Jeudi 26 septembre 2024, SMART TECH reçoit Véronique Torner (présidente, Numeum) , Baptiste Robert (fondateur, Predictalab) , Adrien Basdevant (avocat spécialisé en droit des nouvelles technologies, Entropy) et Philippe Le Grand (président, InfraNum)
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00:00C'est parti pour le grand débrief. Cette semaine autour de la table pour débattre de ce qui agite la tech. Véronique Turner, bonjour.
00:11Bonjour. Présidente de Numéum, premier syndicat des entreprises numériques en France. Merci beaucoup d'être avec nous.
00:17Philippe Legrand, président d'Infranum, encore notre organisation incontournable, fédération française professionnelle du secteur des infras, des télécoms.
00:27Et puis un avocat, Adrien Badevent, qui est spécialisé en droit des nouvelles technologies au cabinet Entropy et qui a travaillé notamment sur un rapport
00:37d'émissions dont on avait parlé ensemble sur les métavères. Bienvenue à tous. Je vais vous parler de nos sujets. Vous allez pouvoir donner vos points de vue
00:45sur l'ensemble d'entre eux. Clara Chappaz, d'abord notre nouvelle ministre. Je vais vous demander ce que vous pensez de cette annonce.
00:54Tout le monde dit que l'écosystème de la tech est super emballé, super content. On va voir ça. On va aussi parler des dessous tech, de l'attaque massive de Bipper.
01:03On sera connecté pour ça avec le hacker expert en cybersécurité Baptiste Robert. Et puis autre sujet qui nous agite, c'est la fermeture du cuivre.
01:12Parce que oui, ça y est, là, on est vraiment dedans avec les problèmes très concrets qui commencent à se présenter. Donc voilà pour nos sujets.
01:19Alors on commence avec Mme Clara Chappaz, nommée secrétaire d'État à l'intelligence artificielle et au numérique dans ce tout jeune gouvernement barnier.
01:29Alors je voulais déjà savoir comme ça quand vous avez appris la nouvelle. D'abord, est-ce que vous étiez dans les confidences, surpris ou non?
01:37Et puis comment vous l'avez accueilli cette nomination, Véronique? Alors nous, on est très content parce que Clara, on la connaît bien.
01:44On travaillait avec elle quand elle avait précédemment, elle était à la mission French Tech. Elle a fait un bon boulot.
01:49Notamment, on a travaillé ensemble sur Je choisis la French Tech, qui a été un gros programme qui a été porté depuis un an.
01:56On s'est beaucoup mobilisé à ses côtés. Et puis, on a une commission start-up qui est importante chez Numéom et donc qui est très corrélée et très connectée.
02:04Clara porte des valeurs qui me sont chères. On est aligné toutes les deux sur les sujets de numérique responsable, la féminisation du secteur.
02:12Donc, c'est des sujets qui sont importants et je suis sûre qu'on fera du bon boulot ensemble.
02:16Donc, ex-directrice de la mission French Tech, ça veut dire que le gouvernement lui avait déjà confié cette mission de soutien à l'écosystème français.
02:26Là, elle passe quand même à la vitesse supérieure avec un portefeuille qui, en plus, inclut la notion d'intelligence artificielle.
02:35Oui, tout à fait. Alors, on peut saluer déjà le fait que cette personne, Clara Chappaz, bénéficie de la reconnaissance de l'ensemble du secteur,
02:45de la French Tech notamment, avec où elle a excellé dans ses missions et elle est très reconnue et très appréciée.
02:51Nous, ce qui nous a émus dans la composition de ce gouvernement, c'est l'absence des infrastructures numériques en tant que telles
02:58et le rattachement de cette secrétaire d'Etat, l'intelligence artificielle et au numérique, au ministère de l'Enseignement et de la Recherche.
03:06Alors, quand vous dites qu'il n'y a pas d'infrastructure, je ne sais pas. Parce que moi, déjà, quand je vois IA et numérique, je me dis que l'IA, c'est quand même dans le numérique.
03:13Et dans le numérique, il pourrait y avoir des infrastructures quand même.
03:15L'IA est dans le numérique et dans le numérique, il pourrait y avoir des infrastructures. On s'oriente quand même vers une décomposition.
03:19Et à la rigueur, cette clarification nous convient. L'émotion vient du fait qu'on était oubliés dans les termes.
03:27Maintenant, si nous sommes rattachés à l'industrie, or il semble que ce soit l'orientation qui soit prise, ça nous ira très bien.
03:34De quelle manière ? Avec qui ? À travers qui ?
03:36Avec Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie. Ça semble s'orienter comme cela. On va bien regarder les décrets d'attribution.
03:43Mais ça ira très bien. En tout cas, en tant que business angel, je suis très heureux que Clara Chapaz hérite de ce portefeuille.
03:49Et je suis sûr qu'elle sera à la hauteur de cette mission-là.
03:53Maintenant, nous, sur les infrastructures numériques, on a besoin des enjeux. Enfin, sans vouloir minimiser tout le reste,
03:58Infranium, c'est 75 milliards d'euros de chiffre d'affaires. C'est des centaines, dont 35 milliards à l'étranger.
04:03C'est des centaines de milliers d'emplois. On voudrait juste ne pas être oubliés et quand même exister dans le paysage
04:07parce qu'il y a des arbitrages très importants pour notre filière, mais aussi pour les Français.
04:11Car ce que nous faisons aujourd'hui a un impact concret sur les Français, sur les entreprises, sur le développement économique, sur les solidarités.
04:17Donc, il faut absolument qu'on soit pris en compte.
04:19Alors maintenant, tous mes voeux de bonheur et de réussite à Clara Chapaz et je suis très heureux de cette nomination.
04:24On parle de ministre compétent plutôt que de ministre politique.
04:27Ça ne veut pas dire que les politiques sont incompétents, mais c'est une connaisseuse des sujets et on a besoin de ça.
04:31Donc, c'est très bien.
04:32Oui, c'est vrai que là, on revient à un profil vraiment issu du secteur.
04:37Adrien ?
04:38C'est une nomination qui est très bien accueillie, on l'entend.
04:41Il y a aussi un lien avec la recherche et avec l'enseignement.
04:44On essaie de faire le lien avec la deep tech parce qu'on sait qu'en France, on a besoin aussi de faire cette connexion.
04:49Il y a de plus en plus de belles scale-up qui sont fondées par des chercheurs.
04:52Donc ça, on peut s'en féliciter.
04:54Ensuite, la vraie question opérationnelle, ça va être le lien avec la direction générale des entreprises, la DGE.
04:59Comme on le sait, la DGE est à Bercy.
05:01Elle a un rôle clé central qu'il faut supporter, que ce soit dans la négociation du règlement sur l'intelligence artificielle,
05:08que ce soit dans le plan de financement de France 2030.
05:11Aujourd'hui, si le secrétariat d'État à l'intelligence artificielle et numérique ne peut pas bénéficier du support de la DGE,
05:21on risque d'avoir des décalages.
05:23C'est un point qu'il faut suivre de près.
05:25Sur l'aspect plus intelligence artificielle, c'est sûr que c'est un sujet qui est très important.
05:31En France, on a le sommet pour l'action sur l'IA qui arrive en février.
05:35Ce sommet, par contre, il est piloté par l'Élysée, donc pas par le secrétariat d'État au numérique.
05:39Il y a un autre aspect, c'est que le sujet de l'IA est au niveau européen, surtout.
05:44Au niveau européen, par exemple, le comité de l'IA qui a été créé par le règlement européen sur l'IA,
05:50il y a des représentants de chaque État membre qui y siègent.
05:53C'est le président, le directeur de la DGE qui y siège.
05:56Il a besoin de beaucoup de support là-dessus.
05:59C'est un rôle très important, central.
06:01Encore une fois, s'il n'y a pas une connexité et un lien très fort entre le secrétariat d'État et la DGE,
06:06on risque de ne pas avoir le même impact.
06:08Donc, il faut bien suivre les décrets d'attribution.
06:10Ce sommet sur l'IA, ça va quand même être l'occasion pour Clara Chappaz d'affirmer sa position sur ces sujets.
06:16C'est clair. Je vais juste revenir, parce que c'est un point qui est important.
06:19C'est vrai que dans l'annonce, on est très content que ce soit Clara.
06:21Après, c'est vrai qu'il y a quand même un peu d'inquiétude sur le rattachement,
06:27non pas parce que ce n'est pas important d'être attaché au sujet des compétences et de l'enseignement de la recherche.
06:33Ça a été clairement là exprimé.
06:36L'enseignement, c'est toute la formation.
06:38Toute la formation et les compétences.
06:40Et on sait qu'aujourd'hui, c'est un plafond de fer qui a craqué.
06:42On manque de compétences.
06:44Ce sont des signaux qui sont positifs.
06:46Néanmoins, il faut quand même dire que je crois que c'est très important.
06:49Le numérique, c'est une composante majeure de notre économie.
06:52Le rapport de Raghi qui est sorti à la fin de l'été l'a vraiment indiqué
06:58en montrant que l'innovation et le numérique sont des moteurs de main de notre croissance,
07:02de notre compétitivité, de notre productivité.
07:04Et donc ça, il faut être vigilant.
07:06Mais je crois honnêtement qu'au niveau de la DGE et puis je pense du gouvernement
07:10qu'il y a cette sensibilité.
07:12Ce qui est sûr, c'est qu'il ne faudra pas qu'il sorte du portefeuille de Bercy.
07:14Les ministres de Bercy doivent s'intéresser au sujet du numérique.
07:17C'est un sujet qui est stratégique pour la France et l'Europe.
07:20Donc il y a ce sujet d'IA avec ce sommet.
07:23Évidemment, dans les premiers dossiers que va adresser Clara,
07:26il y aura forcément ce sujet du sommet et l'organisation avec l'écosystème.
07:31Il y aura des sujets qui sont un peu plus techniques de régulation.
07:34Il y a NIS 2 qui arrive, donc il y aura ces sujets un peu techniques.
07:38Pareil sur la transposition, en tout cas la préface au Data Act.
07:44Il y a des sujets aussi de discussion, de projet de loi avec la loi SREN.
07:48Donc il y a des sujets assez techniques et un sujet qui va être beaucoup plus médiatique
07:52qui sera en fait le sujet de l'IA.
07:54Mais c'est vrai qu'il y a ce détachement de Bercy qui est perturbant
07:59et puis la disparition aussi de la souveraineté numérique
08:03au moment où en plus on perd un commissaire européen
08:07qui portait vraiment ce sujet, Thierry Breton.
08:10C'est une inquiétude ça aussi, Philippe ?
08:12Je pense que la terminologie est importante.
08:15Je viens de le rappeler.
08:17J'imagine quand même qu'on ne peut pas oublier ce thème-là qui est central.
08:22On ne peut pas non plus vouloir s'engager massivement dans l'intelligence artificielle
08:26sans affirmer par cette simple volonté, cette volonté de souveraineté bien sûr.
08:32Et c'est quelque chose sur lequel il faut être très très vigilant.
08:35Il faut que cette souveraineté soit pensée avec humilité aussi.
08:39On a d'autres thèmes, d'autres sujets où la place de la France se heurte à un plafond de verre
08:45et il faut penser plutôt européen, y compris sur la scalabilité de nos entreprises
08:49de façon à réussir à peser dans cet écosystème mondial.
08:53Est-ce qu'on attendait quelque chose du côté de la cyber ?
08:56Moi j'attendais quelque chose du côté de la cybersécurité
08:59qui est aussi un enjeu majeur aujourd'hui dans le monde du numérique.
09:02Qui va porter ça ?
09:04Alors évidemment qu'à l'intérieur on s'en occupe.
09:07Ça devrait être dans le portefeuille de Clara.
09:10Moi je pense que quand on met IA et numérique, le numérique embrasse quand même ses sujets.
09:15Ce que je disais tout à l'heure, un des premiers chantiers c'est sur Nice 2.
09:19C'est un des sujets techniques mais elle va devoir s'intéresser à cette transposition,
09:24au déploiement auprès de nos entreprises de cette réglementation.
09:28Parce que ça c'est quand même le gros sujet à venir, Nice 2.
09:31Tout à fait. Il y a plusieurs sujets mais c'est vrai que je pense qu'il y a un effet un peu marketing d'avoir sorti l'IA.
09:37A chaque fois il y avait souveraineté, on avait transition.
09:41Je pense qu'il ne faut pas non plus après trop intellectualiser le titre.
09:45Je pense que ce sera intéressant derrière rapidement de voir sa feuille de route.
09:49Comment tout ça s'articule avec le reste du gouvernement et quel poids ça va avoir dans le gouvernement.
09:54Moi la petite inquiétude c'est que je trouve quand même aujourd'hui encore,
09:58ça ne donne pas un signal comme quand on a bien compris en France que le numérique c'est un sujet hautement stratégique.
10:03Oui parce que ça c'est l'émotion. Il y a eu la satisfaction puis l'émotion déception j'ai envie de dire
10:09avec l'arrivée du nom de Clara Chappaz à la toute fin de la liste protocolaire.
10:15Oui je rappelle que Jean-Noël Barraud était ministre délégué.
10:19Après on est passé à secrétaire d'Etat et maintenant secrétaire d'Etat rattaché à la recherche et au 40e rang.
10:24Mais peu importe les gens, les hommes, les femmes font le succès de notre pays.
10:30On peut espérer qu'elle mettra toute son énergie à défendre les intérêts français.
10:36Et on peut espérer également que le ministère de l'Industrie défendra les infrastructures numériques hautement.
10:41Quand vous avez travaillé sur ce rapport de mission Adrien,
10:46vous avez vu comment le politique aussi envisage ces sujets du numérique.
10:50Vous avez le sentiment quand même que c'est un sujet qui est pris au sérieux ?
10:53En fait les intitulés pour moi n'ont peu d'importance.
10:56La question c'est opérationnellement comment on va les déployer.
10:59Le numérique c'est tellement transversal qu'il pourrait d'une part avoir un ministère numérique en tant que tel.
11:05C'est beaucoup de personnes qui disent ça.
11:06Mais il pourrait aussi ne pas en avoir du tout.
11:08Puisque finalement il est intégré aussi bien dans l'industrie qu'à l'intérieur, que dans la recherche.
11:13L'environnement c'est extrêmement transversal.
11:16Lorsqu'on avait été commissionné par exemple sur le rapport sur les technologies immersives,
11:25et ce qu'on appelle de manière marketing les métavers, c'était trois ministres.
11:31Il y avait la culture, il y avait Bercy et il y avait le numérique.
11:35Et c'est intéressant puisqu'en fait on a des enjeux.
11:37En France par exemple on est à la fois le pays de l'exception culturelle,
11:40on a aussi Station F, il faut savoir comment concilier différents écosystèmes.
11:43Donc il y a des discussions qui sont nécessairement transministérielles.
11:48Mais il y a un moment, la question c'est, comme Véronique l'a rappelé,
11:52comment voir le numérique comme un sujet de société ?
11:54Ce n'est pas seulement une matière technique.
11:56Ce sont des questions démocratiques.
11:58Et moi plus que l'intitulé, qui est marqué souveraineté numérique,
12:02qui est marqué intelligence artificielle,
12:04qui sont des mots qui sont assez ambivalents et pas mal galvaudés par ailleurs,
12:06ça a peu d'importance.
12:08Je pense que ce qui est important c'est la feuille de route,
12:10et c'est qu'est-ce qu'on va prioriser,
12:12et quels moyens on va faire pour déployer cette feuille de route,
12:14pour promouvoir l'innovation tout en encadrant un écosystème.
12:18On l'attend, on l'attend la feuille de route.
12:20Alors en attendant, on va passer à un autre sujet.
12:23La fin du réseau cuivre.
12:25Donc vous restez avec nous Véronique ?
12:27Je vous laisse.
12:28Pour le cuivre aussi, pour les infrastructures ?
12:30Oui.
12:31D'accord.
12:32A plus tard.
12:33A plus tard Véronique.
12:34Donc fin du réseau cuivre.
12:36Peut-être nous refaire un petit point d'étape,
12:38je compte sur vous là-dessus Philippe.
12:40On en est où exactement ?
12:42Parce que ce réseau cuivre porte aujourd'hui quand même encore des abonnements à internet,
12:48dans des foyers français,
12:50et puis aussi dans des entreprises.
12:52Il porte aussi des services assez essentiels qu'on utilise au quotidien,
12:56et pourtant ce réseau va être éteint.
12:58Et c'est tout le challenge de cette fermeture du réseau cuivre.
13:02Alors on en est où ?
13:03Déjà il faut distinguer deux étapes,
13:05la fermeture commerciale et la fermeture technique,
13:07même trois étapes pardon,
13:08et enfin le démontage bien entendu de ce réseau.
13:10La fermeture commerciale, c'est le fait de dire qu'à un moment donné,
13:13plus personne ne pourra souscrire un nouvel abonnement en cuivre.
13:16Si tenter que les personnes éligibles à la fibre souhaitent encore se raccorder au cuivre,
13:22ça ne sera plus possible à partir du 31 janvier 2026.
13:25Plus personne en France ne sera en situation de commander un service supporté par le cuivre.
13:32Donc ça c'est la fermeture commerciale.
13:34Et cette fermeture commerciale, elle est progressive,
13:37pour arriver jusqu'au 31 janvier avec une fermeture totale en France.
13:41La fermeture technique, elle est beaucoup plus complexe.
13:45Fermeture technique, c'est on coupe le service.
13:47On vous dit ça y est c'est terminé.
13:49Alors évidemment il y a quelque chose de très responsable qui est organisé
13:53pour que les services puissent migrer sur les autres supports technologiques,
13:56dont principalement bien entendu la fibre qui, je le rappelle aujourd'hui,
13:59est déployée à plus de 80% en France.
14:01Et cette fermeture technique a été expérimentée avec des phases,
14:07d'abord modestes et puis un peu plus importantes.
14:10On est maintenant à 11 700 foyers et entreprises qui ont fait l'objet de ces expérimentations.
14:15Ça a plutôt très bien marché.
14:17Il y a eu des cas isolés à traiter, mais tous les cas ont été traités.
14:22Et ces expérimentations ont été satisfaisantes.
14:24Et maintenant on rentre dans les lots.
14:26Donc là on a un lot de 210 000 prises dont la fermeture technique a été annoncée.
14:32Donc on annonce la fermeture technique.
14:34On laisse tout un délai où là tous les opérateurs contactent leurs clients,
14:37leur expliquent, proposent des solutions alternatives et après on ferme.
14:40Et là le premier lot est entamé.
14:43Et ensuite on accélérera.
14:45Il y aura au total 7 lots pour arriver à partir de 2025
14:49à une fermeture de 10 millions de foyers par an.
14:52C'est là où ça va devenir corsé.
14:54Et là ça va devenir très compliqué.
14:56Alors voilà où on en est pour le point d'étape et répondre à cette question-là.
14:59D'accord. Sur ce sujet de la connectivité en France,
15:04on a toujours dit qu'on était plutôt bien lotis, très avancés,
15:07de quoi porter peut-être demain ces technologies immersives.
15:11Est-ce que vous avez des inquiétudes, vous Adrien, là-dessus,
15:15quand on vous dit on va éteindre le cuivre
15:18parce qu'on sait très bien que la fibre optique ne pourra pas arriver
15:21dans tous les foyers, 100% des foyers français, même si c'est l'objectif ?
15:24Alors c'est un sujet très technique et assez intéressant
15:27quand on va de manière granulaire comme le fait Philippe dans les détails.
15:30Et si on regarde d'un point de vue un peu macro,
15:32pour moi ça pose deux aspects.
15:34Le premier c'est le raccordement de tous les Français
15:37à, en bas de la pyramide des besoins de Maslow,
15:39juste la facilité essentielle d'avoir accès à une connectivité internet
15:43qui est peut-être le premier des besoins
15:45après la nourriture aujourd'hui au XXIe siècle d'une certaine manière.
15:49Et on débat beaucoup lorsqu'on parle de politique publique numérique,
15:52de sujets très techniques sur la responsabilité des plateformes,
15:56comment faire pour faire de la modération en ligne,
15:58l'intelligence artificielle.
15:59Mais avant tous ces sujets-là, il y a l'accès au réseau.
16:02Et donc si je suis le raisonnement qui vient d'être présenté,
16:04au bout d'un moment, il y a peut-être certains des Français,
16:07ça sera la fameuse diagonale du vide, qui n'auront plus accès
16:11ou qui ne pourront pas forcément avoir accès à la fibre demain.
16:14Donc cette question est importante.
16:16C'est-à-dire que je me souviens d'une passionnante chercheuse sociologue
16:21quand on était au Conseil National du Numérique
16:23qui nous parlait toujours de ces questions d'accès dans les territoires au réseau,
16:27qui est peut-être la première des questions avant même de penser à toutes les autres.
16:30Donc ça, c'est le premier aspect.
16:32C'est ne pas oublier une partie de la population sur la route
16:35puisque sinon on va creuser ce déficit.
16:37Ça veut dire, c'est un engagement de toute façon du gouvernement,
16:41mais ça veut dire de très très gros investissements.
16:44C'est tout l'ADN, mais merci effectivement, je souscris à 100%.
16:49C'est la diagonale du pire qui nous attend, si on ne fait pas attention.
16:53Et malheureusement, tous les signaux ne sont pas positifs.
16:57Si la procédure technique, la fermeture du cuivre est en cours et se passe bien,
17:01il y a quand même des enjeux sous-tendus sur les risques de perturbations du marché,
17:05entreprises notamment, et la continuité des services,
17:08des services qui sont parfois marginaux mais très utiles,
17:11de vidéoprotection, d'ascenseurs, de photocopieurs,
17:14toutes les choses accessoires, mais qui quand même doivent être appréhendées.
17:17Et c'est la raison pour laquelle la Fédération Infranume,
17:20à l'initiative d'Orange Concession, entend réaliser une communication de filière
17:25pour bien informer tous les Français effectivement,
17:27qui vont avoir peur de cela parce qu'on a rappelé cette pyramide de Maslow.
17:31Et oui, je suis d'accord pour dire que le numérique,
17:34l'accès aux infrastructures devient une facilité essentielle à la vie,
17:38à la survie de nos concitoyens qui peuvent être dans des situations médicales,
17:42d'assistance médicale ou autre.
17:44Attention, les signaux sur la couverture totale de notre pays à la fibre sont très mauvais aujourd'hui.
17:51On a eu des coûts de rabots budgétaires,
17:54on a des difficultés à réussir à atteindre ce 100%,
17:57et il va falloir prendre des mesures.
17:59On a besoin d'un gouvernement acteur, davantage acteur,
18:02pour réussir ce pari du 100% fibre.
18:06Hier soir, on était ensemble avec le Cercle Credo,
18:11qui a publié tout un guide très pédagogique sur ces sujets-là,
18:14justement en pointant les difficultés jusqu'au pied de l'immeuble,
18:19les questions de système de chaufferie,
18:21donc il y a beaucoup de choses à éclairer.
18:23Très belle lecture de chevet.
18:25Vous vouliez signaler un deuxième point par cette diagonale du vide ?
18:29Si on tire un peu ce fil de cuivre ou de fibre,
18:32enfin on est sur la question aussi des réseaux numériques,
18:36qui est au niveau européen peut-être l'un des prochains grands textes
18:40qui sera débattu l'année prochaine en 2025,
18:43et qui pose finalement la question de comment on va financer ces infrastructures.
18:49Ça relève des points essentiels en matière d'un marché
18:52qui est considéré par certains comme trop fragmenté
18:55et qui devrait peut-être être davantage concentré
18:58pour faire apparaître des acteurs européens
19:00qui seront capables de rivaliser avec d'autres opérateurs.
19:03Et puis la disparition de la fibre, finalement, c'est un peu une illustration,
19:07c'est un peu la métaphore aussi de la dématérialisation des couches basses
19:11et peut-être de la convergence de certains services.
19:14Et là encore, ça pose la question de savoir
19:16qui va contribuer au financement des infrastructures.
19:18On connaît l'éternel débat sur la neutralité du net,
19:21ce qu'on appelle au niveau européen le « fair share »
19:24pour savoir si les personnes qui sont davantage en train de faire passer
19:27de la donnée sur les infrastructures devraient ou non contribuer au financement
19:31au niveau des opérateurs, savoir s'ils devraient avoir le même régime de traitement.
19:35Et je pense que vous l'avez rappelé à juste titre,
19:37il y a des questions aussi d'ordre environnemental,
19:39c'est-à-dire comment contribuer à la réduction d'une empreinte
19:43qui peut être écologique.
19:45Et on sait que quand on stream, il y a des conséquences à cela.
19:49Donc véritablement, le règlement sur les réseaux numériques
19:54va faire apparaître aussi tout ce qui est en aval,
19:57lorsqu'on tire ce fil, tout ce qui arrive en aval sur les débats
20:01de concentration, d'apparition d'acteurs européens
20:05et de contribution au financement des infrastructures.
20:07Donc là, on a effectivement un texte qu'on attend au niveau européen,
20:10parce que pour l'instant, ce n'est qu'un livre blanc.
20:12Allez, je vous propose qu'on se connecte tout de suite avec Baptiste Robert
20:15pour parler de l'attaque des beepers, puis des Tokiwokis au Liban.
20:20Ça a commencé le 17 septembre, on a découvert comme ça
20:23sur les réseaux sociaux des vidéos d'explosions dans les poches,
20:26dans des malettes de personnes qui se trouvaient dans des lieux publics.
20:29Plusieurs personnes ont été tuées, des milliers de blessés,
20:33par ce qui s'est avéré être l'explosion simultanée de beepers
20:38appartenant aux membres du Hezbollah.
20:40C'en est suivi une autre série d'explosions, je l'ai dit, de Tokiwokis.
20:43Bonjour Baptiste Robert, merci d'être avec nous.
20:45Ici, on ne va pas parler politique, on va parler technique.
20:49Ces attaques, vu leur caractère simultané, on se dit qu'elles ont été préparées,
20:55déclenchées aussi sans intervention humaine sur place, à distance.
21:01Pour autant, on ne parle pas de cyberattaque, je crois.
21:04Tout à fait. Dans ce qu'on a pu observer dans cette attaque coordonnée,
21:10préparée, ciblée, on n'est pas sur une cyberattaque au sens propre du terme.
21:16On est sur de la cybernétique, puisqu'en réalité, ces beepers-là ont été modifiés au préalable.
21:28Ils ont été modifiés au préalable probablement via des intermédiaires,
21:33et on est sur une attaque plutôt de type supply chain,
21:36c'est-à-dire que directement, en amont, les beepers en question
21:42ont été préparés avec de l'explosif à l'intérieur et avec un détonateur,
21:49une capacité à faire exploser cette petite charge-là de manière très ciblée.
21:56Et d'après les différentes informations qu'on a pu avoir depuis lors que l'attaque a été déclenchée,
22:03il semblerait qu'en réalité, le commanditaire,
22:09donc ici probablement les services israéliens,
22:12avaient la possibilité de déclencher les beepers un à un.
22:17C'est-à-dire que ce n'est pas une attaque généralisée
22:20où ils ont envoyé un message à tous les beepers et tout a explosé en même temps.
22:24A priori, de ce qui s'est dit, c'est qu'ils ont poussé la sophistication de l'attaque
22:30jusqu'à être en capacité de cibler les personnes une à une.
22:34Donc ici, dans cette attaque-là, qui est une attaque extrêmement sophistiquée,
22:39il faut vraiment le préciser, c'est quelque chose d'assez inédit
22:43et on ne voit pas ce type de choses publiquement très souvent.
22:48Et donc dans cette attaque-là, il y a un travail de plusieurs années
22:54avant d'être en capacité de cibler une organisation de ce type-là
22:59et surtout, derrière, il y a des soucis logistiques, techniques,
23:05qu'il faut régler et qui sont assez fous.
23:08C'est aussi ce qui peut étonner Baptiste Robert.
23:13On se dit finalement, peut-être même qu'une cyberattaque classique
23:18aurait été plus simple à organiser.
23:20Et pourquoi passer par des beepers qui sont des petits appareils très peu connectés finalement ?
23:26Alors, la situation allait que le Hezbollah avait fait le choix,
23:30pour des raisons assez sensées, de ne pas utiliser les téléphones portables
23:34puisqu'on le sait, les téléphones portables vont borner à des antennes à proximité
23:40et donc, d'une certaine manière, vont donner la localisation des personnes
23:45avec le téléphone portable.
23:47Quelque chose de connu, reconnu, il n'y a pas de nouveauté sur la question.
23:51Et c'est pour ça qu'ils ont fait le choix de passer sur une technologie
23:54très ancienne.
23:55Les beepers, on parle de quelque chose qui était d'avant les téléphones portables.
24:00Donc, on est sur 50 ans, peut-être 40 ans de vie, quelque chose comme ça.
24:05Donc, une technologie qui n'est pas très avancée mais qui fonctionne.
24:09Et justement, qui ne fonctionne que dans une seule direction.
24:12C'est vraiment, j'envoie un message et ceux qui ont le beeper allumé le reçoivent.
24:17Mais ils ne peuvent pas répondre ?
24:19Juste pour préciser, parce qu'on a un peu oublié comment fonctionnaient les beepers
24:23depuis toutes ces années.
24:24On ne peut pas, en revanche, envoyer de messages depuis son beeper.
24:28Alors, ça fonctionne par ondes radio ?
24:31Exactement, et c'est de la radio.
24:33Donc, on ne passe pas par Internet.
24:35Et la réalité, c'est que quand on va parler de ce type d'organisation,
24:41qui est une organisation très particulière ici,
24:44avec tentaculaires, avec des gens qui ont cette notion de la sécurité aussi,
24:51la cyberattaque n'est pas forcément le premier axe.
24:54Et la cyberattaque, parfois, ne va pas faire l'effet escompté non plus.
24:59Ici, le but du commanditaire, encore une fois,
25:02c'est de neutraliser l'entièreté de la chaîne de commandement du Hezbollah.
25:07Ce qu'ils ont réussi à faire.
25:09Et on le voit dans cette attaque, ce qu'ils voulaient,
25:12c'est non seulement neutraliser les personnes détenteurs d'un beeper,
25:16obtenir de l'information sur l'intégralité des différents membres de cette organisation-là.
25:24Et en plus de ça, c'est d'insuffler une peur dans les moyens de communication.
25:32Et on l'a vu, puisqu'il y a eu une explosion des beepers,
25:36et ensuite une explosion de certains talkie-walkies.
25:39Donc, le but, il était multiple.
25:41Et avec une cyberattaque, on ne peut pas faire ce type de choses-là.
25:45Donc, ça nous semble, parce que pour certains, on travaille dans le domaine,
25:50donc ça nous semble extrêmement important, très critique, la cyber, etc.
25:54Mais la réalité, c'est qu'on est sur une organisation de terrain
25:58qui cherche à communiquer entre ses membres,
26:01des membres qui vont être un peu partout dans la société,
26:04et qui ont utilisé une technologie assez ancienne.
26:07Et là, dans ce contexte-là, si on cherche à neutraliser son ennemi,
26:12ici, dans le cas présent de l'OSBola,
26:14la cyberattaque n'est clairement pas la bonne manière de faire.
26:19Ce qui est intéressant aussi, Baptiste, et mes autres invités,
26:25c'est que finalement, on fantasme beaucoup la cyberguerre absolue,
26:31mais ces outils sont très peu utilisés par les organisations paramilitaires,
26:39parce qu'ils savent qu'il faut s'en méfier.
26:41Et finalement, on revient à la low tech, du côté de l'utilisation et du côté de l'attaque.
26:48Oui, c'est totalement exact.
26:50Nous sommes quand même dans un cas de guerre électronique,
26:53peut-être pas cyber au sens digital du terme,
26:56mais quand même, une guerre électronique que l'on a vue là,
26:59que l'on voit aussi en Ukraine,
27:01où le brouillage des ondes est un enjeu sur le terrain,
27:06qui conditionne un succès militaire immédiat,
27:09les attaques sur les radars,
27:11et sans parler des cyberattaques qu'on ne voit pas,
27:14mais qui sont monnaie courante entre les belligérants maintenant.
27:17Donc la guerre est totale, elle est aussi sur ce volet électronique et cyber,
27:21et je pense que la France a compris ça, bien entendu,
27:24et on se prépare, je ne sais pas si les prochaines décennies
27:28seront aussi paisibles dans notre pays qu'elles l'ont été,
27:30je l'espère et je le souhaite,
27:32mais elles le seront si aussi nous savons nous doter des meilleurs outils de défense,
27:35et dans les outils de défense,
27:37je voudrais vraiment qu'on insiste sur le quantique,
27:39qui va être un moyen de démultiplication de ces cyberattaques,
27:43et les premiers ordinateurs quantiques qui arriveront
27:46devront aussi être gérés par la France,
27:48si on veut rivaliser dans le domaine.
27:50Merci beaucoup, merci Baptiste Robert
27:53de nous avoir permis de mieux comprendre
27:55comment cela avait pu être orchestré,
27:57d'ailleurs on peut vous suivre sur Twitter,
27:59à chaque fois vous apporter des informations éclairantes,
28:02et puis merci à mes invités en plateau,
28:04Adrien Badevent et Philippe Legrand,
28:06d'avoir joué le jeu de ce grand débrief de l'actu.
28:08Merci Delphine.