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Dans cet atelier, vous trouverez des bras coupés, des dos lacérés, des prothèses bluffantes de réalisme…
On est allé rencontrer Coralie Fargeat et Pierre-Olivier Persan. Elle, est la réalisatrice, lui, est créateur d'effets spéciaux de maquillage. Ensemble ils ont travaillé sur le film The Substance, ils nous racontent.
Transcription
00:00Personne de mon équipe ne voulait découper le dos, la ligne droite.
00:03Tout le monde m'a dit, fais-le.
00:04Je m'y étais collé.
00:05On avait aussi des prothèses qui correspondaient à cette ouverture dans le dos béante
00:11et qui était appliquée sur la comédienne aussi.
00:13Donc, il fallait qu'on ait un raccord parfait entre les deux.
00:15Ça, c'est ce qu'on a utilisé pour la scène principale du film,
00:21qui est la scène de la naissance,
00:23qui est, je pense, une des premières scènes sur lesquelles on a commencé
00:26à travailler et à réfléchir avec Pop.
00:27Parce que pour arriver à ce niveau de résultat,
00:29c'est presque une année de préparation.
00:32Tu m'avais indiqué très clairement quels seraient les axes.
00:34C'est pour ça qu'on n'a pas fait le visage, par exemple,
00:36ou qu'il y avait le bras droit qui était réalisé, mais pas le bras gauche.
00:39C'était précis à ce point-là.
00:41Je vais cadrer un peu en plongée.
00:42Je vais être sur le profil du dos, comme ça, allongé.
00:45Comment on fabrique ça ?
00:46D'abord, il y a une prise d'empreinte.
00:48Alors, parfois, on a scanné, mais là, c'était une prise d'empreinte
00:51avec un silicone médical.
00:52On a moulé.
00:52Il faut que tu expliques ce que c'est, une prise d'empreinte.
00:55Pour toi, c'est clair, mais pour le reste, c'est comme un démortel.
00:58C'est comme un moulage chez le dentiste, mais sur tout le corps.
01:01Concrètement, tu as demandé est-ce qu'on puisse avoir une doublure
01:04qui ait la même morphologie que l'actrice
01:07qu'on ne pouvait pas encore avoir avec nous à Paris
01:10pour pouvoir, très en amont, faire cette prise d'empreinte
01:14dans la bonne position.
01:15Tu peux montrer le moule, parce que le moule, c'est ça, en fait.
01:17C'est intéressant de savoir.
01:18Moi, pareil, j'ai découvert,
01:20Paul m'a expliqué toutes les prothèses.
01:22Ça, c'est le noyau.
01:24Et donc, le noyau va à l'intérieur de la tête du petit garçon.
01:27Et ça, en gros, on voit bien que c'est la tête du petit garçon,
01:30moins un centimètre d'épaisseur.
01:33Exactement ce qu'on a fait là.
01:35Donc, du coup, une fois que le noyau est bien calé,
01:37vissé à l'intérieur du moule,
01:39si j'injecte par ici le trou d'injection,
01:41le silicone, le gel de silicone,
01:43je vais avoir une peau qui va se former.
01:45Et là, tu laisses reposer, tu laisses sécher.
01:47Oui, exactement.
01:48Et après, tu ouvres ça.
01:49On démoule et on a obtenu des peaux en silicone,
01:53en gel de silicone.
01:54En tous les cas, avec l'élasticité requise
01:57pour les besoins de la scène,
01:58avec une armature en résine et fibre de verre
02:02qui permettait de maintenir quand même ce corps.
02:04Et après, il y a le travail de finition,
02:06le travail de peinture à vraiment à proprement parler.
02:09Il n'existe pas un fond de teint magique
02:12qu'on va passer et qui va recréer la couleur peau.
02:15C'est plus du pointillisme.
02:16Il y a du bleu, du vert, du jaune, différents rouges.
02:19Et c'est ça que nous, on essaye de recréer.
02:20On va passer 10-15 couleurs très transparentes,
02:23les unes après les autres.
02:25Et puis, on va peindre soit au pinceau, soit à l'aérographe
02:27toutes ces petites veines, ces petits détails
02:29pour, à force de les superposer,
02:31créer cet effet organique.
02:33Donc, en fait, de la même manière que les actrices
02:36avaient leur temps de maquillage pour se préparer à tourner,
02:39les prothèses avaient leur temps de maquillage
02:41également, qui était fondamental.
02:43Et c'est tout ce détail-là comme un maquillage
02:46pour quelqu'un, pour une actrice
02:48qui crée le personnage, en fait.
02:49Les gens ne sont pas mates.
02:50On n'est pas mates.
02:51On a des brillances et tout.
02:52Donc, si on crée des fausses peaux, il faut les recréer.
02:54Ces brillances aussi, sinon...
02:55Enfin, ou ces non brillances, ça dépend des zones.
02:58Sinon, on va avoir l'impression d'un truc plastique,
03:00un peu mate ou un peu trop brillant.
03:01Parce que c'est vrai que d'habitude,
03:02on ne filme pas les prothèses en aussi gros plan.
03:04Ce qui a aussi, du coup, forcément fait évoluer ta technique
03:07dans ce degré de précision-là.
03:09Et je te dis, la salle de bain,
03:10il y aura une lumière de salle de bain quand même,
03:12des petites loupiottes, des petits trucs.
03:13Tu me dis, oui, oui, cut tout.
03:17Et évidemment, le décor de salle de bain,
03:19c'est une salle d'opération.
03:20Il est suréclairé.
03:21Effectivement, c'est vrai que pour tout ce qui est les prothèses,
03:24une lumière, plus de film d'horreur, entre guillemets,
03:26plus sombre dans le noir,
03:29naturellement, aide, crée aussi des choses intéressantes.
03:33Et donc, nous, on n'avait rien de ça.
03:34La salle de bain, au moment de cette histoire,
03:36c'est l'endroit où tu ne peux rien cacher.
03:38Tu te vois telle que tu es.
03:39Et pour les prothèses, c'était ça, en fait.
03:41Tu ne pouvais rien cacher.
03:42Tous les trucs habituels qui permettent
03:45d'aider à ce que les prothèses rendent bien,
03:47je te les avais retirés.
03:49On a travaillé pour que tout ce que tu faisais
03:52puisse marcher dans cette ambiance-là.
03:55Dans cette lumière.
03:55Et puis, on n'est pas du coup...
03:56Je dirais qu'il apparaît presque une espèce de convention.
03:59On a l'habitude dans les films d'horreur
04:00d'avoir un certain type de lumière travaillée.
04:03Et on sait que si on a ce type de lumière-là,
04:04il va peut-être se passer quelque chose.
04:06Parce que là, on est tellement dans une lumière pas habituelle.
04:09Il n'y a pas la petite musique qui dit,
04:10il y a lumière, effet spécial.
04:11Et du coup, on est surpris par ce qui se passe,
04:14ce qui leur arrive.
04:15Ça, imaginez, il y a un carrelage de la salle de bain blanc
04:18avec Céline Noir, ses prothèses,
04:20Pop et son équipe qui sont sous la table
04:22parce qu'il y avait un trou sous le carrelage
04:24à animer ce qui se passe à l'intérieur des corps.
04:27Et on est comme ça sur un petit plateau
04:30perdu, à épiner sur scène,
04:31une dizaine de personnes qui restent
04:33et qui sont en train de filmer finalement
04:34les scènes les plus importantes du film.
04:38C'est la caverne d'Alibaba, ici.
04:40Ici, c'est plus un cadavre qu'on loue.
04:43Ça, c'est plus un mannequin de second plan.
04:45Ce n'est pas un truc héros qu'on va venir filmer en gros plan.
04:49C'est pour un film de guerre, par exemple, typiquement.
04:51Il est destiné à être habillé.
04:52Et là encore, on voit que seul ce qui va être vu est fait
04:55et qu'on s'arrête là-haut.
04:57Il y a toujours cette notion économique et pragmatique
05:00dans ce qu'on fait.
05:01Il y a pas mal de choses là-haut.
05:03Et puis quand même, il faut lire ça
05:04parce que c'est pas mal.
05:07C'est les outils de la salle d'opération.
05:10Les outils de la salle d'opération.
05:11Lime électrique, visseuse, perceuse.
05:14C'est ce genre de choses aussi qu'on avait en lab.
05:15Des bras qui traînaient.
05:17Des boules de bras.
05:19C'est ça.
05:19On voit bien la différence justement entre
05:21ce que j'expliquais tout à l'heure.
05:23Ça, c'est un silicone, mais on voit bien qu'il est assez rigide
05:25parce que ça correspond à l'utilisation qu'on veut en faire.
05:28Et ça, c'est un gel de silicone.
05:30Une prothèse qui est destinée à être collée sur un acteur.
05:32Et on voit bien que c'est très souple parce qu'on veut...
05:35Là, on voit la finesse des prothèses que tu appliques
05:37qui permettent de...
05:38De fondre le raccord.
05:39De fondre et que les mouvements de visage de l'acteur ou de l'actrice
05:44soient conservés.
05:45Ce qui est essentiel en fait.
05:46Exactement.
05:47C'est cette finesse-là qui fait que c'est si fragile
05:49que ça peut être utilisé qu'une seule fois.
05:51Et que ça donne tout ce détail qui conserve le jeu.
05:54Ah bah ouais.
05:55Il faut que ça bouge avec eux.
05:57Ça aussi, parce que moi quand j'ai découvert que
06:00on mettait poil par poil,
06:02cheveux par cheveux,
06:04ça c'est aussi un travail qui est complètement fou.
06:07Mais quand on découvre ça au début,
06:09moi je me souviens les premières fois que je suis arrivée
06:11dans un atelier de...
06:12C'est vraiment...
06:14C'est la magie qu'on voit et puis on se dit
06:16ah bah ouais, c'est hyper bien fait.
06:17Mais tout le travail qu'il y a derrière
06:19et de voir ça, moi je me souviens que c'est un rêve d'enfant
06:24quand on entre là la première fois.
06:25Mais moi ici, c'est l'extension de ma chambre d'adolescent
06:28en version adulte et pro.

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