• il y a 3 mois

Category

📺
TV
Transcription
00:00Versailles, classée au patrimoine de l'humanité.
00:13Le château construit sous le règne de Louis XIV est l'emblème de l'architecture classique.
00:20Il compte 700 pièces, plus de 2000 fenêtres et 815 hectares de parc.
00:31Le plus grand château du monde ne cesse de fasciner.
00:35L'année dernière, plus de 7 millions de visiteurs, venus du monde entier, ont franchi ses grilles.
00:43Joyau inestimable de l'histoire de France, le château du roi Soleil pourrait-il un jour être vendu ?
00:54On n'en est pas là, mais nous avons découvert qu'une de ses dépendances était à vendre.
01:00En octobre dernier, une petite annonce attire notre attention.
01:04L'état vend, à proximité immédiate du château de Versailles, 6 bâtiments disposant d'une cour intérieure et d'un jardin.
01:13Nous cherchons où il se trouve.
01:19Et surprise, il est seulement à une centaine de mètres du château, dans l'ancien domaine royal.
01:30Trois mois après l'apparution de l'annonce, nous donnons rendez-vous à un expert.
01:38Il est historien de l'art et préside une association de défense du patrimoine.
01:48Alors ici on est rue de l'indépendance américaine, qui en fait s'appelait à l'origine, quand le château et la ville ont été créées, rue de la surintendance.
01:56Et ce nom, c'est un nom d'administration, c'est la surintendance des bâtiments du roi, qui est une grande administration de la monarchie, qui s'occupe des bâtiments, entretien, construction.
02:04Et c'est un bâtiment pour nous, aujourd'hui, très important dans l'histoire à la fois de Versailles, puisque c'est un morceau du château en réalité.
02:12On est de l'autre côté de la rue, mais c'est quand même une des pièces du dispositif royal à Versailles.
02:17Ce jour-là, une rencontre inattendue se produit.
02:20Devant la porte du bâtiment, nous tombons nez à nez avec un homme qui se présente comme l'acheteur de la surintendance.
02:28Il nous explique qu'il travaille pour une société spécialisée dans les placements immobiliers.
02:34Nous, c'est la rénovation de bâtiments, de préférence monuments historiques et secteurs sauvegardés.
02:46Que vous, donc, vous accompagnez dans une transformation, en fait, c'est ça ?
02:48Cette transformation donne une partie défiscalisable pour les investisseurs.
02:57D'accord, ça veut devenir des logements ?
02:59Tout à fait.
03:00Et on peut vous demander combien était votre offre ?
03:02Non, non, non, non, non, non, non, non, non.
03:06En résumé, via sa société, les investisseurs acquièrent ce bâtiment historique, le restaurent, le divisent en appartements, puis le louent.
03:16Et grâce à la loi Malraux, leur placement est défiscalisé.
03:20D'après nos informations, la vente a été conclue pour 13 millions d'euros.
03:26Dessiné par Mansart, l'architecte de Louis XIV, la surintendance est donc désormais propriété privée.
03:34Ce bâtiment, il avait vraisemblablement vocation, pour moi en tout cas, à rester dans le giron de l'État.
03:40Et il raconte une histoire tellement importante pour le château, la ville, l'histoire des musées,
03:46qu'il y avait certainement plein de solutions, plutôt qu'une vente à des particuliers qui vont faire de l'appartement à la déco.
03:56Mais alors, pourquoi l'État vend-il ces bijoux de famille ?
04:01Pour le savoir, revenons quelques années en arrière.
04:05En 2005, les caisses de l'État sont vides et il faut trouver de l'argent.
04:11Le gouvernement décide alors d'accélérer les ventes de son vaste parc immobilier.
04:15Et il multiplie par 10 le bénéfice de ces ventes.
04:21On a vendu pour 3 milliards d'euros d'immobilier, donc c'est important, c'est autant qu'il vient réduire la dette.
04:28Si la politique immobilière de l'État était un jeu, il ressemblerait à ça.
04:33Nous allons découvrir quels sont les biens vendus, comment sont-ils évalués, qui sont les acheteurs et enfin à qui profitent ces ventes.
04:43Bref, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?
04:48La partie débute sur la case petites annonces.
04:52Pour acheter un bien appartenant à l'État, il faut d'abord se rendre sur le site internet du ministère de l'Économie et des Finances.
04:59C'est ici que sont publiées toutes les annonces.
05:03On y trouve des biens de prestige, comme cet immeuble de bureau à Paris,
05:08cette caserne dans le Gers,
05:11ou ce terrain à bâtir près de Nantes.
05:14Et aussi des maisons forestières,
05:18des appartements,
05:21ou des parkings.
05:24Plus insolite, ce poste de douane,
05:28ou ce fort de la marine.
05:32Une partie des biens est vendue par appel d'offres,
05:36le reste aux entreprises.
05:39Ce jour-là, à la chambre des notaires de Gironde,
05:43l'État vend un bien aux enchères.
05:46Jean-Pierre Marçan achète pour louer.
05:50Il y a quelques jours, il a flairé la bonne affaire sur internet.
05:54Un appartement situé dans une des stations balnéaires les plus prises de l'État,
05:59a été acheté par l'État.
06:02Il y a quelques jours, il a fliré la bonne affaire sur internet.
06:05Un appartement situé dans une des stations balnéaires les plus prises du Sud-Ouest,
06:10Arcachon.
06:13En centre-ville, au rez-de-chaussée de cette résidence,
06:17ce deux pièces de 35 mètres carrés.
06:20Une chambre, un salon et un balcon,
06:23le toit rénové.
06:26Mise à prix 50 000 euros,
06:29trois fois moins que le prix du marché.
06:31C'est une capitalisation un peu moins sévée
06:35que le marché ou le coût des bâtiments.
06:38De ce fait, on peut prétendre
06:42à acheter un bien en dessous du prix du marché.
06:46Plus que quelques minutes avant le début de la vente,
06:50la pression monte.
06:53Mais Jean-Pierre s'est promis d'être raisonnable aujourd'hui.
06:56C'est un jeu, les enchères.
06:58Quand vous êtes pris par la passion,
07:01vous faites de vos vouloirs pour absolument procéder.
07:04Quand vous êtes pris par cette passion, les gens s'enflamment,
07:07parce qu'ils disent pour Dieu, je le veux, je le veux.
07:10Et ce jour-là, ils sont nombreux, prêts à enchérir.
07:23Les enchères grimpent vite, très vite.
07:28Mais le chrono est lancé.
07:31Et le chrono, c'est la bougie.
07:34On peut enchérir jusqu'au moment où la fumée disparaît.
07:50L'appartement est parti un peu en dessous du prix du marché.
07:54Et l'Etat empoche 134 000 euros.
07:56Jean-Pierre n'a pas eu le dernier mot.
08:14Trop cher pour Jean-Pierre.
08:17Mais cette vente aura fait une heureuse.
08:27Ça m'a vraiment ennuyé de passer à côté.
08:30En achetant ce bien, Sylvie participe aussi au désendettement de la France.
08:35Mais qui décide de mettre en vente les biens publics ?
08:41A Bercy, au ministère de l'Economie et des Finances,
08:45au 6e étage de ce bâtiment,
08:48se trouve le service en charge de l'immobilier de l'Etat.
08:51France Domaine, créé en 2007.
08:57Et voici sa directrice, Nathalie Morin.
09:01Discrète, on la voit rarement dans les médias.
09:05Elle dirige pourtant près de 1 500 fonctionnaires sur toute la France.
09:09Elle fait la pluie et le beau temps sur l'immobilier de l'Etat.
09:14Le métier principal de France Domaine,
09:17c'est de dynamiser la gestion du parc immobilier de l'Etat.
09:21De le rationaliser, de le rendre plus performant,
09:23de diminuer les coûts, de l'adapter aux besoins de l'Etat.
09:27Lorsqu'on a conduit cette réflexion stratégique,
09:30on arrive à la conclusion que certains biens ne sont pas utiles à l'Etat.
09:34Et alors, on va effectivement décider de les vendre.
09:38Les bâtiments que l'Etat juge inutiles et coûteux à entretenir
09:42sont donc mis en vente.
09:45Mais parfois, France Domaine se heurte à des obstacles.
09:49Arrêtons-nous sur la case de la vieille intendance, à Montpellier.
09:53Le jardin des plantes
10:00Depuis le Moyen-Âge, les sciences naturelles et médicales
10:04font partie de l'histoire de la ville.
10:07La faculté de médecine et ses jardins sont les emblèmes du patrimoine de la cité.
10:13Dans le centre historique de la ville,
10:16voici le jardin des plantes, le plus vieux jardin botanique de France.
10:20Mitoyen, le jardin de la Reine.
10:25Et entre les deux, cette bâtisse du XVIe siècle,
10:29la vieille intendance, inscrite au titre des monuments historiques.
10:36Mais en 2013, France Domaine met en vente la vieille intendance,
10:40ainsi que le jardin de la Reine.
10:50Ces trois Montpellierains se mobilisent,
10:53créent une association et parviennent à convaincre la mairie d'acheter le jardin.
10:58En échange, ils doivent l'entretenir.
11:04Là, on se trouve au bout du jardin de la Reine,
11:07qui est la parcelle qu'on a sauvée l'an dernier de la vente,
11:11face au bâtiment de l'intendance,
11:14qui est l'ancien bâtiment de direction du jardin des plantes de Montpellier,
11:17qui est le bâtiment que l'Etat veut continuer à vendre.
11:24Mais cette fois, la mairie a déclaré forfait.
11:28Trop cher pour elle.
11:32Tout cet espace, le jardin des plantes et le jardin de la Reine,
11:36c'est un énorme pan du patrimoine de la ville.
11:39C'est l'histoire de la ville qui s'est construite ici.
11:42Montpellier s'est construit par ses universités.
11:44Et là, c'est le jardin botanique.
11:47C'était l'endroit où se réunissaient la médecine et la botanique.
11:50Et ce périmètre-là, il est hors de question pour nous
11:53qu'il devienne un périmètre privatisé.
11:57A l'abandon depuis 5 ans,
12:00la vieille intendance est estimée à près d'un million d'euros.
12:03Plus de 3600 personnes ont signé la pétition pour stopper la vente.
12:08C'est complètement aberrant.
12:11Ici, dans le quartier, ils ont vendu beaucoup de biens.
12:14Des marchands de biens qui, eux, font fructifier ce patrimoine,
12:17le louent et récupèrent leur mise de départ en 5 ans.
12:21Pourquoi est-ce que nous, on paye l'administration des domaines
12:24à faire des enchères alors qu'on pourrait les payer à gérer les biens,
12:27à les louer, à faire en sorte qu'ils soient productifs
12:30et que l'Etat gagne de l'argent ?
12:33L'association n'a pas dit son dernier mot.
12:36Cet après-midi, ses membres ont un rendez-vous très important.
12:40L'avenir de la vieille intendance est en jeu.
12:44Après 3 mois d'attente,
12:47ils ont enfin décroché un entretien avec le préfet.
12:59Le préfet représente les intérêts de France Domaine dans la région.
13:03Il faut le convaincre de renoncer à la vente.
13:06Et ce n'est pas gagné.
13:09L'important étant pour nous que ce bâtiment ne sorte pas du domaine public.
13:12On ne vend pas le plus vieux jardin botanique de France,
13:15un petit morceau, un coup de Jardin de la Reine, le lendemain.
13:18Moi, je vous parle en tant que citoyen habitant du quartier.
13:20Tous les jours, j'ai des gens qui viennent me raconter des histoires
13:23de leur vie vécue dans ce jardin.
13:25On sait que là, ce sont passés depuis 4 siècles,
13:28l'histoire de Montpellier, un certain nombre de choses.
13:30Simplement, on ne peut pas laisser un bâtiment inemployé
13:34qui coûte, parce qu'il faut quand même l'entretenir,
13:37le gardienner, un minimum.
13:40Il est dans un très très mauvais état.
13:43Pour éviter que l'édifice ne soit privatisé,
13:46l'association a un projet.
13:48L'aménager en bâtiment d'accueil pour les visiteurs du jardin des plantes.
13:52Et là encore, ce n'est pas gagné.
13:55Si vous avez une cafétéria ou une boutique, vous pouvez...
13:59Rentabiliser.
14:01Oui, vous pouvez le rendre.
14:03Rentabiliser un bâtiment comme ça, il faut vraiment vendre des macarons.
14:09Le préfet ironise sur le projet de cafétéria
14:12et aussi sur la générosité des riverains.
14:15Quand vous ferez la quête, ils vous mettront 5 euros, 10 euros pour le plus courageux.
14:19Et puis, on aura réuni 150 euros,
14:21ce qui est quand même loin du million que nous nous attendons.
14:25C'est 1100 mètres carrés,
14:27dans un périmètre totalement monument historique,
14:30en pleine ville, à Montpellier.
14:33Ça vaut beaucoup d'argent.
14:36Le préfet est loin d'être attendri par les arguments de l'association.
14:40La vente d'un bien, c'est de l'argent pour les caisses de l'Etat.
14:45Aujourd'hui, c'est sans doute la meilleure solution.
14:49En tout cas, c'est la plus compatible, me semble-t-il,
14:52avec l'état de nos finances publiques.
14:54Et les produits qu'on tire de ces sessions
14:57nous permettent de financer d'autres choses
15:00qui sont, elles aussi, estimées nécessaires et sans doute prioritaires.
15:10À la sortie, les défenseurs du patrimoine sont abattus, mais pas vaincus.
15:15Moi, je suis un peu affligé de voir que ces gens,
15:17il n'a que son petit immeuble qu'il doit vendre son million à gratter,
15:20le reste, le jardin, l'histoire, le patrimoine, il n'en a rien à foutre.
15:24Moi, ça me brise.
15:26Ça ne veut pas dire qu'on ne va rien faire derrière,
15:29mais on ne va pas se battre pour essayer de trouver des solutions.
15:32Ils ont des visions tellement étriquées.
15:35Il y a un moment où on ne peut plus tout attendre non plus de l'Etat.
15:37S'il faut qu'on se bouge et qu'on ait une mobilisation citoyenne,
15:41on va se bouger et on aura une mobilisation citoyenne.
15:44Il y a des biens qui ne sont pas des nuits d'intérêt
15:47qui peuvent présenter des caractéristiques architecturales intéressantes
15:50reconnues éventuellement par un classement
15:53ou une inscription au monument historique,
15:55mais qui ne légitiment pas que l'État en conserve la propriété
15:58et en assume les coûts.
16:00L'État ne peut pas prendre en charge
16:02tous les bâtiments qui présentent un intérêt historique.
16:04Que deviennent ces bâtiments une fois vendus ?
16:07Avançons de quatre cases jusqu'au pavillon de la Muette.
16:17Sur les traces des rois de France,
16:19à une vingtaine de kilomètres de Versailles,
16:22au cœur de la forêt de Saint-Germain-en-Laye,
16:25voici le pavillon de la Muette.
16:28Un relais de chasse édifié pour Louis XV
16:31par le premier architecte du roi, Gabriel.
16:38La visite, c'est pour bientôt.
16:42Alors ici, on est dans le vestibule sud du pavillon de la Muette,
16:46qui donne sur la grande allée vers le château de Saint-Germain-en-Laye.
16:50C'était la première grande pièce de réception construite
16:53sous le roi Louis XV.
16:56Frédéric Journès, haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères,
17:01est le nouveau propriétaire de ce petit bijou.
17:04Voilà, donc là, on est dans la grande cuisine souterraine
17:08du pavillon de la Muette.
17:10Donc, c'était, il faut se l'imaginer, au temps des chasses.
17:14On chasse ici pendant l'hiver.
17:17Les équipages de chasse arrivent,
17:19une centaine de personnes entourant le roi.
17:22Et il faut pouvoir préparer à déjeuner pour tout cet équipage.
17:26Et donc, vous avez, c'est un petit pavillon de chasse,
17:29préparé à déjeuner pour tout cet équipage.
17:32Et donc, vous avez ces gigantesques cheminées.
17:35Il y a trois cuisines avec des cheminées un peu du même format.
17:38Elles sont très très hautes,
17:40puisque je peux rentrer dedans debout sans avoir à me baisser.
17:43Vous trouvez, avec un format un peu plus petit,
17:46exactement la même salle de cuisine au petit trianon.
17:51Propriétaire de l'Etat depuis sa construction,
17:54le pavillon de la Muette a été laissé à l'abandon pendant 30 ans,
17:57faute de moyens.
18:07Donc là, les fuites sont dégringolées à l'intérieur,
18:10ce qui a beaucoup dégradé la charpente,
18:12et donc une partie des poutres ont cédé.
18:14Frédéric Journais a acheté la Muette il y a un an,
18:17à la suite d'un appel d'offre lancé par France Domaine.
18:24Je suis venu le voir,
18:26et ensuite vous devez constituer votre dossier,
18:29rassembler toutes les pièces qu'on vous demande,
18:31déposer un chèque de banque pour 10% du montant de votre offre,
18:35c'est mis sous pli scellé,
18:37et il y a une commission d'ouverture des plis ensuite.
18:41Et c'est au plus offrant.
18:44On a été les mieux-disant.
18:48Ça m'a coûté le prix de mon appartement parisien,
18:51qui était un appartement d'un peu moins de 100 mètres carrés
18:53dans le centre de Paris.
18:55C'est accessible pour un particulier.
18:57L'ennui, c'est qu'ensuite, les travaux,
18:59il faudrait trois autres appartements.
19:01Et là, je les ai pas.
19:03Frédéric Journais ne nous révélera pas le montant exact de l'achat.
19:07Seulement celui des travaux.
19:09Plus de 2 millions d'euros,
19:11et plusieurs années de restauration.
19:15La vente du pavillon de la Muette,
19:17comme celle de la surintendance de Versailles,
19:20a exaspéré Alexandre Gadi,
19:22le défenseur du patrimoine.
19:26Là, on a affaire à un bâtiment qui dit quelque chose
19:29de l'histoire de l'État,
19:31de l'histoire de la gestion de l'État,
19:33de l'histoire de l'aménagement de ses forêts autour de Paris.
19:35Aussi, un pur chef-d'oeuvre d'architecture,
19:37parce que Gabriel est un architecte merveilleux,
19:39de légèreté, de finesse,
19:41les proportions sont toujours parfaites.
19:43À l'époque, Alexandre Gadi avait même demandé
19:46au ministre des Finances de suspendre la vente.
19:49Le problème, si vous voulez,
19:51c'est que ce sont des bâtiments qui ont été construits
19:53pour l'État, pour le roi,
19:55donc ils ont à la fois une immense valeur et pas de valeur,
19:59parce qu'on ne peut pas y évaluer le prix.
20:01Comment voulez-vous évaluer le prix de l'histoire ?
20:03C'est impossible.
20:05Vous prendrez le meilleur fonctionnaire de Bercy,
20:07le plus diplômé, le plus malin,
20:09qui peut dire le prix d'un bâtiment
20:11qui a été construit sous Louis XV
20:13par le meilleur architecte français de l'époque ?
20:15Pourtant, ce bâtiment a bien un prix.
20:17Nous avons obtenu l'acte de vente.
20:21France Domaine l'a cédé pour 803 000 euros.
20:26Si je vous dis que le pavillon de la Meute
20:28a été vendu 800 000 euros,
20:30qu'est-ce que ça vous évoque ?
20:32800 000 euros, c'est un joke, c'est la vérité ?
20:37Parce que moi, j'ignore le prix,
20:39mais 800 000 euros, c'est vrai ?
20:41803 000 euros.
20:43803 000 euros, écoutez,
20:45je peux aller rapidement demander une augmentation
20:47à mon patron, ça m'intéresse.
20:51800 000 euros, c'est-à-dire un appartement
20:53de trois pièces dans le centre de Paris.
20:56Un appartement banal.
20:58Au-delà du prix,
21:00nous avons découvert que la vente du pavillon de la Meute
21:03avait connu des rebondissements.
21:05En 2011,
21:07France Domaine demande à trois agences
21:09de l'aider à vendre ce bien.
21:11L'une d'elles est dirigée par Patrice Besse.
21:14Il est spécialisé dans les biens de prestige
21:17et a estimé la valeur de la Meute.
21:20Nous, notre conclusion de cette estimation,
21:21c'était une valeur comprise entre 1 150 000 et 1 250 000,
21:26en sachant que quand on donne des estimations comme ça,
21:29on peut avoir la chance de trouver quelqu'un
21:32qui offre même un peu plus.
21:34Cette estimation tenait compte des travaux réalisés, bien sûr.
21:37On était certains dans l'aspect là.
21:39Et d'ailleurs, quand on donne une fourchette,
21:41là, c'était une grosse fourchette, c'est 10 % d'écart
21:43entre 1 150 000 et 1 250 000.
21:45C'est-à-dire que 1 250 000, on pense pouvoir le vendre,
21:471 550 000, on sait qu'on va le vendre.
21:49Mais France Domaine décide finalement
21:52de se passer de l'aide des agences immobilières.
21:55Très mauvaise nouvelle pour Patrice Besse.
21:58On avait plus d'une centaine de clients.
22:01Voilà, tout ça.
22:04Ce sont les clients que l'on avait contactés,
22:06mais on avait évidemment des clients
22:08qui étaient prêts à faire des offres.
22:10France Domaine a vendu le pavillon de la Muette
22:13803 000 euros.
22:15Ces deux hommes étaient d'accord pour l'acheter bien plus cher.
22:17Il y a deux ans,
22:20ils étaient prêts à sacrifier leur résidence secondaire,
22:23cette bâtisse du XIXe siècle.
22:26On était prêts à vendre ici, cet endroit,
22:29pour effectivement acheter la Muette.
22:32Donc l'offre que l'on aurait faite au domaine,
22:35puisque vous savez que c'est par appel d'offres,
22:38on était prêts à monter 1,2 million, 1,3 million,
22:41en espérant que personne d'autre dépose une offre supérieure.
22:45Mais ça, c'est la règle du jeu.
22:48Si je vous dis que le pavillon de la Muette,
22:50il a été vendu 800 000 euros, qu'est-ce que ça vous fait ?
22:54C'est le prix d'un beau pavillon de banlieue au Vézinay.
22:59Vous ne vous dites pas que sur cette vente,
23:02vous auriez pu en tirer un peu plus ?
23:04Peut-être qu'on aurait pu en tirer 150 000 euros de plus,
23:07c'est possible, je ne sais pas.
23:10Mais c'est une vente sur un millier
23:12que nous avons faite en 2014.
23:15C'est 800 000 euros sur 506 millions d'euros
23:19que nous avons encaissés en 2014.
23:24On peut estimer qu'en vendant nous-mêmes sans commission,
23:27on sert aussi bien les intérêts de l'Etat, oui.
23:30Récemment, France Domaine a fait l'objet de sévères critiques.
23:35Dans ce rapport publié l'année dernière,
23:38la Cour des comptes constate...
23:39la fiabilité encore imparfaite des évaluations des prix de cession.
23:44Et le Conseil immobilier de l'Etat, sorte de comité des sages,
23:48estime, lui, que...
23:50les procédures d'évaluation actuellement en cours
23:53ne sont pas satisfaisantes.
23:57Les évaluations de France Domaine manqueraient-elles de sérieux ?
24:01Nous leur avons demandé de filmer une expertise.
24:04Ces deux fonctionnaires sont chargés de l'évaluation
24:06de ce bâtiment public situé en région parisienne.
24:10Pas grand-chose à voir avec le pavillon de la muette.
24:14Bonjour, madame Normand.
24:16Carine Didier, du service des domaines.
24:18Bonjour.
24:20La visite démarre par un entretien avec les occupants des lieux.
24:23On a vu que c'était un immeuble d'arrêt de chaussée de 4 étages,
24:27donc à usage de bureau,
24:29avec un sous-sol, c'est bien ça, usage d'archives.
24:31Voilà, c'est ça.
24:33D'accord.
24:35Les inspectrices étudient les plans
24:38avant de se lancer dans une visite technique.
24:42C'est bien...
24:44Il n'y a pas de fuite, non.
24:46C'est bien entretenu, il n'y a pas de problème.
24:51Double vitrage, PVC.
24:54Non, il n'y a pas d'air qui passe.
24:56C'est bien isolé.
24:59Sur quels critères est-ce que vous vous basez pour faire votre évaluation ?
25:02Là, on est en train d'apprécier l'état d'entretien du bien,
25:06voir comment il est entretenu.
25:09Les matériaux aussi, est-ce que c'est de la qualité ou pas ?
25:12De la vétusté, est-ce que c'est en état d'usage ?
25:15Est-ce que c'est neuf ?
25:17Est-ce qu'il y a des travaux à faire ?
25:19Est-ce qu'il y a eu des dégâts, des désordres ?
25:21Céline est fonctionnaire depuis 3 ans.
25:24À la sortie de l'école,
25:26son diplôme d'inspecteur des finances empoche.
25:28Elle choisit l'expertise immobilière publique.
25:30Quel type de biens vous avez l'habitude d'évaluer ?
25:33De tout.
25:35De tout.
25:37Des immeubles de bureaux, ça peut être des pavillons,
25:40ça peut être des appartements,
25:43des terres agricoles.
25:46Ça va vraiment de la forêt, du terrain à bâtir.
25:51C'est très varié.
25:53Des immeubles industriels, des entrepôts.
25:56C'est vraiment tout.
25:57On est polyvalent.
25:59Oui, on est polyvalent.
26:02Polyvalence pour les évaluateurs de France Domaine.
26:06Denis François travaille dans le privé.
26:09Il nous explique que la spécialisation des experts
26:12est devenue la règle.
26:14Oui, de plus en plus.
26:17Ils l'étaient un peu moins avant,
26:19mais ils le sont de plus en plus aujourd'hui.
26:21Ils ont une voire deux spécialisations,
26:23telles que le commerce, les centres commerciaux.
26:24Par exemple, les entrepôts.
26:26Les entrepôts, c'est aussi une classe d'actifs à part.
26:29Donc la même personne ne va pas faire une expertise de bureau,
26:32une expertise d'un monument historique ou d'une forêt ?
26:35En principe, non.
26:37Il y a des gens qui sont spécialisés pour ça.
26:39Alors l'État est-il un bon agent immobilier ?
26:43France Domaine a refusé que nous filmions une visite
26:46avec un client.
26:48Qu'à cela ne tienne,
26:50allons sur la case de l'homme massif.
26:51Equipé d'une caméra discrète,
26:53nous nous rendons dans un immeuble parisien
26:56que l'État a mis en vente pour plusieurs millions d'euros.
27:00Nous tombons sur un homme
27:02qui nous explique être en charge des visites.
27:22Vous avez eu des étrangers parfois ?
27:42Et vous êtes donc agent et chargé d'opérations
27:44et agent immobilier ?
27:52C'est donc un fonctionnaire sans compétence en immobilier
27:55qui est chargé de faire visiter
27:57un bien à plusieurs millions d'euros.
28:00Nous avons souhaité savoir
28:02ce que la directrice de France Domaine en pensait.
28:05Ça veut dire que tout le monde peut faire visiter
28:08même des gens qui n'ont pas une compétence commerciale ?
28:11Non, non, c'est pas tout le monde.
28:14C'est soit des représentants du service de France Domaine,
28:16soit nous nous faisons aider de prestataires,
28:18mais de prestataires dont c'est le métier,
28:19qui connaissent le bâtiment.
28:21Non, non, on ne confie pas ça.
28:23Sur le bâtiment qu'on a visité,
28:25en l'occurrence, la personne qui a fait que tu les visites
28:27n'est ni un prestataire, ni un agent de France Domaine.
28:30C'est très rare.
28:32Normalement, les personnels de France Domaine
28:34sont présents aux visites.
28:37Et là, dans ce cas-là, c'est pas le cas.
28:40Il n'y a pas d'explication.
28:43Pas d'explication.
28:45Pourtant, la visite est un des moments clés de la vente.
28:50La vente, c'est pas seulement l'estimation, l'expertise.
28:54La vente, il faut savoir vendre.
28:56On sort, nous, de l'école de commerce.
28:59On sait faire ça.
29:01On suit des formations commerciales tous les ans, etc.
29:03Donc, c'est une vraie technique, la vente.
29:05Bon, l'État n'est pas forcément le meilleur des agents.
29:08Mais au moins, ses biens sont vendus pour la bonne cause.
29:11Alléger la dette.
29:13C'est ce qu'affirmaient les hommes politiques.
29:16Le produit de ces fonds
29:17servira pour partie au désendettement de l'État.
29:20On a vendu pour 3 milliards d'euros d'immobilier.
29:22Donc, c'est important.
29:24C'est autant qu'il vient réduire la dette.
29:26Mais dans les faits, M. Woerth,
29:28ça ne se passe pas tout à fait comme ça.
29:31En 2014, l'État a vendu pour 506 millions d'euros
29:35une part de notre patrimoine.
29:37Seulement 15 %, soit 76 millions d'euros,
29:41ont servi à combler la bête.
29:47On voit bien l'argument pseudo-rationnel de Bercy,
29:52qui consiste à dire qu'il n'y a plus d'argent.
29:54Donc, on vend.
29:56Mais qu'est-ce qu'on ramasse comme argent
29:58avec des bâtiments comme ça ?
30:00C'est un peu comme vider la mer avec une petite cuillère.
30:02C'est que là, quand même, le rapport d'échelle est tellement distendu
30:04qu'on ne voit pas très bien la logique de tout ça.
30:07Pas très logique non plus pour la Cour des comptes.
30:10Dans ce rapport publié en 2014, elle souligne
30:13Une contribution au désendettement insuffisante.
30:18Alors, à qui profitent les ventes ?
30:21Surtout, aux ministères.
30:24Deux d'entre eux sont particulièrement bien lotis.
30:27La Défense et les Affaires étrangères.
30:32Le Quai d'Orsay est à la tête d'un parc immobilier
30:35de plus de 1 000 biens, sur tous les continents.
30:38Des ambassades, des résidences, des bureaux.
30:43Au total, 1 692 biens.
30:47L'année dernière, une vente a fait la une.
30:53La résidence de l'ambassadeur français
30:56auprès des Nations Unies à New York.
30:59Un duplex situé sur Parc Avenue,
31:02à deux pas de Central Park.
31:0418 pièces, dont 6 chambres et 2 salons,
31:07achetées par un milliardaire américain.
31:10Prix de la transaction ?
31:1293 millions d'euros.
31:14Une belle plus-value pour un bien acquis
31:17il y a 35 ans.
31:22Mais le Quai d'Orsay fait-il toujours de belles affaires ?
31:26Déplaçons-nous sur la case résidence du consul de Hong Kong.
31:31La vente de ce bien a fait polémique.
31:36Cette mégapole est la plus riche de Chine.
31:39Elle compte 7 millions d'habitants.
31:42Ici, le mètre carré atteint des sommets,
31:44pour le plus grand bonheur des agents immobiliers.
31:49Louis Ho est spécialisé dans les transactions haut de gamme
31:52situées sur le Pic,
31:54la colline la plus prisée de la ville.
32:00Ça, c'est la zone du Pic.
32:02C'est ici qu'on trouve les plus belles maisons.
32:04Et de l'autre côté de la colline,
32:06il y a aussi des maisons de luxe.
32:14Voici par exemple deux petites maisons assez chères.
32:17Elles coûtent entre 12 et 20 millions d'euros.
32:20Ce sont des petits cottages avec piscine.
32:26Prix moyen du mètre carré sur le Pic,
32:28110 000 euros,
32:3010 fois plus cher qu'à Paris.
32:33Pour se rendre dans cette zone très prisée,
32:35le mieux est de prendre le tram et grimper.
32:38Et plus on monte, plus c'est cher.
32:41C'est au sommet que se trouvait
32:42la résidence consulaire de France,
32:44avec vue imprenable sur la baie.
32:47Vendue 51 millions d'euros
32:49à un fonds d'investissement chinois.
32:54Au premier abord, une très belle vente.
32:58Mais ce n'est pas la vie de Francis Nizet.
33:02Élu à l'Assemblée des Français de l'étranger,
33:05il défend les intérêts de nos ressortissants en Asie.
33:13Voilà ce qu'il reste de cette résidence de France.
33:20Il y a encore deux ans,
33:22c'est ici, dans cette villa du 19e siècle,
33:24que résidait le consul,
33:26le plus haut représentant de la France à Hong Kong.
33:29Aujourd'hui, la résidence est en travaux.
33:32Moi, je suis venu une bonne vingtaine de fois, on va dire.
33:35Pour exemple, monsieur Delannoye est passé en mission ici.
33:39Tous les ministres d'affaires étrangères, monsieur Juppé,
33:41c'est certainement là que se sont conclus un certain nombre d'accords
33:44entre les deux gouvernements.
33:46Mais c'est aussi une vitrine
33:48de l'excellence et du prestige français.
33:52Une fois la vente conclue,
33:54au lieu de déménager,
33:56le consul continue d'habiter la résidence.
33:58Il en devient locataire,
34:00loyer mensuel 28 000 euros.
34:05Il me semble que c'était une opération
34:07qui aurait dû être réfléchie peut-être un petit peu plus.
34:09Le consul a été forcé de résider encore
34:12et de louer encore à des prix quand même assez élevés
34:16pendant deux ans cette résidence qui ne lui appartenait plus.
34:19Donc on se retrouve locataire,
34:21après avoir été propriétaire de la plus belle,
34:24du plus beau site diplomatique de Hong Kong et peut-être du monde.
34:28Au bout de deux ans et de 680 000 euros de loyer,
34:32le consul finit par déménager dans cette maison,
34:35elle aussi en location, mais moins chère.
34:39Nous avons fait plusieurs demandes d'interview
34:42au ministère des Affaires étrangères.
34:44Toutes ont été refusées.
34:46Mais nous avons reçu ce mail.
34:49Ce bien aurait nécessité d'importants travaux
34:52si la France en était restée propriétaire.
34:56Le mail précise qu'un peu plus d'un tiers du produit de la vente
34:59est destiné à...
35:01acquérir de nouveaux locaux pour le consulat général à Shanghai.
35:05À Paris, pour le président du Conseil immobilier de l'État,
35:09l'histoire de la résidence du consulat Hong Kong
35:12n'est pas une exception.
35:14Quand on voit ce qui se passe sur le terrain,
35:17comment on utilise aussi mal d'argent de l'État,
35:21eh bien, on a effectivement des progrès à faire.
35:25Donc pour moi, je ne suis pas satisfait
35:28comme président du Conseil immobilier de l'État,
35:31comme rapporteur du Bloc québécois,
35:34du budget de l'immobilier de l'État,
35:37je ne suis pas satisfait de la gestion de cet immobilier.
35:41Et qu'en est-il pour l'autre grand ministère ?
35:46La Défense.
35:48Elle dispose de tout type de biens,
35:51parfois insolites.
35:53Des châteaux, des casernes, des aérodromes,
35:57des sous à carburant ou même des forts.
36:00Chavagnac, par exemple,
36:02situé face à la ville de Cherbourg dans la Manche,
36:05a été mis en vente il y a 8 ans.
36:08Mais faute de repreneur,
36:10il est aujourd'hui à l'abandon.
36:17La vente de ces biens est un vrai casse-tête pour l'État
36:21et pour l'homme en charge de l'immobilier au ministère,
36:25Jean-Paul Baudin.
36:27La principale difficulté, je crois,
36:30c'est la taille des emprises que nous cédons.
36:33Par exemple,
36:35quand on décide la fermeture de la base aérienne de Reims,
36:39on se retrouve avec une emprise
36:42qui fait plusieurs centaines d'hectares,
36:45répartie sur plusieurs communes.
36:48Nous avons demandé au ministère de la Défense
36:51de nous faire visiter un de ces biens si compliqués.
36:53Le rendez-vous est pris en Vendée.
36:58En 2009, dans le centre de Fontenay-le-Comte,
37:02le ministère de la Défense met en vente
37:05une caserne du XIXe siècle,
37:07la caserne Béliard,
37:09et ses écuries à l'architecture exceptionnelle.
37:24Ce qui tape à l'oeil quand on rentre dans cette cour du quartier Béliard,
37:29c'est la forme de ces écuries,
37:32qui a en fait une forme de U.
37:34Vu du ciel, c'est particulièrement intéressant à regarder,
37:37puisque les écuries prennent la forme d'un fer à cheval.
37:41Et cette forme, justement,
37:43est l'une des particularités du quartier Béliard,
37:46puisque c'est ce qui en fait son classement au patrimoine historique.
37:49Malgré la splendeur du lieu,
37:51en six ans, le ministère n'a reçu aucune offre.
37:54D'autant que le futur acquéreur
37:56devra débourser des millions d'euros
37:58pour réhabiliter ce site de deux hectares.
38:04Alors ici, on arrive au grenier du site du quartier Béliard,
38:09et c'est l'un des lieux, je dirais, les plus atypiques du quartier,
38:12puisque cette charpente est classée monument historique,
38:15à savoir que le prochain acquéreur,
38:16ne pourra pas y toucher.
38:18Ces atouts peuvent vite devenir des contraintes
38:21aux yeux des acheteurs potentiels.
38:23Au ministère, on ne voit qu'une solution.
38:26La meilleure solution, c'est qu'il y ait,
38:31de la part de la commune,
38:35la conception d'un projet autour de ce bâtiment.
38:39Il y a une partie du bâtiment
38:41qui pourrait s'inscrire dans un projet public,
38:43collectif.
38:45Le problème, c'est qu'il faut toujours des ressources pour faire cela.
38:47Les biens qui rassemblent toutes ces difficultés,
38:49on peut se dire qu'ils sont quasiment invendables.
38:52Pas forcément invendables,
38:54mais ils nécessitent du temps,
38:57des études, de l'accompagnement.
39:00Ils ne peuvent être réutilisés et vendus
39:03que s'il y a un fort engagement des collectivités territoriales.
39:07Mais à fond tenir le compte,
39:09la mairie, faute de moyens,
39:10ne souhaite pas en avoir la charge.
39:13La caserne Béliard,
39:15une épine dans le pied du ministère.
39:17En attendant,
39:19le bâtiment laissé à l'abandon se dégrade
39:22et perd chaque jour un peu plus de sa valeur.
39:26Mais tous les biens de la Défense
39:28ne sont pas difficiles à vendre.
39:30L'année dernière,
39:32elle a réalisé la plus grosse cession de l'Etat.
39:35Déplaçons-nous sur la case Pentemont-Bellechasse.
39:37Un site d'exception situé à Paris,
39:40dans le 7e arrondissement.
39:4312 500 m2 vendus par le ministère de la Défense.
39:47Cette ancienne abbaye du XIIIe siècle
39:50abritait les bureaux du secrétariat d'Etat
39:53chargé des anciens combattants.
39:55Montant de la transaction,
39:57137 millions d'euros.
39:59Mais sur cette belle vente,
40:01combien ira au désendettement de l'Etat ?
40:04Pas un centime.
40:06Pourquoi ?
40:08Car le ministère de la Défense
40:10bénéficie d'un traitement à part.
40:12A chaque cession,
40:14il empoche 100 % de la mise.
40:16Pour Nathalie Morin,
40:18cette exemption est justifiée.
40:20D'abord, c'est le législateur qui l'a décidé.
40:23C'est prévu par la loi de programmation militaire.
40:27Et le ministère de la Défense
40:29bénéficie de retours de cette cession.
40:30Pour pouvoir financer des infrastructures.
40:32Mais dans son rapport,
40:34la Cour des comptes regrette
40:36que pas un centime du produit des ventes
40:38n'ayait la dette.
40:40Les exemptions dont bénéficie
40:42le ministère de la Défense
40:44continuent à peser négativement
40:46sur la contribution au désendettement.
40:50Elle préconise même de...
40:52mettre fin aux dérogations
40:54accordées au ministère des Affaires étrangères
40:57et de la Défense.
40:59Mais pour le ministère,
41:01quand les budgets sont serrés,
41:03il faut bien trouver des solutions.
41:06La Cour des comptes a peut-être
41:08critiqué à plusieurs reprises,
41:10mais elle a aussi constaté
41:12que le ministère de la Défense
41:14avait des difficultés financières
41:16à réaliser les lois de programmation militaire.
41:18Donc, tout cela s'apprécie.
41:21Les rapports se lisent les uns après les autres.
41:23Il faut en tirer un certain nombre de conclusions.
41:25Nous, la Cour des comptes,
41:26nous avons besoin de 100 %
41:28de nos produits de cession
41:30et nous sommes ravis
41:32que le président de la République
41:34et le Parlement aient retenu
41:36la même orientation.
41:38Est-ce qu'il est sain
41:40qu'un ministère
41:42comme le ministère de la Défense,
41:44avec les mesures
41:46qui sont à prendre,
41:48avec les opérations extérieures
41:50qui se mènent,
41:52voit son budget
41:54sur plusieurs années
41:56dépendre
41:58du produit de la vente ?
42:00Je dis non.
42:02Malgré les désaccords,
42:04le ministère de la Défense
42:06a empoché les 137 millions de la vente
42:08du site de Panteron-Belchasse.
42:10Reste une dernière question.
42:12Qui a donc les moyens
42:14d'acquérir un bien
42:16pour un tel montant ?
42:18L'Acheteur est une société
42:20spécialisée dans l'achat d'immeubles
42:22située dans les beaux quartiers
42:24de la capitale.
42:26C'est la foncière
42:28des 6e et 7e arrondissements de Paris.
42:30Ce spécialiste
42:32de l'immobilier public
42:34la connaît bien.
42:36De qui se compose
42:38cette foncière ?
42:40Essentiellement des groupes
42:42d'assurance, des gens qui ont
42:44beaucoup de liquidités,
42:46qui ont besoin de les placer,
42:48d'avoir un retour relativement
42:50garanti sur investissement.
42:52Nous avons cherché
42:54à contacter la foncière.
42:56Et je suis toujours sans réponse.
42:58Je voulais savoir ce qu'il en était.
43:01Je n'ai pas du tout
43:03d'informations à ce sujet,
43:05madame, je suis désolée.
43:07Et vous pensez que vous allez
43:09pouvoir revenir vers moi ?
43:11Je n'en ai aucune idée, madame.
43:13La foncière ne nous a jamais rappelés.
43:15Nous avons donc sollicité
43:17ses actionnaires
43:19de grands groupes d'assurance.
43:21Covea,
43:23le Crédit Mutuel Vie
43:24de France.
43:26Personne n'a souhaité nous répondre.
43:29Spécialisée dans la revente
43:31de biens de prestige,
43:33en 10 ans,
43:35la foncière a acquis
43:37près de 360 millions d'euros
43:39de biens publics d'exception.
43:41Cette foncière fait
43:43de l'acquisition de biens.
43:45Après avoir acquis les biens,
43:47elle les remet en état
43:49pour une exploitation commerciale
43:51ou privative.
43:52Et ça, France Domaine ne sait pas le faire.
43:54Elle n'a pas le carnet d'adresse,
43:56elle n'a pas la fibre commerciale
43:58qui permet d'aller chercher le client
44:00là où il est,
44:02le client pour un immeuble éventuellement de prestige,
44:04les capacités de pouvoir le remettre en état
44:06et le vendre à un meilleur prix.
44:08Ça, France Domaine ne sait pas le faire
44:10et la foncière du 6e, 7e sait parfaitement le faire.
44:12En 2006,
44:14la société achète cet immeuble à France Domaine,
44:1631 millions d'euros,
44:18et le revend plus du double en 2011
44:20à la République d'Azerbaïdjan.
44:23Montant de la plus-value après rénovation,
44:2514,8 millions d'euros.
44:28Mais alors, pourquoi l'Etat
44:30ne restaure-t-il pas ces biens de prestige
44:32pour les vendre à un meilleur prix ?
44:37Nous ne sommes pas une foncière.
44:39Nous n'avons pas les compétences juridiques
44:42et pas les moyens budgétaires
44:44de conduire des opérations
44:46de restructuration massive
44:48pour ensuite revendre.
44:50Ce sont donc d'autres sociétés
44:52et d'autres acteurs qui le font.
44:54Ils investissent, ils prennent un risque,
44:56ils tirent une plus-value.
44:58C'est la loi du marché.
45:00Il n'y a strictement rien à dire.
45:02On fait le choix de vendre les biens
45:04dont on n'a pas d'utilité.
45:06On ne fait pas le choix
45:08de les restructurer,
45:10ce qui supposerait évidemment d'investir.
45:12Dans le contexte budgétaire actuel,
45:14ce n'est pas un choix qui est pertinent.
45:17En 2015,
45:19l'Etat devrait mettre en vente
45:207 bâtiments qui abritent des bureaux
45:22du ministère de la Défense.
45:25Plusieurs dizaines de milliers
45:27de mètres carrés à rénover
45:29dans Lilo-Saint-Germain,
45:31près des Invalides.
45:33Et de belles plus-values
45:35pour les futurs investisseurs.
45:37Le malheur des uns
45:39fait souvent le bonheur des autres.
45:50Sous-titrage Société Radio-Canada