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00:00Daniel Haïk, bonjour. Merci d'être avec nous. Vous êtes journaliste franco-israélien,
00:03analyste politique pour la chaîne I24 News et vous avez sorti donc ce livre
00:11Samedi Rouge, les survivants des massacres du 7 octobre 2023 témoignent
00:17prise de conscience, impératif en finir avec le terrorisme, le disait Stéphane Amart,
00:22qu'est-ce que cette journée du 7 octobre évoque pour vous et pour les
00:26Israéliens ? Écoutez, ça marque un nouveau tournant mais je dirais un
00:30tournant extrêmement important dans la perception que les Israéliens ont du
00:34conflit israélo-palestinien. Il y a des symboles qui sont incontournables.
00:38Le Hamas, les Israéliens, vous savez on a dit à de multiples reprises que les
00:45Israéliens sont des occupants, occupés par exemple la Cisjordanie.
00:49L'État d'Israël s'est retiré unilatéralement de la bande de Gaza en
00:542005. Israël s'est retiré unilatéralement du Sud-Liban en 2000. De ces deux endroits
01:00où Israël s'est retiré unilatéralement, eh bien ce sont des terroristes, les
01:04sunnites du Hamas au sud, les chiites du Hezbollah au nord qui sont venus à
01:09l'intérieur du territoire israélien pour attaquer Israël. Et quelque
01:13part, il faut rappeler que ceux qui ont été les victimes de ce massacre du 7
01:19octobre, ce sont des hommes de paix, des hommes et des femmes qui
01:23cherchaient la coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens, des
01:27hommes et des femmes qui allaient chercher des enfants malades de Gaza pour
01:30les faire soigner dans les hôpitaux israéliens.
01:32Je parle des habitants des Kiboutz notamment. Je parle des habitants des Kiboutz qui ont été
01:36massacrés. Et donc cela provoque un réveil et fait prendre conscience au
01:42sein de la population israélienne que le conflit il n'a une autre dimension que
01:46la dimension territoriale qu'on a bien voulu lui donner depuis maintenant
01:49plusieurs dizaines d'années. Et que ce conflit... Il n'y allait pas ce réveil avant le 7
01:53octobre. Il y a eu des réveils bien entendu. La seconde Intifada, c'est un
01:57réveil aussi après les accords d'Oslo. Il y a eu des réveils. Il y a eu la
02:01seconde guerre du Liban qui était aussi un réveil également à ce niveau-là sans
02:04trop rentrer dans les détails. Il y avait des réveils mais chacun de ces
02:08réveils a permis à provoquer un glissement prolongé de la carte
02:14politique israélienne de la gauche vers le centre et du centre vers la droite.
02:18Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui il y a une majorité d'Israéliens qui
02:22pensent à droite ou au moins au centre-droite et s'il y a une minorité
02:27d'Israéliens qui pensent à gauche aujourd'hui. Et donc quelque part
02:30aujourd'hui les Israéliens comprennent qu'il y a une autre dimension. Et
02:34certains affirment que cette dimension n'est pas d'ordre territorial mais
02:37elle est plutôt d'ordre religieux. Et qu'à ce niveau-là,
02:41si quelque part à l'époque des guerres des Six-Jours et de
02:48Kippour, il y avait une confrontation face à des armées, on était dans un
02:51environnement on va dire laïcisé. Là aujourd'hui l'élément religieux prend
02:56une dimension tout à fait particulière.
02:58Quel constat vous faites à présent de la société israélienne ?
03:02Un an après on va venir aux témoignages que vous avez recueillis qui sont très
03:06forts de rescapés, de policiers aussi ou de civils qui ont fait face au Hamas en
03:12ce 7 octobre. Mais la société israélienne elle dit quoi aujourd'hui ?
03:15Est-ce qu'elle est encore unie comme on l'a vu après le 7 octobre ou est-ce que
03:19cette unité nationale elle s'est défaite au fil de la guerre ?
03:22Alors la société israélienne elle est toujours traumatisée comme l'a dit Stéphane,
03:27elle est toujours traumatisée en particulier dans ces journées de
03:29commémorations. Mais il ne faut pas oublier que tout de suite après la guerre,
03:33tout de suite après le 7 octobre et bien les Israéliens se sont mobilisés.
03:37Ils ont fait montre de résilience et c'est on va dire quelque part un peu
03:41dans l'ADN si je puis dire du peuple juif ou de l'État d'Israël, des habitants
03:46de l'État d'Israël de faire montre de résilience. Ce qui s'est passé à une
03:50autre échelle bien entendu est comparable à ce qui s'est passé pendant la Seconde
03:54Guerre mondiale. Et après la Seconde Guerre mondiale les Israéliens auraient pu
03:56s'apitoyer sur eux-mêmes, sombrer dans le désespoir. Au contraire ils ont
04:00reconstruit un État, ils ont construit un État d'Israël tel qu'il s'est
04:05développé on l'a vu au cours des 75 dernières années. Et donc là aussi
04:08quelque part il y a une volonté des Israéliens d'abord de se débarrasser de
04:13ces menaces. On comprend que ce sont des menaces quasiment existentielles.
04:17Le Hamas aujourd'hui s'il y avait des élections dans les territoires
04:20palestiniens, s'il y avait des élections dans la bande de Gaza, le Hamas l'emporterait
04:24largement. Et donc il est impossible pour la majorité, l'immense majorité des
04:28Israéliens de dire on négocie avec nos ennemis. On négocie certes avec des
04:32ennemis quand ils ont décidé d'arrêter la guerre mais pas quand ils ont provoqué
04:36le plus grand massacre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
04:39Et c'est pour cette raison que vous le dites dans le livre, les Israéliens ne veulent pas pour
04:42l'instant la création d'un deuxième État palestinien. Non, les Israéliens ne comprennent vraiment pas
04:45ce qui se passe en Europe. Pourquoi en Europe on a refait surgir cette
04:49solution à deux États. On considère qu'elle est décalée par rapport à la
04:53réalité. Elle ne devrait pas s'appliquer. Elle ne peut pas s'appliquer.
04:57Il n'y a aucun moyen, il n'y a personne du côté palestinien pour dialoguer. Il n'y a
05:00quasiment personne. Et si aujourd'hui Mahmoud Abbas ne tient qu'à un fil
05:06grâce encore en particulier à des forces israéliennes,
05:09et bien si Mahmoud Abbas n'était pas là, le Hamas serait au pouvoir dans l'Anasis
05:14Jordanie et on se retrouverait avec des potentiels scénarios comme celui du 7
05:19octobre également à quelques kilomètres de Tel Aviv.
05:22Comment les Israéliens appréhendent ce qui est en train de se passer dans la bande de Gaza
05:26depuis le 8 octobre puisque l'arrêt poste israélien est venu le lendemain.
05:3042 000 morts d'après le Hamas. Est-ce que ce n'est pas vécu comme une
05:35réponse disproportionnée ?
05:37D'abord je suggère de ne pas prendre pour argent comptant le nombre de victimes.
05:46On est arrivé dans une situation où...
05:48Il n'y a pas vraiment de débat sur le nombre de victimes.
05:50Ah oui, il y a un débat parce que si les seules données sont fournies par le Hamas,
05:56le Hamas n'est pas crédible. On est d'accord là-dessus. On ne peut pas considérer un
06:00mouvement terroriste qui a commis les actes qu'il a commis comme crédible.
06:04Donc il faut essayer de trouver d'autres données qui soient peut-être plus crédibles.
06:09L'armée israélienne ne permet pas aux journalistes d'entrer dans la bande de Gaza.
06:14C'est un problème.
06:15Oui, mais on est retourné dans une situation où on a le sentiment que le victime, l'état
06:19d'Israël du 7 octobre, est devenu le coupable d'actes contre des civils palestiniens.
06:26Or, ce que je peux dire par connaissance de la situation, c'est que les Israéliens,
06:33les soldats israéliens ne tirent pas délibérément sur les civils palestiniens.
06:38Par contre, le Hamas, lui, effectivement, se sert de ses propres civils palestiniens
06:43comme bouclier humain.
06:44Il n'a que faire.
06:45Alors que les Israéliens essayent par tous les moyens de préserver la vie, de l'autre
06:50côté du Hamas, on utilise la mort et on ne se gêne pas, sans scrupules, si noir et
06:54les siens utilisent leur propre population pour se protéger.
06:59Alors, je repose ma question différemment.
07:01Est-ce que la stratégie israélienne est comprise par les Israéliens ?
07:04Ah oui, la stratégie israélienne, elle est comprise, même s'il y a des divergences
07:08de vues.
07:09Même s'il y a, par exemple, le problème des otages, on ne peut pas faire abstraction
07:11du problème des otages.
07:12Et d'une certaine manière, il met un bémol à toute possibilité d'attaques massives,
07:18plus massives encore, contre des positions du Hamas, parce qu'on veut protéger les
07:24otages.
07:25Et même s'il y a effectivement parmi les 100 otages qui sont encore détenus par le
07:29Hamas, il y en a à peine peut-être 65 ou 66, eh bien, on veut tout faire pour les
07:35protéger.
07:36Et ça, d'une certaine manière, entrave les efforts que mène l'armée israélienne
07:41dans la bande de Gaza, au sol et dans les sous-sols de la bande de Gaza.
07:47Même si le sort des otages, sur cette question-là, Netanyahou est fortement critiqué.
07:52Certains Israéliens et notamment les familles des otages disent qu'il a privilégié la
07:57question militaire sur le sort des otages.
07:58Ce ne sont pas toutes les familles.
07:59Ce ne sont pas toutes les familles.
08:00Il y a des avis divergents.
08:01On est dans une démocratie, la démocratie israélienne.
08:03Il y a des familles d'otages qui pensent, comme Binyamin Netanyahou, que plus la pression
08:08militaire sera intense, plus il sera facile de conclure un accord avec Sidnouar, que Sidnouar
08:13ne comprend que la force.
08:14Et ça, je crois que c'est un principe que les Israéliens commencent peu à peu à comprendre,
08:18même s'ils ne voulaient pas le comprendre.
08:20Ce n'est que par la force que l'on pourra imposer la présence de l'État d'Israël.
08:28Vous savez, le leader de la droite nationaliste, il y a 100 ans, Vladimir Jabotinsky, avait
08:35écrit un livre qui s'appelait « Le mur de fer ». Il prônait la force de dissuasion
08:40à outrance.
08:41Il disait que dans cet espace qui est un espace de l'islam, une entité juive n'a une chance
08:48de vivre que si elle prouve à ses voisins qu'elle sera indestructible.
08:56Et donc, c'est une force de dissuasion à outrance.
09:00Le 7 octobre, Israël avait perdu sa…
09:02Il va falloir sortir de la guerre un jour.
09:03Vous savez, bien entendu, il faut sortir de la guerre.
09:08Nous ne souhaitons pas la guerre, Israël ne souhaite pas la guerre.
09:10Mais quand on a face à soi des ennemis qui sont aussi cruels que le Hamas, aussi machiavéliques
09:17que le Hezbollah, et bien je crois que parfois, il faut mettre de côté la solution d'une
09:21paix, on va dire, une paix bison-ours, comme ça, où il pourrait y avoir des compromis
09:27territoriaux.
09:28Ce n'est plus d'actualité.
09:29Et ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des gens qui étaient des partisans, des partisans
09:35du dialogue entre Israéliens et Palestiniens et qui sont sortis, on va dire, d'une certaine
09:39illusion.
09:40Dès le 8 octobre, Benyamin Netanyahou disait que l'objectif c'est d'éradiquer le Hamas
09:43dans la bande de Gaza.
09:44Le Hamas, la branche militaire du Hamas serait vaincue, c'est ce que dit l'armée israélienne.
09:49Quand on voit que le Hamas continue de tirer des roquettes sur Tel Aviv, on se demande
09:53si l'état-major israélien a raison.
09:55Oui, les roquettes qui sont actuellement tirées sur Tel Aviv, ce sont, on va dire, des coups
10:00de semonce limités, le Hamas n'a plus la capacité de tirer énormément de roquettes
10:07en direction du territoire israélien et en direction de Tel Aviv.
10:11Il le fait, parce que c'est l'anniversaire, c'est le 7 octobre, il le fait quand il a
10:15la possibilité de le faire, mais...
10:16Il n'y a plus de menaces alors existentielles sur l'Israël ?
10:20Il n'y a plus de menaces existentielles de la part du Hamas aujourd'hui, la menace existentielle,
10:24elle vient de l'Iran.
10:25Et c'est la raison pour laquelle, quelque part, Benyamin Netanyahou a longtemps parlé
10:29de la menace iranienne.
10:30Aujourd'hui, il y a trois entités qui menacent l'existence de l'état d'Israël.
10:34Le Hamas, qui a été défait, peut-être pas à 100%, mais on va dire à 80%, le Hezbollah,
10:40qui a été très sévèrement touché ces dernières semaines, vous le savez, et l'Iran,
10:45qui elle aussi s'est permis de tirer 200 missiles.
10:47Je ne sais pas comment en France on aurait réagi si les Suisses, par exemple, sortaient
10:51de leur neutralité pour tirer 200 zombies en direction de la Savoie, comment la France
10:57aurait réagi, comment Emmanuel Macron aurait réagi à ce genre d'attaque, mais en tout
11:00cas, de facto, aujourd'hui, l'Iran représente une menace existentielle pour l'état d'Israël
11:08et c'est une menace incontournable.
11:09La riposte israélienne sur l'Iran, elle viendra, vous la voyez comment ?
11:12Alors, c'est difficile à dire, tout dépendra des Etats-Unis, tout dépendra d'une coordination
11:18ou non avec les Américains.
11:19S'il y a coordination avec les Américains, effectivement, il est possible que la menace
11:23soit moins tranchante.
11:24S'il n'y a pas de coordination, si les Israéliens prennent leur liberté, elle pourrait être
11:30extrêmement musclée en direction de, soit du pouvoir de Téhéran, soit des installations
11:36nucléaires iraniennes, soit des puits de pétrole, et les puits de pétrole, ça fait
11:40mal aux Iraniens sur le plan économique.