie de le faire.
07:01Mais on sait que oui, il faut le faire, que la scène, elle tient à ça,
07:04que la scène, elle tient dans son côté excessif.
07:07Ça n'empêche pas qu'il faut travailler pour aboutir à ce niveau-là d'intensité.
07:14Mais il y avait cet engagement pour le film.
07:16Et puis, parce que je pense que très vite,
07:18à la fois les comédiennes et l'équipe technique s'est rendu compte
07:20qu'on était en train de faire quelque chose qui ne ressemblait à rien d'autre
07:24qui avait été fait avant.
07:25Donc, il y avait aussi cette sorte de fascination pour ce qui était en train de se créer.
07:29Ça pouvait devenir un truc monstrueux.
07:31On ne savait pas exactement jusqu'à ce que ce soit fini à quoi ça allait totalement ressembler.
07:36Mais je pense que tout le monde sentait qu'il y avait quelque chose qui se passait au tournage.
07:47Il y a deux choses.
07:48Première chose, c'est prenez-vous ça dans la gueule, vraiment.
07:52Vous ne voulez pas voir qui je suis, m'accepter comme je suis,
07:56m'accepter pour la réalité de mon être.
07:59Allez tous vous faire foutre, vraiment.
08:02Et c'était pour moi l'idée de symboliser la violence
08:06vraiment de ce qui est projeté sur nous, de le reprojeter aux yeux de la société.
08:11Et c'était aussi une sorte de côté libérateur,
08:17d'explosion totale de formes pour un peu contrecarrer
08:22ce qu'on nous demande d'habitude, qui est très corseté dans des carcans.
08:26Il faut bien se comporter, être délicate, sourire, ne pas parler trop fort,
08:30surtout ne pas être vulgaire.
08:32Voilà tout ce truc là qui est, je pense,
08:34quelque chose qui nous accompagne depuis qu'on est enfant.
08:36C'est un immense combat.
08:38C'est des batailles après bataille, après bataille, après bataille,
08:41depuis l'écriture jusqu'au tournage, jusqu'à la post-production.
08:45Croire en soi de manière parfois surhumaine, même seule contre tous,
08:50parce que c'est moi qui ai écrit ce film, c'est moi qui le porte.
08:54Je suis le capitaine du bateau et c'est mon rôle d'amener le bateau à bon port.
08:59Et il y a une seule voix là-dedans que je sais que je dois écouter,
09:03c'est la mienne et parfois elle rentre en conflit avec d'autres.
09:06Mais j'ai décidé de me faire confiance, de faire confiance à mon intuition.
09:10Ce n'est pas toujours facile, parce que par moments, on est très seul.
09:13On doute, c'est humain et heureusement.
09:15Mais je pense que mon guide, ça a été la sincérité de ce film,
09:21de me rappeler à chaque étape difficile,
09:23pourquoi j'avais voulu faire ce film,
09:25pourquoi c'était important pour moi de le faire de cette façon-là et pas d'une autre.
09:28Et j'ai essayé de me raccrocher à cette boussole,
09:31au milieu des tempêtes diverses et variées qu'il y a eu.
09:39Ce qui est très bizarre avec un film, c'est que, notamment pour ce film-là,
09:43la post-production a été très longue.
09:45Donc en fait, j'ai passé plus d'un an et demi en montage, en effets spéciaux,
09:49en travail du son, d'étalonnage, etc.
09:51On est scène par scène, bout par bout, image par image.
09:54Et on a vu le film des centaines de fois.
09:58On n'en peut plus de son film, on a envie de vomir son film tellement on l'a vu.
10:01Et on est dans un extrême état de fatigue, parce qu'il y a déjà eu tout le tournage.
10:05On est très tendu, parce que c'est très stressant comme période.
10:09C'est le moment, je pense, où on ne sait plus comment le film va être reçu.
10:14Parce que pendant l'écriture, on rêve,
10:16on est encore dans un monde qui n'existe pas, qu'on projette.
10:19Pendant la fabrication du film,
10:21il y a cette espèce d'adrénaline du tournage, de la fabrication,
10:25qui a un vrai moteur.
10:26Et le moment où le film se reconnecte au public, à sa raison d'être,
10:31et qu'il est né en fait, parce que le film, il est né vraiment là,
10:35la première fois qu'un public le voit pour de vrai.
10:38Il y a une sorte d'émotion dingue,
10:40parce qu'on a beau l'avoir vu 300 fois et ne plus en pouvoir,
10:44on redécouvre son film à ce moment-là.
10:46Et de sentir que les moments les plus fous, les plus absurdes
10:50sont ceux pour lesquels la salle a vibré,
10:52je me suis dit...
10:53J'ai vraiment été le plus émue par ça, de me dire,
10:56OK, le film a touché les gens.
10:59En fait, ils sont rentrés dans le film,
11:02parce que c'était quand même assez fou de sortir tout ça,
11:05de leur proposer tout ça.
11:06C'était un vrai pari.
11:08Et ça peut tomber du mauvais côté de la pièce, vraiment, on ne sait pas.
11:12Et quand j'ai senti cette salle vibrer à Cannes,
11:14j'ai été d'une émotion absolument incroyable,
11:17parce que je me suis dit, OK, c'est gagné.