• l’année dernière
Notre invité "Au cœur  de l'info", Elisa Chelle, Rédactrice en chef de la revue Politique Américaine, vient nous parler du système démocratique américain, de ses imperfections. Peut être même de son essoufflement. Ce suffrage indirect ne nourrit-il pas la contestation ?

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00:00En deux jours, les Américains élisent de manière indirecte leur prochain président. Kamala Harris a déjà voté par correspondance.
00:06Alors ce scrutin entre la candidate démocrate et Donald Trump est, vous le savez, extrêmement serré. Les résultats pourraient donc prendre du temps car,
00:13comme va nous l'expliquer notre invité, ce soir le système démocratique américain autorise des zones grises dans lesquelles quelques milliers de voix décisives
00:20peuvent se perdre ou se gagner. Mais au-delà de cette attente, nous voulions aussi questionner ce soir l'état de santé de cette dite grande démocratie,
00:28l'incertitude concernant l'issue du scrutin. Suffit-il à qualifier ce système de démocratique ? Ce suffrage indirect ne nourrit-il pas la contestation ?
00:36Elisa Schell est avec nous ce soir pour nous apporter des éléments de compréhension. Vous êtes notamment, car je ne vais pas citer tous vos titres,
00:43professeure de sciences politiques à l'Université Paris-Nanterre et rédactrice en chef de la revue politique américaine.
00:50Nous sommes face à une situation inédite. Elisa Schell, un candidat, Donald Trump, qui se représente malgré plusieurs procès pour lesquels il doit,
01:01a priori, mais ce n'est pas acquis, répondre de ses actes et qui n'a toujours pas reconnu la victoire de Joe Biden en 2020.
01:08C'était difficile pour lui de le faire. Il n'a pas réussi à le faire. Et puis une candidate qui a été désignée pour cause de désistement de dernière minute du candidat
01:16qui avait été élue. Et là aussi, on peut s'interroger concernant Kamala Harris. Vous allez nous le dire. Est-ce que son processus de désignation a été respecté ?
01:25Elle arrive comme ça. Il n'y a pas eu de primaire. Est-ce que finalement, sa nomination elle-même a respecté le processus démocratique ?
01:33Alors si vous demandez aux Républicains, ils vous répondront que non. Mais les Démocrates ont dû adapter leur procédure.
01:42D'ailleurs, il n'y avait pas exactement de texte qui régissait cette situation. Donc ils se sont adaptés au vu de la situation qui était la leur.
01:51Donc Kamala Harris n'a pas été élue à l'issue d'un processus primaire. Elle était quand même sur le ticket de Joe Biden.
01:58Et c'est d'ailleurs grâce à ça qu'elle a pu récupérer la cagnotte de campagne qu'avait déjà amassé Joe Biden pendant la première partie de la campagne.
02:07Donc elle avait une certaine légitimité. Elle avait été désignée comme étant colissière de Joe Biden.
02:16C'était donc celle qui était la plus légitime ou la moins illégitime pour remplacer Joe Biden.
02:24Et pourtant, ce n'était pas imposé. C'est d'ailleurs peut-être pour ça que Joe Biden lui-même s'est dit bon allez j'y retourne.
02:28J'avais promis que je n'y retournerai pas. Mais j'y retourne parce qu'elle n'arrive pas à faire sa place.
02:32Alors la stratégie des démocrates est quand même un petit peu obscure. Et ça fait partie de la politique.
02:37C'est qu'ils ne nous disent pas tout. Donc la stratégie des démocrates, ça a été d'abord de dire que Joe Biden ne ferait qu'un seul mandat.
02:46C'est ce qu'il avait dit au départ. Et puis finalement, il a changé d'avis, constatant sans doute que sa vice-présidente ne perçait pas vraiment dans l'opinion.
02:55Elle a du mal à s'installer, à avoir du charisme, à être dans le relationnel, vraiment le côté.
03:01Elle n'a pas été gouverneure d'un État. Elle n'a pas eu de fonction exécutive en politique avant d'être vice-présidente.
03:08Donc elle manquait de cette expérience, de ce lien populaire. Et donc Joe Biden décide d'y retourner,
03:16tirant aussi les leçons des dernières élections de mi-mandat qui avaient vu quand même un revers important pour les Trumpistes.
03:22Donc il y va. Et on constate qu'au fur et à mesure de la campagne, son État semble vaciller, son État cognitif.
03:32Souvenons-vous, il fait beaucoup de fautes, il trébuche, etc. Bon, on sent que l'âge le gagne.
03:39Et ce qu'on ne sait pas, c'est qu'est-ce qui a décidé les démocrates de sortir leur carte et à quel moment.
03:47Puisque le fait que Kamala Harris succède à Joe Biden, on s'y attendait, mais on ne savait pas quand.
03:52Et le moment où ils l'ont fait était particulièrement bien choisi, puisque c'est arrivé juste une semaine après la tentative d'assassinat de Donald Trump.
04:02Ça a été l'une des grandes images de cette campagne. Et justement, qui permettait de dire à Trump qu'il avait été blessé et qu'il avait failli mourir pour la démocratie.
04:11Donc c'était une image assez forte. Et les démocrates, une semaine après, abattent leur carte le retrait de Joe Biden et poussent Kamala Harris dans une campagne éclair.
04:22Mais une campagne qui, au début, a suscité un certain enthousiasme. Souvenons-nous de cet été, c'était la Kamala Mania.
04:31Vous parliez justement de la cagnotte qu'elle a récupérée. Mais elle a levé, je crois que c'est 300 millions en un mois de campagne.
04:37On peut presque se demander, je me fais l'avocat du diable, si elle n'a pas acheté finalement sa nomination.
04:42Parce que c'est vrai que c'était assez spectaculaire. Et du coup, elle s'imposait de facto face à aucun candidat.
04:47Ce n'est pas tellement qu'elle l'a acheté. C'est-à-dire que le système américain est tel que les grands donateurs ont forcément un mot à dire.
04:55Ce sont des investisseurs. Donc ils résonnent comme de vrais investisseurs avec des grosses sommes d'argent qu'ils peuvent proposer.
05:03Mais du coup, un retour sur investissement qui les attend.
05:07Du coup, le système démocratique, vous parlez de ça. Parce qu'il y a un investissement.
05:11Absolument. Et si on regarde ce qui se passe du côté de Donald Trump, Elon Musk a aussi investi dans la campagne de Donald Trump.
05:20En espérant aussi un retour en termes de politique spatiale, des régulations, etc. Il serait même chargé de mission si Donald Trump était élu.
05:28Donc la démocratie américaine accorde une place centrale à l'argent. Ça, c'est de longue date.
05:36Et de plus en plus depuis 2010, où il n'y a plus de plafond pour les campagnes, il n'y a plus de plafond de dépense. Donc l'argent...
05:45Quand j'ai les chiffres, là, on parle pour cette élection de 2024, 5,2 milliards d'euros, le coût de cette campagne.
05:54Le coût total par rapport à la France. Alors nous, on a des plafonds en France. Ce n'est pas le cas des Américains.
05:59Oui, bien sûr, ce n'est pas le cas. Et d'autant que maintenant, les candidats peuvent être financés sans passer par le parti.
06:05C'est les fameuses super PACs. Donc les Political Action Committees permettent maintenant aux candidats de se financer en dehors de tout contrôle du parti.
06:15Donc ça, ça veut dire que les investisseurs ont un pouvoir important. Et l'autre effet aussi à noter, c'est qu'il y a un encouragement au financement aussi par les petits donateurs.
06:28Parce qu'il y a les grands donateurs, mais il y a aussi les petits donateurs. Et les petits donateurs ont contribué – c'est ce qu'on montre aussi dans cette revue politique américaine –
06:36ont contribué à la polarisation. Parce que les petits donateurs, les Américains qui vont donner 20, 30, 50, 100 dollars,
06:42en fait, si on regarde la masse, ce qu'on voit, ce sont les plus radicalisés qui donnent. Et donc ils favorisent la polarisation de la campagne.
06:49Alors, pas seulement eux, mais les petits donateurs sont aussi au cœur de cette campagne. Donc l'argent est très, très important.
06:57Et c'est comme ça qu'on se retrouve avec un ticket. Enfin, ce n'est pas vraiment un ticket, mais en tous les cas, une affiche, notamment à l'époque Biden-Trump,
07:03dont ne voulaient pas, selon les sondages, les Américains.
07:06Oui, effectivement, pendant toute une partie de la campagne, on s'est dit que deux Américains sur trois ne voulaient pas de l'alternative Trump-Biden.
07:15D'ailleurs, là, pour l'alternative Trump-Harris, ce n'est pas non plus un énorme soulèvement d'enthousiasme.
07:23C'est pour ça que les candidats multiplient les attaques, les petites phrases, les mobilisations pour essayer d'encourager les électeurs à aller voter.
07:32Puisque beaucoup disent que ce n'est pas très intéressant, finalement, cette alternative.
07:38Alors certes, on a d'un côté Kamala Harris, qui est une femme de couleur qui pourrait devenir présidente des États-Unis.
07:45Mais ça ne suffit pas. Les enquêtes de très bons journalistes montrent que, par exemple, en Pennsylvanie,
07:54Kamala Harris va être regardée par les classes urbaines plutôt pauvres noires comme étant celle qui a été magistrate, qui a condamné des gens.
08:05Et donc ça, c'est quelque chose qui est difficile à accepter pour un certain nombre d'électeurs.
08:09Et c'est aussi une femme, ce qui n'est pas toujours en sa faveur aussi pour des électeurs issus des minorités.
08:15Revenons sur ce système, ce mode de désignation qui est très particulier, qui correspond uniquement aux États-Unis.
08:22Un vote indirect avec des grands électeurs, est-ce que c'est parce qu'il, justement, fragilise la démocratie à l'heure actuelle ?
08:29Parce que vous le dites, du coup, c'est le règne de l'argent. C'est le règne de la figure médiatique, de celui qui va occuper la scène médiatique.
08:37Et donc on a l'impression que ce n'est plus la représentation du peuple qui est respectée, comme ce le fut il y a très longtemps après la Révolution
08:44et qu'aujourd'hui, ça a complètement dévié.
08:46Justement, à la Révolution, les pères fondateurs se disent qu'il faut effectivement établir un système démocratique.
08:54Mais à l'époque, les révolutionnaires, aux États-Unis comme en France d'ailleurs, se méfient du peuple.
09:00Puisque le peuple est peu éduqué, il est potentiellement violent.
09:04Donc il y a une mise à distance.
09:07Donc il y a à la fois une proclamation de la souveraineté populaire, mais aussi des mécanismes de délégation du pouvoir
09:14qui instaurent une certaine distance entre les électeurs et les représentants.
09:22Donc aux États-Unis, justement, pour contenir ce pouvoir de la masse, on va mettre en place ce scrutin indirect
09:30qui est aussi le résultat d'un compromis.
09:32Puisqu'à l'époque, on a les 13 premiers États qui ne sont pas tous de même taille.
09:38Et s'il y avait eu un simple vote populaire direct, les États de fortement peuplés l'auraient emporté.
09:44Sauf que dans le compromis en 1787, les petits États disent mais nous, on veut aussi notre voix au chapitre.
09:50Et c'est pour ça que le système des grands électeurs favorise les petits États
09:55puisque le nombre de grands électeurs par État est égal au nombre de sénateurs, qui est 2 par État, indépendamment de la population,
10:01plus l'équivalent du nombre de représentants qui lui est proportionnel à la population.
10:05Ça veut dire que dans l'ensemble, les États ruraux, puisque c'est souvent le cas pour les petits États,
10:11les États ruraux sont, quand on dit petits, c'est peu peuplés, les États ruraux sont surreprésentés.
10:18Or, s'il y a un clivage qui est fondateur dans les élections américaines, c'est le clivage urbain-rural.
10:23On sait, à l'exception de l'Alaska, que le vote rural est plutôt républicain et que le vote démocrate est plutôt urbain.
10:33Mais donc du coup, ce n'est pas la victoire du nombre aux États-Unis.
10:37C'est ce qui pose problème.
10:38Ça nourrit une frustration de ne pas être représenté, de se faire voler la victoire.
10:44Et on sait que ça, c'est un ressort que Donald Trump n'hésite pas à utiliser.
10:49Les règles sont ce qu'elles sont.
10:51Donc, Donald Trump, je ne sais pas s'il a utilisé sciemment ses règles.
10:55C'est-à-dire qu'en 2016, il est élu avec 3 millions de votes populaires en moins qu'Hillary Clinton.
11:00Il ne l'a pas ciblé particulièrement.
11:02Il y a aussi eu des erreurs de campagne de la part d'Hillary Clinton lorsqu'elle n'a pas fait campagne dans certains États clés, par exemple.
11:08Ces fameux États qui peuvent faire basculer l'élection d'un côté ou de l'autre.
11:12Donc, il a utilisé, je dirais, le système autant qu'il l'a pu.
11:19Et il a gagné selon les règles.
11:22Donc, les règles, après, on peut les juger défavorables aux démocrates.
11:25Et c'est vrai que les deux fois où c'est un président qui l'a emporté avec moins de voix populaire, ça a été un républicain.
11:33On se souvient de George W. Bush en 2000, avec cette grande saga des recontages, du vote en Floride et de l'intervention de la Cour suprême.
11:41Face à Al Gore.
11:42Face à Al Gore, tout à fait.
11:43Qui s'est soldé par l'intervention de la Cour suprême.
11:45Qui a dit non, non, on arrête les recontages.
11:47Et George W. Bush a été proclamé victorieux.
11:51Et pareil pour Donald Trump en 2016.
11:54Donc, c'est pour ça aussi que les démocrates pensent que ce système est injuste.
11:58Puisqu'il ne leur a pas profité jusqu'à présent.
12:01Mais les règles sont comme ça depuis longtemps.
12:05Mais on se retrouve dans une situation assez dingue.
12:07J'en parlais tout à l'heure d'un président, enfin un ancien président Donald Trump qui n'a pas reconnu la victoire de Joe Biden.
12:13C'est le propre d'une démocratie de s'incliner, de savoir dire bon ben là j'ai perdu puis je reviendrai la prochaine fois.
12:19Alors Donald Trump s'est retrouvé dans une situation inédite puisqu'il a perdu une élection.
12:23Et il voulait se représenter d'ordinaire.
12:25Les présidents qui perdent une élection se retirent et laissent passer leur cours.
12:29Ils prennent la retraite, font des conférences très bien payées, etc.
12:32Ils font autre chose.
12:33Mais Donald Trump a souhaité revenir.
12:37Alors effectivement, il n'a pas concédé cette élection qui était une manière pour lui de se mettre en avant comme légitime.
12:44Puis il ne faut pas oublier non plus que s'il le dit, c'est que ça a une résonance dans son électorat.
12:48Puisqu'il y a une partie de son électorat...
12:51C'est extrêmement dangereux.
12:52Enfin on a vu ça avec la prise du Capitole.
12:54Oui et puis même au-delà de ceux qui se sont mobilisés le jour du Capitole,
12:58là, dans cette campagne, on estime qu'il y a 43% des supporters de Trump,
13:03enfin en tout cas des républicains,
13:05qui pensent qu'il n'a pas nécessairement à reconnaître les résultats.
13:10Puisqu'ils ont une méfiance envers les institutions démocratiques.
13:15Donc Donald Trump, c'est un personnage qui est venu de l'extérieur de la vie politique,
13:21un homme d'affaires, un homme de médias,
13:24qui a réussi à se faire désigner par le parti républicain,
13:29mais de manière démocratique.
13:31Et les deux fois.
13:32C'est-à-dire qu'il s'est présenté aux primaires,
13:34et les électeurs républicains ont voté majoritairement pour Donald Trump.
13:38De manière démocratique, mais en utilisant un support qui est celui des médias,
13:42et finalement ces procès qui auraient pu lui être défavorables,
13:45lui ont été extrêmement favorables.
13:47Ça lui a offert une médiatisation pour aucun dollar.
13:51Oui, mais la liberté de la presse fait aussi partie de la démocratie.
13:55Donc c'est un homme de médias.
13:57On l'a vu encore ces derniers jours de campagne,
14:00avec son passage dans un McDonald's,
14:02lorsqu'il donne une interview à l'avant d'un camion poubelle.
14:07Il utilise les médias parce qu'il sait comment ça marche.
14:10Il a fait de la télé-réalité,
14:12il sait comment capter la lumière et l'attention.
14:15Et Kamala Harris, il faut le dire, est beaucoup moins avancée dans ce type d'exercice.
14:19Donc oui, il utilise les médias comme caisse de résonance.
14:23Il dit des choses qui peuvent sembler complètement hallucinantes.
14:27Vu d'ici, on pense par exemple aux haïtiens qui mangent des animaux de compagnie,
14:33ou ce genre de choses.
14:35Mais c'est repris sans cesse.
14:37Et ça a une résonance.
14:39Il ne faut pas oublier que dans les électeurs,
14:41il n'y a pas que des gens raisonnables,
14:43qui veulent discuter programme contre programme,
14:46qui veulent avoir une vision un peu savante de la politique.
14:50La plupart des électeurs regardent simplement le côté esthétique.
14:55Est-ce qu'il a l'air sympathique ? Est-ce que je comprends ce qu'il dit ?
14:58Est-ce qu'il a l'air d'être connecté à mes problématiques ?
15:01Est-ce qu'il pourra m'aider ? Est-ce que j'aurai plus d'argent ?
15:04Est-ce que je paierai moins d'impôts ?
15:06Donc ce sont des questions qui vont bien au-delà de la compétence
15:10telle qu'on peut la comprendre nous,
15:12vu de loin et vu aussi de nos diplômes qui sont les nôtres.
15:17Il faut bien considérer que beaucoup d'électeurs
15:21ne sont pas du tout dans le monde dans lequel nous nous évoluons.
15:24Et donc ils peuvent trouver une légitimité à un candidat comme Trump.
15:28J'entendais encore dans un reportage sur la Pennsylvanie
15:31une électrice qui disait
15:33« Kamala Harris me donne des demonic vibes,
15:36des vibrations sataniques. »
15:40Ce qui est complètement absurde vu de chez nous,
15:43mais ça fait aussi partie des représentations des gens
15:47et il faut bien se dire qu'ils votent de là où ils sont.
15:50Il ne faut pas oublier que 48% des électeurs soutiennent Donald Trump
15:54et 48% ne veulent pas d'une autocratie.
15:5748% des Américains ne veulent pas d'une dictature.
16:00Mais ils veulent un pouvoir fort,
16:03une sorte d'autorité qui s'exprime.
16:06Voilà, ils jugent selon leurs critères.
16:09Parlons de ces zones grises que j'évoquais tout à l'heure
16:12parce qu'elles peuvent faire et défaire une élection.
16:15J'aimerais que vous nous l'expliquiez parce que c'est tout l'enjeu de l'État fédéral.
16:19Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce sont les États qui organisent les élections
16:23et donc qui offrent cet espace qui permet aux candidats
16:27de passer un coup de fil en disant
16:29« Est-ce que tu ne pourrais pas récupérer ou vérifier s'il n'y a pas des contentieux
16:32pour que je puisse gagner quelques voix ? »
16:34Qu'est-ce qui se passe exactement ?
16:36Oui, il y a effectivement 50 États qui administrent les élections
16:40et même plus encore, les élections sont administrées au sein des comtés.
16:43Il y a un peu plus de 3000 comtés aux États-Unis.
16:45Donc ça veut dire qu'il y a un maquis de règles électorales.
16:49Il n'y a pas un gros code électoral qui régirait l'ensemble des élections sur tout le territoire.
16:53Il y a un maquis de règles.
16:55Et tout bon juriste vous dira que l'intérêt de l'ambivalence
17:01ou des « loopholes » comme on dit, c'est-à-dire des failles dans les réglementations,
17:05sont faites pour être exploitées.
17:08Donc là encore, Donald Trump utilise une caractéristique du système américain
17:13qui d'ailleurs dérive d'une volonté démocratique
17:16puisque s'il y a un système fédéral aux États-Unis,
17:19c'est que les pères fondateurs se sont battus contre un État centralisé,
17:23pour ceux qui l'ont emporté,
17:26se sont battus contre un État centralisé qui rappelait la monarchie britannique,
17:29la vieille Europe et qui voulait une autodétermination des territoires.
17:34Donc là, on est dans un système quelque part hyper démocratique,
17:38c'est-à-dire où les collectivités locales définissent leurs règles
17:43et où les candidats peuvent aussi utiliser leurs règles.
17:47N'oublions pas que le droit aux États-Unis,
17:49c'est pas un droit romain avec des grandes règles,
17:52c'est un droit de « common law » qui se base sur le règlement des litiges,
17:56c'est le droit des gens.
17:58Donc ça crée beaucoup d'espace pour négocier
18:03et là aussi on en parle dans la politique américaine
18:06pour dénoncer des fraudes électorales.
18:09Donc c'est vrai que c'est ça qu'on va recompter aussi,
18:11les contentieux, les votes et les contentieux.
18:13Une toute dernière question, c'est vrai qu'on craint des débordements,
18:15quel que soit l'issue du vote,
18:17quelle serait la solidité du système fédéral face à une telle issue ?
18:21Alors pour l'instant, le Capitole a pris des mesures de sécurité
18:25tout à fait exceptionnelles pour la journée du 6 janvier 2025.
18:30Donc il y a quand même une attente à des mouvements de violence
18:35et donc ils vont être sans doute plus sur leur garde
18:39et il y aura moins de débordements, je pense qu'il y en aurait eu
18:43s'il n'y avait rien de prévu.
18:45Mais l'État est solide face à cette menace-là ?
18:48Oui, les États-Unis sont une démocratie de longue date,
18:51ils ont survécu à une guerre civile,
18:53ils ont survécu à des grands soulèvements
18:56pendant les mouvements des droits civiques.
18:58La démocratie américaine est pérenne,
19:01mais aussi je pense que la flexibilité de ces règles
19:04et la possibilité pour les acteurs politiques de les investir
19:07participent paradoxalement de sa durabilité.
19:10Elisa Schell, merci infiniment pour ces réflexions,
19:14cette analyse qui vient nourrir notre réflexion
19:16parce que nous on réfléchit et nos spectateurs réfléchissent eux
19:19et s'interrogent quand ils sont face à un tel scrutin
19:21et qu'une telle démocratie s'exprime dans les urnes ces prochains jours.
19:26Merci infiniment, je rappelle que vous êtes notamment
19:28rédactrice en chef de la revue Politique Américaine,
19:30dont on voit la couverture du dernier numéro.
19:32Merci infiniment.

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