Jeudi 19 septembre 2024, SMART TECH reçoit Jean-Louis Missika (ancien-vice président, IIiad) , Alain Staron (président cofondateur, Artifeel) , Marie-Christine Levet (Fondatrice, Educapital) et Maya Noël (directrice générale, France Digitale)
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00:00Cette semaine, pour parler de ce qui agite la tech, j'ai convoqué la fondatrice du
00:08plus grand fonds d'investissement européen dédié à la révolution de l'éducation.
00:12C'est comme ça qu'on peut présenter Educapital.
00:14Je suis bien présentée, merci Dachine.
00:16Bienvenue.
00:17Et puis le disrupteur opérationnel Alain Staron qui le prouve tous les jours avec sa
00:22start-up Artifil.
00:23Bonjour Alain.
00:24Bonjour Dachine.
00:25Et évidemment, je vous l'ai dit en introduction dans ce sommaire, Jean-Louis Missica, qui
00:28est l'entrepreneur Xavier Niel, s'est confié dans un livre d'entretien, même de conversation
00:34entre amis.
00:35Une sacrée envie de foutre le bordel, c'est le titre du livre, apparaît le 25 septembre
00:41chez Flammarion.
00:42Bienvenue Jean-Louis également.
00:44Merci.
00:45On va confronter nos points de vue tous ensemble sur l'événement qui rassemble la tech chaque
00:50année.
00:51Ça s'est tenu hier 18 septembre à Paris, le France Digital Day.
00:55On aura à ce sujet Maya Noël, connectée avec nous, qui était à la manœuvre, directrice
01:00générale de France Digital.
01:02On parlera donc bien évidemment, vous vous en doutez, de Xavier Niel en tête d'affiche,
01:07à la fois avec son livre, mais aussi avec ce one man show à l'Olympia hier soir.
01:15Et puis, troisième sujet, il va falloir quand même qu'on aille vite, qu'on se dépêche
01:18pour parler de l'éviction surprise de Thierry Breton, pas un mince sujet non plus.
01:23Alors on commence avec Maya Noël qu'on a vu à l'instant.
01:26Bonjour Maya.
01:27Bonjour.
01:28Comment s'est passé ce France Digital Day hier ? Parce que l'ambiance, j'avais peur
01:32qu'elle soit un petit peu morose quand même avec la situation économique, record de
01:36faillite dans les start-up tech, cette incertitude politique.
01:40Comment ça s'est passé ?
01:41C'est vrai que la situation est un peu morose et le France Digital Day, c'est un événement
01:47qui donne le la de la rentrée, donc un peu le tempo de ce qui va se passer pour la suite.
01:50Ce qu'on a vu, c'est qu'il y a eu un record d'affluence, donc je pense que les personnes
01:53qui sont venues avaient besoin un peu de savoir ce qui se passait, de comprendre un peu ce
01:56qui se passait autour d'elles, mais avaient surtout terriblement envie de se retrouver.
01:59Donc plus de 4000 décideurs étaient présents hier, plus de 30% d'investisseurs et d'entrepreneurs
02:05venus des quatre coins de l'Europe.
02:07Et surtout, on a eu différents intervenants qui ont quelque part un peu redonné espoir
02:11et qui nous ont fait comprendre pourquoi on faisait ce beau métier que d'entrepreneurs.
02:15Vous avez interviewé Thomas Joly, le directeur artistique des Jeux Olympiques.
02:19Qu'est-ce que vous avez appris de lui ? Pourquoi cette interview ?
02:21Pourquoi cette interview ? Parce que qu'est-ce que le métier d'entrepreneur ? Qu'est-ce
02:27qu'une start-up si ce n'est une envie de changer un peu les codes, de casser les codes
02:31et de voir grand ? Et c'est un peu ce qu'a fait Thomas Joly lors de ses cérémonies
02:36d'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques, aussi les cérémonies de clôture.
02:39C'est des choses hors nombre qui n'avaient jamais été faites avant, donc on l'a interrogé
02:42sur qu'est-ce qui pousse et quel est le vertige qu'on ressent quand on fait ça et comment
02:45on coordonne une équipe.
02:46C'est ni plus ni moins qu'un projet entrepreneurial et aussi on avait envie d'avoir un gros boost
02:53d'optimisme parce que quelque part, comme vous le disiez, effectivement la période
02:56peut être un peu morose.
02:57Les chiffres montrent que les start-ups se pensent quand même plutôt bien et sont assez
03:00résilientes.
03:01Mais on avait envie de continuer de s'influencer sur cette optimisme-là et de jamais voir
03:05s'arrêter ces Jeux Olympiques qui aujourd'hui laissent un héritage, je pense, hyper positif
03:09pour la France.
03:10Alors, vous avez aussi dévoilé la nouvelle liste des 251 grandes entreprises technologiques
03:14européennes qui réussissent à l'échelle mondiale, c'est ça qui est intéressant.
03:18Comment se positionne la France dans ce classement, dans cette cartographie ?
03:22Alors, c'est une liste qui n'a pas vocation à être totalement exhaustive.
03:25La chance qu'on a en France par rapport aux autres pays d'Europe, c'est qu'on a beaucoup
03:28de start-ups parce qu'on les connaît très bien.
03:30Contrairement à l'Allemagne, par exemple, elle donne leurs chiffres d'affaires, donc
03:34on en a aujourd'hui plus que les autres pays d'Europe.
03:36On se porte plutôt bien, mais ça on le savait déjà, on fait quand même partie des places
03:39les plus attractives en Europe en matière de financement et on a des très très belles
03:41start-ups qui émergent.
03:43Donc voilà, la France se porte bien, mais ce qui est très intéressant, c'est que même
03:47si on a des très belles start-ups en France, si vous allez dans d'autres pays d'Europe,
03:51si vous allez en Espagne, si vous allez aux Pays-Bas, si vous allez en Suède, elles ne
03:54sont pas forcément très connues.
03:55Et c'est ça qu'on veut montrer avec ce listing, c'est qu'on a aujourd'hui de très beaux potentiels
03:59en Europe, mais qui au final gardent un déficit de notoriété, notamment face à la concurrence
04:04étrangère, la concurrence américaine.
04:06Et c'est important de les mettre en avant pour à la fois les mettre en lumière auprès
04:10d'investisseurs, auprès de clients potentiels, et de comprendre en fait quels sont leurs
04:13besoins pour continuer à grandir.
04:15Parce que quand on interroge même les politiques, on s'aperçoit qu'ils ne connaissent pas très
04:20bien l'écosystème national, ça c'est assez troublant.
04:24Marie-Christine, vous y étiez hier au France Digital Day ?
04:27J'y étais, donc c'est vraiment l'événement de la rentrée où il y a tout le monde, c'est
04:30sympa, c'est dans un lieu superbe, c'est au musée des arts forains en plein soleil,
04:34donc c'est très agréable.
04:36Après j'ai trouvé qu'il y avait une bonne ambiance, il y avait beaucoup d'investisseurs,
04:39étonnamment, j'ai trouvé qu'il y avait vraiment beaucoup d'investisseurs, et j'aurais
04:42pensé qu'il y aurait pu avoir plus de start-up, et surtout je pense qu'il n'y a pas assez
04:46de grands groupes.
04:47On a quand même un énorme sujet en France où ce monde de la tech qui est quand même
04:51un monde important maintenant, on a 15 000 start-up, on a 1,3 million d'emplois, ils
04:55ne communiquent pas assez avec le monde des grands groupes, et c'est un peu le sujet
04:58de nos start-up, nos start-up ne se vendent pas assez dans des grands groupes, et il n'y
05:02a pas assez de cercle vicieux, ce cercle vertueux, ce cercle vertueux qui existe aux US.
05:08Donc voilà, je regrette juste qu'on n'a pas assez de coopérations.
05:11Des grands groupes, donc pas forcément de la tech, vous voulez dire ?
05:13Oui, des grands groupes qui pourraient racheter de l'innovation, c'est quand même ça le
05:16but des start-up, on s'est introduit en bourse, mais là les fenêtres des IPO sont quand même
05:22un peu fermées, donc c'est plutôt à un moment donné de se vendre et de créer ce
05:26cercle vertueux, de réinvestir dans d'autres sociétés, etc.
05:28Merci Maya Noël d'avoir été connectée avec nous.
05:32Cette idée que l'entrepreneur c'est quelqu'un qui a envie de changer le monde, ça on l'entend
05:37beaucoup de la part de Xavier Niel.
05:39Oui bien sûr, absolument, je pense que c'est peut-être la personne qui symbolise le mieux
05:46l'entrepreneuriat en France aujourd'hui.
05:48Et c'est pour ça d'ailleurs qu'il remplit l'Olympia et qu'il est suivi par des centaines
05:55de milliers de gens sur Twitter ou sur X, je ne sais pas comment il faut dire.
05:59Oui, il y a une grosse communauté.
06:00Alors sur la politique, est-ce que vous l'interrogez dans le livre ? On passe à notre deuxième
06:04sujet.
06:05Allez, ça y est, on y va.
06:06Il y a une sacrée envie de foutre le bordel.
06:08Donc ça c'est le titre du livre d'entretien du fondateur du groupe Iliad, maison mère
06:11de Free, inventeur de la première box internet.
06:15C'est le gars qui a cassé tous les prix dans les télécoms et aussi les codes dans ce secteur
06:21et puis qui a embarqué cette communauté de fans de Freenote qui n'en finit pas de grossir
06:27j'ai l'impression puisque hier Xavier Niel a même fait le show à l'Olympia hier soir.
06:33Visiblement, c'était absolument réussi, c'était une fête.
06:37Je suis parti.
06:38On sait pas trop à quoi s'attendre.
06:39Jean-Louis, je ne sais pas si c'était prévu comme un coup de com autour du livre ou une
06:46blague entre potes qui finalement s'est réalisée.
06:48Je crois que c'est un peu des deux.
06:49C'est-à-dire que l'éditrice Sophie Closet a dit qu'on pourrait lancer le livre dans
06:56un lieu un peu mythique comme l'Olympia.
06:59Xavier n'aime pas faire les choses comme tout le monde donc l'idée d'être assis
07:04sur un fauteuil et interviewé par un journaliste ne lui plaisait pas tellement et du coup c'est
07:09comme ça que c'est devenu cette espèce de show un peu potache, délirant et en même
07:17temps très amusant.
07:18Personne n'est venu là en espérant avoir la leçon pour devenir milliardaire mais beaucoup
07:26étaient venus là pour s'amuser et je crois qu'ils n'ont pas été déçus.
07:29Il n'y a pas eu beaucoup de vrais tips pour comment devenir milliardaire.
07:33Il y en a eu quelques-uns.
07:34D'abord il a dit que c'était par l'entrepreneuriat.
07:36C'est vrai.
07:37C'est quand même pas rien.
07:39Il a dit qu'il y a deux manières d'être milliardaire.
07:41Soit on est fils de milliardaires, soit on crée une entreprise.
07:47Soit on crée une entreprise.
07:48Et sur la politique, parce que vous le titillez dans le livre, ça ne vous tente pas une présidence
07:54de la République ? Pourquoi pas après tout ? Il dit quand même que pourquoi pas maire
07:58de Paris, qu'il adore, mais bon un doux rêve sur lequel il ne parie pas beaucoup.
08:03Mais il dit que ce n'est pas les politiques qui changent vos vies, les politiques mettent
08:07des règles et mon œuvre c'est de savoir contourner ces règles.
08:12Vous êtes d'accord avec ça Alain, entrepreneur ?
08:16On essaie plutôt, dans ce qui nous concerne, d'être en avance sur les règles.
08:21On va chercher les gens, les régulateurs, là où ils ne savaient pas qu'on pouvait
08:25être.
08:26Il y a très longtemps, j'en me souviens, j'ai fait de la pub pour les alcools à la
08:31télévision.
08:32C'était rigoureusement interdit, mais je l'ai fait d'une manière qui ne pouvait pas
08:35l'interdire.
08:36En fait vous êtes un voyou également Alain, c'est ça ?
08:39Oui, pas vraiment, un petit peu, mais enfin bon, non ce n'est pas ça, on veut faire
08:43avancer le monde, les politiques ne regardent que le rétroviseur, ils régulent sur ce
08:48qui s'est passé.
08:49Ils n'ont pas les critères pour regarder devant, c'est les entrepreneurs qui regardent
08:52devant.
08:53Si un entrepreneur regarde devant, il crée un monde pour lequel le régulateur ou le
08:57politique n'a aucun code.
08:58Ça doit devenir compliqué parce qu'en terme de réglementation aujourd'hui, ça commence
09:02à être franchement garni dans le domaine du numérique.
09:04Oui, mais enfin l'innovation, il faut comprendre une chose, c'est que l'innovation par définition
09:08c'est une rupture.
09:09Et donc par rapport à l'ensemble des règles qui gouvernent un secteur, que ce soit le
09:19secteur des taxis par exemple, si on prend le cas de Uber, ou que ce soit le secteur
09:25de l'hôtellerie, si on prend le cas de Airbnb, vous vous rendez bien compte que ces boîtes,
09:30qu'est-ce qu'elles ont fait ? Elles ont contourné ou en tout cas elles ont joué avec un système
09:35de régulation qui n'avait pas pris en compte leur existence.
09:39Et dans le bouquin, Xavier raconte qu'au moment où le piratage a commencé, le piratage
09:46informatique a commencé, il y avait zéro régulation et vous savez comment la justice
09:54a essayé de lutter contre le piratage ? Ils ont accusé les pirates de vol d'électricité
10:00parce qu'ils se branchaient sur le système de l'entreprise et donc ils volaient de l'électricité.
10:05Et donc vous avez des jeunes gamins de 16-17 ans qui se sont retrouvés devant des flics
10:12et des juges parce qu'ils avaient volé de l'électricité tout simplement parce que
10:15le délit de piratage n'existait pas.
10:17Et donc il a fallu ensuite construire toute une réglementation, toute une architecture
10:23juridique qui fait que maintenant vous avez le cybercrime et la lutte contre la cybercriminalité.
10:29Alors je voulais en savoir un petit peu plus sur la manière dont vous avez fonctionné
10:33parce que c'est vraiment très réussi au niveau du ton conversationnel, on a l'impression
10:38d'entendre Xavier Niel parler quand on lit le livre, donc ça se lit très facilement,
10:43il ne faut pas avoir peur des gros mots, c'est du langage du quotidien, c'est vraiment
10:49très réussi.
10:50Je sais que c'est vous qui l'avez convaincu parce que vous le racontez dans la préface,
10:53il vous dit « pose tes questions et puis on verra bien ».
10:56On verra ce que ça donne, c'est typique de Xavier Niel ça.
10:59Comment vous avez procédé ? Vous avez eu des entretiens très réguliers, à Heurphit.
11:03Oui, bien sûr, j'ai réussi à bloquer sur son agenda pas mal d'heures d'entretien,
11:09il y a plus d'une quinzaine d'heures d'entretien et on était tous les deux face à face, j'avais
11:15mon téléphone qui était posé sur la table et j'enregistrais nos conversations.
11:21Il faut savoir qu'on se connaît depuis très longtemps, Xavier et moi, j'ai été vice-président
11:28d'Iliade Free, et que ce type de conversation, on les avait avant de façon informelle et
11:34en réalité ce qu'on a fait c'est qu'on a essayé de formaliser un peu ces discussions
11:39que nous avions de façon plus informelle auparavant.
11:43Alors quand vous dites « formaliser », ce n'est pas formel justement, du tout comme forme.
11:46Si, on est passé de la parole au texte et surtout on a enregistré.
11:51Mais ça m'a amusé parce qu'il y a même un passage où vous le challengez, ce récit
11:57Marine Le Pen arrivait au pouvoir, alors il vous dit « ce serait une super nouvelle pour
12:01le monde » et vous écrivez dans le livre Le Monde en Italie, on comprend bien qu'on
12:05parle du journal Le Monde, mais quand même vous écrivez, mais tu veux dire Le Monde
12:09le journal, c'est-à-dire que vous jouez vraiment la retranscription orale.
12:12Oui, absolument, c'est ce que je dis dans l'introduction, j'ai vraiment essayé de…
12:17Xavier Niel c'est un style, c'est un ton, c'est une gouaille, c'est beaucoup de gros mots.
12:23Bon alors, est-ce que vous gardez les gros mots, est-ce que vous ne les gardez pas ?
12:25On a gardé les gros mots, voilà, donc on a du con et du bordel, y compris dans le titre
12:30d'ailleurs, assez souvent dans ce… mais c'est sa manière à lui de fonctionner,
12:35de garder ses racines avec la ville de Créteil où il a vécu pendant si longtemps.
12:41Et pourquoi vous dites que Xavier Niel est rassurant à un moment dans l'histoire ?
12:44Je le trouve rassurant, je dis qu'il est rassurant en comparaison avec un certain Elon Musk.
12:50C'est vrai, on est nombreux dans le cas.
12:53Je pense que je ne suis pas le seul à penser ça, mais je dis oui effectivement que Xavier
13:00Niel, non seulement a gardé les pieds sur terre, mais il a gardé le contact avec le
13:03monde réel, il a gardé le contact avec les gens ordinaires.
13:05Et d'ailleurs ça s'est vu hier à…
13:07Et il le travaille même !
13:08Et il le travaille, absolument.
13:09Voilà, il fait en sorte de s'entourer de jeunes, de rester en paix avec ce qu'il
13:13se passe.
13:14Et à l'école 42, il y va régulièrement, discuter le coup avec les jeunes qui étudient
13:18là-bas.
13:19Il a les catacombes, et les catacombes ce n'est pas seulement un hobby, je dirais,
13:25individuel.
13:26Il y a une communauté des catacombes, et les gens qui visitent les catacombes, ils
13:30ne sont pas milliardaires.
13:31Donc c'est pour lui une manière justement de garder le contact, et d'ailleurs vous
13:37avez vu ce qu'il dit sur Musk dans le bouquin, c'est violent.
13:40Ce qui m'interroge, il s'avère que je suis en train de lire un livre sur le mythe
13:47de l'entrepreneur, qui prend comme exemple la mythologie autour de Steve Jobs.
13:52Est-ce que là il y avait aussi peut-être une recherche de la part de Xavier Niel, d'une
13:57certaine postérité, et le choix ? Vous dites que vous êtes ami d'une vingtaine d'années,
14:03vous avez effectivement travaillé de manière rapprochée avec lui chez Iliad, mais vous
14:07êtes aussi l'auteur d'ouvrages, d'entretiens, avec des personnalités illustres.
14:12Raymond Aron, le cardinal des Stygées.
14:15Est-ce qu'il a eu cette recherche aussi, un moment, de se dire finalement c'est peut-être
14:19un objet pour la postérité ? Est-ce que vous avez senti ça ?
14:22Vous savez, la postérité des livres, on ne sait pas ce qu'elle est au moment où
14:25on le sort.
14:26Le spectateur engagé, le livre que j'ai fait avec Raymond Aron, je crois qu'on doit
14:29être à la vingtième édition, et on a sorti une nouvelle édition l'année dernière.
14:33Il est traduit dans une cinquantaine de langues.
14:36Donc oui, effectivement, quand on fait un ouvrage comme celui-là, c'est certainement
14:41pas comme une soirée à l'Olympia.
14:43C'est quelque chose qui laisse une trace, on dit verba volent scripta manent, les écrits
14:48restent.
14:49Et je pense qu'il y a aussi beaucoup de choses fausses qui se sont dites sur Xavier,
14:55sur son séjour en prison, sur ce qu'il fait, sur ce qu'il vit, etc.
14:59Et pour lui, c'était aussi une manière de rétablir un peu les choses et de dire
15:05sa vérité.
15:06Ce n'est pas la vérité, mais c'est ça, c'est sa vérité.
15:09Je voudrais insister aussi sur un point qui me paraît important, c'est que dans ce
15:12livre, on ne parle pas que de sa vie et de son parcours.
15:16On aborde des sujets comme l'impact des réseaux sociaux sur la démocratie, les risques de
15:21l'intelligence artificielle, les désillusions du numérique.
15:24Et là-dessus, il a des idées vraiment intéressantes, assez originales, parfois un peu provocatrices.
15:31Mais je pense que...
15:32Vous parlez d'un bon sens geek.
15:33Oui, le bon sens geek.
15:35Exactement.
15:36Ce n'est pas un bon sens paysan, c'est un bon sens geek.
15:38C'est une autre forme de bon sens.
15:41Et je pense que les gens qui liront ce livre pourront aussi comprendre un certain nombre
15:47d'enjeux.
15:48Par exemple, le rôle de l'éducation.
15:49Pour faire la transition avec Marguerite, mais le rôle de l'éducation dans lequel
15:55il montre que l'éducation nationale et les systèmes éducatifs en général n'ont pas
16:01pris en compte la révolution de la connaissance que représente Internet et sont complètement
16:05dépassés.
16:06Et du coup, les enfants ne sont pas éduqués correctement aujourd'hui à cause de cette
16:09non prise en compte de la révolution numérique et du fait que vous avez maintenant un accès
16:14à des milliards d'informations, à des milliards de connaissances sur le web et qu'une des
16:19principales choses que vous devez faire, c'est d'essayer d'apprendre à s'en servir.
16:23Absolument.
16:24C'est un discours qui fait du bien, Marie-Christine, à entendre, surtout à l'heure où on entend
16:32beaucoup de choses sur les smartphones, c'est terminé, la guerre aux écrans, tout ça.
16:37Le fond du sujet, c'est qu'est-ce qu'on fait avec ce numérique, comment on l'apprivoise.
16:41J'ai bien aimé aussi cette idée que ses plus beaux moments, c'est quand il est au
16:45bureau.
16:46Entreprendre, c'est aussi être un amoureux de son travail.
16:49Il dit que pour lui, travailler, c'est jouer, c'est la même chose et que donc ce qui compte...
16:54C'est même plus marrant que le loisir des catacombes, c'est vraiment là où il s'éclate.
16:59Exactement.
17:00Il s'éclate.
17:01Peut-être que vous voulez une réaction avant qu'on passe au sujet ?
17:04Oui, moi je trouve que c'est un esprit très libre et très impertinent, mais c'est vraiment
17:10un esprit libre.
17:11Moi, je l'ai bien connu aussi parce que j'ai été à la fois concurrente de lui il y a longtemps.
17:18C'est vrai qu'on a vu arriver la Freebox qui faisait l'Internet, le téléphone et la télé,
17:24mais c'était vraiment une disruption énorme dans ce secteur des télécoms qui était
17:29quand même un secteur très classique.
17:30C'est vrai que tout ce qu'il a entrepris...
17:32C'est un scoop que j'ai sorti d'ailleurs.
17:34Un profit pour le rappeler en 2002 dans SVM.
17:37Et tout ce qu'il a fait, je trouve qu'il a cassé les codes.
17:39Déjà, il casse les codes lui-même parce qu'il n'est pas ici du CERAI, c'est pas l'IX
17:43ou l'ENARC.
17:44C'est vrai qu'il a cassé les codes.
17:45Il a cassé les codes en créant le plus grand incubateur, il a cassé les codes en créant
17:49l'école 42 totalement gratuite.
17:51Il casse les codes et je trouve que c'est bien d'avoir une vision aussi positive de
17:57l'entrepreneuriat et des gens qui réussissent parce que c'est vrai qu'en France, on a tendance
18:01souvent à voir les gens qui réussissent pas du meilleur œil et souvent dans une
18:05prison dorée.
18:06Et là, on a quelqu'un d'accessible.
18:07Moi, il est intervenu devant tous les entrepreneurs de nos fonds, devant plus de 40 entrepreneurs
18:14vraiment en one-to-one et c'était une bouffée d'optimisme.
18:17C'est quelqu'un de très optimiste qui voit toujours le bon côté des choses, qui voit
18:21toujours des solutions.
18:22A tout problème, il voit une solution, quelqu'un de très optimiste et qui donne envie d'entreprendre.
18:28Alain, on passe à un autre sujet, sujet important puisque j'ai envie de dire tableau blanc sur
18:34fond blanc.
18:35Lundi 16 septembre, Thierry Breton a publié cette image, mon portrait dans la nouvelle
18:40commission.
18:41Bon, il n'y avait pas d'image, blanc sur blanc, donc il ne siègera plus à la commission
18:46européenne.
18:47Dans la foulée, il a quand même publié sa lettre de démission, très amère, il raconte
18:53que la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, lui a demandé à la France
18:58de retirer son nom de la liste des candidats à la commission pour un portefeuille prétendument
19:03plus influent pour la France, alors que le 25 juillet, il était entendu que ce serait
19:08Thierry Breton qui reviendrait, Emmanuel Macron l'avait même annoncé, officialisé.
19:12Donc voilà, il évoque des tractations dans son dos, des raisons personnelles aussi, il
19:19évoque des raisons personnelles qui n'ont pas été discutées avec Ursula von der Leyen.
19:22Alors là, je pense que ça n'a pas été discuté, mais enfin tout le monde voit à quoi on fait
19:24allusion, puisqu'il a quand même monté une fronde contre la présidence.
19:29Je voulais peut-être une réaction sur ce que ça veut dire aussi politiquement sur
19:35l'influence de la France au niveau de l'Europe, Jean-Yves Musiquet, vous êtes aussi un homme
19:39politique.
19:40Ce que ça veut dire, je pense que ça traduit quand même une certaine forme d'affaiblissement
19:45de la France dans le concert européen, qui est directement lié d'abord à la crise
19:50politique que nous traversons aujourd'hui, au fait que l'Assemblée nationale n'a pas
19:56de majorité et qu'on voit mal comment à l'horizon pourrait se dessiner une majorité,
20:02et puis aussi quand même la situation budgétaire du pays qui est de plus en plus critique et
20:08qui fait que la voix de la France dans le concert européen est quand même beaucoup
20:11plus faible, beaucoup moins entendue, plus un certain déplacement du pouvoir européen
20:19vers l'Est, vers les pays de l'Est, les pays qui sont à la frontière de la Russie
20:24à cause de la guerre en Ukraine.
20:26Il n'y a pas que la France qui est affaiblie, l'Allemagne aussi est affaiblie, mais la
20:30France est plus affaiblie que l'Allemagne, et on sait que Van der Leyden et Thierry Breton,
20:38c'était comme l'eau et le feu, c'était une haine inexpiable, et Van der Leyden qui
20:45est une fine politique, à mon avis plus fine politique que Thierry Breton, a trouvé
20:50le moment, la bonne fenêtre d'opportunité pour réclamer son départ et être débarrassé
20:57d'un adversaire qui aurait quand même plombé pas mal son mandat à la tête de la Présidence.
21:03En même temps Thierry Breton a apporté énormément les nouvelles réglementations autour du numérique,
21:07alors finalement est-ce que son départ ce n'est pas une bonne nouvelle pour les entrepreneurs
21:10en se disant ça va peut-être un peu être plus relax la nouvelle commission ?
21:14Non, non, non, le digital market act, c'est quelque chose de fondamental pour les entrepreneurs
21:21puisque justement ça contraint les gatekeepers à faire attention et puis on arrête la verticalisation
21:29absolue, ce qui fait qu'il n'y a plus la place pour les petits.
21:30Maintenant je trouve que Thierry Breton fait un excellent travail, et ce n'est pas parce
21:33qu'il part que les textes sont abrogés, donc restons là-dessus, après pour paraphraser
21:39Raymond Haron, on assiste à la rotation des élites.
21:42Il y avait cinq pays forts en Europe, et bien ce n'est plus les mêmes maintenant, on va vers l'Est.
21:47C'est exactement ce que je dis.
21:48Je crois aussi que, juste un dernier mot, parce que je ne veux pas prendre la parole pour Marie-Christine,
21:54mais je crois aussi que quand même sur cette question de la réglementation,
21:59il y a une vraie réflexion qu'il faut mener.
22:02Et notamment je pense que ce n'est pas tant le DSA ou le digital market act qui posent problème
22:11que le document qui est sorti après sur l'encadrement de l'intelligence artificielle,
22:16de la recherche intelligente.
22:17Ce document-là, on a voulu le sortir le plus vite possible, et peut-être qu'il aurait
22:23mieux fallu réfléchir à deux fois, parce que ça va inciter les start-up à aller s'installer
22:28dans des pays où ils ne sont pas réglementés.
22:31Il y a une lettre ouverte qui sort aujourd'hui même d'ailleurs dans plusieurs quotidiens
22:35nationaux pour demander à repenser plus de compétitivité que réglementation sur l'IAC.
22:41Je voulais avoir la réaction, parce qu'on n'a plus beaucoup de temps, de Marie-Christine Levé.
22:46Est-ce que aussi ce départ de Thierry Breton, ça vous inquiète par exemple pour des dossiers
22:49que vous pouviez porter auprès de lui au niveau européen ?
22:52Non, pas pour des dossiers européens, mais je pense qu'il a quand même eu quelque chose
22:56dont il faut reconnaître, il a eu le courage quand même d'affronter les diapharmes et
23:00les grandes plateformes.
23:01Et ça, c'est un courage dont on a vraiment besoin, parce qu'il y a une place prépondérante
23:05qui est prise par ces diapharmes, et on a besoin d'un courage politique.
23:09Après, c'était une décision purement politique d'animosité énorme entre les deux, et à
23:14la fin, c'est quand même l'Allemagne qui gagne, mais il faut lui reconnaître un courage
23:19énorme, et il faut espérer quand même qu'on garde ce courage énorme, parce qu'autrement
23:22il y a une mainmise de la tech énorme par les diapharmes et les grandes plateformes
23:27sur tous les sujets.
23:28Il a eu le courage sur la modération, il a eu le courage sur… Il faut garder ce courage
23:34européen.
23:35C'est dingue parce qu'effectivement, on voit ce courage à travers ne serait-ce que
23:37les postes d'Elon Musk, qui ont été vraiment insultants, et le dernier, alors le dernier
23:42est génial, parce qu'Elon Musk lui souhaite bon voyage, et il lui répond, il reste des
23:46places pour Mars, parce que moi je verrais bien quelques réglementations pour là-bas.
23:49Il garde son sens de l'humour, Thierry Breton, et puis il ne s'en laisse pas compter face
23:55à Elon Musk.
23:56Donc c'est un symbole aussi, finalement, de la force de l'Europe qui s'en va, c'est
24:00ça qu'on peut craindre.
24:01Moi, c'est le gros danger.
24:03Si on avait quelqu'un qui a réussi à faire face, qui a réussi à imposer des textes,
24:07et qui part.
24:08Je trouve ça dommage, et quant au texte sur la réglementation de l'IA, je suis entièrement
24:12d'accord, et on assiste à ce qu'on fait au début de la conversation, il faut réglementer,
24:17mais si on réglemente trop vite, parce que la technologie va de plus en plus vite, et
24:20bien ça finit par se prendre la queue, et on finit par figer le système, et c'est
24:23un vrai risque.
24:24Stéphane Séjourné qui récupère une partie seulement.
24:26Non, non, non, ce n'est pas lui.
24:28Justement, ce que je voulais dire, c'est que…
24:30En fait, il ne reprend pas le…
24:31C'est une Finlandaise, je crois, qui récupère le dossier numérique, et elle a un très…
24:36Elle récupère le dossier souveraineté numérique.
24:38Oui, elle a l'air très compétente, et donc il faut aussi quand même lui laisser
24:41sa chance.
24:42C'est ce que je voulais préciser, c'est que Stéphane Séjourné, lui, récupère
24:44la place française, on va dire, mais son portefeuille sera complètement différent.
24:51Voilà, il sera plutôt sur les questions de stratégie, marché intérieur, industriel.
24:56Merci beaucoup à tous les trois, Marie-Christine Levet, Dédue, Capital, Jean-Louis Missika
25:00et Alain Staron d'Artifil de m'avoir accompagné pour ce débrief.
25:03On se retrouve très bientôt pour de nouvelles discussions sur la tech.