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Les professeurs toujours plus inquiets pour leur sécurité ? C'est ce qu'affirme une auditrice de Pascal Praud au micro d'Europe 1. Elle assure qu'elle et ses collègues marchent sur des œufs au quotidien dans leur façon d'enseigner et vont jusqu'à "s'autocensurer" pour éviter tout conflits avec les élèves. Réagissez au 01.80.20.39.21.
Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous

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Transcription
00:00Nous sommes avec Caroline, qui est professeure. Bonjour Caroline. Caroline n'est pas votre véritable prénom ?
00:07Oui, je ne m'appelle pas Caroline en réalité.
00:09Et je ne dirais pas non plus sans doute dans quelle région de France vous enseignez ?
00:13J'enseigne dans un département rural.
00:16Donc on n'en dira pas davantage. Mais ce qui est intéressant, on peut savoir quand même dans quel domaine vous intervenez ?
00:23Oui, je suis professeure de langue vivante.
00:26Est-ce que vous pouvez nous raconter ce qui est votre quotidien et si vous avez eu le sentiment, ou même pas seulement le sentiment d'être menacée ?
00:35Alors moi j'ai eu,
00:37si vous voulez, j'ai été menacée l'an dernier, au mois de juin, par un élève qui en a appelé à Aala pour m'agresser à la
00:45sortie
00:46de mon collège.
00:48Et derrière je me suis retrouvée dans une immense solitude. Et je dirais que
00:53mon principal, qui m'a soutenue beaucoup, s'est retrouvée lui aussi dans une immense solitude, puisque nous avons été
01:01en fait seul à gérer la situation.
01:04Il a fallu organiser une forme de protection qui n'était pas prévue par l'administration. Je n'ai d'ailleurs jamais reçu la protection fonctionnelle
01:13de mon ministère.
01:15Voilà. Et j'ai beaucoup souffert de cette situation et je voulais dire tout,
01:22toute ma compassion pour Mickaël Paty.
01:25Combien de temps ça a duré ?
01:27Alors ça a duré, en fait,
01:30l'élève m'a menacée à la sortie d'un cours, parce qu'il estimait ne pas être satisfait de la note qu'il avait reçue.
01:36Quel âge il avait cet élève ? Alors cet élève avait 13 ans,
01:40il a toujours 13 ans, et donc aucune sanction n'a été
01:44engagée contre lui, puisque son âge
01:46lui permet d'échapper à toute sanction. Dans ces cas-là vous avez évidemment tout de suite prévenu le principal,
01:51j'imagine ? Oui. Est-ce que vous avez déposé plainte à...
01:55Oui j'ai déposé plainte, et la plainte a été reçue par le procureur, mais il n'a aucune suite
02:01à cause de l'âge de l'enfant. Mais pourquoi ?
02:04En quoi ?
02:06C'est très étrange. Il y avait des témoins de cela ?
02:09Oui bien sûr, l'ensemble des élèves de la classe, et c'est d'ailleurs même les élèves de la classe qui ont été
02:13les premiers à prévenir la direction, puisque eux avaient très peur et se sont même mis à pleurer. Mais comment c'est possible que
02:22c'est ça que j'ai du mal à comprendre, comment est-il possible qu'une plainte ne soit pas envisagée ? Vous avez rencontré les parents de cet élève ?
02:31Non, je ne l'ai pas rencontré parce que je me serais mise en danger.
02:38J'ai quand même aujourd'hui, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je témoigne sans mon prénom,
02:44parce que si vous voulez, je ne suis absolument pas certaine que cet élève n'est pas en mesure de me retrouver.
02:49Je trouve ça intéressant. Mais cet élève, vous êtes toujours dans le collège dans lequel ça s'est passé ?
02:55Alors je ne suis plus dans l'établissement dans lequel j'étais, pour d'autres raisons, parce que ce n'est pas à cause de ça, j'avais
03:03préalablement demandé à me rapprocher de mon domicile, j'étais un peu loin de chez moi, j'avais beaucoup de route,
03:09et donc ça n'a rien à voir. Les deux choses sont concomitantes, mais n'ont rien à voir l'une avec l'autre.
03:13Vous enseignez depuis combien de temps ?
03:15J'enseigne depuis 25 ans.
03:17Et vous avez eu combien de plaintes ?
03:195000 élèves, Pascal.
03:21Et vous n'avez eu qu'un incident de ce type ?
03:23Oui, je n'ai eu qu'un incident de ce type.
03:25Toutefois, je tiens à préciser quand même qu'aujourd'hui, la plupart de mes collègues, et moi-même d'ailleurs, nous nous auto-censurons considérablement.
03:33Par exemple ?
03:35Par exemple, il y a des sujets que l'on n'abordera pas.
03:38Mais par exemple, vous êtes dans une langue vivante, donc vous n'avez pas, par exemple, de sujets d'histoire à aborder.
03:43Par exemple, certains de mes collègues, par exemple, qui enseignent l'espagnol, ne peuvent plus enseigner, par exemple, les événements de la reconquête.
03:55Par exemple, mes collègues de lettres me disent qu'elles ne peuvent plus aborder de textes ou d'analyses d'images, par exemple, qui montreraient un tableau avec une femme dénudée.
04:08On ne peut plus aborder un certain nombre de sujets en histoire-géographie.
04:13Alors, je ne parle même pas de l'actualité du conflit qui se situe au Proche-Orient.
04:20Je parle plus simplement de l'abord d'un certain nombre de sujets autour de la Seconde Guerre mondiale.
04:26C'est très compliqué.
04:28Certains élèves y réagissent très mal et les collègues y vont à petits pas, ils y vont à pas de chat.
04:38C'est-à-dire que tout est calculé au préalable.
04:41Il y a donc une peur qui est là très insidieuse, mais très insidieuse, mais elle est quotidienne.

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