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Visites inopinées, perquisitions et gardes à vue dans l'entreprise avec Thomas Baudesson, Associé, Clifford Chance Paris et candidat au Bâtonnat de Paris.

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00:00On commence tout de suite sur LexInside et on va parler de la troisième édition du
00:14guide pratique des visites inopinées, perquisition et garde à vue en entreprise avec un des
00:21co-auteurs Thomas Beaudesson, associé chez Clifford Chance et candidat au BATONA de Paris.
00:28Thomas Beaudesson, bonjour.
00:30Bonjour Arnaud.
00:31Alors, pourquoi un guide sur ce sujet ?
00:34Alors, l'idée est venue d'un client qui a vécu il y a un peu plus de 20 ans, presque
00:4125 ans aujourd'hui, une mauvaise expérience, un client qui n'avait pas l'habitude d'avoir
00:45des perquisitions et qui s'est trouvé face à des enquêteurs qui n'avaient pas prévenu
00:50de leur visite et incapables de savoir s'ils pouvaient leur demander leur carte d'identité,
00:56s'ils avaient le droit d'être là, s'ils avaient le droit de prendre des originaux,
01:00toutes les questions qu'on se pose quand on n'a jamais été confronté à ce type
01:03de visite.
01:04Donc, aussitôt les enquêteurs partis, ce client m'a demandé de préparer un Vadimicum.
01:10Donc, on a préparé un Vadimicum, j'ai fait un certain nombre de présentations pour
01:14d'autres clients et de fil en aiguille, l'idée de publier un guide est apparue évidente
01:22et nous avons donc publié le premier guide en 2006 de mémoire.
01:26C'est la troisième édition, donc pourquoi une troisième édition ?
01:29Assez naturellement parce que la législation évolue, la dernière édition, la seconde,
01:35avait 10 ans et en 10 ans, un certain nombre de choses ont changé de manière assez significative
01:39et il fallait mettre à jour ce guide pratique pour tenir compte des nouveautés qui étaient
01:46intervenues depuis lors.
01:47À qui se destine cet ouvrage ?
01:49Principalement aux directions juridiques des entreprises, mais vous avez beaucoup d'entreprises
01:54qui ont des sites de production où il n'y a pas de juriste d'entreprise, donc c'était
01:58un peu l'idée de faire un guide pratique et non un guide juridique.
02:02C'est aujourd'hui, au fil des éditions, le guide est devenu un peu plus juridique
02:08qu'il l'était à l'origine, mais c'est un guide qui peut aussi bien s'adresser à des
02:12juristes d'entreprise qu'à des responsables de sites qui n'ont jamais fait de droit.
02:17L'idée étant de leur permettre, à l'arrivée des enquêteurs, en très peu de temps, parce
02:21que vous constaterez qu'il est fait d'un certain nombre de fiches pratiques, vous avez
02:26une première partie générale et une seconde partie où, visite par type de visite, vous
02:31avez des fiches pratiques qui permettent…
02:32Avec des exemples concrets ?
02:33Avec des exemples concrets et en l'espace de 10 minutes, on peut avoir un vernis, comprendre
02:38quelles sont les questions qu'on peut poser, les droits qu'on a et les obligations auxquelles
02:43on est contraint.
02:44Alors vous l'avez dit, le cadre législatif réglementaire a évolué largement depuis
02:48la première édition, quelles sont les nouveautés de cette troisième édition ?
02:51Il y en a beaucoup, je n'en citerai que deux qui me paraissent importantes en matière
02:58de perquisition.
02:59La première s'agissant des entreprises a été introduite dans la loi confiance, c'est
03:05l'article 56.1.1 qui permet dorénavant aux entreprises de faire, comme c'était la pratique
03:12en matière de concurrence, de mettre sous enveloppe scellée, de demander à ce que
03:16soient mis sous enveloppe scellée des documents dont les entreprises considèrent qu'ils
03:21sont couverts par le secret professionnel et il y a un renversement de l'initiative procédurale
03:26puisque c'est à l'autorité saisissante de saisir le GLD pour déterminer si les documents
03:35qui sont dans l'enveloppe sont ou non couverts par le secret professionnel et non l'inverse.
03:39Donc c'est une nouveauté importante.
03:41Deuxième nouveauté très importante également, c'est un arrêt qui a été rendu par la
03:45Chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 mars dernier, donc cette année, c'est
03:50très récent et de manière très intéressante, cet arrêt nous dit que ce n'est pas parce
03:55qu'un droit ne figure pas dans le code de procédure pénale qu'il n'existe pas.
04:01En d'autres termes, dans cette affaire, on avait refusé à un avocat l'accès à une
04:06audience parce que sa présence à l'audience n'était pas prévue dans le texte.
04:09La Cour de cassation nous dit que ce n'est pas parce que ce n'est pas dans le texte
04:12que l'avocat n'a pas à être présent et mutatis mutandis, on peut considérer aujourd'hui
04:19que si on applique cet arrêt à la perquisition, les avocats ont le droit d'être présents
04:24à côté de leurs clients lorsque leur client est soupçonné.
04:27Ça n'était pas le cas jusqu'à présent et c'est une évolution fondamentale.
04:31Un autre point important, c'est la préparation à ces visites inopinées ou perquisitions.
04:38Comment les entreprises peuvent-elles s'y préparer ?
04:40Les entreprises aujourd'hui sont généralement bien préparées, elles ont toutes mis en
04:46place ou la plupart d'entre elles, des procédures avec des fiches pratiques.
04:52La difficulté vient souvent de ce que les enquêteurs ne préviennent pas, donc ils s'adressent
04:57à la réception qui est le premier contact.
04:59La réception est souvent outsourcée, donc ça n'est pas nécessairement la réception
05:04de l'entreprise.
05:05Les entreprises ont mis en place des procédures avec les personnes à contacter, la difficulté
05:10étant naturellement de tenir à jour ces procédures parce que les perquisitions, ce
05:18n'est pas tous les jours.
05:19Quels sont les pièges à éviter lors d'une visite inopinée ou d'une perquisition ?
05:23Les pièges à éviter, je dirais, le premier d'entre eux, c'est de ne pas être préparé.
05:29Le deuxième piège, c'est de ne pas tenir à jour sa liste parce qu'on appelle l'avocat,
05:34le collaborateur qui a quitté l'entreprise, l'avocat n'est plus là, etc.
05:38Donc, tenir à jour les procédures.
05:41Deuxième piège, c'est se sentir dans l'obligation d'être complaisant à l'égard des enquêteurs.
05:51Bien souvent, il y a les entreprises qui sont régulées, qui ont un intérêt à être
05:56en bon terme avec leur régulateur, puis il y a des entreprises qui se disent « moi,
05:59je n'ai pas envie de donner l'impression que j'ai quelque chose à cacher ».
06:03Donc, par certaines formes de complaisance, elles sont tentées, ou un syndrome de Stockholm peut-être,
06:09de donner plus d'informations alors qu'elles ont des droits et que ces droits, il faut les respecter.
06:15Alors, il faut être prudent aussi, il faut les faire respecter d'une manière intelligente,
06:19c'est-à-dire avec diplomatie, mais fermeté.
06:22Donc, ça veut dire qu'il faut coopérer, mais pas trop quand même ?
06:25Exactement.
06:26Alors, quels sont justement les droits et obligations des entreprises dans ce type de situation ?
06:30Alors, ils sont extrêmement nombreux, ils figurent précisément dans le regard.
06:36Mais en synthèse, les principaux ?
06:39Les principaux droits, c'est demander aux enquêteurs, déjà, qui ils sont, en vertu de quel droit ils interviennent.
06:46Est-ce qu'ils interviennent sur pouvoir propre ? Est-ce qu'ils interviennent en vertu d'une autorisation du juge ?
06:50Demander, avoir cette autorisation, demander à être assisté d'un avocat.
06:56Compte tenu de l'arrêt, la décision dont je viens de vous faire part,
06:59il n'y a pas de raison aujourd'hui de ne pas le demander.
07:02Ne pas hésiter si on refuse ce droit à faire figurer dans le procès verbal qui sera établi à l'issue de la visite,
07:09le fait que vous avez demandé à être assisté de votre avocat et que ce droit vous a été refusé.
07:15Ça, c'est important.
07:16Ça, c'est important.
07:17Il ne faut pas hésiter à faire des réserves.
07:20En termes d'obligations, les entreprises ont l'obligation, par exemple,
07:25de donner des codes informatiques aux enquêteurs
07:28s'ils sont effectivement fondés à faire la visite,
07:31mais vous devez assister les enquêteurs pour leur permettre de prendre possession des documents qu'ils sont venus chercher.
07:38Bien sûr.
07:39Alors, on sait que dans les entreprises, il y a des informations sensibles.
07:42Le secret des affaires, c'est important.
07:44Alors, comment protéger ces informations sensibles tout en coopérant avec les autorités de contrôle ?
07:50Alors, il faut être vigilant.
07:52Il y a des mesures qui consistent à classer.
07:55Dans les directions juridiques, on s'efforce de classer.
07:57Vous savez que demain, probablement, la proposition de loi qui a été votée,
08:05qui confère une confidentialité des avis juridiques des entreprises,
08:10devrait, il faut en tout cas l'espérer, être votée en deuxième lecture.
08:14Lorsque ce sera le cas, évidemment, il faudra être discipliné
08:17et, si possible, classer tous les documents qui sont susceptibles d'être protégés
08:22dans des fichiers pour pouvoir les identifier facilement et les mettre ensuite dans des enveloppes.
08:26Quels conseils donneriez-vous aux chefs d'entreprise pour gérer ce type de situation de crise ?
08:32J'irais d'abord bien se préparer, mettre en place une procédure,
08:35identifier la personne qui sera l'interlocuteur des enquêteurs.
08:39Il est important de choisir quelqu'un qui, à la fois, connaît les droits, connaît les avocats,
08:45mais également, en termes de personnalité, n'est pas une personne qui va antagoniser les enquêteurs.
08:52J'ai en mémoire une expérience douloureuse pour le client
08:56où le client, qui était en l'espèce un directeur financier parce qu'il n'y avait pas de direction juridique,
09:01avait décidé de ne pas aider cette enquêtrice de la DGCRF, l'avait laissée dans un coin.
09:07C'était en province et, à l'heure du déjeuner, il l'avait laissée sans même lui proposer un sandwich.
09:12Bref, l'enquête avait pris un mauvais départ
09:16et un certain nombre d'enquêteurs, procureurs et juges d'instruction m'ont dit dans le passé
09:22qu'en ce qui les concernait, dans les dix premières minutes,
09:25ils s'étaient fait une idée de l'orientation que prendrait toute l'enquête.
09:28Donc, ce premier moment, dès le départ, parce que l'enquête démarre souvent par une perquisition.
09:33On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau.
09:36Merci Arnaud Dumouriez.

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