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Didier Migaud, ministre de la Justice, était l'invité de Benjamin Duhamel dans "C'est pas tous les jours dimanche", sur BFMTV.

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00:00Bonsoir Didier Migaud, merci d'être avec nous ce soir dans C'est pas tous les jours dimanche, vous êtes garde d'Essoe, ministre de la justice, numéro 2 du gouvernement,
00:07ancien député socialiste, vous avez aussi été premier président de la cour des comptes et dans cette période de débat budgétaire, ça a son importance,
00:14on parlera de votre budget dans un instant, de l'état de la justice, de la question aussi des violences sexistes et sexuelles, de votre cohabitation avec le ministre de l'Intérieur Bonneau-Retailleau,
00:22mais d'abord je voudrais vous entendre sur ce qui s'est passé près de Rennes, un enfant de 5 ans, blessé par balle à la tête hier soir,
00:28le jeune garçon qui se trouvait dans le véhicule de son père quand celui-ci a été visé par des tirs d'armes à feu, son pronostic vital est toujours engagé,
00:37je rajoute que le père de l'enfant était connu des services pour usage et vente de stupéfiants, il y a quelques minutes Bruno Retailleau a annoncé l'envoi de la CRS 82 pour lutter,
00:46je cite, contre les narco-racailles, c'est son expression, l'état est impuissant pour lutter contre le narcotrafic, Didier Migaud ?
00:53Il ne faut pas qu'il le soit, vous savez que le garde des Sceaux que je suis ne peut pas commenter une affaire individuelle, mais ce sont à chaque fois des tragédies,
01:03c'est une menace gravissime, grandissante, c'est une commission d'enquête qui a parlé d'une France submergée par le narcotrafic, il faut que nous puissions avoir des réponses fermes, rapides et efficaces.
01:21Et envoyer la CRS 82 ça suffit, on a le sentiment quand il se passe ce genre de drame, qu'effectivement régulièrement les ministres de l'intérieur annoncent l'envoi de ces types de brigades,
01:29c'est pour ça que je posais la question de l'impuissance de l'état face à ces drames.
01:34Nous luttons aujourd'hui à armes totalement inégales, c'est un chiffre d'affaires au minimum de 3 milliards et demi, comme l'avait dit l'ancien ministre de l'économie et des finances,
01:43Bruno Le Maire, avec des possibilités de corruption d'ailleurs au niveau de l'ensemble des chaînes, donc il faut que nous puissions avoir cette réponse ferme, nous y travaillons,
01:54il y a des mesures qui doivent être prises par le ministre de l'intérieur, par le ministre de la justice et nous devons travailler ensemble.
02:02Vous reprenez le terme de narco-racaille ?
02:06Les termes n'ont pas d'importance en l'espèce, ce qu'il faut c'est lutter et apporter une réponse rapide, ferme et surtout efficace. Les mots sont peu importants.
02:20Non mais là ce mot-là, comment dire, est marqué.
02:23Mais racaille c'est insuffisant comme terme d'ailleurs, parce que ce sont des criminels, ce sont des méthodes ultra-violentes qui sont reprises de la part des cartels sud-américains,
02:34donc il faut que nous puissions, et lorsqu'on parle de France submergée…
02:38La France est en voie de mexicanisation quand on voit ce qui s'est passé hier soir ?
02:42Oui, oui, oui, je le dis, c'est pas seulement Marseille, Grenoble, un certain nombre de grandes villes qui sont prises.
02:50Donc vous parlez avec le Mexique, c'est pertinent selon vous ?
02:52Ce sont des méthodes qui sont reprises des cartels sud-américains, alors nous n'en sommes pas encore là, d'où la nécessité pour nous de réagir rapidement et de façon concertée avec le ministre de l'intérieur.
03:03Un mot sur les mesures, votre prédécesseur Eric Dupond-Moretti avait annoncé la création d'un parquet national contre le crime organisé, sur le mode du parquet national antiterroriste, ça en est où ça ?
03:13Ce que je souhaite c'est proposer une organisation plus efficace qu'elle ne peut l'être aujourd'hui.
03:20Mais donc ça veut dire que vous ne reprenez pas à votre compte cette proposition ?
03:23Pour reprendre le parquet national, il faut une disposition législative. Cette disposition législative, elle ne pourra pas intervenir avant plusieurs mois.
03:32Or, il y a besoin d'une réponse beaucoup plus rapide.
03:36Mais ça reste d'actualité ce parquet national contre le crime organisé ?
03:38Oui, bien sûr, et puis nous devrons en débattre bien évidemment avec les parlementaires.
03:42Didier Migaud, je voudrais qu'on parle du budget et du vôtre plus précisément. Comme ministre de la Justice, vous avez menacé de quitter le gouvernement si vos crédits n'étaient pas augmentés, en disant je ne vois pas ce que je ferais encore au gouvernement.
03:52Si on en restait à la lettre plafond, le volet dépenses sera examiné dans quelques jours à l'Assemblée. Vous avez dit avoir obtenu des garanties.
04:00C'est une question très simple. Est-ce que ça veut dire qu'à l'euro près, vous avez obtenu l'assurance auprès du Premier ministre que vous aurez bien les 487 millions d'euros d'augmentation qui avaient été votés dans la loi de programmation ?
04:12Non, je ne suis pas aussi maximaliste que ça, étant conscient qu'il y a une situation budgétaire dégradée et que tout le monde doit en prendre conscience.
04:24Ce que je veux, c'est être en mesure de respecter les engagements qui ont été pris en termes d'augmentation d'effectifs, en termes de rémunération aussi, s'agissant des magistrats, des personnels de grève.
04:36Si vous n'avez pas les 487 millions, c'est difficile de tenir l'engagement qui était 1500 magistrats et 1800 greffiers supplémentaires d'ici 2027.
04:44Si vous avez moins d'argent, ça veut aussi dire moins d'argent pour embaucher, moins d'argent pour les payer.
04:50Non, tout dépend de l'enveloppe qui sera arbitrée par le Premier ministre, mais il y a un certain nombre de dépenses d'investissement qui peuvent éventuellement être portées,
05:04qui ne touchent pas justement aux effectifs. On a un programme, j'aurais l'occasion d'actualiser ce programme de construction de prison parce que nous sommes en retard sur ce programme.
05:16Vous avez un certain nombre de crédits qui ne sont pas obligatoirement utiles. Je souhaite que la rallonge permette de respecter les engagements.
05:24Les États généraux ont fait le constat d'une justice sinistrée. Elle n'est pas encore réparée, donc il faut maintenir l'effort.
05:32Donc ce que vous dites est paradoxal. Vous dites qu'il faut qu'il y ait cette rallonge. En même temps, vous dites que je ne suis pas maximaliste, je n'aurais pas les 487 millions d'euros qui pourtant avaient été inscrits dans la loi de programmation.
05:44Il faut obtenir ce qui nous permet de respecter les engagements qui ont été pris en termes d'effectifs. Et ça, j'y tiens.
05:54Sans obtenir autant d'argent que ce qui a été voté.
05:56Sans obtenir, il faut ensuite rentrer dans le détail. Peut-être que les 487 millions sur 2025 ne sont pas utiles pour respecter la totalité des engagements qui ont été pris.
06:08Donc c'est ma préoccupation, l'objectif qui est le mien, de faire en sorte que tous les engagements qui ont été pris en termes d'effectifs soient effectivement tenus.
06:19Nous sommes très en retard en France par rapport au budget à consacrer à la justice. Nous sommes en retard par rapport à tous les autres pays.
06:26Nous sommes parmi les derniers de la classe en ce qui concerne l'effort. C'est un peu plus de 10 milliards. Les dépenses de l'État, c'est 500 milliards d'euros.
06:35Nous sommes 2% du budget. Et en termes de comparaison avec le PIB, la France est très en retard par rapport à des pays comme l'Allemagne, l'Italie et je pourrais citer beaucoup d'autres pays.
06:46Vous êtes moins convaincant que votre prédécesseur Eric Dupond-Moretti qui avait, lui, réussi à obtenir des augmentations de budget substantielles.
06:52Eric Dupond-Moretti faisait partie du gouvernement qui a arrêté la lettre au plafond. Donc arrêtons de nous opposer. C'est complètement ridicule.
07:00Battons-nous pour obtenir les crédits qui nous permettent de faire en sorte que les engagements soient effectivement tenus.
07:06Quand je vois tout le travail qui est fait par les magistrats, par les personnels de grève, par les personnels pénitentiaires, il est important qu'on puisse justement les aider à faire face.
07:20Vous savez, tous les problèmes de la société viennent devant la justice. Mais il faut lui donner les moyens de les traiter.
07:27Didier Migaud, je voudrais revenir sur un paradoxe. Avant de devenir garde des Sceaux, je le disais, vous avez été entre 2010 et 2020 premier président de la Cour des comptes.
07:35Vous scrutiez avec beaucoup de sévérité la façon dont les comptes publics étaient gérés. Écoutez par exemple ce que vous disiez, c'était le 9 février 2019 sur France Inter.
07:43Ce que nous constatons, c'est un haut niveau de dépense publique. Et une fois de plus, il ne m'appartient pas de porter une appréciation sur ce niveau de dépense publique.
07:52Mais nous sommes parmi les pays qui dépensent le plus. En revanche, nous ne sommes pas toujours parmi les pays qui ont l'action la plus publique, la plus efficace et la plus efficiente.
08:04Nous avons des marges d'efficacité et des marges d'efficience.
08:07Quand vous êtes devenu ministre de la Justice, vous avez oublié ce que vous professiez à la Cour des comptes ?
08:11Pas du tout. J'ai en tête tous les rapports de la Cour des comptes qui disent qu'y compris au niveau de la justice, nous avons des marges d'une meilleure efficacité encore,
08:20compte tenu d'une organisation qui peut être encore meilleure, compte tenu d'un certain nombre de réformes.
08:27Et pourtant, vous réclamez plus d'argent, alors même qu'à la Cour des comptes, vous expliquez que tout ne pouvait pas passer par des augmentations de dépenses publiques, qu'il fallait faire des réformes structurelles.
08:37Mais oui, je vais en faire aussi au niveau de la justice, mais je ne retire rien à ce que j'ai dit.
08:43Mais si vous regardez avec attention les rapports de la Cour des comptes, vous verrez que la Cour des comptes dit que la justice a aussi besoin de moyens supplémentaires,
08:51que c'est un des rares secteurs où la Cour des comptes dit que des moyens supplémentaires sont tout à fait justifiés.
08:59Et d'ailleurs, je pense que l'on peut maîtriser nos finances publiques tout en conservant des priorités.
09:06Vous savez, il y a beaucoup de pays tout autour de nous qui arrivent à maîtriser leurs finances publiques et à avoir des priorités, notamment sur le domaine régalien.
09:14Didier Migaud, vous avez raison, mais vous voyez bien la difficulté.
09:17Il n'y a pas de paradoxe ni de contradiction de ma part.
09:19Si chaque ministre arrivait sur un plateau de télévision, à la radio, en disant « si mon budget en reste là où il a été négocié dans la lettre au plafond, je m'en vais »,
09:28comment baisser les dépenses publiques ? Si chaque ministre considère que son budget doit être sanctuarisé, doit être augmenté ?
09:34Mais c'est ce que je suis en train de vous dire. Nous pouvons maîtriser nos finances publiques tout en conservant des priorités.
09:41Et je pense que la justice, la sécurité sont effectivement des budgets prioritaires.
09:46La justice a été sacrifiée pendant des années et des années.
09:50La situation qui a été décrite par les états généraux de la justice, c'est une situation, je l'ai dit, de justice sinitrée.
09:59Et c'est le résultat de l'abandon pendant des années et des années.
10:04Eh bien, c'est tout à fait légitime que ce budget soit prioritaire.
10:09Mais donc, vous resterez au gouvernement parce que la rallonge qui vous sera accordée vous satisfait ?
10:13Écoutez, je fais tout à fait confiance au Premier ministre. Il a pris des engagements auprès de moi.
10:20Puis il partage aussi, je pense, cette préoccupation de donner les moyens à la justice.
10:25Donc vous serez encore ministre de la Justice à l'issue de la discussion de ce budget ?
10:28Écoutez, en tout cas, j'attends avec confiance l'arbitrage du Premier ministre.
10:35Vous ne dites pas tout à fait oui avec certitude ?
10:37Si, si, parce que oui, on a beaucoup surexploité d'ailleurs la déclaration que j'ai faite.
10:42Parce qu'en fait, je n'ai jamais menacé de démissionner.
10:45Vous avez dit, je ne vois pas ce que je ferais dans un gouvernement si on en restait à la lettre plafond.
10:48Eh bien, oui, oui, oui. Mais le Premier ministre, lorsque je suis entré au gouvernement, m'a dit qu'il augmenterait la lettre plafond.
10:55Donc vous voyez, je suis cohérent.
10:58Plus globalement, Didier Migaud, sur la situation budgétaire,
11:01je voudrais avoir le regard de l'ancien président de la Cour des comptes sur l'état des finances de la France
11:05et notamment sur une double casquette qui était la vôtre,
11:08puisque quand vous étiez premier président de la Cour des comptes,
11:10vous étiez aussi président du Haut conseil pour les finances publiques.
11:13Est-ce que vous considérez que c'est un institut fiable, sérieux ?
11:16Oui, bien sûr. Et la Cour des comptes aussi.
11:19Et donc le Haut conseil pour les finances publiques.
11:21Et le Haut conseil des finances publiques, oui.
11:22Alors, comment comprenez-vous le fait qu'il y ait un décalage entre ce que dit le gouvernement
11:26qui explique que l'effort repose aux deux tiers sur une baisse de dépenses et à un tiers sur les hausses d'impôts,
11:31alors que ce Haut conseil pour les finances publiques que vous avez présidé,
11:34donc, quand vous étiez premier président de la Cour des comptes, dit
11:36« C'est pas vrai, c'est 70% de hausses d'impôts et seulement 30% de baisse de dépenses. »
11:40Oui, il n'est pas aussi affirmatif que ça.
11:42Il dit que c'est un risque, que c'est un risque.
11:45Que vous ayez des organismes indépendants qui attirent l'attention d'un gouvernement,
11:50ce sont des avis que donne le Haut conseil des finances publiques.
11:53Et c'est toujours éclairant, intéressant pour un gouvernement.
11:56Mais il dit bien qu'il y aura davantage de hausses d'impôts, de baisse de dépenses dans ce sujet.
12:00La discussion parlementaire n'est pas encore terminée.
12:03Et vous savez, dans l'immédiat, c'est toujours difficile de réduire la dépense publique,
12:09parce que ce sont des mesures de moyen terme et de long terme.
12:15Et malheureusement, en France, nous avons un sujet autour de la dépense publique
12:22et nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupés de l'efficacité, de l'efficience de la dépense publique.
12:28C'est un vrai sujet.
12:29Lorsque je disais tout à l'heure que nous sommes parmi les premiers,
12:32voire le premier s'agissant de la dépense publique,
12:34lorsqu'il s'agit de mesurer l'efficacité et l'efficience de la dépense publique,
12:38nous sommes rarement sur le podium.
12:40Donc il y a bien un sujet.
12:42Vous diriez qu'Emmanuel Macron a bien géré les finances de la France depuis 2017 ?
12:46Je ne suis pas ministre de la justice, ça ne vous a pas échappé.
12:53Je ne suis pas ministre des finances ni de l'économie.
12:58Mais vous avez été 10 ans Premier président de la Cour des comptes,
13:00à avoir tous les ans, dans le rapport annuel, un avis lucide et souvent sévère
13:05sur la façon dont les comptes publics étaient gérés.
13:08Oui, sévère d'ailleurs à l'encontre de beaucoup de gouvernements, quels qu'ils soient.
13:12De gauche et de droite, avec un certain nombre de gouvernements
13:18qui ont eu à faire face à des crises qui ont fait qu'il y a eu des conséquences
13:24aussi sur la situation de nos finances publiques.
13:26Difficile de dire que ça a été un bon gestionnaire ?
13:28Non, mais c'est injuste.
13:30Je pense que ce que vous dites, et je ne ferai le procès de personne,
13:35ce que je constate, c'est que la France et les responsables publics
13:41se sont insuffisamment préoccupés de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique.
13:47Et ça, je l'ai beaucoup regretté, à la fois comme député
13:50et comme Premier président de la Cour des comptes.
13:52Didier Migaud, je voudrais parler du binôme que vous formez
13:54avec votre collègue ministre de l'Intérieur Bruno Rotailleau,
13:56pas franchement aligné, c'est un euphémisme.
13:58Vous aviez dit, quelques jours après votre prise de fonction,
14:00le laxisme de la justice n'existe pas.
14:03Visiblement, vous n'avez toujours pas convaincu votre collègue.
14:05Voilà ce qu'il dit, avant-hier, dans les colonnes de La Dépêche du Midi.
14:09« Aujourd'hui, la sanction arrive seulement quand les délinquants
14:12ont déjà un lourd passé judiciaire.
14:14J'ai visité la Courneuve où un policier s'est vu prescrire 40 jours d'arrêt
14:17après qu'un mineur lui a brisé la main.
14:19Ce jeune avait 33 antécédents judiciaires, dont un vol avec acte de torture,
14:22mais il n'a jamais été incarcéré.
14:25Comment mobiliser les policiers si la réponse pénale n'est pas à la hauteur ? »
14:29Comment est-ce que votre binôme peut fonctionner
14:31avec des visions aussi diamétralement opposées ?
14:34Il ne vous a pas échappé que le gouvernement n'était pas monocolore ?
14:38Ça, c'est sûr.
14:40Là, ce n'est pas seulement pas monocolore, c'est diamétralement opposé.
14:43Non, il faut rechercher les compromis.
14:46Moi, j'ai toujours travaillé pour ça.
14:48C'est pour ça, d'ailleurs, que j'ai accepté d'être dans le gouvernement
14:51de Michel Barnier, essayer de trouver des compromis,
14:54sachant que nous sommes dans une situation compliquée
14:56au niveau de notre pays, avec une dissolution qui n'est plus possible.
15:00Il y a un bloc qui est plus majoritaire que d'autres,
15:04mais sans avoir de majorité absolue.
15:06Donc, il faut bien essayer de travailler dans l'intérêt général.
15:09Nous pouvons nous retrouver avec Bruno Retaillon
15:12sur un certain nombre de préoccupations,
15:14narcotrafic, mais beaucoup d'autres choses aussi.
15:17Je pense à ceux qui nous regardent
15:20et qui se préoccupent de la façon dont l'action publique est conduite.
15:23Vous avez un ministre de l'Intérieur qui, là, encore une fois,
15:25prend l'exemple d'un individu qui, selon lui,
15:27aurait dû être incarcéré et ne l'a pas été.
15:29Comprenez, encore une fois, preuve d'un laxisme judiciaire.
15:32Et pendant le même temps, vous, garde des seaux, vous dites
15:34qu'il n'y a pas de laxisme de la justice.
15:36Comment est-ce qu'on peut mener efficacement une action publique
15:39quand on a deux ministres qui disent des choses aussi différentes ?
15:42Non, si vous regardez objectivement les choses,
15:45les peines prononcées par les magistrats sont aujourd'hui plus longues qu'hier.
15:51Vous n'avez jamais eu autant de gens dans les prisons.
15:54Vous avez une surpopulation carcérale.
15:58Donc les magistrats font preuve de fermeté.
16:00Mais vous ne réussissez pas à convaincre Bruno Retailleau de cela ?
16:02Non, il y a sûrement un temps d'exécution des peines qui est trop long.
16:07La justice est également trop lente.
16:10Donc je prends en compte, bien sûr, ces observations.
16:13Et il faut pouvoir trouver les solutions ensemble.
16:16Mais ça recoupe le sujet des moyens.
16:19Aujourd'hui, la chaîne pénale n'est absolument pas dimensionnée
16:23par rapport à toutes les attentes des citoyens
16:28et par rapport à tous les problèmes qui viennent devant elle.
16:31Donc c'est pour cela qu'il faut augmenter les moyens de la justice.
16:35Mais attaquer les magistrats, discréditer la justice ne rend service à personne.
16:41Mais c'est ce qu'il fait là, Bruno Retailleau.
16:43Non, non, non.
16:44Quand il dit cet individu-là qui s'en est pris à un policier,
16:47il aurait dû être derrière les barreaux.
16:49La justice, c'est deux millions de décisions sur l'année.
16:52La justice, c'est un travail au quotidien des magistrats, des personnels de grève.
16:56Donc quand on dit qu'il y a un laxisme judiciaire, on met en cause les magistrats ?
17:00Mais c'est une caricature.
17:04Je sais que je ne vais pas dans le sens de l'opinion publique en le disant,
17:09mais la réponse pénale est ferme aujourd'hui.
17:14Alors qu'il puisse y avoir des problèmes, des dysfonctionnements,
17:17oui, bien sûr, il faut essayer de travailler justement pour les surmonter.
17:21Et je suis tout à fait prêt à y travailler avec Bruno Retailleau.
17:25Et sur un certain nombre de manquements sur lesquels il peut pointer le doigt,
17:32nous allons y travailler ensemble.
17:34Un point sur un des projets de Bruno Retailleau
17:37qui devrait donc porter une loi immigration en début d'année prochaine.
17:40Quelques mesures point par point.
17:41Il veut notamment rétablir dans ce projet de loi
17:44des mesures qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel en janvier dernier.
17:47Je voudrais prendre un exemple.
17:49Il voudrait remettre dans la loi
17:51le conditionnement de certaines prestations sociales à la durée de résidence sur le territoire.
17:55C'est-à-dire faire une différence entre selon que vous êtes français
17:58et étranger en situation régulière pour toucher toute une série de prestations.
18:01Est-ce que ça vous est favorable à cette mesure ?
18:03Je ne commande pas des propositions qui n'ont pas encore été arbitrées par le Premier ministre.
18:09Attendez, c'est le ministre de l'Intérieur qui dit qu'il souhaite que ça apparaisse dans un projet de loi ?
18:13Il y a un Premier ministre qui, vraisemblablement, fera à un moment donné un arbitrage
18:18sur ce qui doit être présenté au Parlement.
18:20À ce moment-là, je pourrais commenter.
18:22Mais Didier Migaud, vous avez des convictions en la matière.
18:24Oui, j'ai des convictions, je les défends.
18:25Et donc, votre conviction sur ce sujet-là ?
18:27Oui, mais elle regarde mes collègues du gouvernement
18:29et c'est à moi de peser pour faire en sorte qu'on trouve les compromis nécessaires
18:34qui ne remettent pas en cause les convictions des uns et des autres.
18:37Est-ce que cette mesure de conditionner des allocations
18:40au fait d'être sur le territoire depuis x années est contraire à vos convictions ?
18:44Ce que je recherche avant tout, c'est l'efficacité d'un certain nombre de mesures.
18:48Or, il ne suffit pas de prendre un certain nombre de mesures
18:52telles que celles que vous présentez
18:54pour que ce soit efficace au regard des objectifs que l'on tient.
18:58Donc, je méfie des mesures qui apparaissent comme ça, un peu faciles,
19:02et qui, en fait, confrontées à la réalité, ne donnent aucun résultat.
19:06C'est comme les peines planchers.
19:07Quand vous regardez se condamner les peines planchers, en fait, ça a été un échec.
19:11Bon, alors, je veux bien qu'on fasse à nouveau des propositions,
19:16mais moi, je recherche l'efficacité.
19:19Vous diriez, comme Bruno Retailleau, que l'immigration n'est pas une chance pour la France ?
19:23L'immigration est une chance pour la France.
19:26L'immigration autorisée.
19:28Ce qui n'est pas une chance, et ce qu'il faut combattre,
19:31c'est l'immigration clandestine, bien évidemment.
19:33Mais lui ne fait visiblement pas la différence entre les deux.
19:37Eh bien, ça doit faire partie des échanges que nous aurons ensemble,
19:41et nous avons déjà eu des échanges fructueux,
19:44et je ne désespère pas de le convaincre sur un certain nombre de sujets.
19:47De le convaincre que l'immigration est une chance pour la France ?
19:51Mais je pense qu'il conviendra que tous ceux qui travaillent
19:55dans le secteur de la restauration, dans le secteur de l'hôtellerie,
19:58sont effectivement essentiels pour ces secteurs-là.
20:01Une toute dernière question sur l'immigration.
20:03Vous êtes garde des Sceaux, c'est-à-dire que concrètement,
20:05vous portez ces Sceaux et vous apposez les Sceaux en bas
20:08des réformes constitutionnelles quand elles sont décidées,
20:11quand elles sont votées.
20:13Bruno Rotaillot considère qu'il faut changer la Constitution
20:15pour davantage maîtriser l'immigration.
20:18Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
20:20Est-ce qu'il faut changer notre texte fondamental ?
20:23Il n'est point besoin de modifier en permanence la Constitution
20:27pour obtenir des résultats.
20:29Travaillons pour faire en sorte qu'effectivement,
20:33nous puissions davantage maîtriser l'immigration clandestine.
20:37Lutter contre le narcotrafic est une menace, je l'ai dit tout à l'heure,
20:40gravissime sur notre pays.
20:42Mais il n'y a pas besoin pour cela de changer la Constitution ?
20:44Il n'y a pas besoin de changer en permanence les textes constitutionnels.
20:47Nous avons déjà beaucoup de textes qui nous permettent de bien travailler.
20:51Et s'il faut les compléter, les parfaire, moi je suis tout à fait ouvert
20:55à partir du moment où on argumente.
20:58Didier Migaud, je voudrais qu'on parle du cas d'Andy Kerbrat,
21:00député insoumis arrêté en flagrant délit d'achat de stupéfiants.
21:03Il a reconnu les faits, promet d'entamer un parcours de soins
21:06avant de reprendre son parcours parlementaire.
21:09A gauche, on soutient le député face à ses addictions,
21:11mais au gouvernement, c'est l'inverse.
21:13Bruno Rotaillon, encore lui, appelle ce député, je cite,
21:16à tirer les conséquences de ses actes.
21:18Est-ce qu'on peut rester député quand on a été interpellé
21:20en flagrant délit en train d'acheter de la drogue à un mineur dans le métro ?
21:23Je vous rappelle que le garde des Sceaux ne peut faire aucun commentaire
21:27sur toute décision individuelle.
21:29Et je m'en tiendrai à ce principe.
21:31Mais Didier Migaud, là, vous voyez bien...
21:32Je m'en tiendrai à ce principe.
21:34Là, il y a une question politique d'exemplarité.
21:37Au fond, vous avez, dans cette affaire, sans parler du cas individuel,
21:40ceux qui disent, il y a une affaire d'addiction, il l'a reconnu,
21:43il va se faire soigner et il pourra rester député,
21:46et d'autres qui disent, quand on fait face à ce type de fait,
21:50qu'on reconnaît, on ne peut plus exercer de fonction publique,
21:54on ne peut plus être député.
21:55Je mets de côté l'aspect individuel, c'est pas en termes d'exemplarité.
21:58Sauf qu'obligatoirement, on raisonne à partir de ce cas individuel.
22:03Et je ne veux pas rentrer dans ce type de commentaire.
22:06En revanche, sur l'exemplarité des élus,
22:08je me suis battu depuis des années,
22:11aussi bien au niveau de la Cour des comptes
22:13qu'au niveau de la présidence de la haute autorité
22:15pour la transparence de la vie publique,
22:17pour qu'effectivement, les élus soient exemplaires.
22:22Ils sont aujourd'hui beaucoup plus contrôlés, d'ailleurs,
22:24qu'ils ne pouvaient l'être hier, et tout cela va dans le bon sens.
22:27Et je continuerai à me battre pour cela.
22:30Sur cette question de l'exemplarité, Didier Migaud,
22:32c'est une question qu'on pose souvent aux gardes des sceaux,
22:35aux ministres de la Justice.
22:36Je vais donc vous la poser.
22:37Est-ce que pour vous, un ministre peut être mis en examen
22:41et rester au gouvernement,
22:42ou est-ce qu'il faut faire prévaloir ce qu'on appelle la jurisprudence baladure,
22:46qui veut que tout membre du gouvernement mis en examen
22:49doit quitter ses fonctions ?
22:51Ce n'est pas à moi d'apprécier ce type de situation, vous le savez.
22:56Et puis, vous avez le principe de présomption d'innocence.
22:59Vous avez d'ailleurs un certain nombre de ministres
23:01qui avaient été mis en examen,
23:03qui sont passés devant un tribunal et qui n'ont pas été condamnés.
23:09Et donc, la jurisprudence baladure, elle était quoi ?
23:12Inutile ?
23:13Ce n'est pas aux gardes des sceaux que je suis
23:16de parler de ce type de jurisprudence.
23:19Moi, je dois veiller à la présomption d'innocence.
23:22Après, ce n'est pas moi qui constitue le gouvernement.
23:24Didier Migaud, vous parliez, il y a un instant,
23:27d'exemplarité en politique.
23:29Peut-être que ceux qui nous regardent se disent,
23:31l'exemplarité au politique, ce n'est pas de dire
23:34que quelqu'un qui est mis en examen est coupable,
23:36puisque évidemment, cette personne est présumée innocent,
23:38mais c'est de dire que pour la bonne conduite de l'action publique,
23:41c'est difficile d'être ministre et mis en examen.
23:45Je crois que c'est un problème de conscience
23:48au niveau des personnes qui sont concernées.
23:51J'ai toujours fait de l'exemplarité une priorité.
23:56Je trouve d'ailleurs qu'il y a des dispositifs à compléter
24:01pour davantage lutter contre les atteintes à la probité,
24:04contre la corruption.
24:05Je suis parmi ceux qui regrettent que le plan national
24:10de lutte contre la corruption ait deux ans de retard aujourd'hui.
24:13Donc, comme garde des sceaux, je vais veiller
24:16à ce que ce plan puisse être présenté le plus rapidement possible.
24:20Donc, j'en fais une de mes priorités.
24:22Une question assez simple, si vous étiez mis en examen,
24:25est-ce que vous resteriez au gouvernement ?
24:27Écoutez, j'espère que la situation ne se présentera pas.
24:31Oui, mais si elle se présentait ?
24:33Et pourquoi voulez-vous qu'elle se présente ?
24:35Parce que vous avez, pour dire les choses,
24:37votre collègue ministre de la Culture, Rachida Dati,
24:39qui est mise en examen pour corruption passive.
24:41Je ne crois pas avoir fait des choses
24:44qui feront en sorte que je serais mis en examen.
24:49Alors, peut-être, s'il y a la diffamation,
24:51qui entraîne une mise en examen automatique.
24:54Pour clore cette discussion sur ce sujet,
24:56il n'y a pas d'incompatibilité entre le fait
24:59d'être mis en examen et de rester au gouvernement.
25:02Le sujet ne se pose pas pour moi.
25:04Non, mais dans l'absolu, il n'y a pas d'incompatibilité
25:06entre le fait de rester au gouvernement et d'être mis en examen.
25:08En droit, il n'y en a pas.
25:10Après, c'est une question qui appartient à chacun.
25:14Et vous avez un avis sur ce sujet ?
25:18Je peux avoir un avis, oui.
25:20Je n'ai pas à vous l'exprimer.
25:21Vous le gardez pour vous ?
25:22Oui.
25:23Je vous réinviterai peut-être pour espérer avoir une réponse sur ce sujet.
25:26Didier Migaud, pour terminer, je voudrais qu'on parle de…
25:29Vous êtes libre de poser vos questions, je suis libre de mes réponses.
25:32Tout à fait.
25:33C'est ce que, je crois, les téléspectateurs constatent ce soir.
25:36Tout à fait, mais je n'ai pas de difficulté
25:41à assumer un certain nombre de choses,
25:43compte tenu des combats qui ont toujours été les miens,
25:45notamment pour la justice et pour l'exemplarité.
25:47Didier Migaud, tous les regards continuent d'être tournés
25:49vers le procès des viols de Mazan et la force du témoignage de Gisèle Pellicot.
25:53Vous aviez dit être favorable à l'ajout de la notion de consentement
25:56dans la définition du viol.
25:58Est-ce que vous nous confirmez que la loi va évoluer en ce sens
26:01et que le consentement va être rajouté dans la définition du viol ?
26:05Le président de la République s'y était également dit favorable.
26:08Oui, je suis favorable, en tout cas, à ce que nous puissions travailler
26:12à une rédaction.
26:14Il faut être préoccupé par le fait qu'il ne faut pas renverser
26:18la charge de la preuve, il ne faut pas focaliser sur la victime.
26:23Donc, il faut être très attentif à la rédaction,
26:27mais je suis tout à fait ouvert.
26:28J'ai reçu d'ailleurs les parlementaires qui ont présenté
26:32des propositions de loi et nous sommes tout à fait prêts,
26:35bien sûr, à y travailler.
26:36Et quelle pourrait être l'échéance ?
26:38Est-ce que c'est une question de semaines, de mois, d'années ?
26:41Ou d'ordre du jour au niveau de l'Assemblée ?
26:45Vous savez si le Premier ministre Michel Barnier soutient cette initiative ?
26:49Je ne veux pas parler pour lui, mais en tout cas,
26:53lorsqu'il m'a entendu, il ne m'a pas fait d'observation.
26:57Donc, ce qui ne dit mot consent.
27:00Je pense qu'à partir du moment…
27:03Mais il faut être, une fois de plus, prudent sur les termes.
27:07La jurisprudence prend en considération cette question
27:12de consentement ou de non-consentement.
27:14Donc, il faut faire attention à ce qu'une rédaction,
27:17je dirais, ne soit pas plus préjudiciable aux victimes
27:24que la rédaction actuelle.
27:26Mais je pense qu'on est tout à fait à même de trouver les bonnes phrases.
27:32Et donc, vous nous redites ce soir que vous êtes favorable
27:35à l'ajout de la notion de consentement dans la définition du viol,
27:38ce qui est effectivement demandé par un certain nombre de collectifs,
27:42d'associations.
27:43Oui, mais il y en a d'autres qui le contestent,
27:45compte tenu, justement, de cette préoccupation qu'elles peuvent avoir.
27:48Didi Migaud, je voudrais vous faire écouter les mots d'une avocate,
27:50celle de Nicolas Bedos.
27:51Il a été condamné à un an de prison, dont six mois avec sursis,
27:54pour agression sexuelle.
27:55Écoutez ce que disait Julien Minkowski, c'était mardi soir sur BFM TV.
27:59Nicolas Bedos, il n'a pas été jugé pour ce qu'il a fait.
28:02Et que la BEDOS, il a été jugé pour ce qu'il est.
28:04Personne ne vous dira le contraire.
28:06Qu'est-ce qu'on cherche là ?
28:07On cherche l'exemplarité.
28:09D'ailleurs, sur votre plateau même et ailleurs,
28:14l'avocat de la partie civile est sorti de l'audience en disant
28:18« Ah ben, c'est une décision qui va faire œuvre pédagogique,
28:21c'est une décision exemplaire. »
28:23Mais depuis quand la justice vient piétiner les droits des accusés
28:28pour faire des exemples ?
28:30La justice s'en sort là avec un bon coup de com'
28:32parce que comme c'est Nicolas Bedos, on va en parler.
28:35Bien sûr, vous ne pouvez pas vous prononcer sur une affaire individuelle.
28:38Non, mais la justice ne piétine pas les droits.
28:40La justice, elle est indépendante.
28:42Il y a l'individualisation aussi des peines.
28:46Et vous savez, dans le cadre d'un procès,
28:48les juges ont connaissance d'un certain nombre de faits.
28:50Obligatoirement, nous n'avons pas.
28:52Nous, en suivant le dossier de plus loin.
28:57Je peux comprendre l'avocate,
28:59mais si je ne peux pas accepter les termes qu'elle emploie
29:01sur la justice qui piétine les droits.
29:03Donc elle se trompe quand elle dit « c'est un coup de com' de la justice » ?
29:06La justice ne fait pas des coups de com'.
29:08Enfin, qu'est-ce que c'est que cette idée ?
29:10Il y en a assez de discrédité en permanence,
29:13le travail des magistrats.
29:15Je le répète, les magistrats travaillent au quotidien
29:19pour justement protéger les citoyens,
29:23sanctionner ceux qui doivent l'être,
29:26réparer et faire en sorte que les victimes
29:28puissent voir leurs dommages et intérêts reconnus.
29:33Donc voilà, la justice fait ça au quotidien.
29:36Il faut qu'on en soit conscient.
29:37Ce n'est pas d'ailleurs que la justice pénale.
29:39C'est aussi la justice civile qui concerne aussi
29:41encore plus nos concitoyens.
29:43C'est 1 600 000 décisions qui sont prises en matière civile.
29:47Et tout ça, c'est le travail au quotidien
29:49des juges et de l'ensemble de la chaîne judiciaire.
29:52Merci beaucoup Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice,
29:54d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche.

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