• il y a 2 mois

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00:00France Bleu Roussillon, l'invité du 6-9.
00:03Il est 8h moins le quart, notre invitée Simon ce matin, journaliste,
00:07elle a révélé en 2020 l'existence des cimetières oubliées d'enfants harkis, notamment à Rivesalte.
00:13Bonjour Lucie Petermann, vous êtes grand reporter à l'agence France Presse
00:17et vous devenez de recevoir pour votre enquête le prix général François Meyer.
00:21Alors il faut expliquer ces cimetières d'enfants harkis.
00:24D'abord, à la fin de la guerre d'Algérie, les harkis, ceux qui ont combattu sous l'uniforme français,
00:29les harkis sont pour beaucoup massacrés en Algérie.
00:31Plusieurs dizaines de milliers vont fuir et arriver en France
00:36où ils seront parqués dans des camps, notamment à Rivesalte,
00:39avec des conditions de vie extrêmement difficiles.
00:42Beaucoup de bébés ou jeunes enfants ne survivent pas.
00:44Et c'est difficile à concevoir, Lucie Petermann,
00:47ces enfants, ces nourrissons sont enterrés à la va-vite, parfois même en cachette.
00:51Pour quelles raisons ? Pour quelles raisons il n'y a pas de sépulture notamment ?
00:55Alors effectivement, comme vous l'avez expliqué,
00:57il faut expliquer que c'est un peu dans une situation chaotique qu'ils arrivent
01:01puisque l'État français n'est pas prêt à les accueillir.
01:04Donc ces camps, en fait, pâtissent de conditions qui sont vraiment indignes et traumatisantes.
01:11Ça a été même reconnu aujourd'hui par les autorités françaises.
01:15Donc il y a énormément, effectivement, d'épidémies.
01:18Des jeunes femmes qui, traumatisées par la fuite et l'exil, font des fausses couches.
01:23Les conditions de naissance, c'est sous la tente, parfois l'hiver, sans eau courante.
01:31Avec des hivers 62 et 63 qui sont terribles, avec une tramontane extrêmement puissante ces hivers-là.
01:36Tout à fait. Et ce qui se passe, c'est qu'également, pour les conditions d'inhumation,
01:42rien n'est prévu. Et en fait, aujourd'hui, plus de 60 ans après,
01:46on ne comprend toujours pas, les associations, les journalistes,
01:48pourquoi ces enfants n'ont pas été enterrés dans les cimetières locaux.
01:51À l'époque, a priori, de ce qu'on a pu identifier, on avait dit qu'il n'y avait pas assez de place.
01:57Ce qui, évidemment, n'est pas vrai, je pense.
02:01Donc c'est des camps qui sont gérés par l'armée française.
02:04Donc la plupart du temps, effectivement, c'est des militaires qui reviennent,
02:08si l'enfant est décédé, morné dans le camp de l'infirmerie ou sous la tente.
02:12Ils les conduisent, les familles, les pères, à aller enterrer dans des champs à proximité.
02:18Parfois, effectivement, avec juste le papa ou l'un des fils qui est là.
02:24Et les enfants, ensuite, vu que les familles ont été relocalisées,
02:28sans leur demander leur avis, et ont enfoui ça vraiment au fond de leur cœur,
02:34les enfants ont été oubliés par les autorités et par la société.
02:38Combien d'enfants, Lucie Petermann et notamment Arive Zalt,
02:41ont été enterrés sans sépulture et oubliés à travers les décennies ?
02:46Oui. Alors, en fait, si vous prenez l'ensemble des camps,
02:50et si le travail des historiens, on estime que c'est environ 200 enfants
02:55qui auraient connu ce sort tragique sur l'ensemble de la France.
02:59Et concernant le camp de Arive Zalt, les statistiques que j'ai pu compiler,
03:03notamment grâce à l'historien Abderrahmane Moumen,
03:06il y a eu 146 décès, dont 101 enfants,
03:11qui est énorme, un chiffre énorme, des 86 avaient moins d'un an.
03:16Ce qui fait qu'on estime que 60 corps, dont ceux de 52 bébés,
03:19auraient été inhumés dans le cimetière de fortune du camp,
03:22où, effectivement, il faut absolument que des fouilles, maintenant, soient menées.
03:27Oui, on va en parler. D'abord, votre enquête en 2020, on peut en reparler,
03:31elle a eu d'énormes conséquences, parce que de nombreuses familles de Harkis,
03:34parfois ignoraient absolument tout du sort d'un frère, d'une sœur.
03:40Vous avez réveillé chez eux de l'espoir,
03:43mais parfois aussi des souvenirs particulièrement douloureux.
03:47Oui, c'est vrai que moi, je suis arrivée à cette enquête,
03:50parce que je voulais d'abord donner la parole aux femmes et aux filles de Harkis,
03:55parce que je trouvais qu'effectivement, dans les associations,
03:57c'était très souvent les hommes qui prenaient la parole, et les fils.
04:00Et c'est là que j'ai découvert les travaux de l'historien Abderrahmane Moumen,
04:05qui avait parlé de l'existence d'un cimetière de fortune,
04:08un cimetière sauvage à Rivezalte,
04:10et de là, je suis arrivée à découvrir cet existant-là.
04:14Donc, pour travailler, j'ai effectivement contacté des familles,
04:18mais ça a été un travail qui m'a pris huit mois,
04:20de réussir à contacter des familles.
04:22Et effectivement, vous aviez parfois juste un frère ou une sœur,
04:25qui avaient été au courant, parce que les parents, peut-être, avaient confié quelque chose.
04:29Certains avaient fait des démarches,
04:31mais vraiment, je parle de démarches depuis 20 ans,
04:35essayé de savoir, avaient fait des démarches en mairie,
04:37avaient même été voir parfois les autorités du camp,
04:40comme Malika Tapti, à Saint-Maurice-Lardoise.
04:43Saint-Maurice-Lardoise, c'est dans le Gard, hein ?
04:46Exactement.
04:47C'était effectivement heurter un mur,
04:49comme quoi, non, on n'a pas d'informations là-dessus.
04:53Et c'est une enquête où vous êtes face à...
04:56C'est une véritable course contre la montre, aussi,
04:58parce que c'est des faits, c'est des enfants qui sont morts il y a plus de 60 ans.
05:03C'est ça, et les témoins principaux, effectivement, c'est les mamans.
05:06Et les mamans, elles sont en train de disparaître,
05:08parce qu'on est à plus de 60 ans.
05:10Donc, ce qui a été suscité comme espoir,
05:17c'était aussi beaucoup de responsabilité sur mes épaules,
05:21parce que je savais qu'en comprenant cette souffrance,
05:25cette soif de vérité, vous voyez,
05:27qui n'était pas rendue à ces familles,
05:31c'était, je trouvais, une deuxième humiliation, en fait,
05:34pour ces familles, après les conditions de vie dans lesquelles ils ont été parqués.
05:37Et donc, c'est vraiment ce qui m'a motivée,
05:39c'est ces familles, ces récits,
05:42puisque j'ai suivi des personnes sur plusieurs années,
05:44des personnes ont entendu parler de mon enquête,
05:46ont compris que leur petite sœur ou leur petite frère, du coup,
05:49était enterrée au cimetière sauvage de Saint-Maurice-Ardoise.
05:53Et j'ai même suivi une personne,
05:56le jour où elle a découvert, pour la première fois,
05:59les tombes au cimetière de Saint-Maurice.
06:01Vous voyez, c'est très, très fort.
06:03Il y a eu vraiment énormément de moments bouleversants,
06:06jusqu'à la semaine dernière où, effectivement, ça a été inauguré officiellement.
06:10Donc, oui, j'avais vraiment, si vous voulez, l'envie d'aller jusqu'au bout,
06:15malgré tous les obstacles pour les familles.
06:17Lucie Peterman, on entend bien qu'à Saint-Maurice-Ardoise,
06:20donc dans le Gard, effectivement, des corps ont été exhumés,
06:23que les choses ont bougé dans le Gard.
06:26Elles ne bougent pas, en revanche, à Rivezalte.
06:29Pourtant, il y a pile un an, le gouvernement avait promis,
06:32avait donné son feu vert pour lancer des fouilles.
06:35Qu'est-ce qui bloque ?
06:36Est-ce qu'on entend parfois que ça pourrait être des contraintes liées à l'environnement,
06:40des espèces protégées qui habitent le secteur
06:43où pourraient avoir été enterrées ces enfants ?
06:46Qu'est-ce qui coince à Rivezalte ?
06:47Pourquoi ça n'avance pas chez nous ?
06:49Oui, alors à Saint-Maurice, ce qui s'est passé,
06:51c'est que les tombes ont été trouvées
06:53par un éminent archéologue, Patrice-Georges Zimmermann.
06:56Pour le moment, le site a été sanctuarisé.
06:59Et maintenant, certaines familles vont faire les démarches
07:01pour demander des tests ADN.
07:03Donc, pour le moment, on n'a pas eu d'exhumation de corps,
07:08mais en tout cas, les tombes sont là.
07:09Ce qui se passe à Rivezalte,
07:11déjà, ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a beaucoup plus de familles.
07:14Donc, c'est vraiment fondamental que l'État aille jusqu'au bout.
07:17Et pour le moment, effectivement, les recherches que j'ai faites,
07:21il y a deux arrêtés préfectoraux qui encadrent toute intervention sur le site
07:25puisqu'il y a présence d'espèces protégées,
07:28notamment un lézard d'éracthyle.
07:31Et le secrétariat d'État, moi, quand je l'ai interrogé,
07:34à l'époque où il existait, effectivement, toujours,
07:36puisque maintenant, c'est un ministère délégué,
07:38a assuré qu'il suivait le dossier de prêt,
07:40mais qu'il y avait, effectivement, nécessité d'obtenir
07:43toutes les autorisations administratives,
07:45que c'était un sujet complexe, que ça pourrait prendre du temps.
07:47Alors, moi, j'ai fait, effectivement, mon dernier papier sur le sujet,
07:50demander l'avis aux familles.
07:52Et c'est vrai qu'on peut tout à fait comprendre
07:54pour les familles.
07:55Ils disent, nous, on est pour la défendre
07:57de l'environnement et de la nature.
07:58Mais il y a quand même, effectivement,
08:00des membres de notre famille qui en cherchent depuis tout à l'heure
08:03une vérité.
08:04Surtout que vous l'avez dit, le temps presse,
08:06puisque les survivants de cette époque,
08:09les parents de ces enfants,
08:11ou même, désormais, les frères et les sœurs,
08:13commencent, évidemment, aussi à prendre de l'âge.
08:15Merci beaucoup, Lucie Petermann.
08:17Je rappelle que vous êtes grand reporter à l'agence France Presse,
08:20où vous venez, notamment, de recevoir le prix.
08:22Général François Meyer, pour votre travail
08:24sur les cimetières oubliées d'enfants harkis.
08:26On pourrait en parler pendant très longtemps.
08:28On arrive à la fin de cet entretien, malheureusement.
08:30Excellente journée.
08:31Merci d'avoir été avec nous, madame Petermann.
08:33Merci à vous.
08:34Au revoir.
08:35Bonne journée.
08:39Simon, on vous retrouve à 8h,
08:41dans moins de 6 minutes,
08:43sur France Bleu Roussillon.
08:45Et puis, d'ici là, la musique avec Kimborose
08:47et le marché du jour,
08:49aujourd'hui, du côté de Saint-Cyprien.

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