Les origines et l'avenir de la langue française ! - C'est pas sorcier [Intégrale
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00:00Il découpa le poulet et détacha le solilès.
00:11Et détacha le... le soli-quoi ?
00:13Le solilès.
00:14Ah non mais ça, Jamy, c'est pas du français, solilès.
00:16Ah si, c'est du poulet et c'est français.
00:18Mais qu'est-ce que vous faites ?
00:20On joue à la dictée, c'est super drôle.
00:23Et je peux te dire qu'ils sont vraiment pas bons, mais alors pas bons du tout.
00:26Eh ben, il faut retourner à l'école, les amis.
00:28Ça vous fera un peu d'entraînement.
00:30Il a raison, ça nous fera le plus grand bien.
00:32Allez, Sabine, retourne à l'école.
00:34Ah ben d'accord, moi je retourne à l'école.
00:36D'accord, d'accord, Marcel, à l'école.
00:38Et sans foot, hein.
01:21Moi, monsieur, si j'avais un tel nez, il faudrait sûrement que je me l'amputasse.
01:25Ouais, enfin, ce qu'il veut dire, c'est que s'il avait le nez aussi long que celui de Cyrano de Bergerac,
01:29il préférerait qu'on lui coupe.
01:31Cette pièce de théâtre a été écrite par Edmond Rostand au 19e siècle.
01:37Ça devrait pas être permis d'empêcher le monde comme ça.
01:41Si je comprends bien, petite mère, tu crois que ton parfum naturel fait la pige à celui des rosiers,
01:46eh ben tu te trompes, petite mère, tu te trompes.
01:48Ça a l'air rigolo, ce que vous lisez, là, c'est quoi ?
01:50C'est Zazie dans le métro de Raymond Queneau, écrit au 20e siècle.
01:53Tiens, il faudrait que j'essaye ça.
01:55Et autre temps croit-soit le nez qu'il s'engloit à la flûte d'un alambic tout dit après.
02:00Je comprends rien, tu peux me l'aider ?
02:02Fais voir.
02:03Tout dit après, tout estincelé de bubelettes, pullulant, purpuré.
02:07T'as raison, moi non plus, je comprends rien.
02:09Enfin, c'est normal, ça, ça a été écrit par Rabelais au début du 16e siècle.
02:12C'est ce qu'on appelle du vieux français.
02:14Et depuis, les mots ont changé d'orthographe, ils ont changé de prononciation et parfois même de sens.
02:19Si aujourd'hui on rencontrait Rabelais, on aurait beaucoup de mal à se comprendre.
02:22Déjà que parfois, d'une génération à l'autre, on ne se comprend pas, alors...
02:25Tu parles quand on ne se comprend pas, écoute un peu.
02:30Ils ont revisité une fable de La Fontaine, Le Cocher, le Chat et le Sourisseau.
02:34Ah ouais, je sais, il est velouté, marqueté, longue queue.
02:37A mon avis, La Fontaine, il ne reconnaîtrait même pas ce qu'il a écrit.
02:40Il est nice avec M. Lerat, quoi.
02:42Bien, t'as vu, il a les mêmes oreilles que nous, regarde.
02:44Ah ouais, je l'allais aborder quand on a son plein d'éclats, mais rien qui m'a fait Valkard.
02:48Valkard ? Alors là, franchement, je ne vois pas.
02:55Bien, alors, aujourd'hui, dictée non préparée, asseyez-vous.
02:59Prenez une feuille et marquez la date.
03:05Oh là là, dictée non préparée, ça va être difficile.
03:09Moi, je préfère les autodictées, quand même.
03:11Enfin bon, vous allez voir que la langue française, comme toutes les langues d'ailleurs,
03:15est un véritable musée, un musée sonore, si vous préférez.
03:19Certains mots ont voyagé de pays en pays avant d'arriver jusqu'à nous.
03:23Et d'autres sont bien nés en France, mais ils ont voyagé à travers les siècles.
03:28Et tu sais, Jamy, certains mots viennent du néolithique.
03:31Tu te rends compte, le néolithique ? C'est la préhistoire, ça.
03:37Tout de suite, les questions qui fâchent.
03:39Alors, d'où sort le français ?
03:41Eh bien, le français appartient à une vaste famille de langues,
03:45les langues dites indo-européennes,
03:49parmi lesquelles on retrouve des langues aussi variées que le français,
03:53donc le russe, le persan ou le hindi.
03:56Oui, toutes ces langues sont cousines.
03:59Alors évidemment, ça ne saute pas aux yeux.
04:01Et pourtant, quand on tend l'oreille, il y a des signes qui ne trompent pas.
04:05Tenez, le mot mère, par exemple, en français, se dit madré en espagnol,
04:09mother en anglais, match en russe,
04:13madar en persan ou mata en hindi.
04:17Même si on ne connaît pas ces langues,
04:19il faut s'être constaté qu'il y a quand même un petit air de famille.
04:22Alors qu'il n'y en a absolument aucun avec anya,
04:25qui veut également dire mère, mais en hongrois,
04:28um, qui veut dire la même chose en arabe,
04:30ndiaye, qui veut dire mère également en wolof,
04:33une langue parlée sur les rives du Sénégal,
04:35ou moukine, en chinois.
04:38Emilou, tu peux me donner ton stylo rouge ?
04:41Merci.
04:42Hé, mais Jamy, je ne comprends pas.
04:43Je croyais que le français, c'était une langue latine.
04:46Mais l'un n'empêche pas l'autre.
04:48Au départ, il y a donc une langue mère,
04:51dont les linguistes ont d'ailleurs réussi à reconstituer quelques bribes.
04:54D'après eux, le mot mère devait ressembler à quelque chose comme ça.
04:58Cette langue mère est partie soit d'un atelier en Turquie, soit d'Ukraine,
05:04et elle a suivi deux grandes directions, vers le sud et vers l'ouest.
05:07Au cours de ses pérégrinations, elle a considérablement évolué
05:12et elle a engendré une foultitude de langues,
05:14elles-mêmes rassemblées en sous-familles.
05:17Il y a donc les langues latines,
05:20où l'on retrouve le portugais, l'espagnol, le français, l'italien et le roumain.
05:25Les langues zéléniques, les langues slaves,
05:30les langues germaniques,
05:33parmi lesquelles l'allemand, le néerlandais, les langues scandinaves et l'anglais.
05:38Et enfin, les langues celtiques, dont il ne reste plus grand-chose,
05:42à part quelques langues régionales, telles que le breton.
05:45Très différente de ses voisines, la langue basque est l'une des plus vieilles langues d'Europe.
05:48Elle y était parlée bien avant l'arrivée des premières langues indo-européennes.
05:52Par un curieux mystère, elle s'est maintenue à travers les millénaires.
05:55Aujourd'hui, 700 000 personnes la parlent encore.
06:03Ils ont le droit de commencer leur promenade.
06:08Point.
06:09Un rictus déforme leur visage.
06:14Point.
06:15Hé, Jamy, je me suis renseignée.
06:17Et figure-toi qu'en France, enfin sur le territoire de l'actuelle France,
06:21autrefois on parlait gaulois, une langue celtique héritée de l'indo-européen.
06:27Et puis au premier siècle avant Jésus-Christ,
06:29Jules César et les Romains ont envahi la Gaule.
06:32Regarde.
06:33C'est de cette manière que le latin, la langue de l'envahisseur, s'est imposée.
06:38Et aujourd'hui, 80 % des mots français sont hérités du latin.
06:42Rictus, par exemple.
06:44Mais aussi lavabo.
06:46Lavabo, en latin, c'est un verbe qui veut dire « je laverai ».
06:49Je serai content.
06:52Il sera temps.
06:54Le temps, ça s'écrit comment déjà ?
06:56T-E-M.
06:58P-E-S, comme tam-pouce.
07:01En latin, tam-pouce, mais oui, bien sûr.
07:04T-E-M-P-E-S.
07:06Tu vois, Jamy, c'est parfois pratique de connaître l'origine des mots.
07:09Écho.
07:10Chut.
07:11La petite voix me l'avait bien dit, mon messieur de toit.
07:14J'ai l'impression qu'il l'a à l'œil.
07:16Ouais, si elle continue comme ça, elle va même lui sortir par les yeux.
07:19Elle n'aura qu'à lui faire les yeux doux.
07:21Laissez-la un peu tranquille, Sabine, c'est notre copine.
07:24Ouais !
07:27On se calme et revenons à l'origine latine des mots de notre langue.
07:31Le mot cheval, par exemple, qui a une origine latine.
07:34En latin classique, cheval se dit écus.
07:38Rien à voir, me direz-vous, avec cheval.
07:41C'est vrai.
07:42Tout simplement parce que les Gaulois ont davantage été influencés par les soldats romains avec qui ils étaient en contact
07:48que par les gens de la haute société romaine.
07:50Or, les soldats romains utilisaient pour désigner leur monture un terme d'argot, non pas écus, mais caballus.
07:57Et caballus a ensuite engendré caval, cavalcade, cavalier, cheval.
08:03Cela dit, écus a également fait une belle carrière puisque de son côté, il a engendré équidé, équestre, équitation.
08:10Il me semble, Jamy, que tu oublies le grec.
08:13Hippique, ça ne te dit rien ?
08:15Il y a aussi alphabet, athlète, démocratie, sympathie, géographie, orthographe.
08:21Oui, migraine aussi, c'est du grec.
08:24Ça, je l'ignore, mais voudrais-tu laisser entendre par là que je te gave ?
08:30Oh ! Comment il me cause !
08:32Alors très souvent, la racine grecque se trouve déjà dans le mot latin.
08:36En effet, les Romains se sont largement inspirés du grec.
08:39Et comme le latin a ensuite influencé le français, indirectement, la racine grecque se retrouve en français.
08:45Tenez, prenons le mot hippopotame.
08:48Lorsque les Grecs ont découvert cet animal sur les rives du Nil, ils l'ont baptisé cheval du fleuve.
08:53Hippos pour cheval, potamos pour fleuve.
08:57Hippopotamos, qui en latin est devenu hippopotamus, qui est devenu en français hippopotame.
09:04Alors le grec s'est également immiscé dans notre langue par des chemins moins détournés.
09:09Ainsi, au XIXe siècle, les scientifiques y ont puisé pour baptiser leur découverte.
09:16Le mot dinosaure est directement inspiré du grec.
09:21En effet, soros signifie en grec lézard et dénos signifie qui fait peur.
09:28Dinosaure, le lézard, qui fait peur.
09:31Mais revenons à hippique dont nous sommes partis.
09:34Hippique est dérivé du grec hippos, qui veut dire cheval.
09:40Et les Gaulois dans tout ça ? Seules quelques dizaines de leurs mots sont arrivés jusqu'à nous comme bec, ruche, alouette.
09:47Un vocabulaire qui correspond bien à leur mode de vie agricole.
09:50En fait, ils ont délaissé leur langue au profit du latin.
09:53Il faut dire que les Gaulois ont appris assez vite le latin.
09:57Alors, il faut toujours se méfier d'un linguiste qui vous dit assez vite.
10:01Parce que, en ce qui concerne le gaulois et le latin, cinq siècles.
10:06Alors, vous voyez que ce n'est pas tout à fait tout à fait rapidement.
10:09Mais tout de même, il faut savoir qu'à partir du cinquième siècle après Jésus-Christ, on ne parlait plus gaulois.
10:15C'est ainsi qu'il ne reste presque plus rien de cette langue celtique dans notre français d'aujourd'hui.
10:21Alors Sabine, ça s'est bien passé la dictée ?
10:23La dictée ?
10:24Oui, oui, très bien. Tu vas voir, j'ai une super note.
10:28Bon, rentre au camion, je t'ai préparé un goûter.
10:30Pas tout de suite, Jamy. Je voudrais d'abord passer à l'Académie française.
10:34L'Académie française, c'est une institution chargée de veiller sur la langue française.
10:39Elle siège dans ce bâtiment à Coupole, sur les bords de Seine, au cœur de Paris.
10:44On verra un peu plus tard à quoi elle sert et comment elle fonctionne.
10:47Pour l'instant, ce qui nous intéresse, c'est sa bibliothèque.
10:51Aujourd'hui encore, cette bibliothèque recèle de véritables trésors.
10:55Depuis l'origine, par exemple, elle contient la collection complète des livres ayant appartenu au cardinal Mazarin,
11:00le premier ministre de Louis XIV, mais aussi de petites perles telles que celle-ci, la chanson de Roland.
11:07On va en lire un extrait, vous allez voir.
11:09En sa main teint une vermeille pomme.
11:12Jusque là, tout va bien, mais ensuite, ça se complique.
11:14Tenez, belle cire, dit Roland à son oncle.
11:17De tresto reis vos présents les corones.
11:20Et encore, je n'ai pas prononcé toutes les lettres.
11:23Ce que nous avons là, c'est un texte écrit au XIe siècle.
11:26Alors, ce n'est plus du latin.
11:27Entre le IVe et le XIe siècle, la langue a évolué, mais ce n'est pas encore le français que nous parlons aujourd'hui.
11:33En fait, Jamy, ce que nous avons ici, c'est l'un des premiers romans écrits en langue d'oïl.
11:38Reprenons. Tant que les romains ont dirigé la Gaule, une seule langue a nominé les autres, le latin.
11:44En 476, changement de refrain, l'empire romain d'Occident s'effondre.
11:49Du coup, le latin s'estompe petit à petit au profit d'une multitude de langues régionales.
11:54Parallèlement, ses dialectes sont influencés par les langues que parlent les peuples germaniques qui envahissent la France.
12:02Cette influence sera d'ailleurs plus sensible au nord du pays qu'au sud.
12:06Toujours est-il qu'aux alentours de l'an 1000, trois grandes tendances se dessinent sur l'ensemble du territoire.
12:13Au nord, les langues d'oïl. Au sud, les langues d'ock. Et entre les deux, le franco-provençal.
12:22Oïl et ock sont en fait deux façons de dire oui.
12:26À partir du XIe siècle, les langues d'oïl commencent à l'emporter sur les autres.
12:33Ce sont elles qui sont à l'origine du français.
12:36Cela dit, le français ne deviendra officiel qu'à partir de 1539, quand François Ier signera l'ordonnance de Villers-Cotterêts.
12:47À partir de cette date, tous les actes officiels sont rédigés en français, qu'on appelle le françois, et non plus en latin.
12:55Vous le reconnaissez ? C'est le cardinal Richelieu, Premier ministre de Louis XIII.
12:59Et c'est lui qui, en 1635, a fondé l'Académie nationale.
13:03Un siècle après l'adoption du français comme langue officielle, les académiciens sont chargés de fixer cette langue, de lui donner des règles.
13:10Car à l'époque, on n'écrivait pas forcément les mots dans l'ordre que l'on connaît aujourd'hui.
13:14Les sujets n'étaient pas toujours avant les verbes et les verbes avant les compléments.
13:18Quant à l'orthographe, elle était encore plus compliquée qu'aujourd'hui.
13:21La première tâche des académiciens a donc été d'éditer un dictionnaire.
13:25Et aujourd'hui, ils en sont à la neuvième édition. C'est pas mal, hein ?
13:29Malgré les efforts de Richelieu et de François Ier, les patois restent longtemps la langue maternelle des français.
13:34Il y a seulement un siècle, la majorité d'entre nous était encore bilingue.
13:39C'est avec la Première Guerre mondiale que le français entre réellement dans la vie quotidienne.
13:43Le brassage des hommes est tel qu'il devient le seul moyen de communication possible.
13:49Durant tout le XXe siècle, les langues régionales reculent.
13:53Au point que certaines ont quasiment disparu.
13:55D'autres reviennent à la mode chez les jeunes, comme l'occitan ou le ch'timi.
14:08Hep hep hep, venez par ici, approchez.
14:10Je voudrais vous présenter un académicien, monsieur Poirot d'Elpeche, qui est journaliste et écrivain.
14:16Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer à quoi sert l'académie aujourd'hui ?
14:20Alors si vous pensez qu'il y a un rôle un peu de sanction et un peu de discipline, de police, ça n'est pas vrai.
14:29Nous n'avons aucun pouvoir et on ne peut pas imposer notre version sauf par l'intervenir des professeurs
14:35qui disent que l'académie recommande plutôt ceci ou cela.
14:38Par exemple, pour lutter contre les abus des affiches ou de la publicité,
14:42à l'académie vous allez recommander l'emploi de jeux décisifs à la place de tie-break
14:47ou l'emploi de baladeur à la place de walkman, ce type de recommandations.
14:51En effet, vous avez raison de citer ces deux exemples parce que la publicité en particulier
14:55fait un usage extrêmement polluant de la langue.
14:59Lorsqu'il existe un mot en français, un mot bien formé et qui veut dire quelque chose,
15:06on trouve dommage qu'il soit remplacé.
15:10Hommes de lettres, de sciences ou anciens hommes d'Etat, nos cars antimortels sont élus pour la vie.
15:15Et si à l'époque de Pagnol ou Cocteau, il n'y avait pas encore de femmes, l'erreur est aujourd'hui réparée.
15:20A leur tête, leur secrétaire perpétuel est aujourd'hui une femme, Hélène Carrère-Dancos.
15:24Comme depuis quatre siècles, ils se réunissent chaque semaine pour veiller sur la langue française.
15:29Mais attention, leur fameux habit vert, ce n'est que pour les grandes occasions.
15:34Hé, Jamy, tu sais que normalement, on ne devrait pas pouvoir dire « c'est pas sourcier ».
15:39On devrait dire « ce n'est pas sourcier ».
15:42Oh, c'est pas grave !
15:44Jamy, ce n'est pas grave !
15:47OK, je ne le dirai plus.
15:49Alors, les premiers travaux des académiciens consistèrent à simplifier la vie des lecteurs.
15:54Tenez, le mot « mauvais », par exemple.
15:56Jusqu'au 17e siècle, il s'est écrit de la façon suivante.
16:00Le V n'existant pas dans notre alphabet, on utilisait le U.
16:04Au lecteur de deviner si la lettre se prononçait U ou V. Pas simple.
16:10Eh bien, les académiciens ont résolu le problème en ajoutant la lettre V à notre alphabet.
16:17Même chose avec le J.
16:19Il s'écrivait I.
16:21Les académiciens ont donc rajouté le J.
16:26Ils ont également retiré des lettres, celles qui ne se prononçaient pas.
16:30Le C de « fait », par exemple, ou le G de « chacun ».
16:35Le S aussi, du mot « fenêtre ».
16:38Mais là, ils ont rajouté un accent circonflexe sur le E pour le son E.
16:43Et puisqu'on parle d'accent, c'est également à cette époque que l'on en a mis un grave sur le A
16:49quand il s'agit d'une préposition, pour ne pas le confondre, avec A, troisième personne du verbe « avoir ».
16:55Tu m'excuses, Jamy, mais ils auraient quand même pu faire un petit effort.
16:59Quand tu fais le compte, par exemple, il y a une lettre de trop.
17:03Où ça ?
17:04À compte.
17:05Bah, le compte est bon.
17:06Mais non, compte. Il y a un P de trop.
17:09Oh, du calme. De toute façon, ils s'énervent dès qu'il y a un P de travers.
17:13Tout ça, c'est pour éviter les confusions.
17:16Imaginez la phrase suivante.
17:18Dans le compte, le compte compte avec ses doigts pour savoir combien il doit.
17:23Derrière le vocable compte, il y a plusieurs significations.
17:26L'objectif, c'est donc de reconnaître ces significations à la simple lecture.
17:31Alors, compte, celui que l'on raconte aux enfants, c'est toujours écrit C-O-N-T-E.
17:36Le compte du compter, lui, s'écrit C-O-M-T-E.
17:40En revanche, le compte, celui que l'on obtient après calcul, s'écrivait à l'origine C-O-N-T-E.
17:46Il y a donc là risque de confusion.
17:49Voilà pourquoi on a rajouté un P et un M qu'on est allé chercher dans sa racine latine compiutare.
17:57Même chose avec doigt. À l'origine, il n'y avait pas de G.
18:01Il y a donc risque de confusion avec doigt du verbe devoir.
18:05Et bien, on est allé chercher un G dans le latin digitus.
18:11Malgré les efforts de l'Académie française, notre orthographe a conservé de nombreuses bizarreries.
18:17Certaines d'entre elles sont dues à de petites erreurs d'étymologie.
18:21Le mot pois, P-O-I-D-S, pourquoi ce D ?
18:24Eh bien, parce qu'un grammairien a cru que ça venait de pondus latin.
18:29En fait, ça venait de pensum latin avec un S.
18:33Et pourtant, les Français sont plutôt hostiles à une quelconque réforme qui simplifierait l'orthographe.
18:39Ils sont même très fiers quand ils ne font qu'une dizaine de fautes à la fameuse dictée de M. Bernard Pivot.
18:48Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on ne trouve pas systématiquement les mêmes mots d'un dictionnaire à un autre.
18:53Ici, par exemple, il y a le mot texto, petit message qu'on s'envoie d'un téléphone portable à un autre.
18:59Eh bien là, il n'existe pas.
19:01Et la raison est très simple, c'est que les dictionnaires sont fabriqués par des éditeurs privés.
19:05Et ce sont ces éditeurs qui choisissent à la fois les mots qu'il faut entrer dans leur dictionnaire et les définitions.
19:11Donc, un dictionnaire ne dicte pas la langue.
19:14C'est… comment dirais-je ?
19:17Je cherche le mot !
19:19Le mot que tu cherches, Fred, c'est photographie.
19:22Le dictionnaire est une photographie de la langue française à un moment donné de son évolution.
19:27Par exemple, ton mot texto, c'est un petit nouveau.
19:31Mais avant d'entrer dans le dictionnaire, il a suivi un véritable parcours du combattant.
19:35On va retourner sur ces traces et vous allez comprendre.
19:38Chez l'éditeur du petit Robert, on léguette en permanence les mots nouveaux.
19:41Il en entre pas moins d'une centaine à chaque nouvelle édition.
19:44Texto, ça vient bien de chez vous, ça ?
19:46Oui, c'est lui qui l'a déniché en 97. Et au fait, vous faites quoi, monsieur ?
19:50Écoutez, je chasse les mots nouveaux. Je cherche les mots nouveaux partout dans la presse,
19:55dans les magazines, même dans les revues publicitaires, vous voyez,
20:00où on trouve plein de choses très intéressantes sur la nourriture.
20:04Donc, partout.
20:06On les traque également dans les livres.
20:08Dites-moi, madame, il n'y aurait pas texto dans votre livre ?
20:10D'accord.
20:12Excusez-moi.
20:14Une fois qu'on a le mot, il faut lui trouver une définition.
20:16C'est Marie-Hélène qui s'en charge.
20:18Ce n'est pas facile, car sa définition doit être la plus exacte et la plus claire possible,
20:22en seulement quelques mots.
20:24Et il y a aussi les étymologistes qui partent sur la trace des mots pour connaître leur histoire.
20:31On fait vraiment son état civil.
20:34En quelle année il est né ?
20:36Quels étaient ses parents ?
20:38Et d'où vient-il ? Qui est-il ?
20:40On est un petit peu des enquêteurs.
20:43Je dirais même, à la limite, des profileurs.
20:46Eh oui, Sabine, c'est du boulot l'histoire d'un mot. Où tu vas encore ?
20:51Entrez, entrez.
20:53Bonjour Alain.
20:54Bonjour Sabine.
20:55Alors, vous ici, en quelque sorte, vous êtes le rédacteur en chef.
20:58On peut dire ça, oui.
21:00Et donc, vous êtes bien placé pour voir évoluer la langue française.
21:02Oui, oui, elle évolue beaucoup.
21:04Alors, ce qu'on voit par exemple avec le mot texto,
21:06c'est que les mots de la langue parlée entrent de plus en plus facilement dans le dictionnaire.
21:10C'est vrai.
21:11Si vous voulez, c'est comme une maison, le dictionnaire.
21:13Il y en a qui sont accueillantes.
21:15Mais il y a des maisons, la porte est fermée,
21:17le mot, le petit mot nouveau que tout le monde dit,
21:20meuf, keuf, je ne sais pas quoi, moi, qui fait,
21:22il cogne à la porte, et puis le dictionnaire,
21:24il y a des messieurs très sérieux qui disent derrière,
21:27mais ça, ce n'est pas des mots corrects,
21:29ce n'est pas des mots qu'on va apprendre à l'école, tu ne rentres pas.
21:31Mais nous, on est assez porte ouverte,
21:34enfin bon, dans la mesure du possible, parce qu'il faut aussi quand même choisir.
21:37Il y a des insultes, il y a des mots dégueulasses,
21:39il y a des mots qui ne sont pas beaux.
21:41D'ailleurs, ce n'est pas très beau, mais il est quand même dans le dictionnaire
21:43parce qu'il est très courant et que tout le monde l'emploie.
21:45Si keuf et meuf ont peu de chance d'entrer un jour dans le dictionnaire de l'Académie française,
21:49les autres dictionnaires se montrent souvent plus à la page.
21:52Quoi qu'il en soit, le rôle du dictionnaire,
21:54c'est aussi d'intégrer les mots qui changent de sens,
21:56et il y en a beaucoup.
21:58Prenez un mot comme révolution.
22:00Au début, c'est le fait pour un astre de tourner
22:03et de faire une révolution complète.
22:05À partir de là, on se sert du mot révolution pour dire retournement.
22:09Et ce retournement, on le fait entrer en politique.
22:12En France, en 1789, boum, ça y est, il y a une vraie révolution.
22:17Et puis, maintenant, on peut dire qu'il y a une révolution
22:20dans la pâte à modeler, dans la bûche de Noël,
22:24parce qu'elle n'est plus faite de la même façon.
22:26T'entends ça, Marcel ? Si tu changes de camion, ça sera une révolution.
22:28Oh, dis donc, Jamy, c'est vrai.
22:30C'est incroyable le nombre de mots anglais qui sont entrés dans la langue française.
22:34Et ça ne date pas d'hier.
22:36Football, bien sûr, mais aussi t-shirt.
22:39T-shirt, ça veut dire chemise en forme de T.
22:41Et puis, alors ça, c'est rigolo, poney.
22:43Tu sais d'où ça vient, poney ?
22:45Poney est un terme emprunté à l'anglais
22:47qui permet de désigner des chevaux de petite taille.
22:50Mais auparavant, les Anglais l'ont emprunté aux Français.
22:54Que je vous raconte.
22:55Au 15e siècle, le petit de la jument était désigné sous le nom de poulenet.
23:01Des Écossais qui vivaient en France ont rapporté ce terme chez eux,
23:04non pas pour désigner le petit de la jument,
23:07mais des chevaux de petite taille.
23:09Prononcé à l'écossaise, ça donne pony,
23:13qui très vite est devenu en anglais pony.
23:16Et c'est ce terme qui a ensuite traversé la Manche
23:20et est revenu en France pour désigner des chevaux de petite taille.
23:25Et ce n'est pas tout, Jamy.
23:26Le français n'a pas emprunté que des mots anglais.
23:29Au 16e siècle, par exemple,
23:31quand les rois se sont mis à épouser des princesses italiennes,
23:33Marie et Catherine de Médicis, les mots italiens,
23:36sont devenus à la mode, à la cour.
23:38C'est à cette époque-là qu'on a gagné, bien sûr, spaghetti,
23:40mais aussi colonel, bataillon, cartouche, caprice.
23:45Mais la liste est longue.
23:47Certains mots viennent de plus loin encore.
23:50Et parfois, c'est la connaissance qui a servi de véhicule.
23:53Tenez.
23:55Chiffres ou alchimie, par exemple,
23:58comme alcool ou algèbre,
24:00ont été empruntés à l'arabe dès le Moyen-Âge.
24:03Dans un tout autre registre,
24:04paprika vient du hongrois,
24:07soja, du manchou, banane, de Guinée.
24:11Plus loin encore, chocolat, tomate, cacao
24:15ont été importés au 16e siècle d'Amérique.
24:19Les conquistadors n'ont pas seulement ramené les denrées,
24:22mais les mots qui servaient à désigner ces denrées.
24:25Et tout cela est entré dans notre dictionnaire.
24:28Depuis une vingtaine d'années,
24:29ce sont les emprunts à l'anglais qui ont fait un boum.
24:32Enfin, qui se sont nettement accélérés.
24:34Alors, on peut dire, évidemment,
24:35que le français est un peu trop ouvert aux emprunts américains
24:39parce que c'est une source unique.
24:41Alors, on peut trouver qu'il faut s'en défendre un peu,
24:44mais on le fait.
24:45Parce que, par exemple, le langage de l'informatique,
24:48celui des ingénieurs, il y a 10 ou 20 ans,
24:51il était totalement anglicisé.
24:53Et aujourd'hui, on a de plus en plus de mots
24:55qui sont devenus des mots français.
24:57Double-cliquer, la souris, c'est du français.
25:00Et puis, il ne faut pas oublier
25:01qu'avec 169 millions de francophones,
25:04le français est la 9e langue la plus parlée sur la planète.
25:07Il est la langue officielle de nombreux pays de l'Afrique noire.
25:12Et il est couramment pratiqué dans les pays du Maghreb.
25:15Et bien sûr, il y a le français d'Amérique du Nord,
25:17le québécois et le cajun des Louisiannes
25:19sont restés très proches du français qu'on parlait à la Renaissance.
25:29Ah, Sabine ! Alors, et cette dictée ?
25:31Ah, tout à l'heure, à l'école ?
25:32Pas trop dure ?
25:33Non, ben non, pas du tout, non, c'était très bien.
25:36Ah, je le reconnais, lui !
25:37Ouais, c'est son maître d'école.
25:39Dis donc, Sabine, tu n'as pas corrigé ta copine ?
25:41Ah, mais c'est Marcel que j'entends, oui, Marcel !
25:44Joli le...
25:45Non, mais rassure-toi, Sabine,
25:46peut-être qu'il est très fort en français,
25:48mais il ne sait pas compter les fautes.
25:49Ah ben ouais, c'est ça, je me disais aussi.