• hier
Le 26 décembre 2004, alors que le monde entier vient à peine de terminer les fêtes de Noël, une catastrophe naturelle sans précédent frappe les pays qui baignent dans le vaste Océan Indien. De nombreux occidentaux ont déserté leur quotidien, pour se ressourcer au soleil, à l'autre bout du monde.
On se retrouve en famille, entre amis ou en voyage de noces, pour des moments magiques, dans les plus exotiques destinations. Mais le destin en a voulu autrement. À 7h58 du matin, la terre s'est mise à trembler au large de l'île indonésienne de Sumatra.
Magnitude 9,3 sur l'échelle de Richter. Du jamais vu de mémoire d'homme. Un gigantesque mur d'eau commence son parcours meurtrier sur la côte ouest de Sumatra, pour finir aux confins de l'Océan Indien, semant mort et désespoir.
Il laissera 200 000 morts sur son passage. Le monde entier prend connaissance presque instantanément de l'ampleur de cette catastrophe. Les caméras amateurs des touristes enregistrent des images en direct, images qui feront le tour du monde. Notre document déroule minute par minute le destin de ces familles qui, à travers leurs films de vacances, nous font vivre leur expérience particulière. Les témoignages sont poignants.
Les destins se croisent. Les victimes sont à jamais liées entre elles dans la vie et dans la mort. Nous racontons leurs histoires.
Auteur : Patrice Lucchini.

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Personnes
Transcription
00:00:00Alors t'es bien là ou quoi ? Elle est chaude l'eau, stylée hein ?
00:00:06Mets tes lunettes comme ça pour voir vite fait. Oh vraiment, c'est la grande classe, je te jure.
00:00:12Oh là là attention là tu vas couler. C'était joli quoi, on a aimé tout de suite je crois.
00:00:21Pas trop de touristes, les singes qui commencent à arriver, à qui on donne à manger.
00:00:27C'est vrai que c'était marrant.
00:00:29Tu la vois la banana ?
00:00:33J'ai pas envie de rentrer. J'ai pas envie d'être à Paris.
00:00:40Véronique et Farid sont en vacances en Thaïlande depuis 5 jours.
00:00:44Plage de rêve et cocotier. Le 24 décembre, ils débarquent à Koh Phi Phi, l'une des îles les plus touristiques du pays.
00:00:52La veille elle disait pour l'instant c'est les plus belles vacances qu'on ait faites.
00:00:56Elle est pas belle la vie, franchement, pas belle la vie.
00:00:59Elle va te faire un massage des pieds cette vie. Dommage, dommage.
00:01:02Je lui disais attends c'est pas fini.
00:01:04Et moi je lui avais dit oh mais pourquoi tu dis ça ?
00:01:07Je lui dis qu'on sait jamais ce qui peut se passer.
00:01:10Ça monte haut hein.
00:01:12Y'a des coco, banane et maïs. Alors c'est pas avec ça que...
00:01:19Tout va bien dans la minute et tout à l'heure il se passera autre chose.
00:01:25Le couple savoure ses vacances.
00:01:27Pas un seul instant, Véronique et Farid ne se doutent qu'au plus profond de l'océan,
00:01:34un cataclysme se prépare.
00:01:38À la même heure à l'hôtel Sofitel de Kaolac,
00:01:41Joël Diochet filme les moments de bonheur de sa femme et de ses filles,
00:01:45Johanna et Juliana.
00:01:49Ça faisait vraiment un petit coin de paradis perdu,
00:01:51la piscine magnifique, l'hôtel magnifique,
00:01:54puis un aspect de neuf, de calme, de quiétude,
00:01:58enfin c'était vraiment... y'avait rien à redire, c'était...
00:02:01On était heureuses.
00:02:03Madame Diochet a demandé une chambre pied dans l'eau,
00:02:06mais elles sont toutes prises.
00:02:08Les Diochets sont envoyés au deuxième étage, c'est ce qui les sauvera.
00:02:12Patricia, déçue, l'ignore encore bien sûr.
00:02:17Franchement, je faisais la tête parce que je les regardais en bas,
00:02:20dans leur chambre, puis...
00:02:23J'ai dit, bon, je vais passer à l'autre côté,
00:02:25parce que c'est la même chambre, c'est la même chambre,
00:02:28c'est la même chambre, c'est la même chambre.
00:02:32Bon, j'ai dit, bon, je vais pas encore embêter mon mari,
00:02:34on était venus là pour fêter le 24, et puis voilà.
00:02:37Et puis j'ai honte de le dire,
00:02:39mais je suis vraiment contente de ne pas avoir trop parlé.
00:02:44Parce qu'en bas, c'était à 3h30.
00:02:50Ce soir, c'est Noël. Repas gastronomique et crèche vivante.
00:02:54Les Diochets continuent de se filmer au buffet.
00:02:57Aucun des 438 touristes du Sofitel
00:03:00ne soupçonnent ce que le jour d'après leur réserve.
00:03:03Pour moi, c'était vraiment le plus joli Noël qu'on avait jamais fait.
00:03:07L'hôtel était complet
00:03:09et le Père Noël était arrivé en bateau sur l'océan.
00:03:12On était fiers.
00:03:14C'était le premier Noël au Sofitel
00:03:16et les clients étaient vraiment étonnés de tout ce qu'on avait fait.
00:03:20Ce soir-là, tout le monde était vraiment heureux.
00:03:25Sur la plage, Joël et Patricia Diochet
00:03:28s'étendent les douze coups de minuit.
00:03:32Dans les profondeurs de l'océan,
00:03:34un terrible compte à rebours commence.
00:03:39Dans moins de 36 heures,
00:03:42l'une des plus grandes catastrophes naturelles de l'histoire va se produire.
00:03:48Le drame commence à 700 km de là,
00:03:50au large des côtes de l'Indonésie,
00:03:53près de la ville de Banda Aceh.
00:03:59C'est dimanche et l'agglomération commence à s'animer.
00:04:08Soudain, à huit heures, la terre tremble.
00:04:17Le séisme est si fort qu'il est impossible de tenir debout.
00:04:21Coup de poutrie et médecin à Banda Aceh,
00:04:23ce jour-là elle était chez elle avec sa famille.
00:04:28Vers huit heures, il y a d'abord eu des petites secousses,
00:04:31et puis elles sont devenues de plus en plus fortes,
00:04:34et puis là, waouh !
00:04:43Des secousses venues du fond de l'océan.
00:04:47Au large de l'Indonésie, deux plaques tectoniques s'affrontent.
00:04:50La plaque indienne à gauche et celle de l'Asie à droite.
00:04:54Un combat de titans qui dure depuis plus de quatre siècles.
00:04:58La poussée est énorme.
00:05:00Le 26 décembre à 7h59 du matin, la plaque asiatique prend le dessus.
00:05:13L'énergie libérée est gigantesque,
00:05:1512 000 fois la puissance de la bombe atomique d'Hiroshima.
00:05:18L'onde de choc libère une vague qui avance à la vitesse d'un avion,
00:05:22800 km heure.
00:05:24Dans 38 minutes, elle va frapper l'Indonésie.
00:05:29Quand le tremblement de terre s'arrête,
00:05:31une partie de la ville est déjà détruite.
00:05:35Les dégâts sont impressionnants.
00:05:37Tout le monde pense que le pire est passé.
00:05:45On était tous en train de prier,
00:05:47on espérait que tout soit fini.
00:05:49Alors on s'est levés, on est sortis de nos maisons,
00:05:52et personne n'était inquiet.
00:05:54Il n'y avait pas du tout de panique.
00:05:56Ceux qui n'ont pas été touchés par le tremblement de terre
00:05:59reprennent une vie normale,
00:06:01comme ces familles qui sont à la plage.
00:06:06Dans moins d'une demi-heure,
00:06:08une vague dévastatrice va les emporter.
00:06:13Kutputri filme sa famille
00:06:15qui s'apprête à partir en ville
00:06:17pour célébrer le mariage d'une cousine.
00:06:21Quand, tout à coup,
00:06:23un grondement inquiétant parvient à leurs oreilles.
00:06:29Et tout d'un coup, c'est devenu de plus en plus fort,
00:06:32comme ça...
00:06:37Alors mon père s'est mis à crier très fort.
00:06:40« Vite, tout le monde au deuxième étage ! »
00:06:43Et tout d'un coup, j'ai vu que tout le monde était parti.
00:06:46« Vite, tout le monde au deuxième étage ! »
00:06:49Et tout d'un coup, j'ai vu la vague.
00:06:52Elle arrivait comme ça, comme un mur, très noir.
00:07:00Une vague de 20 m de haut.
00:07:02Elle emporte tout sur son passage.
00:07:04Rien ni personne ne peut y résister.
00:07:08Même au deuxième étage,
00:07:10la famille de Kutputri ne se sent pas en sécurité.
00:07:13Pourtant, elle continue à filmer.
00:07:22À 2 km à l'intérieur des terres,
00:07:25le torrent fait encore 10 m de haut.
00:07:28Dans ce quartier,
00:07:30il n'y a d'ailleurs quasiment pas de survivants.
00:07:34J'ai cru que c'était ma dernière heure, mon dernier jour.
00:07:46Ceux qui ont eu le temps de réagir se réfugient sur les toits.
00:07:53D'autres marchent comme ils peuvent.
00:07:56Certains s'éloignent.
00:07:59D'autres marchent comme ils peuvent
00:08:02sur les débris charriés par le courant.
00:08:13La première vague a apporté des tas de débris,
00:08:16des maisons, des arbres et même des gens.
00:08:19Et ils criaient vers nous.
00:08:21« S'il vous plaît, aidez-nous ! S'il vous plaît, aidez-nous ! »
00:08:25Mais on ne pouvait rien faire.
00:08:28On leur a dit « On est désolés, on est vraiment désolés,
00:08:31mais on ne peut rien faire. Il faut s'en remettre à Dieu. »
00:08:37Dieu ne répond pas à leurs prières.
00:08:39La colère de l'océan se prolonge.
00:08:41Une deuxième vague arrive.
00:08:43Coup de poutrie l'affile.
00:08:45Elle est moins haute que la première,
00:08:47mais dans les rues, elle monte encore de niveau.
00:08:51Cette fois, le torrent s'enfonce
00:08:54jusqu'à 5 km à l'intérieur des terres.
00:08:57À cet endroit, on a l'impression que l'eau n'est pas dangereuse.
00:09:01Elle s'avance doucement.
00:09:03Elle fait à peine quelques centimètres de haut.
00:09:06Et pourtant, elle grossit très vite.
00:09:09Sa force est phénoménale.
00:09:21Haute d'à peine un mètre,
00:09:23la vague n'en arrache pas moins tout sur son passage.
00:09:27Les automobilistes n'ont pas eu le temps de quitter leurs voitures.
00:09:42La famille de coup de poutrie entoure des familles
00:09:45qui ne peuvent pas s'en sortir.
00:09:48La famille de coup de poutrie en appelle à la grâce de Dieu.
00:10:07En bas, un homme a été poussé par le courant à l'intérieur de la maison.
00:10:11Coincé dans les décombres, il aura la chance de s'en sortir.
00:10:15Il fait partie des rares survivants.
00:10:26En quelques minutes, la ville de Banda Aceh est détruite.
00:10:30Le bilan est lourd, très lourd, près de 100 000 morts.
00:10:37Les photos satellites prises avant et après le tsunami en témoignent,
00:10:41la moitié de la ville est rayée de la carte.
00:10:46Il est à l'autre bout de la planète à Hawaï,
00:10:49où sont enregistrés tous les séismes.
00:10:52Plus précisément au centre d'alerte des tsunamis du Pacifique.
00:10:56Il est américain, il s'appelle Barry Hirshhorn.
00:11:05Au moment où la Terre tremble, ses ordinateurs s'affolent.
00:11:09Sa première estimation, force 8 sur l'échelle de Richter.
00:11:15Il sait qu'un risque de tsunami existe dans l'océan Indien,
00:11:19mais la zone de compétence de Barry, c'est l'océan Pacifique.
00:11:27Quand j'ai réalisé que ce tremblement de Terre n'était pas dans l'océan Pacifique,
00:11:31j'ai poussé un petit peu.
00:11:34Quand j'ai réalisé que ce tremblement de Terre n'était pas dans l'océan Pacifique,
00:11:38j'ai poussé un ouf de soulagement.
00:11:41Pour moi, c'est comme si ce tremblement de Terre avait eu lieu sur la Lune.
00:11:48Il envoie aussitôt un message rassurant à tous les pays de la zone Pacifique.
00:11:55Ce tremblement de Terre a été localisé en dehors de la zone Pacifique.
00:11:59Il n'existe aucune menace de tsunami.
00:12:04C'est un message ambigu qui sera mal interprété.
00:12:07Les spécialistes qui le reçoivent dans l'océan Indien ne retiennent que la dernière phrase.
00:12:11Aucune menace de tsunami.
00:12:14Ils pensent alors que les populations de l'océan Indien n'ont rien à craindre.
00:12:20Peut-être que j'ai fait une erreur.
00:12:23Dans mon message, j'aurais dû mettre un avertissement spécial pour les habitants de l'océan Indien,
00:12:28pour les prévenir qu'il pouvait y avoir un tsunami près de l'épicentre.
00:12:35Mais même si je l'avais fait, c'était déjà trop tard.
00:12:41Trop tard pour l'Indonésie.
00:12:44La ville de Banda Aceh est déjà sous les eaux.
00:12:47Mais pour les autres pays de l'océan Indien, comme la Thaïlande et le Sri Lanka,
00:12:51on peut encore prévenir les populations.
00:12:54La vague est encore à une heure de leur côte.
00:12:59À Hawaï, Barry continue ses calculs.
00:13:04Il se rend compte que le séisme est six fois plus fort qu'il l'avait prévu au départ.
00:13:09Cette fois, il envoie un message d'alerte adressé au pays de l'océan Indien.
00:13:13C'est trop tard. Dans cinq minutes, la vague va déferler sur la Thaïlande.
00:13:35À Kopipi, la journée commence pour Véronique et Farid,
00:13:39qui a passé une mauvaise nuit, réveillés par un phénomène étrange.
00:13:44J'avais senti quelque chose la nuit, mais c'était minime, des mini secousses.
00:13:48C'est infime, il faut vraiment le sentir.
00:13:51Ça bougeait, mais léger.
00:13:53Mais je ne savais pas quelle heure il était quand j'ai senti ça.
00:13:56Je me suis rendormi.
00:13:58Je me suis rendormi.
00:14:00Mais je ne savais pas quelle heure il était quand j'ai senti ça.
00:14:03Je me suis rendormi.
00:14:06Moi, j'ai dormi, je n'ai rien senti du tout.
00:14:08Quand il m'en a parlé le matin, je me suis dit n'importe quoi, ça n'a pas bougé.
00:14:12Il n'y a rien eu du tout.
00:14:18Farid n'est pas le seul à avoir senti les convulsions de la planète.
00:14:23À 6 heures du matin, les éléphants sentent le danger qui menace.
00:14:35Très tôt le matin, les éléphants ont commencé à barrir.
00:14:40Ils pleuraient, mais on ne savait pas pourquoi ils pleuraient.
00:14:44Calme-toi, calme-toi, doucement, doucement.
00:14:47Calme-toi, doucement.
00:14:52Les éléphants ont commencé à casser leurs chaînes et à grimper en haut de la colline.
00:15:09Reviens, reviens.
00:15:12Je pense que les éléphants savaient.
00:15:15Comme les autres animaux, je pense qu'ils savent interpréter les signes de la nature.
00:15:20Et si je n'avais pas essayé de les rattraper, je serais peut-être mort.
00:15:26Si je suis vivant, c'est grâce à eux.
00:15:29Le Kornak thaïlandais doit la vie à ses éléphants.
00:15:32Mais il n'y a pas d'éloignement.
00:15:34Il n'y a pas d'éloignement.
00:15:36Il n'y a pas d'éloignement.
00:15:38Le Kornak thaïlandais doit la vie à ses éléphants.
00:15:41Mais aussi des dizaines de touristes sauvés grâce au sixième sens des pachydermes.
00:15:53Un peu plus bas, au Sofitel,
00:15:55la famille Diochet s'apprête à prendre son petit déjeuner au bord de la mer.
00:16:00Joël filme ses filles à moins d'une heure de l'arrivée de la vague.
00:16:04Le matin, elle s'intillait.
00:16:06Elle était très bleue.
00:16:09Jamais on aurait pu imaginer qu'elle se transforme comme ça,
00:16:12comme une espèce de grosse bête féroce qui se dresse.
00:16:15Parce qu'elle était dressée devant nous, en fait.
00:16:17Jamais.
00:16:20Elle frappe d'abord au sud de Kaolac, sur l'île de Phuket,
00:16:23l'une des stations balnéaires les plus réputées de la Thaïlande.
00:16:28Sur le front de mer, les boutiques ouvrent leurs portes.
00:16:33La saison basse en plein, les touristes sont nombreux.
00:16:45À dix heures du matin, phénomène inhabituel, la mer se retire.
00:16:52C'est à ce moment-là qu'elle s'arrête.
00:16:55C'est un signe avant-coureur, il aurait dû donner l'alerte,
00:16:58mais personne ne s'en inquiète.
00:17:02À dix heures zéro-cinq, l'eau revient.
00:17:05Elle inonde la côte.
00:17:08Regarde, il y en a une grosse qui arrive, là.
00:17:10Alors celle-là, on va la sortir venir.
00:17:20Cinq minutes plus tard, à dix heures dix,
00:17:22la vague déferle sur Phuket.
00:17:28Saisie fascinée des touristes fines,
00:17:31ils n'ont pas conscience de la tragédie qui va les frapper.
00:17:38La force de la vague est inimaginable,
00:17:41mille tonnes par mètre cube.
00:17:43Aucun être humain ne peut y résister.
00:17:54À l'hôtel Kamala Beach de Phuket, la surprise est totale.
00:18:00Les vacanciers choqués ne comprennent pas ce qui se passe.
00:18:04Certains cherchent leurs proches.
00:18:08D'autres sortent pour prendre des photos.
00:18:12D'autres encore essaient de sauver des victimes.
00:18:21Leur vie est un peu comme la vie d'un homme.
00:18:24Il est un peu comme la vie d'un homme.
00:18:27Il est un peu comme la vie d'un homme.
00:18:30Il est un peu comme la vie d'un homme.
00:18:34C'est le cas de Frédéric.
00:18:36Il est policier en Suède.
00:18:38Au moment du drame, il est en vacances depuis une semaine
00:18:42avec sa fiancée à Phuket.
00:18:50Après la première vague, une deuxième s'approche de l'hôtel.
00:18:54Une vague moins spectaculaire mais plus meurtrière.
00:18:58Frédéric tente alors de tirer un couple d'Anglais de la tourmente.
00:19:02Je leur ai dit, dépêchez-vous, vite.
00:19:05Je me suis retourné et j'ai vu une masse d'eau énorme
00:19:09qui arrivait vers moi.
00:19:11Alors j'ai grimpé sur le mur et l'eau m'est passée sous les pieds.
00:19:15Un homme a filmé toute la scène.
00:19:18Frédéric, en bas de l'écran à droite, monte sur le muret
00:19:22au moment où l'eau déferle.
00:19:24Frédéric, en bas de l'écran à droite, monte sur le muret
00:19:28au moment où l'eau déferle.
00:19:31Ils tentent de prêter main-forte à ce couple d'Anglais
00:19:35qui s'accroche désespérément à une balustrade.
00:19:39Mais Frédéric est trop loin.
00:19:41Le couple parvient à résister quelques secondes.
00:19:45Mais la balustrade a cédé.
00:19:47Le courant allait trop vite.
00:19:49Il avait trop de force.
00:19:51Il avait trop de force.
00:19:53Une force telle que le couple est emporté sous les yeux
00:19:58du policier suédois impuissant.
00:20:06Cette fois, le rez-de-chaussée de l'hôtel est submergé par les eaux.
00:20:10Dans la débâcle, chacun essaie de s'en sortir comme il peut.
00:20:14Cet homme tente de s'accrocher au balcon du premier étage.
00:20:19Frédéric, lui, essaie de se mettre à l'abri,
00:20:22mais l'eau continue à monter.
00:20:24Il va être emporté.
00:20:48Quand le torrent se calme,
00:20:50l'eau a dévasté le premier étage de l'hôtel.
00:20:57Le vieil homme emporté par les flots avec sa femme
00:21:00a réussi à survivre par miracle.
00:21:03Son épouse, elle, sera retrouvée morte quelques jours plus tard.
00:21:09Frédéric, qui a tenté de leur venir en aide,
00:21:12parvient à s'accrocher à un arbre,
00:21:14plusieurs centaines de mètres plus loin.
00:21:19Je me sens comme un survivant.
00:21:21Pour moi, cela aurait pu se terminer beaucoup plus mal.
00:21:25Je suis toujours resté calme
00:21:27et je n'avais qu'une seule idée en tête.
00:21:29Survivre.
00:21:32Pas une seconde, je n'ai pensé à renoncer.
00:21:38La vague continue sa course meurtrière.
00:21:42Après avoir dévasté Pouquet,
00:21:44elle fonce vers Copipi.
00:21:49Sarah est suédoise.
00:21:55Avec son fiancé, Calé,
00:21:57ils passent leurs vacances en amoureux à Copipi.
00:22:04Je crois que c'était deux jours avant mon anniversaire.
00:22:09Il m'a dit, ferme les yeux, on va partir en voyage.
00:22:14Je pensais qu'il allait m'emmener une semaine en Grèce.
00:22:19En fait, la surprise, c'était qu'il m'emmenait en Thaïlande
00:22:22trois semaines en décembre.
00:22:25C'était tellement mignon.
00:22:27On avait travaillé vraiment dur avant de s'offrir ces vacances.
00:22:33On pouvait enfin passer du bon temps ensemble,
00:22:36voir des bières, profiter du soleil.
00:22:39C'était le plus beau moment de notre vie.
00:22:43C'était un jour comme les autres.
00:22:47Je ne sais pas pourquoi j'ai commencé à filmer Sarah à ce moment-là,
00:22:50parce qu'elle ne faisait rien d'extraordinaire.
00:22:52Elle montait simplement dans un bateau.
00:22:55Et quand elle est montée dans le bateau,
00:22:57tout d'un coup, l'eau a disparu.
00:23:00C'était vraiment bizarre.
00:23:02Et j'ai remarqué que les Thaïs, eux aussi,
00:23:05trouvaient ça bizarre.
00:23:07Sarah ne s'inquiète pas.
00:23:11Quelques minutes plus tard, l'eau est de retour.
00:23:15Sarah avait de l'eau jusqu'aux genoux.
00:23:18Elle m'a dit, hé, regarde, c'est un peu bizarre.
00:23:21Je me suis dit, mais c'est un peu bizarre.
00:23:24Et tu n'as pas l'air d'être dans un bateau,
00:23:26pour avoir l'air de l'eau quand même.
00:23:28Tu peux te sentir comme dans un bateau.
00:23:30Tu ne peux pas te sentir comme dans un bateau.
00:23:32Tu ne peux pas te sentir comme dans un bateau.
00:23:34Tu ne peux pas se sentir comme dans un bateau.
00:23:36Elle m'a dit « Hé, regarde ! ». Et je lui ai dit « C'est rigolo ».
00:23:40J'ai ri un peu.
00:23:42Mais au même moment, l'eau est venue sur mes jambes et j'ai senti qu'elle avait une puissance terrible.
00:23:54C'était comme si l'eau me serrait les jambes.
00:23:57Alors j'ai compris qu'il se passait quelque chose d'anormal.
00:24:00J'ai dit à Sarah « Vite, filons, partons d'ici, vite ! ».
00:24:06Dans la baie, le bateau qui arrive de Pouquet amène 200 touristes à Copépi.
00:24:15Sandra, une Française, est à bord. Il est 10h15.
00:24:19Or dans 10 minutes la vague va détruire Copépi.
00:24:25Le bateau accoste. Donc là, nous, on est encore sous contrôle.
00:24:30Donc, sur l'autre côté, on a la mer des Coréens et l'eau.
00:24:33Donc là, nous, on est encore sur la passerelle.
00:24:37On attend, puisqu'on ne sait pas si quelqu'un vient nous chercher,
00:24:40si on doit descendre à cet endroit.
00:24:43Et je suis en train de filmer, en train de regarder.
00:24:45On voit que les poissons sont en train de partir vers le large.
00:24:48Ils partaient, tous, sans exception.
00:24:51Ils partaient vers le large.
00:24:53Il y avait plein.
00:24:55La preuve, ça nous a interpellés.
00:24:57Les gens descendent.
00:24:59Donc nous, là, on regarde.
00:25:01Bon, on voit tous les gens contents avec leurs bagages.
00:25:05Ils étaient contents d'arriver. Ils étaient fatigués.
00:25:11À Copipi, les ruelles sont étroites.
00:25:13La mer est à quelques mètres.
00:25:15Personne ne la voit. Les boutiques la cachent.
00:25:18Le village est un véritable labyrinthe.
00:25:20Des centaines de touristes vont être piégés.
00:25:28Par chance, Sandra ne descend pas à terre.
00:25:30Elle traîne à bord du bateau, ce qui lui sauvera la vie.
00:25:36Tout d'un coup, le bateau lève l'ancre et s'en va.
00:25:41Je dis pas non, mais c'est pas possible.
00:25:43On devait descendre ici. Pourquoi il s'en va ?
00:25:45Après, on se dit, bon, peut-être,
00:25:47le bateau a l'intention d'accoster sur une autre partie de l'île.
00:25:52En fait, le capitaine pressent le danger.
00:26:01Oh, qu'est-ce qu'il se passe ?
00:26:03L'eau a baissé de 2 ou 3 mètres.
00:26:05J'ai appelé l'équipage et je leur ai dit, vite, vite, il faut partir.
00:26:09On a un problème. On va rester échoués.
00:26:12Il faut partir.
00:26:16Le capitaine du bateau largue les amarres, machine arrière.
00:26:23Il part au large, à 300 m du rivage.
00:26:27A bord, Sandra continue à filmer. La mer commence à bouillonner.
00:26:32Arrête de paniquer. Tu te fous de ma gueule ou pas ?
00:26:34Regarde-moi ça. Regarde-moi comment elle est.
00:26:36Regarde la couleur de l'eau, là-bas. Elle est pas normale.
00:26:39Elle est marron.
00:26:41Tu vois l'eau marron qu'on avait vue ?
00:26:43Voilà, je l'ai vue, moi.
00:26:46T'imagines les gens qui se baignent, là-bas ?
00:26:48On rentre dans le pocket, c'est pas grave.
00:26:50Regarde comment c'est en train de bouillir.
00:26:52Regarde, regarde, regarde.
00:26:55Un peu plus loin, Farid et Véronique s'apprêtent à quitter Copipi
00:26:59pour aller visiter Koh Lanta, l'île voisine.
00:27:02Mais ils n'ont pas le temps de partir.
00:27:05On a fait des petits déj' et puis on prenait les photos,
00:27:09puis on allait partir se balader ou finir les bagages.
00:27:12Et puis on voit deux Thaïlandais qui regardent vers la mer.
00:27:15Ouais.
00:27:16En montrant la mer.
00:27:18Donc on regarde et puis c'est là que tu vois la mer.
00:27:22C'est là que tu vois une grande trace blanche,
00:27:28comme l'écume d'un bateau, en fait.
00:27:30Sauf qu'il n'y avait pas de bateau et que...
00:27:32Au début, je croyais que c'était le bateau.
00:27:34Je me disais, mais c'est quoi, c'est le bateau qui fait ça ?
00:27:36Elle me dit, non, c'est pas possible, c'est pas le bateau et tout.
00:27:38Je fais, mais si, je crois que c'est le bateau.
00:27:40Puis en regardant bien, on s'est aperçus que c'était pas possible,
00:27:42que ce soit le bateau qui arrivait, qui faisait une écume comme ça, quoi.
00:27:46L'eau n'est pas encore très haute, mais sa puissance est inouïe.
00:27:49Un premier ponton s'écroule.
00:27:52La mer commence à envahir la plage.
00:27:54Sarah et Khaled, le couple de jeunes Suédois,
00:27:56filment leur dernière seconde de bonheur en Thaïlande.
00:27:58On était là tranquilles.
00:27:59Et personne autour de nous ne semblait inquiet.
00:28:01Mais en quelques secondes...
00:28:03Viens, viens, viens.
00:28:05On est en train d'arriver.
00:28:07On est en train d'arriver.
00:28:09On est en train d'arriver.
00:28:11On est en train d'arriver.
00:28:13On est en train d'arriver.
00:28:15On est en train d'arriver.
00:28:17On est en train d'arriver.
00:28:19On est en train d'arriver.
00:28:22Tout le monde s'est mis à hurler.
00:28:24Et l'enfer s'est déchaîné.
00:28:32Pipi est tellement plat que rien ne pouvait arrêter la mer.
00:28:37À l'endroit où la ville se trouve, c'est complètement plat.
00:28:42Quand on est arrivés devant l'hôtel,
00:28:44l'eau continuait à monter.
00:28:47On ne pouvait rien faire pour y échapper.
00:28:49Alors Sarah m'a dit vite,
00:28:51entrons à l'hôtel.
00:29:01On a eu une chance parce que l'hôtel...
00:29:03On a eu une chance parce que l'hôtel...
00:29:05On a eu une chance parce que l'hôtel...
00:29:07On a eu une chance parce que l'hôtel...
00:29:10On a eu vraiment de la chance parce que notre hôtel était tout à côté.
00:29:15Donc on savait où aller.
00:29:18Et par chance, c'était un immeuble solide, en béton.
00:29:22En plus, il y avait trois étages.
00:29:24Mais si on n'avait pas eu cet hôtel, on serait allés en ville.
00:29:29Et ceux qui sont allés en ville sont allés au-devant de leurs propres morts.
00:29:39À l'hôtel, le rez-de-chaussée est déjà sous les eaux.
00:29:42Tout le monde cherche à se réfugier dans les étages.
00:29:45Calais continue à filmer.
00:29:53Dehors, l'eau continue à monter.
00:29:55Elle commence à faire ses premières victimes.
00:30:10J'étais à la barrière de la terrasse du restaurant.
00:30:13J'ai regardé, j'ai vu que ça continuait à avancer.
00:30:16J'ai vu que les deux bateaux se télescopaient
00:30:18et qu'il y avait un volume d'eau plus important qui arrivait sur la berge.
00:30:21Là, je me suis dit qu'il y avait un truc qui ne va pas.
00:30:28Les gens sont restés, assis.
00:30:31Tout le monde s'est même avancé pour regarder de plus près,
00:30:34pour voir ce qui se passe.
00:30:37Comme partout en Thaïlande, la vague frappe par surprise.
00:30:40En quelques secondes, elle emporte tout le monde.
00:31:06C'est la première fois qu'on voit ça.
00:31:29Je lui disais, passe devant, cours, cours, cours.
00:31:31Et à un moment donné, on arrive dans un cul-de-sac.
00:31:33C'était un mur, en fait.
00:31:35Elle voulait escalader le mur.
00:31:37Je la regarde, je lui dis, attends, faut qu'on réfléchisse et tout.
00:31:40Il m'a dit, c'est impossible, on ne peut pas l'escalader.
00:31:43Je lui dis, on n'a pas le choix, il faut trouver une solution.
00:31:45Elle a commencé déjà à grimper sur le mur.
00:31:48Et là, on a vu deux Thaïlandais passer dans un petit passage
00:31:51entre le mur et ce bungalow.
00:31:53Il y avait des barbelés.
00:31:55Donc elle est passée, je lui ai ouvert la voie avec les barbelés.
00:31:58Et moi, je suis resté coincé avec le barbelé.
00:32:01Au lieu de déchirer et de vite courir,
00:32:04ça y est, on commençait à entendre quand même l'eau arriver,
00:32:07les gens crier.
00:32:09On sentait bien la panique derrière.
00:32:12On sentait qu'il fallait se dépêcher quand même.
00:32:22Alors que le niveau de l'eau s'élève encore dans toute la ville,
00:32:25Farid reste coincé sous les barbelés.
00:32:30Mais qu'est-ce que tu fais ? Dépêche-toi !
00:32:32On s'en fiche de ton short. Mais non !
00:32:35Je viens de l'acheter, Julie.
00:32:37Tu viens de l'acheter.
00:32:39Et bon, il a fini par réussir à sauver son short.
00:32:41Et après, je lui ai dit de monter, monter.
00:32:43Il me criait, vas-y, vas-y, bébé, cours, cours, cours.
00:32:46Et moi, ça me faisait du bien, parce que j'étais vraiment en panique.
00:32:50Et puis ça me motivait, parce que c'était vraiment...
00:32:53Ça montait bien.
00:32:55Enfin, voilà, la panique jusqu'à arriver en haut de cette colline.
00:32:58En haut de la colline, le couple est à l'abri, mais plus bas.
00:33:01La première vague emporte une partie de l'île.
00:33:32Homme, femme, enfant, maison.
00:33:35Tout est emporté, arraché, brisé.
00:33:42L'homme qui filme ces images tente de résister.
00:33:45Emporté au fond de l'eau, il aura la chance de s'en sortir vivant.
00:33:55À Copipi, le cauchemar va se prolonger.
00:33:59Une 2e vague s'annonce, cette fois sur la droite de l'île.
00:34:07Eric aurait dû mourir ce matin-là, mais le destin en décide autrement.
00:34:13Ça doit être l'instinct féminin.
00:34:15Bon, à cette heure-ci, à 9h du matin,
00:34:17ça fait déjà 1h ou 2 que je suis dans l'eau.
00:34:19Je fais de la plongée sous-marine, sans bouteille, en apnée.
00:34:22Et je me suis dit que j'allais aller dans l'eau.
00:34:25Je fais de la plongée sous-marine, sans bouteille, en apnée,
00:34:28tous les jours, tous les jours que fasse.
00:34:31Et ce matin-là, Marie m'a dit, Eric, ce matin, tu plonges pas,
00:34:34tu montes avec moi sur la montagne.
00:34:43Et merci, Marie, quoi.
00:34:46Ce jour-là, Marie tient absolument à monter au point de vue panoramique.
00:34:52L'endroit le plus élevé de l'île.
00:34:55Là-haut, ils l'ignorent,
00:34:57mais ils seront les témoins de la catastrophe.
00:35:05En bas, en bord de mer,
00:35:07la descente de l'île se déroule.
00:35:11En bas, en bord de mer, la déferlante arrive.
00:35:21Eric prend sa caméra.
00:35:23Il filme tout.
00:35:25Il y a un raz-de-marée, là.
00:35:36Dangerous, hein?
00:35:38Wow, wow, wow, wow.
00:35:41Regarde, Marie, ça dévaste tout.
00:35:45Là, nous, on est à l'abri, on craint rien.
00:35:48Regarde, là, regarde, regarde qu'au pipi...
00:36:08Le raz-de-marée emporte tout.
00:36:10Gérard Toubelle et sa famille essaient d'y échapper.
00:36:13J'étais pieds nus, j'avais les pieds en sang après,
00:36:15mais ça, je m'en suis aperçu de rien, j'ai même pas eu mal, j'ai rien eu.
00:36:18On court, on court, on sauve sa peau.
00:36:21Avec le bruit derrière et...
00:36:23On sentait bien ce qui se passait et que ça arrivait de plus en plus vite.
00:36:32Un bruit, ben...
00:36:34De chaos, quoi.
00:36:36Le gourondement, les arbres qui se couchent,
00:36:38les dingalos qui explosent.
00:36:40Le gourondement de la vague, surtout.
00:36:42Tout ce qui va avec après, les gens qui crient.
00:36:47C'est un mélange...
00:36:49C'est un bruit indescriptible, mais qui s'oublie pas.
00:36:56C'est le bruit de l'horreur.
00:36:58Le bruit de la mort.
00:37:07Allez, allez!
00:37:17Il y avait une Anglaise ou une étrangère
00:37:20qui sortait de son dingalo et qui nous demande
00:37:23qu'est-ce qui se passe?
00:37:25Et dans ma tête, j'avais envie de lui dire
00:37:27«Big wave, big wave!»
00:37:29J'ai couru, j'ai couru, j'ai rien dit.
00:37:32Et je l'avais là, mais ça sortait pas.
00:37:35Et vous lui avez pas dit «courrez»?
00:37:37«Courrez!»
00:37:39Rien. On y pense après.
00:37:41On regrette, mais est-ce que ça aurait changé quelque chose?
00:37:44Si ça se trouve, elle est...
00:37:46J'espère qu'elle est vivante, mais je ne sais pas.
00:37:49De toute façon, le temps qu'on lui dise qu'il y a une vague
00:37:52et qu'elle descend de son bague à l'eau,
00:37:54je crois qu'il est en train d'être embarqué, quand même.
00:38:00La famille Toubelle au grand complet
00:38:02est en vacances depuis une semaine à Copipi.
00:38:04Quand le cataclysme se produit.
00:38:14A l'heure du drame, ils sont 15
00:38:16et ils s'apprêtent à partir pour une balade en mer.
00:38:20Mais Philippe, le frère de Cathy, ne reviendra pas.
00:38:28Quand la vague arrive, on est tous ensemble,
00:38:30on commence à courir.
00:38:33Et pourquoi on s'est arrêtés avant, je ne le saurais jamais.
00:38:36Philippe s'est arrêté sur ce bungalow,
00:38:38avec une petite terrasse,
00:38:40donc il y avait quand même quelques marches,
00:38:42on était un peu surélevés.
00:38:47L'eau bouillonnait déjà autour.
00:38:50Et là, je me suis dit,
00:38:52on ne peut pas descendre dans l'eau
00:38:54parce qu'on va se faire embarquer par le courant.
00:38:57Et puis là, je crois que lui,
00:38:59il a pris la mesure tout de suite du désastre.
00:39:01Et bon, il m'a dit, on est mal barrés.
00:39:04Et ça a été très, très vite.
00:39:06Je crois que ça a dû durer, je ne sais pas, 20 secondes.
00:39:08Mais j'étais encore en train de lever mon sac de plage
00:39:10pour ne pas mouiller l'appareil photo
00:39:12quand cette vague, que je n'ai même pas vu arriver,
00:39:14je ne peux pas dire que j'ai vu arriver un mur de flotte,
00:39:16ce n'est pas vrai.
00:39:18J'ai pris un truc en pleine tête.
00:39:20Donc il m'a attrapé le bras
00:39:22et on est partis ensemble.
00:39:24Mais on a été séparés très, très vite
00:39:26parce que ça va tout allure.
00:39:28Et là, j'ai fait un truc que j'avais...
00:39:30J'espère ne jamais revivre.
00:39:32Une partie de machine à laver pendant...
00:39:34Je ne sais pas.
00:39:40Je me souviens de terreur, de noir total.
00:39:42Je suis très claustrophobe.
00:39:44Donc j'ai un moment, un noir,
00:39:46mais un noir de chez noir.
00:39:48Je devais être coincée entre des planches.
00:39:50Tout est devenu noir d'encre.
00:39:52Ça, ça a été terrible.
00:39:54Donc on se débat.
00:39:56Et je suis sortie de l'eau
00:39:58une fois, à la tête.
00:40:00Donc j'ai ravalé une boule d'air
00:40:02et puis...
00:40:04Je ne pense pas que j'étais très profondément
00:40:06fouillie sous l'eau, mais je...
00:40:14Toujours à Copipi, quelques centaines de mètres plus loin,
00:40:16Calé et Sarah, les jeunes Suédois,
00:40:18sont à l'abri
00:40:20du deuxième étage de leur hôtel.
00:40:28Calé filme la deuxième vague,
00:40:30celle qui transperce Copipi
00:40:32de pas en pas.
00:40:50...
00:41:06Tout s'est passé très vite.
00:41:10Depuis le moment où on était sur la plage
00:41:14et celui où on a couru à l'hôtel,
00:41:16il s'est passé peut-être une minute.
00:41:20Et ensuite, une autre minute
00:41:22avant d'arriver au troisième étage.
00:41:24C'est-à-dire qu'en moins de deux minutes,
00:41:26l'île était recouverte par 4 mètres d'eau.
00:41:46...
00:41:54C'est très étrange.
00:41:56Ce n'est pas la guerre.
00:41:58Il n'y a pas de bombe.
00:42:00C'est seulement de l'eau.
00:42:02Mais ça détruit toute une île.
00:42:04Et ça tue des milliers de personnes.
00:42:10Broyé par le courant et par les débris,
00:42:12Cathy Toubelle ne comprend toujours pas
00:42:14comment elle a réussi à survivre.
00:42:16Ce n'est pas une question d'être bon nageur.
00:42:18On ne peut pas lutter dans un truc comme ça.
00:42:20Vous êtes pris et vous attendez que ça passe.
00:42:22Et donc là, on a le temps.
00:42:24Ça m'a sidéré.
00:42:26Tout ce qu'on peut se dire
00:42:28pendant tout ce temps-là.
00:42:30Ça y est, c'est pour maintenant.
00:42:32C'est aujourd'hui. Et ça va faire comment ?
00:42:34Après, je me suis dit
00:42:36que je ne suis pas venue ici pour ça.
00:42:40J'ai pensé aux enfants,
00:42:42j'ai pensé à Gérard, j'ai pensé à mon frère.
00:42:44Et puis à un moment, ça s'arrête.
00:42:46Le chaos s'arrête, il n'y a plus de bruit,
00:42:48il n'y a plus rien.
00:42:50Vous respirez un grand coup.
00:43:04Sur sa colline, Eric est bouleversé.
00:43:06J'arrive plus à filmer tellement je tremble.
00:43:18Tout a été rasé.
00:43:30Au bout d'une dizaine de minutes,
00:43:32l'eau se retire enfin.
00:43:34Les rares survivants,
00:43:36comme Gérard Toubelle,
00:43:38commencent à réaliser
00:43:40ce qui vient de se passer.
00:43:44C'est là qu'on a commencé à avoir le chaos.
00:43:46C'était plus de l'eau qui allait par terre,
00:43:48c'était que des débris.
00:43:52Il y avait des hurlements partout.
00:43:54Les gens qui criaient.
00:43:56Soit des blessés qui criaient,
00:43:58soit d'autres personnes qui hurlaient
00:44:00pour savoir où étaient leurs proches.
00:44:02J'en peux plus.
00:44:24Gérard est médecin.
00:44:26Il a l'habitude de côtoyer la mort.
00:44:28Mais il ne parvient pas
00:44:30à oublier les victimes de copipi.
00:44:34C'était les cris.
00:44:36Les cris un peu...
00:44:38un peu terrifiants.
00:44:40Surtout qu'on commence à prendre conscience.
00:44:42On voit des gens qui sont à moitié noyés,
00:44:44qui ont du mal à respirer,
00:44:46qui crachent leur poumon, comme on dit.
00:44:48On commence à avoir les effets terrifiants.
00:44:50Et puis, on commence à avoir des morts.
00:44:54Des gens qui flottent sur l'eau,
00:44:56ou des tailles qui passent
00:44:58avec une brouette,
00:45:00et il y a quelqu'un dedans.
00:45:02Ce qui était choquant, par contre,
00:45:04sur les plages et autres,
00:45:06c'est de voir des morts en maillot de bain.
00:45:08Ça, on n'est pas habitué.
00:45:10C'est quelque chose d'assez choquant.
00:45:14Ça ne va pas avec la mort.
00:45:18Ça, ça m'a un peu choqué, quand même.
00:45:20Voir des morts, on a l'habitude.
00:45:22Mais là, maillot de bain,
00:45:24des jeunes, beaucoup.
00:45:26Ça, c'est...
00:45:28Ça, c'est choquant.
00:45:32Aussitôt, les secours s'organisent
00:45:34comme ils peuvent.
00:45:36Les rescapés, les plus valides,
00:45:38aident les blessés.
00:45:40On utilise des portes pour faire des brancards.
00:45:46L'eau a tué des milliers de personnes.
00:45:48Les tôles ont été tout aussi meurtrières.
00:45:56Les tôtles, avec la force de la vague,
00:45:58ça a formé des grosses blessures,
00:46:00des bras coupés, des jambes coupées,
00:46:02des têtes coupées, des...
00:46:08Quand il comprend l'ampleur du désastre,
00:46:10Eric descend de sa colline.
00:46:12Pour secourir les survivants,
00:46:14il découvre alors l'horreur.
00:46:18Quand vous voyez une main qui sort
00:46:20et que vous tirez la main et qu'il n'y a que le bras qui vient
00:46:22et qu'il n'y a personne au bout,
00:46:24il faut avoir le coeur bien accroché, quoi.
00:46:26Mais on se pose pas de questions.
00:46:28Je...
00:46:30Je plongeais dans les maisons pour essayer
00:46:32de trouver des gens vivants.
00:46:42À Copipi,
00:46:442 500 personnes seront retirées des décombres
00:46:46ou retrouvées mortes noyées sur la plage.
00:46:54...
00:47:00Cathy est bêtée, s'en sort par miracle.
00:47:02On la reconnaît à peine sur ces images.
00:47:04Elle est en état de choc,
00:47:06couverte de blessures.
00:47:08L'orteil était ouvert, là.
00:47:10Une balle, là, sur le front.
00:47:12Enfin, ce qui était plein de boue était plein de sang.
00:47:14Non, j'avais des plaies
00:47:16plein la... plein la figure.
00:47:18Le maillot était explosé
00:47:20sur le côté. Enfin, non, non, c'était pas...
00:47:22Je...
00:47:24J'avais des griffures partout.
00:47:26C'était pas... C'était superficiel.
00:47:28Enfin, non, les jambes, c'était pas jojo, mais...
00:47:30Y avait pas mal de trucs superficiels.
00:47:32Plus des trous sur la cuisse.
00:47:34J'avais un truc bien profond, là.
00:47:36Ça faisait un peu...
00:47:38Ça faisait un peu boutonnière.
00:47:40J'ai croisé un bout de bois, là.
00:47:42Mais j'ai eu la chance de pas croiser
00:47:44une tôle qui...
00:47:46Un toit en tôle ondulée,
00:47:48qui m'est coupée en deux.
00:47:50Ça, j'ai eu une chance inouïe.
00:47:54La fille de Cathy n'oubliera jamais le moment
00:47:56où elle a revu sa mère.
00:48:02Moi, je l'ai vue quand elle est sortie de l'eau.
00:48:04En fait, je la reconnaissais pas.
00:48:06Je croyais que c'était un homme préhistorique.
00:48:08Parce que c'était vraiment...
00:48:10C'était...
00:48:12C'était hideux.
00:48:14Parce que c'était plein de sang et tout.
00:48:16Je... Je n'osais pas la regarder.
00:48:20C'est un miracle.
00:48:22Cathy retrouvera tous les siens,
00:48:24sauf son frère Philippe,
00:48:26dont le corps a disparu.
00:48:28Elle est évacuée le lendemain
00:48:30en hélicoptère à l'hôpital de Pouquette.
00:48:32Les Toubelles étaient parties en vacances à 15.
00:48:34Ils reviendront en France à 14.
00:48:46Plus au nord, à Kaolak,
00:48:48on ignore que Kopipi a été submergée.
00:48:54Au Sofitel pour les Diochets,
00:48:56les vacances sont presque terminées.
00:48:58Dans 2 heures,
00:49:00ils quittent l'hôtel pour rentrer à Paris.
00:49:02Mais Joël, le père,
00:49:04traîne au petit déjeuner.
00:49:06Il reprend des fruits au buffet.
00:49:08Sa femme et ses filles s'impatientent.
00:49:10Elles souhaitent regagner leur chambre.
00:49:12Papa adore les fruits.
00:49:14Il voulait profiter de son dernier petit déjeuner
00:49:16et de sa énième assiette de fruits
00:49:18avant de partir.
00:49:20Avec Juliana, on a dit
00:49:22que c'est suffisant.
00:49:24C'est la dernière et on y va.
00:49:26Maman est assez d'accord.
00:49:28Elle a dit qu'on arrête de manger.
00:49:30Je pense que 5-7 minutes avant,
00:49:32on était encore au petit déjeuner.
00:49:34Tous les clients qui étaient sur le petit déjeuner,
00:49:36je pense qu'il y a peu de survivants
00:49:38parce que comme le petit déjeuner
00:49:40était juste au niveau de la mer
00:49:42et à 15 mètres de la mer,
00:49:44la vague leur est tombée dessus.
00:49:46Encore une assiette de fruits
00:49:48et on ne sait pas si on serait là.
00:49:58Ce jour-là, la Providence
00:50:00choisit d'épargner la famille Diochet.
00:50:02Alors qu'ils remontent dans leur chambre,
00:50:04au 2e étage,
00:50:06la vague s'approche de l'hôtel.
00:50:08Un peu plus loin,
00:50:10sur la plage voisine du Sofitel,
00:50:12la famille Kuhn s'amuse.
00:50:14Ertha, Stéphane et leurs 2 enfants
00:50:16viennent d'Allemagne.
00:50:18Ils sont en vacances
00:50:20avec un couple d'amis.
00:50:22Les enfants se sont réveillés tôt.
00:50:24Ils sont les premiers à jouer sur la plage.
00:50:30Avec ma femme, on était là
00:50:32sur les serviettes.
00:50:34Les enfants jouaient là
00:50:36et l'eau était à peu près
00:50:38à la même hauteur qu'aujourd'hui.
00:50:40Sauf qu'il n'y avait pas autant de vagues
00:50:42ce jour-là.
00:50:44La mer était complètement plate.
00:50:46Le ciel était bleu.
00:50:48On se serait cru au paradis.
00:50:50Lasse,
00:50:52on va faire les poissons.
00:50:54Au revoir.
00:51:04À un moment, ma femme me dit
00:51:06tu as vu, la mer est partie.
00:51:08Toute la baie était vide.
00:51:10L'eau était partie
00:51:12et on voyait les rochers
00:51:14qui sont là-bas au loin.
00:51:16Comme le montrent ces images,
00:51:18la mer s'est brutalement retirée
00:51:20sur plus de 700 m.
00:51:22Mais personne ne se pose de questions.
00:51:28Les vacanciers
00:51:30et même les Thaïs
00:51:32venaient voir ce qui se passait.
00:51:34Ils venaient chercher
00:51:36des coquillages,
00:51:38des poissons aussi.
00:51:40Ensuite, j'ai vu à l'horizon
00:51:42un mur qui arrivait vers nous.
00:52:04Dans ce restaurant qui surplombe la plage,
00:52:06un homme est conscient du drame qui va se produire.
00:52:08C'est le patron de l'établissement.
00:52:10Il filme la vague, lui aussi,
00:52:12et essaie d'alerter les touristes.
00:52:24J'ai crié, partez, partez, courez, vite !
00:52:26Mais personne ne me croyait.
00:52:28Alors je ne savais plus quoi faire.
00:52:32J'ai agité ma chemise et j'ai crié encore plus fort.
00:52:34Sauvez-vous !
00:52:36Courez ! Sauvez-vous !
00:52:46Personne ne l'entend.
00:52:48Tout le monde est fasciné par le spectacle.
00:52:50Stéphane Kuhn est toujours sur la plage
00:52:52avec sa femme et ses enfants,
00:52:54comme les autres touristes.
00:52:56Il continue à filmer.
00:52:58Les Thaïs ont compris, eux,
00:53:00qu'une catastrophe se prépare
00:53:02et ils commencent à courir.
00:53:06Je circulais un peu comme ça,
00:53:08mais les gens devant moi ne bougeaient pas.
00:53:10Ils ne réalisaient pas du tout ce qui se passait.
00:53:14Les premières personnes
00:53:16qui ont commencé à courir, c'était les Thaïs.
00:53:18Ils étaient sur les rochers,
00:53:20ils pêchaient des poissons
00:53:22et ils ont commencé à courir.
00:53:24Et pour moi, ça a été le déclic.
00:53:26Je me suis dit, s'ils courent,
00:53:28il faut que je me sauve, moi aussi.
00:53:30Pourtant, le patron du restaurant
00:53:32continue à crier.
00:53:34Quand ils se sont levés,
00:53:36la vague était trop près.
00:53:38C'était trop tard.
00:53:40J'ai fait tout ce que j'ai pu,
00:53:42mais ça n'a pas marché.
00:54:04Sur la plage,
00:54:06Stéphane Kuhn filme toujours et encore.
00:54:34Quand elle réalise le danger,
00:54:36la famille Kuhn prend la fuite,
00:54:38la mort aux trousses.
00:54:40Elle réussit à se réfugier sur une colline.
00:54:48La vague s'approche maintenant
00:54:50du Sofitel.
00:55:04La famille Diochet arrive
00:55:06dans sa chambre au 2e étage,
00:55:08au rez-de-chaussée.
00:55:10C'est la catastrophe.
00:55:12Joël Diochet filme ces images.
00:55:16Des rescapés s'accrochent au débris.
00:55:20En quelques secondes,
00:55:22l'eau engloutit le rez-de-chaussée
00:55:24et le 1er étage de l'hôtel.
00:55:26Les chambres qui bordent la piscine
00:55:28sont sous les eaux,
00:55:30et c'est là qu'on retrouvera
00:55:32le 2e étage.
00:55:54L'eau monte jusqu'à 10 m de haut.
00:55:56A l'hôtel voisin,
00:55:58certains ont eu la chance
00:56:00de s'abriter.
00:56:02Il reste plusieurs heures.
00:56:04La température est brûlante,
00:56:06plus de 40 degrés.
00:56:08Pour se protéger du soleil,
00:56:10les rescapés s'abritent comme ils peuvent,
00:56:12utilisent les serviettes de l'hôtel.
00:56:14Un peu plus bas,
00:56:16au 2e étage,
00:56:18le courant plaque des femmes
00:56:20et des enfants sur le balcon des Diochet,
00:56:22qui parviennent à sauver
00:56:24une dizaine de personnes.
00:56:26C'était la première fois
00:56:28que j'ai réussi à sauver des Thaïlandais.
00:56:30La balustrade était tellement haute
00:56:32qu'il fallait qu'elle se planche complètement
00:56:34et qu'à la force de son corps
00:56:36elle puisse sortir les personnes
00:56:38parce que la balustrade
00:56:40devait faire plus d'un mètre de hauteur.
00:56:42Ce n'était pas facile pour elle.
00:56:46Si je vais réussir à les sauver
00:56:48ou s'ils vont tomber à cause de moi,
00:56:50on ne sait pas si on va vraiment réussir.
00:56:52On a peur que l'eau monte,
00:56:54on a peur que l'eau les tire.
00:56:56C'est moi qui les avais au bras
00:56:58et c'était à moi de les sauver
00:57:00et que personne d'autre
00:57:02pouvait le faire à ma place.
00:57:04Il y a deux petits garçons
00:57:06qui sont arrivés en même temps
00:57:08sur le balcon.
00:57:10Lui criait par contre.
00:57:12C'était un des seuls qui criait.
00:57:14Il appelait sa maman,
00:57:16il cherchait sa maman.
00:57:18Il est resté avec nous.
00:57:20Il a retrouvé sa maman après
00:57:22et c'était magnifique.
00:57:32Du haut de son restaurant thaïlandais,
00:57:34le directeur continue à filmer
00:57:36la mer en furie.
00:57:40Quand les flots se calment,
00:57:42il entend un cri.
00:57:52C'est la police.
00:57:56C'est la police.
00:58:10On entend le cri
00:58:12des touristes,
00:58:14mais on ne sait pas où ils sont.
00:58:16C'est la police qui vient.
00:58:20Que s'est-il passé à Kaolhak ?
00:58:26Pourquoi la vague a-t-elle été plus forte
00:58:28à cet endroit que partout ailleurs en Thaïlande ?
00:58:36Pour comprendre,
00:58:38il faut revenir à l'origine du séisme
00:58:40à 4000 m de fond.
00:58:46La cassure fait remonter l'eau sur une hauteur de 5 mètres.
00:58:58En haute mer, la vague est à peine perceptible.
00:59:03Les bateaux qui croissent au large ne la ressentent pas.
00:59:07Mais sous l'eau, c'est un rat de marée qui s'avance.
00:59:10Un mur d'eau de 4 km de haut sur 1000 km de long et qui fonce
00:59:15vers les côtes à 800 km heure.
00:59:19Le devant de la vague qui s'approche de la côte et qui est dans une
00:59:22eau peu profonde va prendre une vitesse plus faible, alors que
00:59:27l'arrière de la vague, qui est encore dans une eau plus profonde,
00:59:30continue à aller plus vite.
00:59:31Donc, vous avez la situation de la première voiture qui freine
00:59:34sur une autoroute, tandis que la deuxième ne freine pas par
00:59:37derrière. Ce qui va se produire, c'est que vous avez une
00:59:40augmentation de l'amplitude de la vague.
00:59:41Vous créez en quelque sorte une vague plus importante
00:59:45par ce simple fait.
00:59:55Et quand il y a peu de fond, la vague est d'autant plus haute.
01:00:02C'est pour cette raison que celle qui frappe Kaolac a fait
01:00:05autant de victimes.
01:00:11Et quand tout s'est terminé, on regardait la mer et la mer était
01:00:25nouvelle, pareille à elle-même, toute bleue, scintillante.
01:00:30Une vraie traîtresse, comme elle s'est déchirée comme ça.
01:00:34C'était inimaginable.
01:00:35Quand l'eau se retire au bout d'une heure, le Sofitel est
01:00:42détruit. On retrouvera 184 morts sous les décombres, 41 sans
01:00:47français. C'est partout la désolation.
01:00:54Il y avait un tel contraste, puisque au moment de la vague,
01:00:57il y avait un bruit énorme qui a duré plusieurs minutes.
01:01:01Et après, quand l'eau s'est retirée, plusieurs heures après,
01:01:03vous n'entendiez plus rien. Il y a les oiseaux qui sont passés.
01:01:06Quelques minutes et les oiseaux sont partis et vous n'entendiez
01:01:09plus rien, plus un bruit, plus rien du tout.
01:01:23Les morts, on n'en parle pas, c'était horrible.
01:01:26Les blessés qui étaient là, ils étaient couchés, couchés sur le
01:01:28sol, ils ne bougeaient pas.
01:01:30Vous vouliez les aider, ils ne voulaient pas.
01:01:32Vous vouliez mettre un coussin sur la tête de quelqu'un derrière
01:01:33la tête, ils ne voulaient pas non plus.
01:01:36Vous vouliez faire quelque chose, vous vouliez les aider,
01:01:37ils ne voulaient pas.
01:01:51La plupart des victimes sont mortes dans les chambres du rez-de-chaussée,
01:01:55celles situées au bord de la piscine.
01:01:58Celle qui plaisait tant à Patricia le jour de son arrivée à l'hôtel,
01:02:01une semaine plus tôt.
01:02:04Je me suis dit, c'est dingue comme la vie est hasardeuse.
01:02:07Je n'aurais jamais pensé que je puisse devenir comme ça, croire
01:02:12à la fatalité, au destin, jamais.
01:02:15Et là, je me suis dit, c'est quand même dingue, que je voulais
01:02:17absolument une chambre du bas, nous avons une chambre du haut.
01:02:19On s'est retrouvés au même moment, tous les quatre, on était toujours
01:02:22en haut. C'était un miracle.
01:02:31Après la catastrophe, les rescapés grimpent sur les collines.
01:02:42Des camps de fortune s'installent.
01:02:44Tout le monde est sous le choc et tout le monde a peur,
01:02:47car une rumeur circule.
01:02:49Une nouvelle vague pourrait revenir encore plus forte,
01:02:52encore plus meurtrière.
01:02:53C'est moi, je suis fracassé.
01:03:03Farid et Véronique ont réussi à rejoindre l'un des trois camps
01:03:07de réfugiés de Copépi.
01:03:09Farid continue de filmer.
01:03:11Il commande ses images.
01:03:14Bon, ben voilà, ça, c'est le camp où on se réfugie.
01:03:18On attend que ça se passe en calme.
01:03:21On entend des bruits d'hélicoptères, d'avions, je ne sais pas quoi.
01:03:27Il y a des gens qui sont morts, il y a des gens qui sont blessés.
01:03:30Bon, bref.
01:03:41Au fur et à mesure, les gens arrivaient et plus ils arrivaient tard,
01:03:44plus ils arrivaient blessés.
01:03:46Ouais, moi, j'étais très, très paniquée.
01:03:52Je crois que c'était le moment le plus angoissant pour moi.
01:03:56Les gens disaient qu'il allait y avoir une deuxième vague beaucoup plus grosse.
01:04:01J'avais vraiment l'impression d'être une fourmi.
01:04:05J'étais toute petite dans ce monde là, que la nature faisait ce qu'elle voulait de nous.
01:04:10Et vulgairement, je me sentais une merde, quoi.
01:04:14Je me disais, mais je ne suis rien dans ce monde là.
01:04:17Je ne suis rien, je le pense toujours.
01:04:20Mais là, encore plus.
01:04:29Un peu plus tard, Farid redescend à l'hôtel pour récupérer des couvertures,
01:04:33des oreillers, quelques chaises, mais surtout de l'eau et de la nourriture.
01:04:36Le minimum pour assurer la survie.
01:04:41Il ramène aussi une machette.
01:04:44Qu'est-ce que tu fais ? Tu prépares le lit ou quoi ?
01:04:47On essaie de dégager la place pour pouvoir s'amonger là, en fait.
01:04:52Ouais.
01:04:57Moi, je me sentais bien avec ma machette, plus à l'aise.
01:04:59Jamais.
01:05:00C'est nul, mais c'est comme ça, c'est un instinct, quoi.
01:05:04Des fois, dans des situations de chaos, il y a des gens, ils pètent les plombs.
01:05:08Ils se mettent peut-être à être violents.
01:05:11C'est une situation qu'on ne connaît pas.
01:05:13Quand la nuit tombe, les 4000 rescapés de Copipi se sentent seuls au monde.
01:05:18Les téléphones ne répondent plus.
01:05:20Aucune information ne leur parvient.
01:05:22Il n'est pas question de redescendre vers la mer.
01:05:25Les survivants décident alors de passer la nuit sur la colline, à la belle étoile.
01:05:30On est tous réunis pour sauver notre peau, sauver notre peau du rang de marée.
01:05:43Je veux dire, comme on peut, c'est trois étoiles.
01:05:47Tous les groupes, pratiquement, ont fait un feu.
01:05:51On a essayé de le garder un maximum toute la nuit.
01:05:52On l'a gardé toute la nuit pour éviter les moustiques, pour essayer de...
01:05:57Les serpents.
01:05:58Pour se réchauffer.
01:05:59Après le tsunami, un danger d'une autre nature menace les survivants de Copipi.
01:06:06La forêt étant infestée de cobras et d'autres reptiles vénimeux,
01:06:09une psychose s'installe.
01:06:13Calé et Sarah, le couple de jeunes Suédois, sont réfugiés dans un camp voisin.
01:06:18Eux aussi ont peur.
01:06:22C'était 17 heures après la catastrophe.
01:06:25On était au milieu de la nuit et il faisait complètement noir.
01:06:29Un Américain est venu nous voir et il nous a demandé si on savait ce qu'il fallait faire
01:06:33en cas de morsure de serpent, parce que sa femme venait de se faire mordre par un serpent.
01:06:43Et ça nous a vraiment inquiétés.
01:06:45On était assis par terre et il faisait complètement noir.
01:06:55On avait l'impression d'entendre des serpents partout.
01:07:01Alors, j'ai pris mon appareil photo et je me suis servi du flash, comme d'une lampe torche.
01:07:05Au milieu de la nuit, la rumeur sur la femme qui s'était fait tuer par le serpent a traumatisé tout le monde.
01:07:12On avait très peur.
01:07:15Mais moi, j'ai voulu ramener un souvenir positif de toute cette aventure.
01:07:20Alors, j'ai pris la main de Sarah.
01:07:24Et je lui ai murmuré à l'oreille.
01:07:28Sarah Marie-Torren, est-ce que tu peux me parler de ton amour pour Sarah Marie-Torren?
01:07:33Sarah Marie-Torren, est-ce que tu veux bien m'épouser?
01:07:38C'était une nuit étrange pour faire une telle déclaration.
01:07:41Mais c'était la seule chose que je pouvais faire à ce moment là.
01:07:44Et elle m'a répondu oui.
01:07:46Alors ensuite, on s'est mariés.
01:07:59Deux personnes mourant dans la nuit, mordues par des cobras.
01:08:02Au petit matin, les rescapés de Copipi redescendent vers la mer.
01:08:08C'est pas le Koh Lanta Balur là.
01:08:10Une vraie Koh Lanta.
01:08:12Seul sur l'île.
01:08:18La veille, j'étais dans un paradis et je redescends de la colline.
01:08:23Je suis en enfer.
01:08:26Vraiment en enfer.
01:08:28Quand on est descendu, la première chose qu'on a vu, c'était un cadavre.
01:08:32Voilà, je suis dans un autre monde là.
01:08:35Ma puce, calme toi.
01:08:40Calme toi bébé, calme toi.
01:08:53En plus du visuel, il y a une odeur.
01:08:56Bébé, calme toi.
01:09:01Ma puce, viens par là.
01:09:10Je suis vraiment choquée.
01:09:13Ce que je vois, ça me bouleverse.
01:09:15Et plus j'avance, plus je suis mal et ça ne va pas du tout.
01:09:19Et même quand je repense aux images que j'ai vues et au moment où j'étais là-bas, je ne suis pas bien.
01:09:35C'est vraiment un moment qui est douloureux.
01:09:50C'est fini.
01:10:00Le lendemain de la catastrophe, le 27 décembre, Farid et Véronique quittent Copipi.
01:10:05Ils embarquent sur un bateau.
01:10:12Les 4000 rescapés de l'île sont évacués dans la journée.
01:10:16C'est pour eux une délivrance, la fin du cauchemar.
01:10:28Ils laissent derrière eux des centaines de blessés.
01:10:31Les plus graves sont évacués vers les hôpitaux de la région.
01:10:35Les autres sont soignés sur place, dans un dispensaire à ciel ouvert.
01:10:46On ne peut pas y croire, il n'y en a pas plus, il n'y en a pas d'autres.
01:11:16Mais la vague ne s'arrête pas là.
01:11:26Après avoir frappé la Thaïlande, elle continue sa course dévastatrice.
01:11:33À Hawaï, Barry essaie encore de donner l'alerte, mais l'océan Indien ne figure pas dans sa zone de compétence.
01:11:40Il n'a aucun numéro de téléphone.
01:11:42Désespéré au milieu de la nuit, il appelle Washington.
01:11:46J'étais soulagé quand quelqu'un a décroché.
01:11:50J'ai demandé tout de suite les numéros de téléphone de nos ambassades dans les pays menacés.
01:12:02Au Sri Lanka, la vague a déjà fait près de 40 000 morts.
01:12:05En Inde, elle tuera 16 000 personnes.
01:12:28La vague finit sa course meurtrière sur les côtes du Kenya et de la Somalie,
01:12:32à 6 000 kilomètres de l'épicentre, où elle tue encore une centaine de personnes.
01:12:44Dans les jours qui suivent la catastrophe, les secours se mobilisent.
01:12:48On n'en finit pas de compter les victimes et de soigner les blessés.
01:12:53Au total, le tsunami fera près de 250 000 morts, décédés ou disparus.
01:12:59Quant aux survivants, aujourd'hui encore,
01:13:02ils se demandent par quels miracles ils sont toujours en vie.
01:13:07Au début, je me sentais coupable d'être là et pas les autres.
01:13:12Moi, j'étais pas bien.
01:13:19Pourquoi est-ce que des enfants étaient morts ?
01:13:22Et le problème, c'est qu'il n'y a pas de réponse.
01:13:25Pourquoi on est en vie ?
01:13:27Pour moi, c'était parce que c'est le hasard.
01:13:30On était au bon endroit au bon moment.
01:13:32Il n'y a pas de hasard. C'était pas notre heure, c'est tout.
01:13:36Moi, j'arrive pas à comprendre
01:13:38pourquoi c'était l'heure d'un enfant, par exemple.
01:13:48J'ai jamais aimé l'émochante,
01:13:50parce que je trouvais toujours que la chance,
01:13:52c'était quelque chose qu'on provoquait.
01:13:54On n'a pas le droit de dire, en fait, on est chanceux.
01:13:57Mais maintenant, je sais qu'on a eu beaucoup de chance,
01:14:00et il faut que je la remette.
01:14:02On a eu énormément de chance.
01:14:12Des familles séparées par le tsunami
01:14:14se retrouvent parfois après plusieurs jours de recherche.
01:14:23Il y a des jours où on y pense plus que d'autres,
01:14:26sans savoir pourquoi.
01:14:27Plutôt certaines nuits.
01:14:30En probabilité, j'ai aucune chance de revoir ça.
01:14:34Mais je n'oublierai jamais,
01:14:35même si, a priori, ça va pas trop mal.
01:14:38Moi, je n'oublierai jamais.
01:14:53Aujourd'hui encore,
01:14:54des centaines de victimes n'ont toujours pas été identifiées.
01:14:58Pour les familles des disparus, le deuil est encore plus cruel.
01:15:05Imaginez pas à quel point c'était important
01:15:08avant de le vivre personnellement.
01:15:10Je me disais, une fois qu'on sait qu'une personne est décédée,
01:15:13qu'est-ce que ça change d'avoir son corps ?
01:15:14Eh bien, si, ça change énormément de choses.
01:15:17Énormément de choses.
01:15:18C'est vrai que quand on nous a annoncé
01:15:21qu'il avait été identifié au mois de mai,
01:15:24quand on est retourné en Thaïlande,
01:15:27ça a été un grand soulagement.
01:15:30Un choc et un soulagement à la fois.
01:15:45Je pense que la vie redémarre, que la vie est belle,
01:15:47et que maintenant, il faut que j'en profite
01:15:49et qu'il faut que j'essaye d'aller de l'avant,
01:15:52de faire des belles choses, de profiter de la chance que j'ai eue.

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