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Le 5 novembre prochain, les États-Uniens et États-Uniennes devront choisir qui, du républicain Donald Trump ou de la démocrate Kamala Harris, prendra la tête de la Maison-Blanche durant les quatre prochaines années. L’issue de cette élection présidentielle, marquée par le retrait du président sortant Joe Biden, deux tentatives d’assassinat visant Trump et l’implication au premier plan de milliardaires comme Elon Musk, s’avère particulièrement imprévisible. Un scénario apparaît cependant probable : celui de tensions autour de la reconnaissance des résultats, en particulier par Donald Trump en cas de victoire de Kamala Harris, et la crainte de contestations qui pourraient s'inscrire dans la durée.
Dans un pays encore marqué par les émeutes du Capitole de janvier 2021, et où la suspicion semble généralisée, le résultat final des élections sera-t-il accepté par la population et les candidats ? Le système électoral américain est-il remis en cause ? Doit-on s’attendre à des manifestations de violence en cas de désaccord sur les résultats ? La politique américaine a-t-elle définitivement changé sous l’influence du trumpisme ?
Autant de questions auxquelles répond Marjorie Paillon, journaliste spécialiste de la vie politique américaine.

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Transcription
00:00Bonjour, mon invité est Marjorie Payon, journaliste spécialiste de la vie politique américaine
00:09et bien sûr on va parler de l'élection présidentielle qui a lieu dans maintenant
00:13moins de deux semaines.
00:14Bonjour Marjorie.
00:15Bonjour Pascal.
00:16On a l'impression que jamais un duel n'a été aussi serré et là je ne vois pas des
00:21gens qui fassent des pronostics.
00:23On a l'impression que tous les gens que je connais me disent qu'on ne sait pas trop
00:26et on le saura au dernier moment et encore on ne sait même pas quand est-ce qu'on le
00:29saura.
00:30J'ai envie de te dire qu'ils ont raison, d'abord parce que celui ou celle qui te
00:33dit aujourd'hui qu'il a déjà le détail sur ce qu'il va se passer le 5 novembre
00:39de grande raison et de grande chance surtout de se tromper et puis surtout parce que tu
00:43le disais c'est un des scrutins nationaux donc en termes d'élections présidentielles
00:49américaines les plus serrées depuis des décennies, on sait que ça va se jouer à
00:54des dizaines de milliers d'électeurs dans certains cantons de ces fameuses états pivots
00:58les swing states qui sont au nombre de 7 années côté Roosevelt et côté Sunbelt, mais c'est
01:04surtout que l'enseignement de 2020 de l'élection qui opposait Joe Biden à Donald Trump, que
01:12Joe Biden a gagné évidemment avec 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump, que
01:18Donald Trump n'a jamais reconnu comme une victoire de Joe Biden et surtout pas comme
01:24une défaite pour lui.
01:26Fort de cet enseignement là on sait déjà qu'il y aura une véritable bataille de chiffres
01:30on va aller au recompte près, il y a déjà des batailles qui ont commencé à s'enclencher
01:38dans la plupart des états qui encore une fois vont vraiment donner lieu à des recontages
01:44dans les moindres détails, il y a déjà des bataillons de lawyers et d'avocats qui
01:52sont en train de se positionner pour chaque campagne et puis ce qui est compliqué c'est
01:58aussi de se dire qu'on est sur un scrutin où je ne serai peut-être pas en capacité
02:02moi le 6 novembre matin heure française de donner le nom du ou de la 47e président des
02:09Etats-Unis, mais où il y aura encore une fois cette bataille des heures, cette bataille
02:16des jours, cette bataille des nuits, en 2020 pour te donner un ordre d'exemple ou une référence
02:23je suis arrivé moi à l'antenne des télévisions pour lesquelles je travaillais le mardi à
02:2722h heure française pour commencer à faire les préchaux de soirée électorale, j'en
02:32suis sorti le samedi même le dimanche suivant à 3h du matin, exactement puisque on n'a
02:38plus annoncé le nom de Joe Biden comme 46e président des Etats-Unis seulement le samedi
02:42à 16h heure française, donc on s'apprête en gros à être dans le même cas de figure,
02:49après encore une fois comme je t'ai dit en émarrant cette discussion que ceux ou celles
02:52qui te disent qu'ils savent ce qui va se passer le 5 novembre ont de grandes chances
02:56de se tromper, peut-être que moi même je me trompe et qu'il y aura un landslide, c'est-à-dire
03:00vraiment une victoire éclatante dans le camp ou dans l'autre, ce qui en l'occurrence serait
03:05encore plus simple pour éviter une contestation du vote si on avait un nombre de grands électeurs
03:11suffisamment important, suffisamment impressionnant pour ne pas semer le doute dans l'autre camp.
03:17Parce que la grande crainte c'est bien sûr en cas de victoire par une petite marge de Kamala
03:23Harris, Donald Trump n'accepte pas la défaite, il n'a déjà pas accepté en 2020 et là vu ses
03:27soucis judiciaires, il a encore plus intérêt à ne pas accepter une éventuelle défaite.
03:31Oui tu as tout dit dans la relance en l'occurrence puisque je rappelle que 30% des Américains,
03:36ça c'est un sondage qui a été fait l'année dernière à l'occasion du triste anniversaire
03:40de l'invasion du Congrès le 6 janvier, 30% des Américains, des Américaines aujourd'hui ne
03:46croient toujours pas que l'élection de 2020 a été soit gagnée par Joe Biden, soit croient tout
03:51simplement qu'elle a été volée à Donald Trump. Evidemment et au camp Make America Great Again,
03:56ces républicains MAGA qui ont fait une véritable opéa sur l'ensemble du parti républicain.
04:00Ils sont encore plus importants, comme tu viens de le dire, le parti républicain n'est plus le
04:04parti républicain qu'on a connu très longtemps, c'est devenu un parti MAGA.
04:07C'est devenu un parti MAGA, c'est la marque de fabrique de Donald Trump si j'ose dire.
04:11Quelque part, tu te souviens de l'élection de 2008 dans laquelle on avait vu l'émergence
04:19d'une autre partie du parti républicain qui s'appelait le Tea Party à l'époque. C'était
04:24dans l'élection qui opposait John McCain et Sarah Palin en tant que vice-présidentes et membres
04:29autoproclamés du Tea Party à Barack Obama et à Joe Biden déjà à l'époque en l'occurrence. Le
04:35Tea Party aujourd'hui, ça ressemble à des enfants de cœur comparé à MAGA parce que c'est une
04:41idéologie qui non seulement a su s'installer dans la tête des républicains et des républicaines,
04:47mais surtout traduire, capitaliser finalement sur une colère, sur un sentiment d'impuissance en
04:54vote effectif. Et ça s'est traduit non seulement par l'élection d'un 45e président des Etats-Unis
05:00en 2016 qui a été Donald J. Trump, mais aussi par l'entrée au Congrès fédéral, donc Sénat et
05:07Chambre des représentants, de très nombreux élus, hommes comme femmes, se réclamant de cette
05:13mouvance MAGA. Mais aujourd'hui, et c'est ce qu'on a vu finalement sur la convention de cet été pour
05:21les républicains, l'OPA a finalement tellement réussi qu'aujourd'hui, Lara Trump, qui est la
05:27belle-fille de Donald Trump, est vice-présidente du Parti républicain. C'est vraiment la marque de
05:34Fabrique Trump. D'abord, c'est d'installer des membres de sa famille pour le contrôle de chacun
05:38de ses business, que ce soit des business purement économiques ou que ce soit des business désormais
05:42politiques. Et puis, le Parti républicain est peut-être un tout petit peu moins paradoxalement
05:49inféodé à MAGA maintenant, là, sur cette partie de 2024, qu'il ne l'était au cœur de l'été,
05:56parce que tu as vu aussi que beaucoup de républicains, finalement des repentis, commençaient
06:01à retourner leur veste et à aller dans le camp de Kamala Harris et des démocrates. D'ailleurs,
06:06Kamala Harris essaie de faire campagne le plus souvent possible avec ces républicains qui ne
06:11veulent plus être associés à Donald Trump. Ça avait marché lors des meet-ups, notamment de 2022.
06:15Elle s'en souvient à Kamala Harris, puisqu'elle était vice-présidente pendant cette période-là,
06:19et qu'elle a donc fait campagne aussi aux côtés de Joe Biden pour ses candidats au Sénat et à la
06:24Chambre des représentants. Donc, ça a marché à ce moment-là. Joe Biden, finalement, s'en est mieux
06:29sorti sur ces élections de mi-mandat qu'on ne l'attendait. Et depuis, tu as finalement, au sein
06:35du Parti républicain, ces deux tendances qui coexistent. Oui, tu as quand même une inféodation
06:40haut à la frange MAGA de l'ensemble du Parti républicain, mais tu as de plus en plus de
06:45personnalités, soit qui ont été dans l'administration de Trump en 2016, soit d'anciens élus du Congrès,
06:54qui commencent à dire que ce n'est pas possible, qu'on ne peut plus continuer avec Donald Trump.
06:57Le problème, c'est que, pour l'instant, ça continue à fonctionner. D'ailleurs, je dis le problème,
07:01mais je ne suis pas sûre que ce soit un problème, en l'occurrence. Ça fonctionne, et tant qu'on aura
07:06un Parti républicain qui fonctionne et qui engrange, pour le coup, des élus, et peut-être, encore une
07:12fois, un président élu quelques heures après le 5 novembre prochain, le Parti républicain n'a pas
07:19de raison de changer de Késac. Est-ce que le système politique américain n'est pas un peu dépassé,
07:25parce qu'en fait, il y a des États dans lesquels le vote ne sert à rien, parce qu'il y a des États
07:31très importants, parce qu'on sait qu'ils sont acquis, soit républicains, soit démocrates, donc on n'y
07:36fait même pas campagne, et tout se joue, là c'est sur 7 États, tu disais tout à l'heure, tout se joue
07:41sur un petit nombre d'électeurs. Est-ce qu'il y a une réflexion pour dire peut-être qu'on pourrait
07:46changer que le fait d'avoir des grands électeurs, mais les républicains ne sont peut-être pas
07:52prêts de changer ? Eh bien, en fait, non, on n'a pas envie de changer ces règles-là de la démocratie
07:58américaine, d'abord parce que ça voudrait dire devoir amender la Constitution des États-Unis,
08:03ce qui est très compliqué à faire, et puis, finalement, c'est un système dans lequel chacun
08:10réussit à trouver son compte. Alors peut-être que cette élection du 47e ou de la 47e présente
08:16des États-Unis sera celle avec laquelle on pourra encore s'accommoder avec ces modalités de vote,
08:22mais quelque part, le fait qu'il y ait... c'est vrai que c'est assez exotique parce que nous,
08:29chaque quatre ans pour des élections présidentielles américaines, on est obligé de redonner la logique
08:34de ces maths politiques américaines entre le vote populaire et, évidemment, le collège électoral et
08:41donc les grands électeurs. En réalité, ce qu'on vise à chaque fois, c'est de traduire le nombre
08:46d'électeurs potentiels qu'on peut aller sonder dans l'opinion en ce que ça donne sur le total du
08:53collège électoral. 538 grands électeurs, il en faut 270 pour remporter l'élection, donc on est
08:58toujours dans cette course-là et dans le fait de scruter ce chiffre-là avant n'importe lequel. Mais
09:05il n'y a plus de chance que ça change, tout simplement parce que c'est un héritage de la
09:10démocratie américaine et de la Constitution et qu'il n'y a pas de raison de changer là. Ça peut
09:15nous paraître encore une fois absurde qu'il y ait un tel différentiel entre le vote populaire et
09:20les grands électeurs peut nous paraître bien archaïque. Mais c'est accepté. Mais c'est accepté, oui, et ça n'a
09:25pas, en tout cas pour l'instant, de raisons suffisantes de pouvoir changer. Alors c'est très compliqué,
09:29parce que, bien sûr, nous on parle surtout du vote pour le Président, mais les électeurs se décident
09:34sur non seulement le Président, les élus au Sénat et, en tout cas, la Chambre des Présidents et un
09:39tas d'autres élections ou sujets. Donc une liste, enfin la carte, le bulletin de vote est très
09:47difficile à déchiffrer. Absolument et c'est pour ça, d'ailleurs, que beaucoup d'États ont mis en
09:51place des procédures de vote anticipé, qui est décrié par le camp républicain, évidemment, sinon c'est
09:56pas drôle, et qui nous donne quand même quelque part un indicateur de la population qui est en
10:02train, du volume de la population qui est en train d'aller voter, certainement pas de sa tendance en
10:06l'occurrence et de son vote effectif, mais c'est vrai que tu as raison, rappelons-le, le 1er mardi de
10:10novembre, on vote pour une infinité de questions. Le nom du ou de la Présidente, au niveau national,
10:17pour le tiers du Sénat, là aussi à Washington, qui est remis en jeu pour la totalité de la Chambre
10:25des Représentants et puis dans son propre État, on va aussi voter pour les mêmes enjeux sur son
10:31congrès État par État, donc on revote pour ses propres représentants, on revote pour ses propres
10:37sénateurs, parfois on vote aussi pour son gouverneur ou sa gouverneur, on vote aussi pour
10:42des questions qui sont proposées sur des référendums d'initiatives populaires, c'est
10:48à peu près ce à quoi ça ressemble, donc parfois on peut se retrouver avec un bulletin de vote avec
10:5250 questions auxquelles répondre. Pour simplifier les choses, encore une fois, certains États se sont
10:59mis à ces procédures de vote anticipée, d'abord parce qu'on, toujours sur notre héritage de la
11:03Constitution et sur ce folklore finalement de la démocratie américaine, on vote le 1er mardi de
11:09novembre, tout simplement parce qu'au moment où la Constitution a été rédigée, on estimait qu'il
11:14fallait suffisamment de jours en calèche pour se rendre dans la capitale de l'État où on allait
11:18voter, donc c'est pour ça que c'est le 1er mardi de novembre. Aujourd'hui, il y a peu d'employeurs
11:23en réalité qui laissent toute la journée à leurs collaboratrices et à leurs collaborateurs pour
11:27aller voter en personne en plein milieu de la semaine. Donc il y a ces procédures de vote
11:33anticipée et dans cette grande famille du vote anticipé, il y a du vote anticipé en personne,
11:38dans plusieurs États, on peut déjà se déplacer dans les urnes et à un bureau de vote et aller
11:44justement voter de cette façon-là. Il y a le vote anticipé qu'on appelle mail-in ballot, le vote par
11:50correspondance, là on est tranquillement chez soi, on remplit ses questions et ses réponses et on
11:56renvoie son bulletin de vote par la poste. Certains États ne reposent désormais que sur le
12:02mail-in ballot, par exemple en Californie, tous les électrices et tous les électeurs de l'État
12:06de Californie reçoivent ce bulletin par correspondance parce qu'il y a parfois 50
12:10encore une fois questions sur lesquelles... C'est très long à dépouiller. Non seulement c'est long
12:15à dépouiller, mais d'abord c'est long à faire rentrer dans les mœurs et surtout à démystifier.
12:21En 2020, je reviens sur cet exemple, Donald Trump avait beaucoup mis en cause le vote par
12:28anticipation, par correspondance, parce qu'en général on dit qu'il est plutôt favorable
12:32aux démocrates et donc évidemment ça n'arrangeait pas Donald Trump d'avoir ce type de bulletin
12:38qui était décompté au cours de la nuit électorale. Mais surtout il y a quelque chose qui est assez
12:44intéressant, c'est que sur les phénomènes de croisement de courbes, si j'ose dire, sur une
12:49nuit même de dépouillement, tu vas avoir en fait dans un premier temps le vote en personne qui est
12:54comptabilisé. Alors que ce soit le vote par anticipation en personne ou que ce soit le vote
12:58en personne en personne le 5 novembre même, enfin le 1er mardi de novembre. Et comme ça c'est
13:04plutôt traditionnellement favorable aux républicains, tu vas avoir le candidat républicain qui est plutôt
13:08en avance sur la première partie de la nuit. Dans une deuxième partie de la soirée, on commence à
13:13comptabiliser le vote par correspondance. Et là comme il est plutôt favorable aux démocrates,
13:17tu as la courbe du candidat démocrate qui rattrape en général celui du candidat
13:21républicain. Et c'est là où du coup toutes les rumeurs vont montrer un pour dire qu'il y a eu
13:26fraude, pour dire que les dépouillements ont été mal faits pour pouvoir envoyer des recours. Et c'est
13:30littéralement ce à quoi on s'attend au cours de cette élection. On pourrait craindre des violences
13:35dans la contestation du vote ? Alors aujourd'hui il y a plusieurs hypothèses qui sont émises. Encore
13:41une fois je rappelle ce chiffre, 30% des américains pensent toujours que l'élection de 2020 a été
13:45volée. Donald Trump et ses alliés aujourd'hui, notamment son candidat à la vice-présidence
13:51J.G.Givens, refusent interview après interview de répondre à cette question. L'élection de
13:562020 a-t-elle été volée ou pas ? Joe Biden a-t-il bien gagné l'élection de 2020 ? Tu verras
14:01notamment J.Givens dans une multitude d'interviews faire toutes les contorsions possibles pour
14:06répondre à une question par une autre question ou pour en tout cas ne pas répondre face caméra que
14:12cette élection a bien été gagnée par Joe Biden. Evidemment il ne veut pas mettre en colère le
14:16patriarche, Donald Trump en l'occurrence. Et puis donc on part de cette base-là, encore une fois,
14:24tu as 30% d'américains qui ne reconnaissent pas, ça veut dire que 70% le reconnaissent. Ce sont des
14:29chiffres, on peut les retourner dans tous les sens. Mais tu as quand même cette base-là qui est
14:35inflammable, on ne va pas se mentir. Tu as quand même une campagne qui, jusqu'au moment où on se
14:41parle là, a été faite aussi dans cette question de la défiance face à la démocratie et où
14:46finalement tous les arguments de la défiance à la démocratie ont été utilisés. Parle pour le
14:52camp démocrate et notamment dans le débat qu'il opposait à J.Givens, Tim Ross, le candidat à la
14:57vice-présidence de Kamala Harris, est excellent sur cette question-là quand il explique qu'aujourd'hui
15:02il devrait débattre contre Mike Pence qui a été le vice-président de Donald Trump de 2016 à 2020,
15:08mais que s'il est face à J.Givens, c'est parce que Mike Pence a été banni du camp Trump quand,
15:14le 6 janvier 2021, puisque c'est la procédure au Congrès ce jour-là, Mike Pence a dû certifier
15:21les votes de cette élection de 2020 et reconnaître la victoire de Joe Biden en l'occurrence. Et depuis
15:27ce moment-là, il y a eu vraiment une espèce de scission absolue entre Mike Pence et Donald Trump
15:32qui évidemment ne voulait pas pour une option où il refaisait campagne il y a quelques années après.
15:37Donc pour les démocrates, l'idée de remenacer dans 6 janvier, peut-être version XXL, c'est dire
15:44le camp républicain tel qu'il est aujourd'hui incarné ne peut être qu'une menace face à nos
15:51garanties démocratiques. Pour le camp républicain, avec Donald Trump et J.Givens en première ligne
16:00de front, mais pas que, il y a aussi un vice-président finalement dans les coulisses, c'est Elon Musk,
16:05mais j'imagine qu'on va en reparler. Le camp républicain aujourd'hui lui dit « mais regardez,
16:09Donald Trump a pris deux balles pour la démocratie. La première, évidemment, c'est la tentative
16:14d'assassinat contre Donald Trump à Butler en Pennsylvanie, à la veille de l'ouverture de la
16:19convention républicaine. La deuxième, c'est la tentative d'assassinat dans son golfe en Floride,
16:25à côté de sa propriété de Mar-a-Lago, où pour le coup, il n'a pas pris directement deux balles
16:31sortie de l'arme de l'assaillant. Mais en tout cas, l'idée c'est de se dire qu'on a ce 45e président
16:41des États-Unis, Donald J. Trump, qui incarne quelque part le combat pour défendre des idées
16:48américaines, pour rendre sa grandeur à l'Amérique, et le « make America great again » reste dans
16:54l'inconscient collectif électoral américain extrêmement prégnant. Et de l'autre côté,
17:00on a des démocrates menés par Kamala Harris et Tim Walz qui, encore une fois, continuent à dire
17:06« attention, il peut y avoir des menaces sur l'ensemble de nos systèmes démocratiques après
17:11le 5 novembre, il faut être extrêmement vigilant à ça ». Mais finalement, le discours n'imprime
17:17pas réellement auprès des électeurs de la base démocrate, oui, mais pas au-delà, pour l'instant
17:22en tout cas. Si je te demande de me citer un slogan de campagne de Kamala Harris, tu es un peu embêté.
17:30On a le « yes she can » que Barack Obama avait essayé de transformer lors de la convention de
17:35Chicago au cœur de l'été dernier, « yes she can » ou « yes we come » comme Kamala Harris. Son
17:44slogan officiel de campagne c'est « we're not going back », on ne retournera pas en arrière,
17:48mais en réalité… Ce n'est pas un enthousiasme. Le plus compliqué à accepter, c'est que ça l'a
17:55été au moment, au cœur du mois de juillet… Le soulagement de voir Biden se retirer.
17:59Absolument. Et réellement, j'ai pu le mesurer, j'étais aux États-Unis quelques jours à ce
18:04moment-là, tu as vraiment ce moment d'enthousiasme qui revient. Ou en tout cas, on se dit dans le
18:10camp démocrate, il y a peut-être une chance. Finalement, ça peut se retourner en notre
18:15faveur et surtout ça peut faire effet boule de neige. La dynamique s'inverse, c'est vrai,
18:20les courbes se croisent, tu le vois d'ailleurs dans les sondages à ce moment-là. Biden était
18:25en retrait par rapport à Donald Trump, il y a hop, ça y est, la courbe démocrate qui revient dans
18:30le jeu avec la candidature de Kamala Harris, qui revient encore plus au moment où elle choisit
18:36Tim Walz comme collicier, qui évidemment fonctionne très bien au moment de la convention démocrate de
18:41Chicago. Et puis là, ça se tasse. Depuis le début du mois de septembre, on est vraiment dans
18:47un moment où on est au coude à coude. Que ce soit au niveau national ou dans ces fameux sept États
18:53pivots qu'on scrute comme le lait sur le feu, on est au coude à coude. On est constamment dans cette
18:59fameuse marge d'erreur. À trois points, à deux points, à un point et là, au moment où on
19:06enregistre ensemble, dans la plupart de ces États pivots, on est à touche-touche. Donc on ne peut
19:12absolument pas, là, encore une fois, au moment où on se parle, savoir qu'elle sera l'issue du scrutin
19:18le 5 novembre prochain. La seule chose qu'on peut dire, c'est que ça risque de durer longtemps, que
19:23les contestations de vote et les recontages sont toujours possibles et que ça peut amener un terrain
19:29favorable à avoir une insurrection, peut-être que le mot est fort, mais en tout cas une contestation
19:36citoyenne, ce qui est en train de se passer. C'est-à-dire que tant qu'on reste à la contestation
19:41des deux camps, camp Harris, camp Trump, on est dans une bataille politique. À partir du moment
19:47où cette bataille politique et cette bataille des camps de campagne commencent à contaminer la
19:52population, on est au moins dans une guerre civique. Ce qui m'étonne toujours, c'est que les États-Unis,
20:00moi j'ai toujours appris que c'est un pays où on n'aimait pas le mensonge et que Clinton a été
20:05mis en impeachment, non pas pour avoir trompé sa femme, mais pour avoir menti sur le fait qu'il
20:10ait fait ou pas Gary Hart, on se rappelle aussi. Et donc là, d'un pays où contrairement à la France,
20:15le mensonge vous conduisait à l'exclusion de la vie politique, on voit quand même un Trump, le roi du
20:21mensonge et qui n'est pas du tout impacté par ça. Comment ça a pu changer à ce point-là ?
20:27D'abord parce que je pense qu'il faut malheureusement qu'on abandonne nos présupposés de ce que pouvait
20:32être la politique américaine et les règles du jeu de la politique américaine avant 2016. Je vais
20:39citer une étude assez intéressante de l'EPFL, l'école polytechnique de Lausanne, qui a voulu
20:47regarder d'un point de vue scientifique comment on pouvait mesurer la teneur et l'émotion des
20:53discours politiques aux États-Unis. Ils ont construit un algorithme qui s'appelle Code
20:57Bank qui est allé mailler plus de 230 millions de données. Des données qui sont des citations
21:06issues de discours politiques, de réseaux sociaux, de plateformes sociales, d'extraits d'émissions,
21:12de télévision, d'articles de presse, de 2008 jusqu'à 2020. En gros, de l'arrivée de Barack
21:27Obama jusqu'au départ de Donald Trump du pouvoir. Et puis parce que l'EPFL, encore une fois,
21:34ce sont des gens qui aiment travailler sur des données pas trop chaudes. Ils ont besoin d'un
21:38bon esprit critique et donc de données qui permettent d'être factuelles et sur lesquelles
21:43on peut réellement s'appuyer pour pouvoir avoir une vraie expertise scientifique. Et bien figure-toi
21:48qu'ils jugent en fait une inflexion du discours qui va tomber dans la violence, dans l'invective,
21:56dans le sentiment négatif à partir de 2015. Juin 2015, c'est l'arrivée de Donald J. Trump en
22:03campagne pour les primaires républicaines. Et à partir de ce moment-là, ce sentiment négatif
22:10dans la communication politique américaine ne va pas quitter justement le spectre du débat
22:18politique américain. On peut donc vraiment dater, alors j'allais dire en carbone 14,
22:23là c'est plutôt à l'algorithme et à la date après, le moment où tu as cette inflexion du
22:27discours. Mais ce qui est intéressant aussi c'est que, comme on le disait tout à l'heure,
22:31le génie quelque part de Donald Trump, c'est d'avoir su capitaliser sur de la violence,
22:39du désespoir, de la colère en 2016 et les transformer en votes effectifs. En 2016,
22:45on est dans une campagne qui l'oppose à Hillary Clinton ou qu'on le veuille ou non. Les meetings
22:50d'Hillary Clinton ne sont pas enthousiasmant. Les meetings de Donald Trump, il y a du monde,
22:54les gens sont là. Il y a un certain enthousiasme qui se dégage, un enthousiasme qu'on peut qualifier
23:00de négatif parce qu'encore une fois il est sur ces ressorts-là de colère absolument. N'empêche
23:06que ça se transforme en vote effectif. Et donc l'histoire du mensonge, c'est encore autre chose.
23:11Pourquoi est-ce que les mensonges de Donald Trump lui glissent comme sur les plumes d'un canard
23:16quand d'autres présidents ont dû démissionner avant de risquer un procès pour impeachment ou
23:21être impeached pour le coup parce qu'ils avaient menti ? Est-ce qu'on est rentré encore une fois
23:27dans une nouvelle ère ? Il y a, alors en ce moment sur les écrans de cinéma, il y a un film qui
23:34retrace l'ascension de Donald Trump avec son avocat, son homme de l'ombre, Roy Khan, qui va faire de lui
23:40la personnalité de businessman, en tout cas dans un premier temps qu'il est, et qui rappelle que
23:44une de ses bases, une de ses règles pour pouvoir gagner, c'est notamment de se dire qu'une vérité
23:50est une vérité à partir du moment où on le dit. Ce que Donald Trump finalement a apporté,
23:56je ne dis pas si c'est positif ou négatif, mais a apporté sur la scène politique et la scène
24:03médiatique, c'est le fait de se dire qu'une vérité n'est pas une vérité parce qu'elle est factuelle.
24:08Et ça, c'est très dangereux. C'est très dangereux, ça a complètement modifié notre rapport à
24:13l'information, notre rapport à la réalité, notre rapport à la vérité, mais surtout notre rapport
24:19à la façon dont on peut échanger ces vérités, dont on peut débattre de ces faits, dont on peut
24:23réussir à parler sereinement des débats politiques, sociétaux, environnementaux, culturels, qui font
24:33de nous une nation, on ne la font pas. C'est finalement avoir instauré cette fragmentation,
24:39non seulement de ce qui fait de nous des citoyens et des citoyennes, mais de ce qui fait aussi de
24:47nous l'image qu'on a de la nation qu'on a envie de défendre. Et ce rapport à la vérité,
24:53cet air des contre-vérités, une de ses conseillères de campagne, Kellyanne Conway,
24:59sur la première partie de son mandant en 2016, parlait de cet air des faits alternatifs. C'est
25:07très dangereux là aussi, mais c'est finalement se dire qu'on reprend le pouvoir sur l'information.
25:14L'information, c'est un pouvoir. La détenir, c'est un pouvoir. Savoir comment on la propage,
25:20comment est-ce qu'on l'exprime, comment est-ce qu'on la donne finalement, on la transmet aux
25:24autres, là aussi c'est un pouvoir. Et bien aujourd'hui, la non-information est devenue
25:29un pouvoir. Tu sais très bien qu'en fonction des études qui sont données, on dit qu'une fausse
25:34information échangée sur une plateforme ou un réseau social, elle se propage sept fois plus
25:38vite qu'une vraie information et elle est surtout beaucoup plus crue qu'une véritable information.
25:43Moi-même je fais des lapsus de temps en temps. Oui. Et c'est une heure dans laquelle il faut
25:50savoir justement réussir à jouer. Quand au moment du débat présidentiel entre Donald Trump et
25:58Kamala Harris, par exemple début septembre, tu as des journalistes qui font leur métier,
26:04qui font du fact-checking, de la vérification de faits en direct, et qu'en l'occurrence c'est
26:08plutôt le candidat républicain qui est repris sur son énoncé, notamment quand il parle de cette
26:15légende urbaine à Springsfield dans l'Ohio où la communauté immigrée haïtienne mangerait des
26:22animaux de compagnie et où Kamala Harris part dans un rire absolu en se disant mais qu'est-ce
26:27qu'elle est en train de raconter, ce n'est pas possible, elle n'est pas en train de dire ça en
26:29direct en plein débat présidentiel. Et bien si. Quand ces journalistes justement exposent à Donald
26:36Trump le fait qu'ils ont appelé la mairie de Springsfield, qu'ils ont appelé les autorités et
26:40que ces faits n'ont jamais été avérés, que c'est une légende urbaine en l'occurrence, propagée
26:45notamment par son candidat à la vice-présidence, Jay Levin, je rappelle qu'il est sénateur de
26:48l'Ohio, donc il connaît bien le dossier. Ce que nous dit Donald Trump c'est finalement peu
26:55m'importe que ce soit une légende urbaine, que ce soit une rumeur, que ce soit une fausse
26:57information, à partir du moment où je le dis, ça devient une information, tout court, ça devient
27:02un fait. Et qu'on me rétorque que ce fait n'est pas vrai ou qu'on abonde en bon sens, finalement
27:09l'essentiel c'est que j'ai été entendue. Et d'instaurer, d'être l'investigateur de cette
27:15petite musique du oui mais peut-être que, de la mise en doute de l'information, du questionnement
27:20de cette information. Très très préoccupant. Merci Marjorie pour ces explications très lumineuses et à très vite.

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