Le défi de l’innovateur c’est... de créer son marché ! [Philippe Silberzahn]

  • il y a 11 heures
Xerfi Canal a reçu Philippe Silberzahn, professeur de stratégie et entrepreneuriat, emlyon business school, pour parler du défi de l'innovateur.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Philippe Silberzahn, bonjour Jean-Philippe. Philippe Silberzahn, professeur de stratégie
00:13entrepreneuriat à l'EMLion Business School et auteur du blog philippesilberzahn.com qu'il
00:18faut lire parce que chaque semaine, chaque semaine ça vous stimule les neurones et ça
00:23vous stimule les neurones. On dit toujours l'innovation c'est l'invention qui trouve un
00:29marché. Voilà c'est exactement ça. C'est l'innovateur, c'est celui qui va faire même
00:33plus que le trouver, qui va le créer. C'est ça votre idée. Et j'ai un exemple à l'appui,
00:38elles sont d'Haloïd. Alors on va parler d'Haloïd. Effectivement on croit que l'innovation c'est j'ai
00:44une grande idée et puis il faut trouver, identifier une demande. Voilà il y aurait
00:48quelque part, tapis dans l'ombre, une demande de quelqu'un qui est assis et qui dit oh j'aurais
00:53tellement besoin de cette invention qui est là depuis parfois de nombreuses années et qui au
00:57moment où on va apparaître avec notre invention va dire ça y est c'est formidable et pling on a
01:01un marché. La réalité ça se passe pas vraiment comme ça. Il y a très rarement de la demande
01:07pour des produits entre guillemets disruptifs. La demande pour la téléphonie mobile était
01:12inexistante, la demande pour Nespresso elle était inexistante, la demande pour internet était
01:15inexistante, je pourrais continuer. La demande pour Alia était inexistante. Voilà etc etc. Les
01:20études de marché pour Nespresso elles étaient pathétiques en fait. Personne voyait l'intérêt
01:24d'avoir un Nespresso chez soi. Alloïd c'est un c'est une petite entreprise qui à la fin des années
01:3150 met au point une photocopieuse. Ils sont pas les premiers, il y a déjà un marché de la
01:37photocopie. Il y a notamment IBM et Kodak à l'époque qui sont un peu les deux leaders du marché de la
01:43photocopie. C'est un tout petit marché. Les entreprises, alors c'est essentiellement des
01:47grandes entreprises, ont des photocopieuses. Le processus est un peu compliqué. Elles en font
01:55une quinzaine de copies par mois donc c'est tout à fait mineur et on peut comprendre pourquoi parce
01:59qu'il y a des produits chimiques à mettre, il faut mélanger les produits, il y a une personne
02:03qui est chargée de faire ça etc. Alloïd met au point un photocopieur qui est beaucoup plus simple
02:09et qui notamment, parce qu'à l'époque les photocopieuses utilisaient du papier thermique,
02:14comme quand on a notre suite carte bleue, vous voyez un peu la qualité, c'est la première
02:19photocopieuse avec du papier normal. Alors c'est très bien et sauf qu'elle est deux à trois fois
02:25plus chère que les photocopies de l'époque. Mais l'argument c'est de dire oui mais avec notre
02:29photocopieuse vous pouvez faire un volume beaucoup plus important et de façon plus facile. Sauf
02:34qu'on n'en a pas besoin. Et là les gens répondent, vous répondez à un problème qu'on n'a pas. En fait
02:39nous on en fait 15 par mois et vous nous dites qu'à partir de 200 ça sera génial. Je suis désolé,
02:45ça n'a aucun intérêt. Donc là on est dans le truc absolument classique d'une techno qui cherche
02:50un problème en fait. Et problème que personne n'a en fait. Alloïd commande une étude de marché à
02:57une très grande entreprise de conseil de l'époque qui conclut, devinez quoi, qu'il n'y a pas de
03:04marché. On est allé voir les gens, on a présenté la techno, ils nous ont dit mais c'est n'importe
03:09quoi, aucun intérêt, c'est trop cher, ça ne répond pas à nos besoins, ça ne répond pas à nos
03:14besoins. Gardez cette phrase en tête. Et Alloïd comprend que sa techno n'a d'intérêt que s'il y a
03:21une consommation importante de photocopieuse. Donc la question devient comment pouvons-nous
03:25amener des utilisateurs à utiliser plus la photocopie. Et là ça va être l'idée géniale. Et donc là c'est
03:31l'idée du business model. Et c'est là que le business model c'est bien plus que combien on va
03:35faire payer. Le business model est stratégique. Le business model va aider à créer le marché. Donc
03:40comment ils font ? Alors c'est aujourd'hui devenu très évident, mais c'est révolutionnaire pour
03:44l'époque. Ils se disent voilà, les gens utilisent d'autant plus quelque chose que ça ne coûte pas
03:49cher. Et le truc ultime c'est évidemment le gratuit. Parce que quand quelque chose est gratuit,
03:54l'humain étant ce qu'il est, gratuit égale utilisation exagérée, open bar comme on dirait
04:00aujourd'hui. Et donc Alloyd dit c'est très simple, on va non plus vendre la machine parce que c'est
04:06un investissement pas acceptable pour les entreprises. On va la mettre en location avec un prix relativement
04:11bas et surtout vous pouvez annuler à tout moment. Donc zéro risque perçu par le premier client. Et
04:19surtout les 1000 premières copiées sont gratuites. 1000 copies gratuites, sachant qu'on en fait 15 par
04:25mois, c'est vraiment open bar. Donc là les gens se disent Alloyd, ils sont fous, ils viennent de
04:31nous livrer les clés du bar, c'est rempli de bouteilles, allons-y et se passe ce qu'Alloyd avait
04:37espéré, la consommation explose. On passe de 15 copies par mois à 150 copies par mois, à 1500 copies
04:43par mois. Le petit truc étant dans le modèle qu'au-delà de la millième copie, on paye par
04:48copie. Alors presque rien, mais c'est le génie. Et donc ça connaît un succès fou. Alloyd se
04:56développe sur le marché et là change son nom et décide de s'appeler Xerox. Et il faudra se
05:02souvenir qu'on avait démontré qu'il n'y avait pas de marché pour Xerox. Le défi de l'innovateur,
05:08c'est la création de son marché. Anecdote absolument extraordinaire. Merci à vous Philippe.

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