Mort de Hassan Nasrallah : "Un monde s’est effondré, c’est la fin d’une ère", au Liban

  • il y a 21 heures
Le Liban, la Syrie et l'Iran ont décrété un deuil national, après la mort vendredi du puissant chef du mouvement pro-iranien Hassan Nasrallah, dans un bombardement israélien.

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00:00France Inter, Alibadou, Marion Lourdes, le 6-9.
00:07Et un grand entretien ce dimanche matin au lendemain de l'assassinat du chef du Hezbollah
00:12Hassan Nasrallah par l'armée israélienne.
00:15Décryptage, analyse, quel scénario possible qu'y a-t-il dans la tête des Libanais ?
00:20Jusqu'où peut aller le gouvernement de Benyamin Netanyahou ? Et qu'est-ce qu'on peut comprendre
00:26de ce qui se joue aujourd'hui dans cette région du monde ?
00:30Nous sommes en studio avec deux invités, Agnès Levallois et Christophe Fayad.
00:35Bonjour à tous les deux.
00:36Bonjour.
00:37Et bienvenue Agnès Levallois, vous êtes vice-présidente de l'Institut de Recherche
00:41et d'Études Méditerranéennes, vous connaissez très bien le Proche-Orient et vous avez réuni
00:46et présenté un livre noir de Gaza de très nombreux textes qui font le tour de plusieurs
00:54contributions pour essayer de comprendre ce qui se passe dans ce petit territoire.
00:59C'est publié aux éditions du Seuil.
01:01Christophe Fayad, vous êtes grand reporter au journal Le Monde et auteur d'un livre
01:05important et d'un livre très éclairant, Géopolitique du Hezbollah, c'est publié
01:11aux presses universitaires de France et on va en parler pour essayer de comprendre quel
01:14type d'organisation est le Hezbollah, puisque c'est un objet géopolitique unique et insaisissable
01:22pour reprendre vos mots et nous sommes en direct avec Beyrouth et Anthony Samrani, bonjour.
01:29Bonjour.
01:30Vous êtes co-rédacteur en chef du journal L'Orient Le Jour, merci infiniment d'être
01:35avec nous ce matin depuis Beyrouth, L'Orient Le Jour qui est titre ce matin Une, la fin
01:42d'une ère avec le portrait d'Hassan Nasrallah, Beyrouth se réveille, on l'entendait tout
01:48à l'heure dans les journaux qu'il y avait toujours des frappes ce matin, l'armée israélienne
01:53continue de bombarder certains quartiers de Beyrouth, Anthony Samrani ?
01:57Oui, une partie de la banlieue sud mais également le sud du pays et la Baïta.
02:02Vous entendez les bombardements vous-même ?
02:04On a plutôt entendu les drones tout au long de la nuit, ce qui est extrêmement effrayant
02:12parce qu'on a le sentiment qu'ils sont là au-dessus de nos têtes tout le temps, qu'ils
02:16nous observent et même si derrière on essaye de rationaliser ça, on peut avoir le sentiment
02:22qu'ils peuvent frapper à tout moment.
02:23Journée de deuil national au Liban, quel est le sentiment qui domine chez les Libanais,
02:31qu'il y a-t-il dans la tête d'un Libanais qui se réveille ce matin ?
02:35Ça dépend quel Libanais, j'ai envie de vous répondre, mais c'est des sentiments très
02:40forts et très mixtes, c'est le choc, c'est la surprise, le sentiment à mon avis qui
02:46domine c'est le sentiment qu'un monde s'est effondré, donc c'est la fin d'une ère, c'est
02:51un monde qui s'effondre.
02:52Pourquoi un monde qui s'effondre ?
02:53Peut-être pour le meilleur, certains veulent croire pour le meilleur, mais peut-être aussi
02:58malheureusement pour le pire et par le passé les assassinats politiques que ce soit au
03:03Liban ou dans la région n'ont pas produit les meilleurs effets.
03:07Pourquoi c'est un monde qui s'effondre ?
03:08Parce que Hassan Nasrallah c'était une figure d'une dimension extrêmement importante,
03:13non seulement au Liban mais dans toute la région, c'est peut-être le dirigeant arabe
03:17le plus important de ces deux ou trois dernières décennies, c'était le visage, c'était
03:22la voix de l'axe de la résistance, de l'axe iranien, c'est une perte immense pour eux
03:27et au Liban sa disparition quelque part, elle ouvre tous les possibles.
03:31Vous avez employé un mot qui étonnera ou choquera certains en France, le mot de résistance
03:37en parlant d'Hassan Nasrallah, est-ce que vous pouvez préciser justement, qu'est-ce
03:42qui peut se passer aujourd'hui, scénario optimiste et scénario pessimiste ?
03:45Alors j'ai employé ce mot parce que eux se définissent, l'axe iranien se définit
03:50comme l'axe de la résistance, donc j'ai repris leur formulation.
03:54Le scénario le plus optimiste c'est un scénario extrêmement fragile qui supposerait
04:00que le Hezbollah accepte aujourd'hui qu'il a perdu, accepte que cette guerre va coûter
04:06beaucoup trop cher au Liban et accepte peut-être de sortir du moment d'Ubris dans lequel il
04:11est depuis maintenant probablement 20 ans et que les communautés ensemble soient dans
04:17une logique de construction d'un État, mais c'est un scénario un peu utopique,
04:21un peu Disneyland actuellement.
04:23Le scénario le plus pessimiste, c'est celui où le Hezbollah aurait les moyens, si tant
04:29est qu'il les a encore, d'un point de vue opérationnel, de répondre de la manière
04:34forte à cet assassinat et donc de rentrer dans une guerre totale et probablement plus
04:42longue avec Israël.
04:44Agnès Levallois, quand on entend Anthony Samrani, quand on entend aussi les reportages
04:49ou qu'on les regarde à la télévision, c'est vrai que c'est très étonnant ce
04:53sentiment d'une population très divisée, il y a ceux qui saluent, qui explosent de
04:57joie face à la mort de Nasrallah, il y a ceux qui pleurent, en tout cas tout le monde
05:01a l'air de dire que c'est un choc et un tournant, ça c'est peut-être assez partagé,
05:04mais c'est étonnant de voir une population aussi diverse et divisée.
05:08En fait, ça révèle complètement ce qu'est le Liban aujourd'hui, qui est un pays complètement
05:12fragmenté, morcelé, avec les communautés qui ont chacune leurs propres intérêts et
05:18leurs propres ressentis par rapport à ce qui se passe, le pays a rarement été aussi
05:23morcelé qu'il l'est aujourd'hui, et avec la crise économique, sociale, politique
05:28qu'on est le pays maintenant depuis cinq ans, le renfermement confessionnel et communautaire
05:33s'est accentué de façon absolument incroyable.
05:36J'étais encore au mois de juin et j'étais frappée de voir à quel point chacun vit dans
05:40sa rue, dans son quartier, et que du coup avec une méconnaissance et ne voulant pas
05:44savoir ce qui se passe à côté.
05:46Donc ceux qui sont dans le nord du pays ou même dans certains quartiers à Beyrouth
05:51ne veulent pas savoir ce qui se passe, non seulement dans la banlieue, mais encore plus
05:55évidemment au sud.
05:56Et donc ça, c'est ce que révèlent les réactions que l'on voit depuis hier, entre ceux qui
06:01pleurent et ceux qui se disent peut-être que du coup on va aller vers du meilleur.
06:05Christophe Hayat, je vous voyais acquiescer, c'est une figure qui divisait Hassan Nasrallah
06:10ou c'est le Hezbollah lui-même qui divise ?
06:12Le Hezbollah divise les Libanais.
06:15Après, malgré toute l'hostilité qu'il peut rencontrer dans certains cercles, dans
06:24certaines communautés, dans certains partis, il y a quand même l'idée qu'Israël s'ingère
06:29trop dans la vie du Liban.
06:33Vous avez une idée communément partagée ?
06:35Oui, parce que c'est aux Libanais de régler leur compte.
06:39Il se trouve que Nasrallah, il structurait la vie politique du Liban.
06:43C'était un peu la figure dominante.
06:46C'est lui qui donnait un feu vert pour l'élection ou pas du Président de la République.
06:50Le Liban n'a pas de Président depuis deux ans maintenant.
06:53Exactement.
06:54C'est lui qui, non pas formait le gouvernement, mais dit moins lui donnait sa coloration.
07:00Et depuis longtemps.
07:02Depuis longtemps, depuis une dizaine d'années.
07:05Et depuis 20 ans, effectivement, c'est lui qui mettait ses lignes rouges sur le fait
07:10que le Hezbollah pouvait conserver ses armes lourdes dans un pays où toutes les autres
07:15milices sont désarmées à la fin de la guerre civile.
07:17On va retourner à Beyrouth dans un instant pour retrouver Anthony Samrani, mais un mot
07:21justement à propos de ce livre et de cette géopolitique du Hezbollah, où vous décrivez
07:25Christophe Hayad que le Hezbollah, c'est une organisation insaisissable, à la fois
07:30parti politique, à la fois milice armée, à la fois mouvement terroriste.
07:35L'homme, Hassan Nasrallah, on a dit de lui dans le journal Le Monde, et c'est le titre
07:41d'un de vos chapitres, qu'il était charismatique.
07:43Certains ont été indignés qu'on emploie ce mot.
07:46Ça fait sourire à Agnès Levallois.
07:49Mais c'est aussi une question de mots, de récits, de manières de désigner ce dont
07:54on parle.
07:55Charismatique, vous assumez le mot ?
07:57Oui, il est charismatique.
07:59Pourquoi ? Il l'était.
08:01Pour son public, c'est quelqu'un qui, lorsqu'il parlait, tout le Liban s'arrêtait.
08:08Y compris ses opposants.
08:10Pour moi, c'est ça le charisme.
08:12C'est-à-dire, d'un coup, tout le monde veut savoir ce que vous avez à dire, parce
08:16que ce que vous avez à dire va influer sur l'avenir du pays.
08:21Justement, on retourne à Beyrouth, Anthony Samrani.
08:25Comment est-ce qu'un Libanais qui n'appartient pas au Hezbollah, parce qu'on sait qu'il
08:29y a de très nombreuses communautés, 18 probablement, mais 3 en tout cas reconnues par la constitution
08:34libanaise, comment est-ce qu'on est, quand on est Libanais, qu'on n'appartient pas
08:39au Hezbollah, comment est-ce qu'on regarde et comment est-ce qu'on comprend ce qui
08:42se passe ces jours-ci ?
08:44Alors, comment est-ce qu'on comprend ? Je pense que personne ne comprend.
08:48Personne ne comprend ?
08:49En tout cas, personne n'avait anticipé.
08:52Ça, je peux vous le dire, parce que ça fait des années que je parle à peu près
08:56à tous les gens qui s'intéressent à ce type de questions à Beyrouth.
08:59Personne n'avait anticipé ce qui s'est passé ces deux dernières semaines, et en
09:03particulier ces deux ou trois derniers jours.
09:06Personne.
09:07Personne n'imaginait qu'Israël puisse éliminer de cette façon Hassan Nasrallah,
09:12que le Hezbollah soit à ce point-là, à terre, au bout de quelques jours de confrontation.
09:19Le sentiment du Libanais, c'est la stupeur.
09:23Je pense que c'est ça, le sentiment le plus partagé aujourd'hui.
09:28Hassan Nasrallah, il faisait partie de notre vie.
09:31Il faisait partie, c'était cette ombre.
09:33Pour ses partisans, c'est un dieu vivant.
09:36Il y a des gens qui nous ont dit « j'ai perdu un dieu, il ne m'en reste plus qu'un ».
09:40Pour les gens qui ne l'étaient pas, c'était une ombre omnipotente, menaçante,
09:46qui avec son seul index, pouvait déclencher une guerre civile au Liban ou même dans la région.
09:53Jusqu'où ira Benjamin Netanyahou et le gouvernement israélien ?
09:58Jusqu'à quel point ils iront pour atteindre leur but de guerre ?
10:03On va en parler dans un instant, mais je rappelle à nos auditeurs qu'ils peuvent nous appeler
10:08au standard, au 0145 24 7000, ou envoyer leurs questions sur l'application Radio France.
10:15Je vous pose donc la question à tous les deux ici en studio.
10:20Christophe Fayet, expliquez-nous la logique de Benjamin Netanyahou.
10:24Il est à l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York et il ordonne ces bombardements
10:31et l'assassinat d'Hassan Nasrallah.
10:34Hier, il a parlé depuis Jérusalem pour dire que c'était une victoire, évidemment,
10:42que c'était une victoire pour pouvoir offrir aux Israéliens qui habitent le nord d'Israël
10:49et qui ont dû fuir ce territoire parce qu'ils ramassaient des bombes lancées par le Hezbollah
10:56que ces objectifs de guerre, c'était donc de pouvoir leur permettre de retourner chez eux.
11:00Et il a parlé aussi des otages.
11:02Comment faire le lien entre ces deux objectifs très différents ?
11:07Christophe Fayet.
11:08Oui, alors ça me paraît très compliqué de lier les otages et ce qui est arrivé avec Hassan Nasrallah au Liban.
11:19Les otages, là, on parle de ceux du 7 octobre.
11:21Oui, des otages du 7 octobre, évidemment.
11:23Moi, ce que je vois, c'est une logique par étage.
11:26C'est-à-dire que Netanyahou veut détruire le Hamas.
11:30Il pense avoir détruit le Hezbollah.
11:34On ne détruit pas le Hezbollah, mais en tout cas, on peut le neutraliser pour plusieurs années.
11:40Et l'étage supérieur, c'est l'Iran.
11:43Donc la question maintenant, c'est est-ce que Netanyahou va s'attaquer à ce qui est un peu la tête
11:49de ce qu'on a appelé tout à l'heure ce que Anthony Samrani a appelé l'axe de la résistance
11:54et dont font partie le Hamas et le Hezbollah, c'est l'Iran.
12:00Donc est-ce qu'il y a un plan pour aller plus loin ?
12:04Avant de parler de l'Iran, qu'est-ce qu'il y a comme relation entre Gaza et le Liban ?
12:09Moi, je pense que si Netanyahou a fait cette référence, c'était simplement pour justifier le fait
12:14qu'il s'est attaqué, là, au Liban, sans avoir réglé la question des otages,
12:18qui est quand même une question en politique intérieure israélienne importante
12:21puisque beaucoup des familles reprochent à Netanyahou de ne pas faire ce qu'il faut pour les libérer.
12:26Et donc je pense qu'il a fait ce lien pour se dédouaner des critiques.
12:30Et le lien à faire entre Gaza et le Hezbollah, c'est que justement,
12:35les objectifs de guerre de Netanyahou n'ont pas été atteints dans la bande de Gaza
12:39puisque les otages du 7 octobre sont toujours retenus par le Hamas,
12:43que le Hamas existe toujours, qu'à la différence de Hezbollah,
12:47Sinouar qui est le chef du Hamas n'a pas été, pour l'instant en tous les cas, attrapé par les Israéliens.
12:53Et donc là, il y a une volonté du gouvernement israélien de faire un peu oublier,
12:58à l'approche du 7 octobre, que ces objectifs, au bout d'un an, n'ont pas été atteints.
13:03Et donc l'objectif du Liban, qui est un objectif qui est en préparation depuis des années,
13:09donc tous les préparatifs qui ont été faits en termes de renseignements pour affaiblir le Hezbollah,
13:15là, l'occasion était toute trouvée pour montrer que les buts de guerre de l'armée
13:21étaient atteints au Liban. Et donc de mettre tous les moyens en œuvre pour que Netanyahou puisse dire
13:28« Vous voyez, ma stratégie a été la bonne et Nasrallah n'est plus là ».
13:32Et ça, ça répond à la question « Pourquoi maintenant ? ».
13:34En fait, Christophe Hayat, j'ai une double question peut-être.
13:37Est-ce que la fin de Nasrallah, ça veut dire la fin du Hezbollah ?
13:40Et est-ce que la fin ou l'affaiblissement du Hezbollah, c'est l'affaiblissement aussi de l'Iran ?
13:46Alors, la première question, c'est non. La fin de Nasrallah n'est pas la fin du Hezbollah.
13:53Le Hezbollah, c'est un courant politique qui représente une partie de la communauté chiite
13:58et une partie importante qui ne va pas disparaître comme ça.
14:01Je veux dire, Nasrallah a donné aux chiites du Liban un sentiment de puissance
14:07auquel ils ne sont pas prêts à renoncer.
14:10Et ça augure, je pense, de difficultés intérieures.
14:14Est-ce que ça a affaibli l'Iran ? Oui, à l'évidence.
14:17L'Iran a perdu ou est en train de perdre sa principale arme de dissuasion vis-à-vis d'Israël.
14:24Et les Iraniens l'ont compris avant même la mort de Nasrallah.
14:28Lorsqu'ils font une ouverture en disant « On est prêt à renégocier sur le nucléaire ».
14:34Lorsqu'à New York, le président iranien se montre extrêmement conciliant à l'Assemblée générale de l'ONU
14:43ou en marge de cette Assemblée générale ces derniers jours,
14:46en rencontrant des juifs new-yorkais, etc.
14:49C'est une façon de dire « Nous sommes prêts à négocier.
14:53Nous n'allons pas lier notre sort à celui de Nasrallah.
14:56Nasrallah était notre protégé, on l'a perdu, tant pis, passons à autre chose. »
15:00Agnès Levallois, on les entend, les liens, les enjeux qu'il y a dans la région
15:03qui sont inextricablement liés.
15:06On entend beaucoup depuis ce matin l'expression de « guerre totale ».
15:09Est-ce que la guerre totale est à craindre aujourd'hui ?
15:12L'Iran ne veut absolument pas d'une guerre et d'une guerre totale.
15:16Et tout ce que vient de dire Christophe est juste dans le sens où on voit l'Iran être extrêmement prudent
15:22depuis le 7 octobre et même s'il y a eu un affichage de soutien au Hamas,
15:26il n'y a pas eu d'engagement de la part de l'Iran pour rentrer dans cette guerre.
15:31Rappelez-vous quand même le chef du Hamas qui est tué à Teheran, il n'y a pas de riposte.
15:36Le jour de l'intronisation du président iranien.
15:39Ce qui n'est pas rien d'un point de vue symbolique.
15:41Pour celui-là, l'Iranien Hamas est visé, il y a quelques réactions militaires,
15:45mais très limitées en prévenant pour éviter les dégâts.
15:48Donc l'Iran ne veut en aucun cas rentrer dans cette guerre.
15:52La crème que l'on peut avoir aujourd'hui, ou en tous les cas la question que l'on peut se poser aujourd'hui,
15:56est-ce qu'Israël avec un sentiment quand même aujourd'hui de toute puissance,
16:00avec cette réussite pour l'armée israélienne d'avoir atteint Hassan Nasrallah
16:04et d'avoir affaibli dans les jours précédents le Hezbollah comme il l'a affaibli,
16:09est-ce qu'il y aura une volonté de faire quelques frappes en Iran
16:12pour être sûr et pour dissuader l'Iran de rentrer en guerre,
16:16ou au contraire pour l'attirer dans cette guerre ?
16:18Attendez, vous dites qu'il ne veut pas rentrer dans la guerre,
16:20et en même temps on entend le vice-président iranien qui dit à Israël
16:23« la mort de Nasrallah c'est votre destruction ».
16:25Oui, mais parce que ça c'est de la rhétorique,
16:28et c'est toujours la même rhétorique qui est utilisée par l'Iran et par le Hezbollah,
16:31mais dans les actes.
16:32Ce qui est important dans une situation comme celle que nous vivons en ce moment,
16:35ce sont les actes, ce sont les réactions concrètes.
16:38Ça n'est pas le discours.
16:39Il se doit d'avoir ce discours vis-à-vis des siens,
16:42parce que sinon c'est toute la rhétorique et toute la légitimité
16:45de cette république islamique qui s'écroule.
16:47Donc il doit vraiment jouer entre les deux,
16:50entre le fait que l'Iran, aujourd'hui le pouvoir iranien,
16:53est affaibli en interne,
16:54donc il ne peut pas se lancer dans une guerre,
16:57il doit au contraire se rapprocher des Américains
16:59pour essayer d'obtenir la levée des sanctions,
17:02et donc l'équation de l'Iran est de toute façon très difficile pour ce pays,
17:07parce que s'il rentre en guerre, il perd tout,
17:09et s'il ne rentre pas en guerre,
17:10il perd aussi vis-à-vis de toute cette rhétorique développée depuis 1979.
17:16On retourne à Beyrouth.
17:17Anthony Samrani, il y a de nombreux auditeurs d'Inter
17:20qui nous demandent sur l'application de faire un bilan.
17:24Combien de morts, combien de blessés,
17:26en même temps que le chef du Hezbollah a été tué ?
17:32Est-ce qu'on en a une idée ?
17:34C'est extrêmement difficile à évaluer,
17:36pour la simple raison que le Hezbollah n'a pas permis aux journalistes d'accéder au site,
17:41et n'a pas communiqué des chiffres.
17:44L'armée israélienne elle-même estime que la frappe aurait fait autour de 300 morts.
17:50300 morts ?
17:51C'est ce que l'armée estime, effectivement.
17:54Deuxième question qui revient souvent sous la plume des auditeurs d'Inter.
17:58Qu'est-ce que craignent le plus les Libanais ?
18:00Est-ce qu'ils craignent aujourd'hui une attaque terrestre d'Israël
18:04qui occuperait le sud du Liban
18:08et voire irait encore plus loin vers le nord et vers la capitale ?
18:14Ils craignent effectivement une guerre totale.
18:17Est-ce que cette guerre totale passerait par une invasion terrestre ?
18:21C'est possible.
18:22On peut imaginer aussi d'autres types de scénarios.
18:25Un bombardement encore plus intensif dans le sud
18:28et sur la banlieue sud de Beyrouth.
18:31Ils craignent aussi peut-être à terme, à la fin de cette séquence,
18:35des tensions extrêmement fortes sur la scène civile
18:39et peut-être même une guerre civile.
18:41Une guerre civile ?
18:43Le spectre de la guerre civile revient au Liban ?
18:46Peut-être pas maintenant, mais vous en parliez tout à l'heure.
18:48On va avoir un autre Hezbollah.
18:50Un nouveau Hezbollah qui va muter,
18:52qui va perdre une partie de sa dimension régionale,
18:55qui va probablement se libaniser davantage,
18:57qui va peut-être prendre ses distances avec l'Iran,
19:00puisqu'au sein même du Hezbollah,
19:02on a l'impression que l'Iran les a abandonnés aujourd'hui,
19:05mais qui va être aussi probablement plus paranoïaque,
19:08moins enclin à négocier et plus déterminé
19:11à réimposer un rapport de force avec les autres parties
19:15qui, eux, pour leur part, vont vouloir profiter de ce moment de faiblesse.
19:18Question, jusqu'où peut aller le gouvernement de Benjamin Netanyahou ?
19:22On a vu que la question du droit international
19:24n'était pas une grande préoccupation.
19:26Je le rappelle qu'il a donc ordonné l'attaque
19:28depuis l'Assemblée Générale des Nations Unies.
19:31Est-ce qu'il est dans une logique où seul compte le rapport de force
19:35et les objectifs militaires ?
19:37Oui, clairement.
19:38Oui, clairement, on le voit bien.
19:39Donc maintenant, l'objectif de Netanyahou,
19:41c'est de faire cette zone de sécurité au sud Liban,
19:43jusqu'au fleuve d'Italie.
19:45On voit que c'est vraiment le projet depuis toujours
19:47pour être sûr qu'il n'y ait plus d'attaques de la part du Hezbollah,
19:50même si les missiles passent au-dessus de cette zone de sécurité.
19:53Mais ça, c'est une autre question.
19:56Il faut rappeler qu'il n'y a pas de frontière stable entre le Liban et Israël.
19:59Mais l'objectif, c'est vraiment d'obtenir cette zone de sécurité,
20:02et là encore, pour afficher un objectif de guerre,
20:05puisque tout ça doit se lire aussi à l'aune de la tension intérieure en Israël
20:10par rapport à ces objectifs de guerre.
20:12Effectivement, Christophe Haïd, jusqu'où ?
20:14Est-ce que c'est Israël qui a les clés ou est-ce que c'est l'Iran ?
20:17Non, c'est Israël qui a les clés,
20:19puisque c'est lui qui est à l'initiative en ce moment,
20:22quasiment depuis le printemps.
20:25C'est lui qui appelle les coups, comme on dit en anglais.
20:30C'est lui qui décide où il frappe, quand il frappe, comment il frappe.
20:33Maintenant, il y a quand même une petite fenêtre d'opportunité pour la diplomatie,
20:39c'est de faire respecter la résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l'ONU,
20:46qui avait été votée à la fin de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah déjà,
20:51et qui prévoyait le retrait du Hezbollah au nord du fleuve Litany.
20:56Donc, ça pourrait se faire autrement que par la force,
21:00c'est-à-dire par l'application du droit international,
21:03où le Hezbollah sortirait un tout petit peu, sinon par le haut,
21:07du moins, sauverait un peu l'honneur en disant
21:13« Bon ben, on applique le droit international, on respecte la résolution 1701 »,
21:17comme ça avait déjà été le cas en 2006.
21:20D'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que Hassan Nasrallah négociait ces derniers temps
21:26pour l'application de cette 1701, pour éviter, justement, avec les Israéliens,
21:31par l'intermédiaire des Américains.
21:33Donc ça, c'était une volonté de Nasrallah, qui était aussi un négociateur, un politique,
21:38et quelqu'un qui voulait négocier, sachant très bien que la guerre, en fait,
21:42coûterait trop cher aussi à son mouvement.
21:44Encore une dernière question, Anthony Samrani, vous êtes à Beyrouth.
21:48Est-ce qu'on se sent seul, totalement isolé, abandonné par la communauté internationale
21:54quand on est aujourd'hui Libanais, qu'on habite à Beyrouth, par exemple ?
22:00On se sent seul, oui.
22:02On témoigne presque le silence assourdissant de ce qu'on appelle la communauté internationale
22:10après ce qui s'est passé ces derniers jours.
22:12Et on se sent, je pense, surtout prisonnier de dynamiques qui nous dépassent.
22:16Il y a d'une part, côté iranien, une dynamique qui est de préserver l'héritage de ce qu'est le khameneïsme,
22:24qui repose essentiellement sur deux piliers, donc les milices et les missiles d'une part,
22:28et le programme nucléaire de l'autre.
22:30Et du côté israélien, de pousser...
22:32Du guide suprême iranien.
22:34Du guide suprême iranien, bien sûr, et du côté israélien, de pousser le plus possible son avantage,
22:39mais avec un risque à un moment.
22:41Là, Israël a renversé la table, Israël est en train de gagner.
22:45Et avec un risque, à un moment, à trop vouloir gagner, finir par perdre.
22:51Merci infiniment, Anthony Samrani, d'avoir été en duplex avec nous depuis Beyrouth.
22:56Je conseille vivement d'aller s'abonner à votre compte sur X,
23:01où vous mettez très régulièrement des analyses très intéressantes de votre rédaction de l'Orient le jour.
23:08Merci infiniment, Christophe Hayad, d'avoir été notre invité géopolitique du Hezbollah.
23:13C'est publié aux presses universitaires de France.
23:16On vous lit évidemment dans le journal Le Monde.
23:18Et Agnès Levallois, je rappelle le livre noir de Gaza qui vient de paraître,
23:22avec une préface de Ronnie Broman.
23:24C'est aux éditions du Seuil.

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