• il y a 9 heures
La guerre d’Ukraine, et aussi celle de Gaza, et même les soubresauts africains, sont la marque d’un profond "basculement du monde". Mais elles sont aussi le signe de l’accélération d’un processus décolonial, une "libération" du sud par rapport au nord. Aujourd’hui, le nord et le sud s’éloignent, et une grave fracture s’installe progressivement. À cela, de nombreuses causes : moins le passé esclavagiste et colonial que ce que l’on croit, mais bien plus une dérive du nord, qui dit vouloir promouvoir les valeurs de liberté, de démocratie et de paix, mais répand au contraire, de façon perçue comme hypocrite par le sud, la domination, le matérialisme, le pillage et la guerre. Quel est le monde qui se dessine ? Comment, dans ces conditions, la Russie va-t-elle gérer sa victoire, aujourd’hui pratiquement acquise ? Quelles perspectives de sortie de crise pour Gaza ? Comment d’autres pays vont-ils se positionner ? Et quel est le sort qui sera réservé à l’Europe dans ce contexte ? Selon la façon dont il sera géré, ce "temps des fractures" qu'explicite François Martin dans son ouvrage pourrait néanmoins être bénéfique, ou au contraire gravement négatif. Un pays pourrait jouer un rôle majeur dans ce contexte, pour apaiser ou au contraire exacerber les tensions, c’est la France. Quel pourrait, quel devrait être son rôle ?

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom aujourd'hui avec François Martin. Bonjour monsieur.
00:11Bonjour Charmi.
00:12François Martin, géopoliticien, journaliste, essayiste. Vous êtes diplômé de l'ESSEC et de HEC. Vous avez travaillé pendant 40 ans
00:19dans le commerce international de l'alimentaire. Et après l'Ukraine, un basculement du monde, vous publiez ce nouvel ouvrage
00:27« Le temps des fractures » chez Jean-Cyril Godefroy, comme d'habitude à retrouver sur la boutique de TV Liberté.
00:34Alors François Martin, des fractures entre les pays du Nord et ceux du Sud qui s'illustrent notamment par ces conflits en Ukraine
00:43et en Palestine que, dites-vous, l'Occident a lui-même créé et face auxquels il n'a pas de réponse politique
00:51mais seulement une réponse militaire. Alors comment expliquez-vous cette incapacité du pouvoir politique occidental ?
00:59Alors je l'explique d'une façon très simple, c'est que pour pouvoir avoir une réponse politique, il faut avoir une vision du monde.
01:06Il faut avoir une vision du monde qui se traduit en d'autres termes par une vision politique. Et là, je pense que de la part du monde occidental,
01:13il y a une volonté, il y a une vision prédatrice mais il n'y a pas de vision politique. En particulier, la politique américaine
01:20qui est la mère de la politique occidentale et aujourd'hui dirigée par les néoconservateurs dont je développe les activités, la genèse.
01:30Et le mantra des néoconservateurs, c'est la bénévolente globale hégémonie. C'est-à-dire de l'hégémonie globale bienfaisante.
01:39C'est-à-dire, je te tue, je te bombarde, je t'attaque préventivement mais c'est pour ton bien.
01:46– Converti à la démocratie par les bombes.
01:49– Voilà, en fait, je te dis que je te convertis à la démocratie mais en fait, c'est surtout que j'ai envie de te bombarder.
01:54– Oui, et de prendre ton pétrole.
01:55– Parce que j'ai envie de te prendre ton pétrole, j'ai envie de te voler les 9 milliards de réserves qui étaient dans la banque d'Irak,
02:00dans la banque centrale d'Irak, etc. Donc, c'est essentiellement une vision prédatrice qui naît avec la chute du mur,
02:09que Reagan lègue à ses enfants néoconservateurs et les enfants fassent 10 lapides l'héritage,
02:16ça c'est ce que dit Merkheimer, en l'espace de 30 ans, entre le moment où ils sont au pouvoir avec Bush Fiss,
02:24puisqu'auparavant ils essaient mais en fait ils n'y arrivent pas vraiment, je ne détaille pas, avec Bush Fiss,
02:29et en même temps ils disent nous sommes l'hégémonie globale bienfaisante,
02:33et en même temps ils agitent une petite fiole de talc pour expliquer qu'il faut aller attaquer l'Irak,
02:38ce que tout le monde comprend être une monstruosité, donc ils disent nous sommes des moines soldats,
02:43et juste après ils disent nous sommes des pillards et des voleurs et des tricheurs, donc ça ne passe pas.
02:49Je pense que les peuples opprimés et battus à cette époque-là, peuvent comprendre qu'on leur dise va évictis,
02:56je suis le chef, j'ai gagné, je prends ce que je veux, les hommes, les femmes, les richesses, le monde est comme ça,
03:03ils auraient compris, mais qu'on leur dise...
03:04– Et ça leur vient d'où cette mentalité prédatrice ?
03:07– Et bien ça vient du groupe des néoconservateurs, qui est une bande de, je dirais, de rapias américains,
03:15qui à un moment donné sentent que le monde va être à eux, et qui se disent, qui se préparent,
03:21dès l'époque de Reagan en disant on va en profiter.
03:23– Oui, mais qu'est-ce qui leur a mis ça dans la tête ?
03:26– Je pense que c'est l'appât du gain tout simplement, je pense que c'est l'appât du gain,
03:31parce que si vous écoutez et si vous lisez la doctrine volsovite, en fait, c'est extrêmement pauvre,
03:39et c'est surtout extrêmement pauvre en termes de vision du monde,
03:43il n'y a pas de vision du monde véritablement dans la doctrine volsovite,
03:48vous ne lisez pas, voilà qui sont les Russes, voilà ce qu'ils sont, voilà comment ils sont,
03:52voilà comment sont les Chinois, voilà comment sont les Africains,
03:54comment doit s'organiser le monde sous notre égide ? Vous n'avez pas ça.
03:59Vous avez, comme vous dites, on va vous donner la liberté,
04:03et pour vous donner la liberté on va vous écrabouiller,
04:06parce qu'en fait la liberté est le prétexte, et l'écrabouillement est la fin.
04:11– Alors une fuite en avant-guerrière de l'Occident, on l'a compris,
04:15son bras armé c'est l'OTAN qui s'accompagne d'une démonstration de faiblesse militaire
04:21comme l'incapacité, on le voit aujourd'hui, de l'armée israélienne à réprimer cette guérilla gazaouite,
04:28comment vous l'expliquez cette faiblesse de l'Occident,
04:31et c'était aussi le cas en Afghanistan avec la retraite des Américains ?
04:33– Absolument, je l'explique pour la même raison,
04:36c'est-à-dire que derrière le manque de vision du monde,
04:42il y a un manque de connaissance des peuples,
04:45et si vous ne connaissez pas les peuples, vous ne pouvez pas les battre.
04:49– C'est par arrogance ce manque de connaissance ?
04:51– 100%. – Mépris ?
04:53– 100%, et pire que le mépris ou l'arrogance, c'est une méconnaissance volontaire.
04:59Je me souviens que j'avais été reçu, dès le début de mon premier livre
05:04chez un de vos confrères, André Berkhoff, pour ne pas le nommer,
05:08et j'avais dit à André, mais on va le perdre, et il m'a dit pourquoi ?
05:12Je lui ai dit, mais parce que personne n'a été voir les Russes pour savoir
05:15qu'est-ce qu'ils pensent, qu'est-ce qu'ils veulent, qu'est-ce qu'ils disent,
05:17alors c'était des poivreaux désorganisés,
05:19mais on s'interdisait de savoir qui est notre ennemi.
05:22– Oui, mais là, dans le cas de la guerre entre Israël et Gaza,
05:26vous pensez que c'est de la méconnaissance de la part des Israéliens ?
05:29– Oui, je le pense totalement, oui, je le pense totalement.
05:32– Parce qu'on raconte souvent que c'est Israël qui a mis en avant le Hamas,
05:37ce parti guerrier, contre le Fatah qui était un parti plutôt de négociation.
05:43– C'est tout à fait, je suis absolument d'accord, c'est ça la jeunesse du Hamas.
05:47On ne peut pas dire qu'Israël a créé le Hamas, mais Israël a co-construit,
05:52plus que favoriser, l'a co-construit,
05:54parce que si vous prenez tout simplement même le Wikipédia ou tapez Hamas,
05:59vous apercevrez qu'à chaque étape de construction du Hamas par Sheikh Yassin,
06:04il va voir les Israéliens, ils accompagnent.
06:09Pourquoi ? Parce que pour eux, c'est la meilleure solution,
06:13c'est-à-dire une entente non cordiale.
06:16Parce que l'entente non cordiale contre qui ?
06:18Contre le Fatah, effectivement, qui est, dans le projet israélien de la droite israélienne,
06:26le danger c'est la paix.
06:28Parce qu'ils sont persuadés qu'au bout du compte, ils auront toute la terre,
06:32et donc le danger mortel c'est la paix.
06:35Il faut qu'il n'y ait jamais de paix.
06:37Et pour ça…
06:38– Parce qu'Israël y a intérêt.
06:40– Bien sûr, absolument.
06:42– Pour pouvoir continuer à s'étendre, c'est ça le but.
06:44– Pour pouvoir continuer à s'étendre, pour pouvoir continuer à écraser le Fatah,
06:47pour pouvoir continuer, l'idée étant que, petit à petit,
06:50ou que les Palestiniens soient chassés,
06:52ou qu'ils deviennent, qu'ils vivent dans des bans tout le temps ou dans des réserves.
06:56– Pour établir ce qu'Israël appelle son Eretz-Israël, son empire de jadis.
07:03– Voilà, c'est ça, ce qui est un césaro-papisme caractérisé,
07:06puisque c'est une récupération de la religion à des fins politiques.
07:11Ce qui explique que les Israéliens orthodoxes,
07:15les véritablement Israéliens, détestent le pouvoir de la droite israélienne.
07:20Ils disent que c'est une usurpation de la religion.
07:23Donc, quand vous entendez…
07:25– Oui, les religieux juifs non-sionistes, vous parlez de cela.
07:29– Oui, tout à fait.
07:30Les religieux orthodoxes, ultra-orthodoxes,
07:33défilent aujourd'hui avec les pro-Palestiniens dans les rues de New York.
07:38C'est quand même… voilà.
07:40Et, juste une phrase pour terminer ça,
07:45si vous entendez les déclarations de Smotric et Ben-Gvir,
07:50qui sont les deux acolytes de Netanyahou, qui sont les plus radicaux,
07:55quand ils disent que ce sont des animaux humains, en parlant des Palestiniens,
07:59quand ils disent qu'une bombe atomique est une option,
08:05alors qu'ils en ont déjà envoyé l'équivalent de 5 bombes,
08:07puisqu'ils ont envoyé 60 000 tonnes de bombes au minimum,
08:10et la bombe d'Hiroshima faisait 12 000 tonnes.
08:13Donc, il y a l'équivalent de 5 bombes d'Hiroshima,
08:15déjà sur un territoire où les habitants ne peuvent pas sortir, voilà.
08:19Donc, quand ils disent ça,
08:21quand ils disent qu'affamer 2,5 millions de personnes ne pose pas de problème,
08:24ça veut dire qu'il y a une chose qui s'interdise,
08:27c'est de comprendre ou de penser leurs ennemis.
08:29Alors, je rappelle que nous avons été battus dans nos guerres coloniales,
08:34en particulier en Indochine,
08:36parce qu'Ho Chi Minh nous connaissait par cœur,
08:39il avait fait ses études à Paris.
08:41Donc, en fait, ils ne connaissent pas,
08:44et c'est comme la même chose que ce que j'ai dit à propos de l'Ukraine,
08:52ils méconnaissent profondément leurs ennemis.
08:57La doctrine qui consiste à frapper, ce qu'ils appellent punir,
09:01il y a trois types de doctrines,
09:03la première c'est la décapitation,
09:05la deuxième c'est la punition,
09:06et la troisième c'est l'invasion, c'est les trois.
09:08En fait, je ne développe pas parce qu'on n'a pas le temps,
09:11mais en fait, la deuxième qui est la punition ne marche pas,
09:14parce qu'elle est basée sur le principe qu'il suffit de frapper
09:16pour que les gens se soumettent.
09:18Mais ça, c'est ce que vous faites avec les animaux, avec les chiens,
09:21vous les frappez, ils s'en vont, ils fuient.
09:24Mais là, vous avez affaire des hommes qui sont remplis
09:27par le sentiment d'injustice,
09:28parce qu'on leur a prohi déjà la moitié de leur terre en 1948,
09:32alors qu'ils n'avaient rien demandé à personne,
09:33et après on leur a pris la moitié du reste.
09:35– 800 000 personnes mises dehors.
09:37– Et depuis, ils n'ont toujours pas le droit à leur état,
09:40donc ils sont remplis sinon de haine,
09:45du moins d'un sentiment d'injustice qui ne peut pas passer.
09:48– Cette fracture entre Nord et Sud est aussi et surtout culturelle,
09:53avec une vision conservatrice au Sud, une vision progressiste au Nord,
09:57pourquoi s'agit-il selon vous d'une division irréconciliable ?
10:03Eh bien, parce que là, vous n'êtes pas dans le cadre
10:06de deux visions du monde différentes.
10:09Quand vous avez deux visions du monde, vous pouvez discuter,
10:13vous dites, attends, moi je vois que le monde est comme ça,
10:16il est comme ça, moi il faut que ton régime soit un régime libéral,
10:20non, mon régime, j'ai mon régime que je veux, etc.,
10:24il y a une discussion possible.
10:25Mais là, ça vient d'une vision de l'homme,
10:28et ça, ce n'est pas réconciliable.
10:31Nous, nous avons enfin le progressisme à chez nous,
10:35non pas dans nos peuples, mais chez nos dirigeants,
10:37une certaine vision de l'homme dont Solzhenitsyn,
10:40que Solzhenitsyn détaille, et on en parlera tout à l'heure,
10:44et ça, c'est les progressistes, et les conservateurs en ont une autre.
10:51J'ai dit dans mon précédent livre que ce qui fait
10:55que la presse, d'une façon générale, hait Poutine jusqu'à la moelle,
11:00c'est que Poutine a dit que, a fait mettre dans la constitution
11:04le fait que la famille c'était un homme, une femme et des enfants,
11:07et qu'il n'y aurait jamais de gay pride à Moscou.
11:10Ça, c'est irréconciliable.
11:13Et c'est pour ça que je classe dans ce livre,
11:18momentanément, je dirais, ou pour les effets de la chose,
11:22la Russie comme un pays du Sud,
11:24parce qu'en fait, le fait que les Saoudiens, les Chinois, les Russes
11:32et les Iraniens, des peuples qui sont aussi différents,
11:34arrivent à s'entendre, c'est qu'ils ont une vision de l'homme
11:37– La même anthropologie.
11:38– Voilà, qui n'est pas progressiste.
11:39– Justement, sur ce conflit à l'Est de l'Europe,
11:42vous dites que la victoire est déjà acquise pour le camp russe,
11:48et vous dites que l'obsession de Poutine
11:51sera de préserver des liens avec l'Europe.
11:55Mais ça semble mal engagé, comment il pourra s'y prendre ?
11:57– Alors, je pense qu'il va y parvenir,
11:59et il y parviendra peut-être plus facilement que ce qu'on pense.
12:03– Ça dépend du camp d'en face aussi.
12:04– Ça dépend du camp d'en face, mais, si vous voulez,
12:08je pense que l'épisode de Koursk a été une espèce de…
12:13ou un baroud d'honneur, ou le dernier moment
12:17où on pouvait aller passer la sébille
12:19et puis se faire payer par l'Occident avant la chute,
12:22ou bien une opération de diversion pour ne pas montrer
12:25qu'on était en train de se faire enfoncer
12:28dans le cœur de son dispositif.
12:30Donc, dans tous les cas, c'était une espèce de bouquet final,
12:34si vous voulez.
12:35Mais ce qu'on voit aujourd'hui, tous les jours,
12:37parce qu'on ne parle plus de l'Ukraine,
12:38mais si vous allez voir les rapports militaires,
12:42toutes les villes, aujourd'hui,
12:44sont en train d'être prises par les Russes.
12:47Donc, à un moment donné, il n'y aura plus de dispositif du tout.
12:50À partir de ce moment-là, les Russes remonteront vers le Nord,
12:54à partir de Pokrovsk, et ils iront prendre
12:57leur objectif militaire principal,
12:59c'est-à-dire la ville de Slavyansk et Kramatorsk,
13:02qui est le cœur du dispositif du Donbass.
13:04Et à ce moment-là, ils auront gagné la guerre.
13:07Et ils pourront, s'ils le souhaitent,
13:09et s'il n'y a pas de négociation,
13:10aller jusqu'à Odessa, ensuite, si c'est nécessaire.
13:13Mais ce que je veux dire, c'est que l'Occident
13:17ne pourra pas supporter d'aller voir ses troupes,
13:22puisque c'est l'OTAN qui est engagée en nom dans cette affaire.
13:26Personne ne dit que c'est une guerre de l'Ukraine.
13:29C'est une guerre Otano-Kievienne.
13:31Donc, nous ne pourrons pas
13:34voir feuilletonner leur défaite jour après jour.
13:37Donc, il faudra ou bien qu'il y ait une internationalisation du conflit,
13:41mais s'ils font ça, le conflit sera très vite nucléaire.
13:45Or, je rappelle que les Russes ont 15 ans d'avance
13:48sur les Occidentaux, sur le plan des ogives nucléaires,
13:53parce qu'ils maîtrisent la technique de…
13:55– Les missiles supersoniques.
13:56– Et oui, l'hypersonique et les autres, non.
13:59Donc, l'Occident n'ira pas là.
14:01Et l'autre, c'est la négociation.
14:04Et si vous rentrez dans la négociation…
14:06– Je crois que c'est le chancelier allemand qui a déclaré
14:10qu'il aimerait voir le Président Poutine
14:13lors du prochain sommet pour la paix.
14:15– Bien sûr.
14:16– Avec l'accord du Président Zelensky, paraît-il.
14:19– Bien sûr.
14:21Mais, ce que les gens ne comprennent pas et qu'il faut expliquer,
14:25c'est que le mot paix n'a pas le même sens
14:27pour les Occidentaux et pour les Russes.
14:30Parce que pour les Occidentaux,
14:31la paix ne peut être qu'une non-belligérance.
14:34Parce que l'amétrie, le pouvoir américain,
14:38ça c'est qu'on fait Zbigniew Brzezinski et le Grand Échiquier,
14:43ne peut se concevoir qu'avec la main sur l'Europe.
14:46Et l'OTAN, si l'OTAN nous protège militairement,
14:49ça veut dire qu'il nous domine politiquement.
14:51Parce que dans l'histoire, il n'existe pas de pays
14:54qui en ait protégé un autre militairement
14:57sans le dominer politiquement.
14:59Et si les États-Unis perdent la maîtrise politique et militaire de l'Europe,
15:04ils perdent leur pouvoir.
15:05Ils deviennent une puissance parmi d'autres.
15:07Mais pas la grande puissance hégémonique.
15:09Or, pour finir, la conception de la Russie est diamétralement différente.
15:17Pour eux, il faut la fin des sanctions
15:20et le retour à un système de paix
15:24où ils puissent commercer avec l'Occident.
15:25Mais ce jour-là, tout l'Occident sera à Moscou
15:28pour demander du gaz, pour demander l'ouverture des marchés, etc.
15:31Donc c'est fini de la puissance américaine.
15:32– Vous expliquez bien que Poutine, son obsession,
15:34c'est le retour des liens commerciaux avec l'Europe.
15:38– Non seulement commerciaux, chère Amélie, mais culturels.
15:41– Exactement.
15:42Pour l'Europe, l'avenir de ces temps de fracture
15:46peut être, vous l'expliquez, négatif ou positif.
15:49Et dans ce processus, pourquoi vous voyez la France
15:52comme la seule à pouvoir jouer un rôle décisif ?
15:56À pouvoir parler avec tout le monde ?
15:58– Oui, parce que la France a, depuis le général de Gaulle,
16:02une très grande image, une très grande aura,
16:06une vision internationale.
16:07Il reste cette idée, bien que la France ne le clame pas
16:12et elle a raison, d'une France,
16:14fille aînée de l'Église et éducatrice des peuples.
16:17Elle a cette image.
16:18Je crois qu'en chinois, France, FACO, ça veut dire français,
16:22ami français, ça se dit FACO Pégnou.
16:25Français, ça veut dire le pays des lois, en fait.
16:28Le pays des règles et des lois.
16:29Donc on a cette image, dans le monde,
16:31d'un pays capable de grandeur, on avait.
16:35Et on a, quelque part, d'une certaine façon,
16:38nonobstant les turpitudes de l'État et du gouvernement actuel,
16:44il nous reste ça, que de Gaulle a construit,
16:46mais qui était l'héritage de la civilisation française.
16:50– Avec Richelieu, etc.
16:51– Bien sûr, et on constate que la France,
16:56par le principe de la reconnaissance de la Chine par de Gaulle,
17:02a une très grande image.
17:04La France est capable de parler avec les États-Unis,
17:07elle est capable de parler avec le Mexique,
17:09et avec le « Marchemos la mano en la mano »
17:12comme disait le Général.
17:15Elle a ses liens avec l'Afrique qui sont restés.
17:18Moi, en 40 ans de relation avec l'Afrique…
17:20– Même si la diplomatie française en Afrique
17:22a été complètement décrédibilisée depuis…
17:24– Ah ben totalement.
17:25– On l'explique assez souvent,
17:26depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
17:28– Les peuples n'ont pas la mémoire courte,
17:29à la différence de nous.
17:31Ils ont la mémoire longue,
17:32et eux, la France éternelle, ça veut dire quelque chose pour eux, voilà.
17:36Pour le roi du Maroc Hassan II, ça voulait dire quelque chose,
17:39il reste quelque chose.
17:40– Alors cette France, elle est décrédibilisée
17:43sur la scène diplomatique internationale,
17:45vous l'expliquez, François Martin, dans votre ouvrage,
17:48mais comment a-t-elle été subvertie ?
17:51Comment s'est-elle fourvoyée ?
17:54– Elle s'est fourvoyée parce que,
17:57je pense que nous nous sommes faits petit à petit manger
18:03par le progressisme, je dirais, nous avons…
18:07– Vous remontez jusqu'à la Révolution des Lumières.
18:09– Bien sûr, évidemment, je remonte à la Révolution des Lumières.
18:12– Vous évoquez un matérialisme sous sa forme actuelle la plus sataniste.
18:15– Oui, c'est ça, absolument.
18:17En fait, le matérialisme est en soi sataniste,
18:21on s'en est aperçu au moment de la cérémonie des Jeux,
18:24où ça a été dévoilé au grand jour,
18:27et il y a eu des vidéos, très intéressantes d'ailleurs,
18:37de certains hommes politiques qui ont montré
18:38qu'il y a eu d'autres cérémonies du même type satanistes,
18:41les Jeux de Londres ou d'autres, on ne s'en était pas perçu.
18:46Mais si vous voulez, le matérialisme pourrait être simplement
18:51un dédain total de tout ce qui est religieux.
18:54Moi, je m'en fous, je ne crois pas, je fais ce que je veux,
18:56ce qui m'intéresse c'est le sexe, le pouvoir et l'argent,
18:59et le reste je ne veux pas savoir.
19:00Mais ce n'est pas ça qu'il y a derrière cette philosophie matérialiste.
19:06Il y a une volonté de destruction totale de ce qui est chrétien,
19:11et en particulier catholique.
19:12Cette volonté de destruction, cette haine que vous sentez
19:15à travers le progressisme,
19:17elle ne provient pas simplement d'une vision matérialiste
19:21qui a priori n'aurait en aucune façon besoin de s'occuper d'autre chose.
19:27Donc elle provient de quelque chose d'intérieur et de profond.
19:30Et c'est ça que j'appelle le satanisme en fait.
19:32Vous reprenez aussi des propos de Solzhenitsyn
19:35pour qui le modèle mondialiste, libéral et oligarchique allait,
19:40disait-il, se vider de l'intérieur.
19:43Oui.
19:45Comment voyait-il cela déjà à son époque ?
19:48Comment prophétisait-il cela ?
19:50Alors, dans son discours de 78,
19:53il dit, qui s'appelle, qui est publié sous le titre
19:57« Le déclin du courage »,
19:59il fait ce discours aux jeunes de Harvard,
20:02dans la profession d'Harvard.
20:03D'ailleurs, il se grille avec tous les intellectuels de l'époque
20:06qui pensaient qu'il allait dire merci des États-Unis, etc.
20:09Il leur dit « Vous avez contracté,
20:13vous avez avalé la philosophie des Lumières
20:16qui est une philosophie du bonheur sur Terre. »
20:20Outre le fait que ça ne marche pas
20:22parce que vous avez la mort au bout,
20:23ça ne vous pouvait pas,
20:25la philosophie du bonheur sur Terre, la mort au bout,
20:27où est son infinité, je dirais ?
20:31Elle n'en a pas.
20:32Mais il dit surtout,
20:33cette philosophie enlève une pièce de votre mentalité
20:39qui est celle du courage.
20:41C'est-à-dire la tension vers le bien,
20:43la tension pour bien faire
20:44qui, elle, est d'ordre spiritualiste
20:46et non pas matérialiste.
20:48Et il dit « Vous êtes foutus. »
20:49Parce que le jour où les supplétifs
20:52auront fini de vous défendre,
20:53vous devrez vous lever vous-même
20:55et risquer votre vie,
20:57pour vos femmes, vos enfants, votre civilisation.
20:59– Vous n'aurez plus rien pour vous défendre.
21:01– Vous n'aurez plus les capacités morales et psychologiques
21:06et spirituelles pour le faire.
21:08Et il leur dit même « Si j'avais le choix, moi,
21:10et à l'époque en 78, l'URSS n'est pas tombée,
21:14de rester dans le modèle qui est le mien
21:18ou de venir chez vous,
21:19je préférais encore mon modèle
21:21parce que nous, malgré l'oppression,
21:23nous sommes chargés de spiritualité
21:24et vous, vous ne l'êtes pas.
21:26Donc en fait, ils prophétisent
21:27non seulement la chute de l'URSS
21:29mais également la chute du modèle liméral
21:31parce que cette critique,
21:33d'un côté, il appelle le parti
21:35et de l'autre, il appelle le marché.
21:36Et ils prophétisent la chute du parti et du marché.
21:40Et je pense que ce que dit Sojenitsyn,
21:42c'est ce qu'on voit aujourd'hui.
21:43– Donc la défaite du Nord est, entre guillemets, déjà prévue ?
21:48– Je pense qu'elle est manifeste en Ukraine
21:51et je pense qu'on n'a pas malheureusement
21:53le temps de développer
21:54mais je le développe dans le livre.
21:56Je pense qu'elle est annoncée également
21:58dans la guerre de Gaza.
21:59– Mais est-ce que vous n'anticipez pas,
22:01quelque part, un empire américain aux abois
22:06qui serait prêt à tout
22:08jusqu'à emporter le monde dans sa chute
22:11pour ne pas perdre la face ?
22:13– C'est une option, c'est quelque chose de possible
22:16mais je pense que si on va dans ce cas-là
22:18véritablement aux extrêmes,
22:20et ça je pense que c'est très important de le remarquer,
22:24et un écrivain comme Édouard Husson l'avait fait à une époque,
22:28la question de la maîtrise de l'hypervélocité nucléaire
22:34est absolument fondamentale.
22:36C'est-à-dire, si à ce moment-là on va au nucléaire,
22:39je pense que les Russes donneront le choix
22:40en disant on voulait aller au nucléaire
22:41mais avant que vous ayez le temps de tirer
22:43vous aurez déjà disparu.
22:45Parce que nous on est capables d'arrêter vos bombes
22:46mais vous ne pouvez pas arrêter les nôtres
22:48parce que les nôtres elles vont avoir MAC 7 ou MAC 15,
22:51vous ne pouvez pas.
22:52Donc c'est quoi le choix ?
22:54– Revenons et terminons avec la France, François Martin,
22:58sa France et sa capacité de parler au monde.
23:02Elle est la seule, dites-vous, à le faire,
23:04les États-Unis ce n'est pas la peine,
23:05la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne, l'Allemagne non plus.
23:08À quelles conditions notre pays pourra-t-il redevenir
23:12une puissance libre, assumant sa puissance ?
23:15– Avant de répondre à ça, je voulais vous dire une phrase uniquement
23:19sur la question de cette guerre culturelle
23:22entre le progressisme et le conservatisme.
23:26Je pense, et ça Solzhenitsyn ne l'a pas dit
23:29mais je le développe assez largement dans mon livre,
23:32la question de la sexualité est la question fondamentale.
23:36C'est pour ça qu'on a vu les drag queens, qu'on a vu ça.
23:39Entre ce que j'appelle la sexualité reproductive
23:43et la sexualité récréative.
23:46Nous, nous avons fait de la sexualité récréative un principe,
23:50non pas une série de comportements,
23:52parce que les comportements de sexualité récréative
23:55existent partout dans toutes les civilisations,
23:57y compris les civilisations conservatrices.
24:00Mais nous, nous en avons fait un principe.
24:02C'est exactement comme si on avait dit,
24:05écoutez, nous sommes importants, nous sommes libres et nous sommes riches,
24:08nous pouvons considérer aujourd'hui que la nourriture est gratuite.
24:12Servez-vous et ne payez pas.
24:14Deux générations plus tard, il n'y aura que des obèses
24:17et quatre générations plus tard, l'humanité aura disparu.
24:21Parce qu'on sépare un principe de plaisir et un principe de responsabilité.
24:25Quand il ne marche pas en temple, on se suicide.
24:27Et en fait, le fait de choisir comme principe la sexualité récréative,
24:32est quelque chose qui entraîne naturellement l'arrêt de la natalité.
24:35Parce que pourquoi élever des enfants seulement par choix ?
24:38Il n'y a que les quelques imbéciles ou ceux qui croient en Dieu
24:41ou ceux qui croient à l'enfant qui vont le faire,
24:44mais la plupart ne le feront pas, parce que c'est un effort.
24:47Donc au bout de cette philosophie de la sexualité récréative,
24:52il y a la mort de la civilisation.
24:54Et ça, c'est fondamental parce que tous les pays du Sud le comprennent
24:58et nous, nous ne l'avons pas compris.
25:01– Revenir à cette définition d'une France de la puissance,
25:06vous dites qu'il faudra donc revenir à notre passé chrétien et sortir de l'OTAN.
25:11Mais il faudra auparavant aussi se débarrasser de l'idéologie progressiste.
25:17Y a-t-il quelque chose à faire ou se détruit-elle elle-même ?
25:21– Alors, comme toujours, quand vous avez une destruction,
25:24vous avez forcément une renaissance.
25:26Quand vous avez la marée basse, vous voyez sortir les rochers à marée basse.
25:30Donc c'est ces rochers qu'il s'agit aujourd'hui de recréer,
25:34qu'il s'agit de faire grandir, qu'il s'agit de mettre au jour lorsqu'ils existent.
25:38La question c'est, lorsque cette civilisation,
25:41ou cette pseudo-civilisation progressiste va tomber,
25:46comme Sogeditine le prophétise,
25:50qui sera l'interlocuteur des pays du Sud ?
25:52Est-ce qu'on sera simplement un lieu de haine et de pillage ?
25:55Est-ce qu'à ce moment-là ressortiront tous les vieux discours de haine ?
25:58Ou est-ce qu'ils diront, on a en face de nous des êtres humains,
26:02respectables, forts, qui savent ce qu'ils veulent,
26:05qui ont une vision du monde, qui partagent avec nous une vision de l'homme,
26:08et est-ce qu'on peut construire quelque chose ?
26:10Et c'est là, je pense que la France a quelque chose à dire.
26:14En ayant fait en sorte, et là je vais un peu à l'envers
26:18de ce que disent beaucoup de gens,
26:20d'avoir pris les dispositions au départ pour retrouver sa puissance.
26:25C'est-à-dire son autonomie politique, son autonomie économique,
26:30je cite des propos, parce que vous pouvez toujours dire,
26:33oui, moi je veux me réconcilier,
26:35mais si vous n'avez ni argent, ni vision, ni économie, ni force politique,
26:40parce que ce sont les oligarchies qui ont les mains sur le volant de votre voiture,
26:46vous ne pouvez rien faire.
26:47Donc il y a au départ, et vous constatez que dans tous les pays
26:50qui se sont redressés, qu'on fait, la Russie en particulier,
26:54il y a d'abord eu la maîtrise de ses moyens avant d'affirmer ses fins.
27:01La maîtrise de ses moyens est l'étape fondamentale préalable.
27:06On ne résoudra pas la question de l'immigration
27:08si on dit simplement on veut arrêter l'immigration.
27:11On la résoudra parce qu'on a les moyens de dire à la communauté européenne,
27:15vous nous emmerdez, nous on veut le faire et on a les moyens de le faire.
27:20– Le brillant ouvrage de François Amartin,
27:22c'est le temps des fractures à retrouver sur la boutique,
27:25comme d'habitude, aussi bon que le précédent,
27:27l'Ukraine, un basculement du monde.
27:28Merci à vous monsieur.
27:29– Merci beaucoup.

Recommandations