Dalya Daoud, autrice de "Challah la danse" (Le Nouvel Attila) est l'invitée de Marie Misset
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00Et Marie Misser, bonjour ! Votre nouvelle tête s'appelle Dalia Daoud et son premier
00:04roman est sorti aux éditions Le Nouvel Attila.
00:07Oui, et ça s'appelle Challah, la danse.
00:09Bonjour Dalia Daoud.
00:10Bonjour.
00:11On part tout de suite avec vous en mai 1995.
00:14Tapis au creux des collines éternelles, entre Lyon et Rohanne, Bessenay, la capitale
00:20du Bigarro, était un paisible village de 1800 âmes.
00:25Paisible jusqu'au jour où Jean-Jacques Goldman et ses compères ont décidé de faire halte
00:30à Bessenay pour un soir, pour un concert unique, unique comme l'affiche sur la devanture
00:35de la boucherie de Monsieur Giroux.
00:37Oui, oui, Monsieur Giroux, je pense que vous connaissez cette vidéo d'Alia Daoud qui
00:41décrit la tournée des villages de Jean-Jacques Goldman en 1995, dans des villages donc, dans
00:47votre premier, très émouvant premier roman, Challah, la danse en suit, la vie d'un lentissement
00:52de travailleurs immigrés mais pas que, installés à côté d'une usine de textiles qui vit
00:57puis meurt au bord d'un village à côté de Lyon.
01:00Un lotissement en périphérie, ni de la ville, ni vraiment accepté à la campagne où les
01:05enfants deviennent des ados qui poussent, sèment et vieillissent.
01:08Un des chapitres vraiment très drôles de votre livre est consacré à ce concert de
01:13Jean-Jacques Goldman.
01:14Et j'ai retrouvé les mots du maire de ce reportage de France 2 dans la bouche du maire
01:20de votre roman.
01:21C'est un hasard.
01:22Je vais vous poser la question, à vous la journaliste, ancienne rédactrice en chef
01:25de rue 89 Lyon, c'est quoi la part de fiction dans cette fresque qui s'étale sur 20 et
01:30quelques années ?
01:31Incroyable archive, bravo de l'avoir retrouvée.
01:34Franchement, je suis tombée dessus, j'ai dit c'est dans le livre, c'est dans le livre,
01:38c'était dans le livre.
01:39Je suis sciée.
01:40Effectivement, ce concert a bien eu lieu dans ce tout petit village des Monts-du-Lyonnais,
01:45ça fait partie des éléments de réalité que j'ai utilisés pour créer le roman,
01:51qui reste quand même malgré tout une fiction dans sa globalité, mais ça fait partie du
01:55décor en fait de l'époque.
01:56Ça vous permet quoi d'écrire quand même cette histoire qui ressemble un petit peu
02:00à votre enfance, à votre adolescence, sans faire de journalisme ?
02:03Ça permet quoi la fiction ?
02:04C'est une bonne question ça, j'ai l'impression que ça me permet de faire des choses plus
02:10amples et puis aussi c'est presque contradictoire mais d'aller vers plus de vérité, d'être
02:16plus juste avec ce que j'avais à raconter, grâce justement à la nuance et puis à l'empathie
02:24pour les personnages, peut-être aussi, mais je pense que je n'en manquais pas non plus
02:28en tant que journaliste.
02:29Je crois qu'on est bien placé pour le savoir, il en faut beaucoup pour faire ce métier-là
02:35et pour écrire du roman, peut-être un peu moins presque à la limite, parce qu'on peut
02:39tous permettre, j'ai même eu l'impression parfois d'être un peu cruelle avec des gens
02:47qui ne composent pas exactement les personnages du roman mais qui les ont inspirés d'une
02:51certaine façon, au moins en partie.
02:53Et ça, ça a été d'ailleurs un vrai dilemme personnel pendant l'écriture.
02:59Jusqu'où on va dans la cruauté avec ses propres personnages qui sont peut-être inspirés
03:02de gens un peu vrais ?
03:03Oui, c'est ça, exactement.
03:05Ce que vous racontez dans une langue vraiment réjouissante, ce sont des chroniques de la
03:08vie ordinaire, de ce lotissement, mais c'est aussi un territoire qu'on abandonne peu à
03:12peu.
03:13A la fois le village en bas, mais aussi le lotissement, puisque l'usine qui est l'unique
03:18raison pour laquelle ces familles sont là, ferme, c'est ça que vous aviez envie de raconter ?
03:22C'est un abandon ?
03:23Je vous vois hocher la tête, donc vous êtes plutôt d'accord a priori.
03:27Je suis plutôt d'accord.
03:28On est à la périphérie de la périphérie, on est dans des endroits où le train n'arrive
03:34pas, par exemple.
03:35Je crois qu'il y a un, je m'en suis rendue compte après, je crois qu'il y a un motif
03:38récurrent dans le livre, c'est la voiture, c'est la bagnole.
03:42Il y a 40 petites chroniques qui se succèdent et il n'y en a pas une dans laquelle n'apparaît
03:48pas une voiture.
03:49Alors ça dépend, soit totalement délabrée, soit une épave, soit une voiture totalement
03:52neuve qui va finir taguée d'ailleurs au milieu du lotissement, d'un jour raciste.
03:57Donc c'est vraiment un motif super important parce qu'en fait les gens cherchent à partir
04:02de cet endroit, à y revenir pour retrouver leur tranquillité.
04:05Mais ce sont vraiment des endroits dans lesquels il est difficile d'accéder si on n'a pas
04:11quelque chose à y faire, si on n'y connait pas quelqu'un.
04:13J'ai beaucoup ri en vous lisant et puis pouf, vous m'avez prise par surprise avec
04:17des phrases qui m'ont émue en trois mots, comme celle-ci, Simon, est-ce que vous pouvez
04:21me lire la phrase ?
04:22Oui.
04:23Dans l'usine Mutik, Hassan se dit qu'il avait marché sur quantité de ruines.
04:27Ça m'a vraiment, cette phrase m'a, voilà, elle m'a, c'est quoi les ruines d'Hassan
04:31Daliha Daoudel ? Il faut dire butée et en fait je trouve que c'est pas un joli mot
04:35à dire sur France Inter, donc je le dis pas.
04:37Il est beau pourtant.
04:39Hassan marche sur plein de ses souvenirs, il marche sur la douleur de son exil, il est
04:47arrivé très jeune en France, il fait partie des ouvriers de ce lotissement, de ce phalanctère
04:53et il a travaillé pendant 30 ans, je crois, davantage peut-être même dans cette usine,
04:58dans cette petite usine qui est nichée au cœur du village et elle va fermer parce
05:02que le tissage en France se casse la figure.
05:06Ça c'est la toile de fond, le déclin industriel français et Hassan est très triste en fait
05:13de voir son usine fermer parce qu'il y travaille dur chaque jour mais il l'aime profondément,
05:18il aime aussi son patron très profondément.
05:20Parmi la galerie de personnages, outre ce patron qui est effectivement assez chouette,
05:24il y a Lala, la mère des cinq enfants Benbassa, qui illumine tout le roman.
05:27C'est elle que s'adresse ce chala, la danse du titre puisque Lala, elle danse.
05:32Dès qu'elle peut, elle danse, notamment sur Matou Blounès, le grand chanteur Kaby,
05:35assassiné en 1998 pendant la décennie noire en Algérie.
05:38Ces danses de Lala, on dirait presque de la résistance, résistance à son quotidien,
05:42résistance à là où elle vit.
05:44D'ailleurs, on m'a fait remarquer, parce que je ne l'avais pas du tout entendue ni
05:48vue, que son prénom est dans le titre, Chala, la danse, c'est vrai, elle est dedans.
05:55Lala danse beaucoup, elles dansent, ce sont des moments d'exubérance, de joie dans
05:59la famille, qui permettent un petit peu de calmer ses colères, parce qu'elle a des
06:04enfants qui sont turbulents, elle a un mari avec lequel tout ne se passe pas forcément
06:08très bien.
06:09Et ces moments-là sont vraiment importants, ils soudent tout le monde, d'ailleurs les
06:15enfants disent Chala qu'elle danse aujourd'hui, comme ça elle nous fout la paix en fait.
06:19Pourvu qu'elle danse.
06:20Dalia, avant que vous partiez, vous avez un appel très important à lancer, je crois,
06:24c'est le moment.
06:25Dites-le à Vita, la chanteuse, ce que vous voulez lui dire depuis toutes ces années.
06:29Ah, c'est génial ! Vita, qui s'appelle aussi Charlotte, nous étions dans le même collège,
06:35je t'ai écrit une chanson, je ne sais pas si tu te rappelles, tu l'as entonnée au milieu
06:39de la cour, et voilà, j'aimerais vraiment qu'on poursuive ce travail ensemble, je laisse
06:45mon 06 à Inter.
06:47Vita, appelez-nous, dites-nous, on veut que cette collaboration ait lieu.
06:51Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion d'envoyer ce message, c'est trop chouette.
06:55Merci beaucoup Dalia Daoud, je recommande vraiment « Chalala Danse », c'est drôle,
06:59ça pique, on pleure un peu sur des destins communs qui sont tristes, c'est aussi une
07:02plongée dans les années 80-90 qui ravira les nostalgiques.